08/07/2012
De Soler, d’Onfray et de leurs détracteurs. Sur le monothéisme.
Jean Soler est un remarquable historien spécialisé dans l’étude des origines du monothéisme. Acteur engagé de la société civile, dans ses deux derniers ouvrages, « La violence monothéiste » et « Qui est Dieu ? », il s’attaque aux trois monothéismes abrahamiques, en insistant sur la violence et l’exclusion qui leur seraient naturellement associées. Sa thèse n’est pas nouvelle et s’inscrit dans la plus pure tradition voltairienne, puis « néo-droitière », mais dans une version mise à jour à la suite des travaux novateurs d’archéologues israéliens (les auteurs de « La Bible dévoilée »). Ce n’est pourtant pas Soler qui crée le scandale mais l’éloge que Michel Onfray a prononcé dans Le Point à propos de son dernier ouvrage, reprenant en les vulgarisant les principales thèses de l’auteur dans son dernier opus.
Onfray nous a habitués à son combat contre l’obscurantisme religieux, lui-même professant un athéisme explicite et revendiqué, ce que nous ne partageons pas avec lui, partisans que nous sommes d’une vision bien au contraire ouvertement polythée. Il n’est pas étonnant que Soler lui ouvre de nouvelles perspectives, lui qui prend modèle sur le philosophe à coups de marteau, le démolisseur des idoles « galiléennes », pour reprendre l’expression de l’empereur Julien.
Depuis plusieurs jours, de nombreux intellectuels, notamment issus de la communauté juive, dénoncent Onfray comme un antisémite. Rien ne permet dans la pensée d’Onfray de le qualifier de tel puisque, très bon connaisseur de Nietzsche, il partage avec lui le refus absolu de l’antisémitisme, considéré comme d’essence chrétienne. Et son choix de privilégier Athènes à Jérusalem ne saurait en aucune manière être considéré comme une démarche d’hostilité mais comme un souci naturel de se relier à une tradition antique issue du génie européen propre.
Jean Soler, dans la conclusion de son pénultième ouvrage, annonce un retour à l’héritage grec, un peu comme Pléthon prédisant que la religion de l’avenir ne différerait guère de la religion grecque antique, déclarant qu’ « ils arriveront à cette conclusion, qu’en abandonnant le modèle gréco-romain pour le modèle judéo-chrétien, l’ère monothéiste aura été, avec ses ombres et ses lumières, ses ombres surtout, une erreur de parcours dans l’histoire de l’humanité ». Mais il ne pousse pas son raisonnement jusqu’au bout, évitant le choix courageux d’un Louis Ménard ou d’un marquis de Sade, celui de retrouver la matrice antique en renouant avec le polythéisme hellénique, avec l’olympisme. Et alors que dans quelques jours auront lieu de nouvelles olympiades, selon le vœu du baron de Coubertin de ramener à la vie ces jeux en l’honneur de Zeus, cela aurait été la cerise sur le gâteau. Car c’est un vœu pieux de croire qu’on pourrait retrouver la liberté de pensée des Grecs si on ne remet pas en cause et de manière absolue la marque que le monothéisme a laissée sur le visage lumineux d’Europê, si on ne renoue pas avec les dieux immortels qu’honoraient les philosophes grecs, au même titre que les simples citoyens.
Et pourtant Soler et Onfray commettent dès le départ une erreur de méthode, à savoir qu’ils se refusent à séparer le judaïsme du christianisme et de l’islam, et qu’ils ne perçoivent pas l’impact de l’universalisme comme vecteur de violence, contestant l’ethnocentrisme qu’ils prêtent aux Juifs, et s’indignant des lois hostiles à la mixité ethnique contenus dans les textes sacrés juifs, mais qu’on retrouve aussi bien dans l’Avesta iranien et dans les Lois de Manu en Inde. En effet, c’est bien l’universalisme, chrétien ou musulman, annoncée aussi à leur manière par Socrate et par l’empire romain, qui est la principale cause de violence, puisque l’autre n’est plus respecté en tant qu’autre mais se voit contraint de cesser de l’être et de se rallier à la nouvelle religion. Le caractère non-prosélyte (au sens moderne) du judaïsme, comme du zoroastrisme et de l’hindouisme, ce dernier étant une religion par ailleurs polythéiste et apparentée à l’hellénisme, change complètement la donne. Et Onfray, en ne renonçant pas à l’universalisme, se montre malgré lui disciple de Paul de Tarse pour qui il n’y a plus « ni juif, ni grec », déclarant ainsi la guerre religieuse tant à l’olympisme qu’au yahvisme.
Il y a eu certes, indéniablement, aux origines du yahvisme, une part de violence et de persécution. Mais c’est se méprendre que de prendre en compte le récit du VIIème siècle avant J.C selon lequel les Hébreux seraient venus d’Egypte et auraient décimé les Cananéens avant de s’installer dans une nouvelle terre promise. En vérité, non seulement nous savons aujourd’hui que ces récits de destruction des cités cananéennes n’ont aucune réalité historique, mais cela témoigne en réalité d’un conflit religieux au sein des Cananéens eux-mêmes.
C’est en effet au sein du peuple cananéen que va naître la scission yahviste, la mise en place d’un culte rendu à un dieu ethnarque reprenant les fonctions d’El Elyon, le dieu suprême du ciel, dieu honoré sur l’acropole de Jérusalem, et de Baal Adad, le maître de l’orage. Le panthéon cananéen était très riche en divinités masculines et féminines, parmi lesquelles des dieux souverains, ceux que je viens d’évoquer, mais aussi de grandes déesses, comme Elat Asherah, épouse d’El puis de Yahweh dans les premiers temps du judaïsme, la guerrière Anat, sœur et amante de Baal, et la merveilleuse Ashtoreth, celle-là même honorée à Babylone sous le nom d’Ishtar, toutes divinités remontant à au moins 6000 avant J.C, du temps où l’on parlait encore le proto-sémitique en Arabie.
Pendant des siècles, chaque souverain alternant philo-paganisme ou yahvisme intransigeant, prêtres de Yahweh et prêtres de Baal s’affronteront afin de convaincre les uns d’adopter la nouvelle religion, les autres de maintenir l’antique tradition. C’est en 620 avant J.C que le roi de Judée, Josias, prend position en faveur des yahvistes, ceux-ci se définissant comme hébreux et réservant désormais le terme tribal « cananéen » aux seuls païens. Lorsque la Bible dénonce les cananéens, elle dénonce uniquement les païens, de même qu’avec la christianisation de l’empire romain le nom ethnique d’ « hellènes » servit à désigner les fidèles des dieux de l’Olympe. Ainsi, le peuple juif n’est autre que le peuple cananéen devenu monothéiste et adepte du seul Yahweh, les autres dieux ayant été abandonnés et jusqu’à l’épouse même de Yahweh. Le mythe de la disparition des Cananéens doit se comprendre comme la conversion accomplie de l’ensemble de ce peuple.
Une fois que les cananéens sont devenus les judéens (yehudim), l’expansion du yahvisme s’arrête totalement, et à cette phase de prosélytisme violent succède une phase d’ethnocentrisme modéré, d’indépendance affirmée, jusqu’à ce que les empires voisins, aux appétits conquérants, s’intéressent à leur terre. Ce sera la domination des Assyriens, des Perses, des royaumes hellénistiques et de Rome. A aucun moment, les Judéens ne déclareront la guerre mais ils subiront ces jougs étrangers, rêvant d’un nouveau David libérateur, certains réussissant comme Judas Macchabée, et d’autres échouant lamentablement comme Simon Bar Koshba.
Si l’empire romain, à la différence d’un empire perse plus complaisant, s’oppose aux judéens, c’est parce que la Judée est une province romaine turbulente et révoltée. Du jour où la rébellion est totalement vaincue, avec la destruction de Jérusalem par Hadrien, cité transformée en une ville païenne, Aelia Capitolina, dédiée à Jupiter Capitolin et Zeus Olympien, le site du temple d’El Elyon puis de Yahweh étant désormais doté d’un temple de Zeus, la judéophobie des autorités romaines cessa rapidement. Les vexations sont supprimées par Antonin le Pieux. Et face au christianisme des Constantinides, païens et juifs combattront ensemble, au point où l’empereur Julien entamera la reconstruction du Temple, se révélant le premier sioniste.
Ainsi, si la phase de conversion des cananéens polythéistes a été de nature violente, comparable à la christianisation de l’Europe ou à l’islamisation du Moyen-Orient, le judaïsme cesse de l’être une fois ce processus accompli. Bien au contraire, au même titre que le paganisme, le judaïsme est persécuté, et notamment par les chrétiens et les musulmans, et ce n’est pas un hasard si le seul havre de paix dans l’Occident médiéval pour les juifs d’Europe a été la Lituanie païenne. Onfray et Soler, tout comme Voltaire, pensent qu’en s’attaquant aux racines juives du christianisme, et de l’islam, ils pourront triompher du monothéisme. Ils se trompent. C’est en renonçant à tout universalisme, en se recentrant sur l’Europe, qu’ils pourront redécouvrir les charmes de l’antiquité.
Mais il ne faut pas simplement choisir le camp d’Athènes, mais aussi celui de la Rome de Romulus, de Tara (sanctuaire druidique renommé), d’Uppsala (haut lieu de culte des dieux d’Asgard) et d’Arkona (sanctuaire slave). C’est en (re)devenant païens que cette haine stupide qui a pour nom « antisémitisme » cessera simplement d’exister. Elle était inconnue de nos ancêtres d’avant le christianisme, car ceux-ci ne se sentaient pas en religion des vassaux. Le judaïsme, lorsqu’ils étaient amenés, rarement, à le connaître, leur paraissait sans doute bien étrange, avec son absence de représentation de la divinité, comme Pompée entrant dans le saint des saints s’en étonnera, et les troupes romaines occupant la Judée, dans un contexte difficile, n’étaient pas nécessairement très judéophiles, à l’instar de Ponce Pilate. Il est vrai que, face aux nationalistes judéens, ils jouaient leur vie. Et si Jésus, à supposer qu’il ait réellement existé, a été exécuté par les autorités romaines, c’est parce qu’ils voyaient en lui, par sa revendication de « roi des Juifs » et de descendant de David, revendication qui avait aussi été celle de Judas Macchabée, un nationaliste rebelle, un indépendantiste menaçant la paix romaine dans la région. Ce n’est alors pas un hasard qu’il ait connu le sort des compagnons de Spartacus, ce dernier étant toutefois mort au combat et non sur la croix, contrairement à la légende.
C’est par le retour à ses (anciens) dieux que l’Europe, renouant ainsi avec sa plus longue mémoire, et Israël pourront renforcer leur amitié, malgré un passé douloureux difficile à faire passer. L’occupation romaine de la Judée puis le christianisme nous ont séparés, alors qu’Alexandre, César et Auguste étaient des amis du peuple juif, considérés comme tels, et étaient en même temps de solides polythéistes. Le judaïsme, parce que c’est une religion nationale, celle d’un peuple, n’est pas comparable au christianisme et à l’islam, même si ces derniers se sont appuyés sur le monothéisme israélite pour se bâtir. Les Juifs ne sont pas responsables de ce que leurs prétendus héritiers, qui les ont persécutés par ailleurs, ont pu commettre.
Par ailleurs, un courant idéologique original n’a jamais cessé d’animer le mouvement sioniste, au sein même de la Haganah par exemple, celui des « Cananéens », c'est-à-dire des Judéo-païens. Inspiré par l’œuvre du poète israélien Adyah Gurevitch (1907-1975), ceux-ci souhaitent le retour au polythéisme des anciens Hébreux, du temps où ils étaient encore des Cananéens. Il s’agit du sionisme le plus accompli, puisqu’il vise à un réenracinement total dans la terre de leurs ancêtres, jusqu’à retrouver les dieux des pères de leurs pères. Car, on oublie bien souvent que le judaïsme est l’héritier d’un polythéisme, et que les principales fêtes du calendrier juif remontent à une époque antérieure au yahvisme, même si ces fêtes ont été recouvertes, tout comme les fêtes « païennes » en Europe, d’un voile monothéiste.
La violence monothéiste nécessite une logique universaliste, celle du principe de conversion. Le païen, le kafîr, doit adopter la nouvelle religion ou périr s’il conserve son attachement aux dieux de ses ancêtres. Le christianisme, synthèse d’une dérive universaliste du yahvisme (celle de Paul) et de l’universalisme de l’imperium romanum, et l’islam, ne supportent pas l’altérité en religion. Et cette dimension semble échapper à l’analyse, habituellement brillante, d’Onfray, tout simplement parce que ce dernier n’a pas renoncé à tout universalisme et a du mal à concevoir qu’on puisse sérieusement revenir au polythéisme, tout comme le « païen » Alain de Benoist considère qu’il est « ridicule de croire en Jupiter ». Au cœur de tourments identitaires profonds, et alors que tout laisse à penser que l’Europe approche en ce XXIème siècle d’un abîme dans lequel elle risque d’être précipitée, et qu’Onfray fait tout pour ne pas voir, il suffit de songer à ses engagements politiques à l’extrême-« gauche », la religion européenne de l’avenir ne sera plus le christianisme, qui ne l’aura pas protégée, et ne sera pas non plus l’athéisme dont Onfray espère le succès. Mais le culte de ceux que les super-héros ont remplacé dans l’imaginaire contemporain, le culte des dieux immortels, qu’ils soient descendus de l’Olympe ou d’Asgard.
Thomas FERRIER
23:19 Publié dans Analyses, Billets, Religion | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : judaïsme, christianisme, islam, michel onfray, jean soler, thomas ferrier, polythéisme, hellénisme, universalisme, antisémitisme chrétien |
24/06/2012
Mes coups de gueule… (2)
LE FRONT NAZIONAL SELON DOMINIQUE REYNIE ?
La politologie, comme toute science humaine, doit s’efforcer d’adopter une démarche scientifique de neutralité et de prise de distance. Lorsqu’il s’agit du FN, de nombreux politologues agissent malheureusement en militants, ce qui fait que leur critique perd de sa pertinence.
Lorsque Claude Guéant qualifie le FN de mouvement « nationaliste et socialiste », cherchant à créer des passerelles artificielles entre le PS et le FN, il agit en dirigeant de l’UMP. Lorsque Jean-Luc Mélenchon qualifie le FN de « fasciste », reprenant la terminologie communiste classique, il agit en dirigeant d’un mouvement qui se réclame de l’anti-fascisme et de l’opposition à l’extrême-droite.
En revanche, lorsque Dominique Reynié dénonce un « vertige social-nationaliste » symbolisée par le rejet du texte constitutionnel « européen », il agit également en militant et en idéologue. Il est alors difficile de vouloir à la fois conserver l’image d’un chercheur indépendant et d’acteur de la vie publique, engagé dans le rejet du FN.
Pour analyser le néo-FN de Marine Le Pen, Dominique Reynié parle d’un « tournant ethno-socialiste » du FN (Etudes, novembre 2011), dénonçant « l’association du socialisme et du nationalisme ». Jean-Paul Gautier qualifie le programme du FN de « national » et « social » (Les Temps Nouveaux, Hiver 2012), le présentant comme prenant la suite du programme du PPF de Jacques Doriot.
Rattacher le FN à la grande synthèse « nationale et sociale » n’est autre qu’une volonté de fasciser le Front National, de pratiquer à son encontre une « reductio ad Hitlerum », processus dénoncé en son temps par Leo Strauss, en se parant des qualités, réelles au demeurant, propres à un politologue. Le « socialisme national », analysé par Zeev Sternhell et Marc Crapez comme la base idéologique des fascismes italiens et français, rattachant le fascisme à un phénomène issu de la gauche, mais dont ils excluent de manière plus ou moins arbitraire le national-socialisme allemand, s’est certes retrouvé comme matrice idéologique du jeune Maurice Barrès et a ensuite inspiré les fascistes et divers courants nationaux-révolutionnaires ultérieurs.
De plus, l’expression « ethno-socialiste » n’est pas neutre non plus, même si j’imagine que Dominique Reynié la popularise en français. En premier lieu, l’ « ethnico-socialisme » n’est autre en grec moderne que l’ εθνίκο-σοσίαλισμος, terme revendiqué par le fasciste grec Georgios Mercouris en 1934 (père de la célèbre Melina Mercouri), et qui se traduit explicitement par « national-socialisme ». On retrouve sous la plume du suédois Sven Lindholm, fondateur du Svensk Socialistisk Samling (« Union socialiste suédoise ») mais surtout fasciste affirmé, l’expression « Folksocialisten », revendiquée ensuite par un groupuscule néo-nazi allemand (« Freundeskreis Revolutionärer Volkssozialisten »), bien que l’expression Volkssozialismus ait été originellement employée par le politologue allemand Richard Löwenthal en 1936 lorsqu’il procéda à l’analyse du nouveau régime allemand.
Je ne pense pas que fasciser le FN, le rattacher à des mouvements d’avant-guerre de nature bien différente, contribuera à une meilleure compréhension du phénomène. Et de même, pour ceux qui entendent combattre le FN sur le plan des idées, dans le cadre du débat démocratique, c’est user d’une facilité dialectique qui se retourne contre ses auteurs. Analyser le FN c’est d’abord chercher à comprendre sa mécanique interne, son histoire, ses thématiques et leur utilisation. Le diaboliser, c’est lui rendre au final service et c’est en rester à une observation superficielle. C’est le jour où le FN sera vraiment dédiabolisé et qu’on le verra tel qu’il est en vérité, qu’il s’effondrera, non parce qu’on l’aurait découvert crypto-fasciste mais parce que son électorat l’imagine autrement qu’il n’est en vérité. Les électeurs doivent pouvoir choisir en conscience quel avenir ils souhaitent, ce qui n’est possible que par une information objective et complète. Orwell qualifiait la vérité de « révolutionnaire » et elle l’est en vérité. Car ce n’est pas seulement le FN qu’il faut montrer sous son vrai jour mais le PS, le Front de Gauche et l’UMP, et en vérité la société française en général. Il faut que les Européens voient en face la décadence actuelle de leur civilisation et de cette prise de conscience viendra la renaissance.
UN FRONT EUROPHOBE
Le FN est avant tout un parti explicitement anti-européen et c’est sa caractéristique principale, la thématique de l’immigration n’ayant été introduite par ce parti que par pur opportunisme, Le Pen père étant opposé au départ à sa mise en avant. Les artisans de celle-ci furent Duprat puis Stirbois et enfin les ralliés issus de la Nouvelle Droite, mais surtout le PS et le RPR, en lui offrant ce thème inexploitée sur un plateau d’argent. Désormais, l’électeur qui veut manifester son opposition à l’immigration est automatiquement rattaché au FN et ce dernier aux pires idéologies du XXème siècle, en raison notamment des provocations sémantiques de son ancien président.
Dans une interview publiée dans un journal autrichien, Kurier, Marine Le Pen expose sa vision de l’Europe et apporte son soutien au FPÖ de Strache, également en pointe en matière d’europhobie. Elle souhaite une fois de plus l’effondrement de l’Union Européenne, donc le malheur des européens car les conséquences seraient dramatiques et notamment parce que la fin de l’€ aurait des répercussions économiques désastreuses. Pour elle, cet effondrement rendrait possible la (non-)Europe des Nations, non-Europe car une Europe dans laquelle les (anciennes) nations la composant conserveraient l’intégralité de leur souveraineté, une Europe réduite à une vague coopération, ce n’est pas une Europe du tout.
Elle refuse le principe même d’une réforme de l’Union Européenne, qualifiée encore une fois d’ « Union Soviétique », reprenant ainsi l’expression de l’agent américain Boukovski. Elle se décrit comme « EU-Phobikerin », ce qui a été traduit maladroitement par « europhobe », alors que c’est « UE-phobe ». Son rejet de l’UE et de l’euro, qu’elle a tenté de masquer durant sa campagne, reste absolument entier. Or, comme l’a fait à juste titre remarquer Elie Barnavi, « l’Europe, c’est le Graal ». L’incapacité à penser l’Europe unie s’apparente en effet à une « phobie », c'est-à-dire à une peur irrationnelle, au nom de spécificités fétichisées. La négation par Marine Le Pen de l’européanité, au-delà des questions institutionnelles, est l’aveu d’un échec intellectuel. Elle la partage avec Geert Wilders, avec Declan Ganley et tant d’europhobes militants, alors même que la division de l’Europe sert ouvertement les intérêts américains.
Selon un article du journal américain Stratfor, « les Etats-Unis ne veulent pas d’un effondrement européen (…) mais en revanche ils trouvent un intérêt certain à la crise financière (…) maintenir les Européens dans un état de difficulté de longue durée est acceptable aux yeux des Etats-Unis. » En termes clairs, les USA ne souhaitent pas que l’Europe explose, car ils en seraient impactés immédiatement, mais que l’Europe reste dans le marasme le plus longtemps possible. En ce sens, les réactions de « petty nationalism » de Marine Le Pen et de ses homologues des pays voisins servent explicitement les intérêts américains.
Que l’Union Européenne soit loin d’être parfaite est une évidence. Son manque de légitimité démocratique, son absence de vision à long terme, son incapacité à définir des frontières cohérentes, la corruption idéologique qui domine ses institutions, sont les matérialisations évidentes d’une UE déficiente, mais à l’image des états qui la composent. Tout cela ne dérange pas Marine Le Pen. Députée au parlement de Strasbourg, alors qu’elle est incapable d’être élue députée nationale, elle profite pourtant bien d’institutions dont elle conteste toute legitimité et jusqu’à l’existence même.
Que l’Union Européenne doive être réformée en profondeur relève d’une attitude raisonnable, pour ne pas abolir cinquante ans de construction européenne, et je rappelle que, pour reprendre l’image de l’effondrement de l’Union Soviétique, puisque c’est elle qui choisit cette comparaison absurde, cela ne s’est pas fait sans heurts, et la Russie d’aujourd’hui paye encore un lourd tribut. L’irresponsabilité présentée comme une solution absolue à un système mondialisé d’une complexité extrême, c’est la caractéristique principale des mouvements populistes, comme les provocations anti-€ de Beppe Grillo ou les coups de menton de Jean-Luc Mélenchon. Alexis Tsirpas, par exemple, le jeune dirigeant de Syriza, souhaite que la Grèce reste dans l’€ sans réformer quoi que ce soit, sans les efforts nécessaires pour remédier à une dépense publique incontrôlée. « Faire payer les riches » ou « souhaiter la chute de l’UE », c’est la même chose. Ca n’engage à rien puisque les portes du pouvoir restent très éloignées.
L’europhobie de Marine Le Pen, « paradoxalement », est partagée par le PS. Alors qu’Angela Merkel propose courageusement une Europe politique au sens fort, et lui répondre « chiche » l’obligerait à un début de commencement de proposition, car cela reste un effet d’annonce, François Hollande au nom d’une « exception française » traîne des pieds et manifeste sa plus mauvaise volonté au risque de faire chanceler l’édifice communautaire tout entier. Ayant fait son lot de promesses inconsidérées, il sait désormais qu’il joue gros s’il déçoit aussi rapidement son élection.
TURQUIE ET HOLLANDE
Alors que Chypre va présider à partir du 1er juillet l’Union Européenne, la Turquie est menaçante. Elle réitère sa volonté de procéder au boycott des réunions communautaires si Chypre y est présente. Les déclarations des dirigeants islamistes de la Turquie en cours de « dékémalisation » devraient recevoir une réponse cinglante des chefs d’état et de gouvernement de l’Union.
Or le nouveau président français, qui avait pourtant annoncé qu’une de ses premières mesures serait le vote d’une loi condamnant la négation du génocide arménien, est devenu bien silencieux à ce sujet. Erdogan lui propose donc de venir visiter son beau pays, ce dernier y voyant un « privilège ». Le premier ministre turc a tout de suite vu dans l’élection du « socialiste » Hollande un moyen de réactiver le processus d’adhésion à l’UE. Il s’agit surtout de profiter des dissensions entre le nouvel élu et Angela Merkel, celle-ci étant opposée à cette adhésion, à la différence de la SPD allemande.
Alors que la Turquie s’éloigne de plus en plus de ce que l’on appelle communément l’état de droit, avec des arrestations arbitraires et des procès truqués, personne dans l’UE n’ose réagir. Les provocations permanentes du duo Erdogan/Davutoglu, Gül étant discret depuis qu’il est devenu président, et notamment à l’égard d’un état membre, Chypre, sont inacceptables et pourtant ne reçoivent aucune sanction. Au contraire, c’est Erdogan lui-même qui a pris l’initiative de sanctionner économiquement la France en raison de l’opposition de Sarkozy à l’adhésion turque et pour avoir voté un texte de restriction de la liberté d’expression, certes discutable, jugé défavorable à la Turquie.
Même si le processus d’adhésion est actuellement au point mort, 13 chapitres ont néanmoins été ouverts, et en aucune manière l’objectif d’une Turquie membre de l’UE n’est remis en question. En Hollande, Erdogan pense en tout cas avoir trouvé un allié potentiel. Et même si Hollande n’est pas le partisan le plus déterminé de cette intégration, le PS y est bien davantage favorable. Si Angela Merkel devait concéder une grande coalition, ou si la SPD gagnait les élections en 2013, la Turquie reprendrait son chemin vers l’UE, avec tout ce que cela peut signifier, tant au niveau des libertés publiques en Turquie même que dans l’image détestable qu’a l’UE, au sujet de cette question, auprès de nombreux citoyens européens.
Qui va enfin avoir le courage de dénoncer cette adhésion comme une erreur monumentale, et pour le peuple européen, et pour le peuple turc ? Qui va oser montrer le vrai visage du gouvernement turc actuel ? Cela m’étonnerait que ce soit François Hollande.
Thomas FERRIER
24/06/2012
21:43 Publié dans Analyses, Billets, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : thomas ferrier, dominique reynie, fn, ps, marine le pen, françois hollande, adhésion turque, erdogan |
18/06/2012
Quand la Grèce évite le Tartare
Le choix « mélenchonien » était en revanche de soutenir le jeune Alexis Tsirpas, leader du mouvement de « gauche » radicale Syriza. Son programme démagogique promet de mettre fin au mémorandum européen sur la crise grecque, un ensemble de mesures que le gouvernement d’Athènes devrait engager afin de bénéficier de l’aide de ses partenaires, tout en garantissant le maintien de la Grèce dans la zone euro. Tsirpas en outre est particulièrement ambigu quant à la gestion des flux migratoires, préoccupation essentielle de la population grecque au même titre que la crise.
Les Grecs ont préféré à 29,7% soutenir le parti de droite conservatrice, qui avait su s’unir à la fois à plusieurs anciens députés du Laos nationaliste, dont Makis Voridis, et à des libéraux modérés. Néanmoins, Syriza obtient 26,9% des voix, ce qui constitue un remarquable succès pour cette formation politique. Son succès se fait peu au détriment du PASOK, qui perd un point à 12,3% (contre 13,2% en mai) mais en revanche est réalisé en défaveur du reste de l’extrême-gauche. Les communistes du KKE ne font que 4,5% des voix (contre 8,5% en mai) et évitent de peu la disqualification. Les écologistes, Antarsya (extrême-gauche), les Pirates, les communistes dissidents du KKE-ML, s’effondrent.
A droite, le Laos continue sa descente aux enfers avec seulement 1,6% (contre 2,9% en mai), ayant par ailleurs perdu une partie importante de ses leaders, toute représentation nationale à la Vouli, et ce au profit des conservateurs mais probablement aussi de l’Aube dorée. Les Indépendants Grecs (Anexartiti Ellines) avec 7,5% perdent trois points ; ils faisaient 10,6% des voix il y a un mois. Issus d’une scission plus nationaliste de la Nouvelle Démocratie, une partie de leur électorat a rejoint par vote utile la maison mère.
Deux surprises, dans ce contexte de vote utile et de bipolarité ND/Syriza, sont néanmoins apparues. En premier lieu, avec 6,92% des voix contre 6,97% un mois auparavant, l’Aube Dorée, mouvement néo-fasciste radical et violent, maintient son haut niveau de soutien. C’est le résultat d’une exaspération des Grecs vis-à-vis des flux migratoires extra-européens. Malgré les déclarations négationnistes de son dirigeant, malgré les cas de violence avérés de ses représentants contre des adversaires politiques, malgré les agressions physiques dont certains membres se sont rendus coupables, ce mouvement extrême conserve son aura pleine et entière.
C’est en Laconie et à Sparte que l’Aube Dorée réalise ses meilleurs scores, alors que l’immigration y demeure marginale, avec 10,6% des voix. La Laconie est le berceau des Lacédémoniens/Spartiates mais aussi de l’école philosophique byzantine de Mistra, où Gémiste Pléthon au XVème siècle prêcha le retour aux dieux de l’Olympe et à un mode de vie à l’antique où les paysans libres constitueraient un vivier de soldats pour que l’Hellade retrouve sa liberté, et c’est à Areopoli en Laconie que le dirigeant grec Petros Mavromichalis sonna en 1829 l’heure de la révolution pour chasser l’occupant ottoman hors de l’Hellade. Néanmoins, Aube Dorée perd trois sièges, avec 18 députés contre 21 en mai, en raison de la prime accordée au parti vainqueur, à savoir la Nouvelle Démocratie.
La Gauche Démocratique (Dimokratiki Aristera) progresse quant à elle légèrement avec 6,3% des voix (6,1% en mai 2012) et maintient sa représentation nationale avec 17 députés. Cette formation de gauche modérée pourrait s’associer à la grande coalition qui va très certainement se mettre en place dans les prochains jours autour de Samaras. En effet, la ND seule n’a que 129 députés sur 300, ce qui est insuffisant pour gouverner. Elle aura besoin a minima des 33 députés du PASOK dans le cadre d’une coalition de crise destinée à faire appliquer les mesures de rigueur préconisées, et de l’appui de cette petite formation afin de donner l’image d’un gouvernement rassemblé. En seront naturellement exclus Syriza, le KKE et les nationalistes radicaux de la Hrysi Avgi.
L’attachement des Grecs à l’€ et à l’Union Européenne a été une fois de plus signalé par les électeurs. Ceux-ci n’ont pas voulu prendre majoritairement le risque de l’aventure avec Syriza. Les pressions européennes ont été décisives aux yeux d’un grand nombre de citoyens qui savaient au fond d’eux-mêmes qu’il n’y avait pas de solution alternative en l’état à cette politique de restriction budgétaire légitimement impopulaire. Mais les Grecs en ont en revanche assez de devoir se serrer la ceinture alors que l’immigration clandestine, et notamment musulmane, explose. Antonis Samaras, qui s’est distingué d’Alexis Tsirpas par sa fermeté affichée pour combattre ce problème, devra réussir à mener une telle politique tout en respectant les canons du droit occidental actuel. S’il devait échouer en ce domaine, l’exaspération grecque serait à son comble. C’est un peuple qui est prêt à beaucoup de sacrifices mais qui n’acceptera pas qu’on lui prenne ce que l’on est prêt en revanche à donner à d’autres.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
22:45 Publié dans Analyses, Billets, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) |
09/06/2012
Mes coups de gueule... (1)
VER TOTALITAIRE
Depuis que le secrétaire général d’Europe Ecologie – Les Verts, la bobo parisienne Cécile Duflot, est devenue ministre, son mouvement ne se sent plus. Elle est d’ailleurs responsable du premier dérapage sérieux dans la campagne du nouveau gouvernement socialiste, en annonçant hors de son champ de compétence ministériel être en faveur de la légalisation des drogues dites par convention « douces ».
Un témoignage récent d’une buraliste parisienne à propos de l’attitude sectaire de Mme Duflot a suscité chez moi un agacement naturel. En effet, cette ministre se permet de donner des leçons aux vendeurs de journaux sous prétexte que ceux-ci fournissent à leurs clients, à la demande de ceux-ci, des sacs plastiques pour pouvoir transporter leurs journaux en toute sécurité. Pour Cécile Duflot, le client devrait savoir à l’avance qu’il va acheter des journaux, ou qu’il va pleuvoir, et se doter d’un sac personnel. On voit ici toute la dimension sectaire, qu’on leur connaît par ailleurs dès qu’on aborde la question du nucléaire, de ce mouvement pseudo-écologiste, qu’on appelle communément « pastèque » car vert dehors mais rouge foncé dedans.
Il est également ironique de constater que ce parti, qui prône de manière quasi hystérique le mariage gay, le désapprouve en revanche, et le considère comme has been, lorsqu’il est hétérosexuel. Cécile Duflot, tout comme l’actuel président de la république, n’a pas en effet souhaité épouser le père de ses enfants.
Quant à la légalisation des drogues prétendument « douces », c’est une idée malfaisante. Il faut bien admettre, certes, que la lutte en France contre la criminalité liée au trafic de cannabis est pour le moment un échec. Elle l’est avant tout parce que les gouvernements successifs n’ont jamais voulu affronter le problème à bras le corps et sanctionner efficacement les revendeurs qui, pour la plupart, sont en réalité connus des services de police. Si ceux-ci étaient arrêtés et sévèrement punis, si les autorités veillaient à ce que la loi soit respectée, si les media mettaient autant de zèle à le combattre qu’ils le font contre le tabac et l’alcool, nous n’en serions sans doute pas là. Mais il est si facile d’autoriser ce que l’on n’a simplement pas le courage de réellement interdire. C’est la même façon que d’acheter la paix civile en dilapidant l’argent du contribuable dans certaines banlieues de Paris ayant connu des émeutes.
Une autre raison de cet échec c’est l’absence en la matière d’harmonisation européenne, certains pays laxistes comme les Pays-Bas ayant largement exagéré, même si le gouvernement néerlandais souhaite interdire aujourd’hui la vente de cannabis aux citoyens communautaires, ce qui juridiquement paraît difficile à mettre en œuvre.
Le libertarisme obsessionnel des « Verts », qui sont à l’écologie ce que la moquette est au parquet, est de fait la principale revendication d’une formation politique sectaire et au final franchement hallucinée. L’ergot ne leur réussit pas.
VER TOTALITAIRE II
Autre ver, ou devrais-je dire vert, celui de l’islamisme. Ici en Tchétchénie. Le dictateur local, et islamiste forcené, Ramzan Kadyrov, que la Russie poutinienne tolère parce qu’il maintient la paix civile et brise toute velléité d’indépendance, a décidé par le biais de ses « milices de la vertu » de terroriser les jeunes femmes et jeunes filles tchétchènes afin de leur imposer le port de l’hijab. Le combat contre le fanatisme ne se limite évidemment pas à la France, mais la Russie laisse faire ce qu’elle a peur de réprimer, sa crainte étant que la chute de son allié relance la guerre de Tchétchénie qui avait permis en 2000 à Vladimir Poutine de devenir président. C’est en ce domaine, comme dans tant d’autres, qu’on voit l’importance de défendre un européisme identitaire, car l’islamisme, cet autre universalisme totalitaire, est le pire ennemi des identités. J’ai rappelé dans des articles précédents toutes les qualités de la culture tchétchène, et leur profond paganisme, enraciné dans leur plus longue mémoire, qu’il partage avec leurs voisins et cousins ingouches, ceux-là même qui en 1956, ont construit le premier temple païen de l’histoire contemporaine, dédié au dieu de l’orage Sela pour le remercier de leur avoir permis de revenir au pays.
Les indépendantistes relativement laïcs du mouvement de libération tchétchène n’ont rien de commun avec ces potentats locaux prêts à tout pour rester au pouvoir et imposer une idéologie rétrograde à leur population. On peut certes comprendre que la Russie n’ait pas pu laisser la Tchétchénie s’émanciper, car sinon elle avait vingt autres conflits séparatistes, mais n’avait-elle pas d’autre moyen que de laisser un tyranneau local imposer la sharia à un peuple européen.
A Bruxelles comme en Tchétchénie, l’Europe ne doit pas céder un pouce face à cette idéologie de régression sociétale et d’avilissement moral, et prendre tout particulièrement à cœur la défense des femmes européennes des Balkans ou du Caucase. Mais si on ne sait pas empêcher les crimes d’honneur à Berlin, je vois mal comment l’Europe actuelle pourrait les empêcher à Groznyï.
LE CAS BACHAR EL ASSAD
La situation en Syrie est évidemment effroyable, bien qu’il soit difficile de démêler le vrai du faux, tant nous sommes tombés au royaume de la propagande. La Russie préfère croire en la bonne foi du gouvernement syrien, même si elle admet maintenant un départ négocié de Bachar El Assad. L’affaire libyenne n’a pas, semble-t-il, servi de leçon. Or, alors qu’il est probable que les Frères Musulmans l’emportent au Caire, que quatre français viennent encore d’être tués par un attentat islamiste en Afghanistan, et que la Libye continue, à l’abri des caméras désormais tournés vers Damas, à souffrir de conflits entre les différents clans vainqueurs, toujours au profit de l’islamisme, comme dans le nord du Mali d’ailleurs, on sait très bien que, parmi ceux qui contestent toute légitimité au régime syrien actuellement en place, fondé sur l’idéologie baasiste, à savoir un socialisme arabe laïc, et sur les mouvements sociaux-nationalistes (comme le PSNS), il y a un gros noyau d’islamistes.
Admettons que le régime alaouite actuellement en vigueur à Damas s’effondre, sous la pression internationale. Est-ce que cela se fera en faveur d’une démocratie libérale ? Bien sûr que non. Les premiers vainqueurs seront les islamistes syriens, soutenus par la Turquie voisine.
MARIANNE ET LA TURQUIE
Depuis plusieurs années, j’écris régulièrement sur la Turquie et je dénonce la stratégie d’Erdogan consistant, au nom de l’adhésion contre-nature à l’Union Européenne, qui a réussi à briser le camp kémaliste qui protégeait la laïcité, certes à la turque, en vigueur de l’autre côté de la Mer Egée, et à mettre l’armée au pas. Les journalistes, les militaires et désormais les musiciens et autres artistes sont menacés. Si on ne les rattache pas au complot fourre-tout Ergenekon, on les menace de représailles physiques.
Martine Gozlan pour « Marianne » a compris. Elle dénonce dans un ouvrage récent l’ « imposture turque », démontrant que toutes nos craintes étaient fondées. Pour autant, on n’entend pas la « gauche » sur cette question, le PS comme la SPD étant partisans de l’adhésion turque et souhaitant continuer le processus d’intégration avec elle. Bien au contraire, il faudrait dénoncer cette adhésion comme inacceptable et y mettre fin. Erdogan a trop longtemps profité de la naïveté des gouvernements européens. Son agenda caché n’est même plus caché du tout. Et pourtant, aucun dirigeant européen ne réagit et n’ose dévoiler le pot aux roses. Honte à cette classe politique « européenne » incapable de se faire respecter et incapable surtout de dénoncer l’injustice lorsqu’elle est flagrante.
Thomas FERRIER
09/06/2012
16:46 Publié dans Billets, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (0) |
01/04/2012
Elections présidentielles 2012 : état de la situation à trois semaines du premier tour
En janvier 2012, Marine Le Pen se situait dans ce sondage aux alentours de 21,5% en moyenne au premier tour, ce qui faisait dire à la candidate sa certitude d’être au second tour. Si les sondages sont erronés, alors ils le sont dans tous les cas de figure, et pas seulement quand ils sont en défaveur d’un candidat. Cette semaine, elle se trouvait entre 16 et 16,5% selon les jours, ce qui constitue une baisse de près de cinq points en trois mois. Entre temps, la campagne a commencé, et la stratégie entreprise par Marine Le Pen dans le cadre de sa politique dite de « dédiabolisation » commence à montrer ses limites. Dans le sondage LH2 d’avril 2012, Marine Le Pen tombe même à 13,5%, score pronostiquée le 20 mars par CSA, avant qu’elle ne remonte dans le sondage CSA suivant (Vague 20) à 15%. Harris Interactive lui pronostiquait cette semaine un score de 16%. Enfin, dans le sondage BVA du mois de mars, Marine Le Pen n’est créditée que de 13% des intentions de vote. Malgré et peut-être même à cause des évènements de Toulouse, sa cote est désormais fortement dévaluée.
Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon progresse nettement dans tous les sondages. Il atteint désormais 15% des intentions de vote dans le sondage LH2 du 1er avril 2012, 14% dans le dernier sondage BVA, 14% puis 13,5% chez IFOP jeudi et vendredi derniers, 12,5% seulement chez CSA (contre 13% une semaine auparavant). Cette progression d’environ quatre points résulte d’une excellente campagne, très à gauche, du candidat du Front de Gauche. Alors que des pans entiers de son programme devraient faire fuir les électeurs populaires, en raison d’une démarche libertaire, défendue notamment par Clémentine Autain pour qui, la première mesure n’est pas d’ordre économique, pour combattre le chômage ou la précarité, mais le mariage gay, en complet décalage des aspirations des électeurs les plus modestes, le meeting de Bastille du 18 mars, à forte coloration symbolique, a été très efficace. Il faut dire que dans le même temps Marine Le Pen a déboussolé son électorat ouvrier par un discours incohérent sur les problématiques migratoires. Le « lepénisme de gauche » lorsqu’il se réduit à un discours socialisant ne tient pas longtemps face au « mélenchonisme » d’un homme politique crédible sur son terrain naturel.
Expliquer le recul de Marine Le Pen et parallèlement la montée de Jean-Luc Mélenchon n’est pas chose facile. On peut en premier lieu considérer que la candidate du FN est attaquée sur ses deux fronts, d’une part par Nicolas Sarkozy qui a repris à son compte un discours plus dur sur l’immigration, et surtout plus ethnicisant, d’autre part sur le terrain social par le candidat de la « gauche » radicale, au détriment également des deux candidats trotskystes, réduits à peau de chagrin (entre 0% et 1% chacun dans les sondages pour Arthaud et Poutou), et de la candidate « pastèque » Eva Joly. Il faudrait donc à la candidate du FN mettre en œuvre une double contre-offensive, à savoir être plus socialiste que Mélenchon et en même temps plus dure sur la question de l’immigration extra-européenne que Sarkozy, ce qui ne serait tout de même peu difficile. Lors des évènements de Toulouse, la modération de Marine Le Pen l’a desservie. Ses appels à l’aide des « français musulmans » contre le « fascisme vert » sont incompréhensibles aux yeux d’un électorat populaire de souche européenne excédé. Sa promesse d’appliquer la « priorité nationale » en faveur des français d’origine immigrée ne lui apporte aucun crédit au sein des populations concernées, mais en revanche là encore la dessert vis-à-vis de l’électorat populaire. En se défendant, certes à juste titre, de prôner une « priorité ethnique » aux indigènes, elle n’a pas compris que son électorat souhaitait en vérité une telle politique.
Sa volonté de dédiabolisation, qui aurait pu se limiter à arrêter tout excès de langage et à se démarquer des positions idéologiques de la vieille extrême-droite, tout en restant dure sur son fond de commerce, rappelle les égarements d’Argenteuil de son père en 2007. En reproduisant les mêmes erreurs qu’en 2007, en abandonnant son électorat naturel aux habiles conseillers sarkozystes, comme l’a théorisé Patrick Buisson, elle fait une campagne à contre courant de ce que souhaitent ses électeurs traditionnels. Ce n’est pas sa campagne « à gauche » en matière économique qui lui nuit, bien au contraire, mais d’abord sa confusion sur les problématiques migratoires, et surtout son europhobie quotidienne, liée d’ailleurs « paradoxalement » au thème précédent. C’est bien parce qu’elle se refuse à opposer européens et non-européens, qu’elle ne voit l’Europe que comme un mal insupportable, qu’elle ne parle même plus de la question de l’adhésion turque, que Sarkozy devrait relancer d’ailleurs, qu’elle baisse sensiblement dans les sondages. Une analyse de la French Politics de Londres propose une prospective intéressante à ce sujet. Selon eux, Marine Le Pen devrait faire environ entre 15 et 17% des voix, avec une forte probabilité à 15%. Pour eux, cela signerait une « sous-performance » et donc la manifestation d’un « échec patent de la stratégie personnelle de Marine Le Pen (pour) dédiaboliser le parti ». Cette hypothèse n’est pas à exclure. Jean-Marie Le Pen n’avait-il pas prédit qu’un « Front gentil » n’intéresserait personne ?
Mélenchon, lui, n’est pas « gentil », au point d’en inquiéter la patronne du MEDEF, Laurence Parisot, qui le compare à un révolutionnaire de la Terreur (1793). C’est sans doute à ses yeux le plus grand compliment qu’on peut lui faire. Et pourtant, il serait facile de le démasquer, notamment en s’attaquant à son soutien à l’immigration massive et aux excentricités libertaires de son programme, mais aussi à son enrichissement personnel. Seul Jean Quatremer, journaliste à Libération, est parvenu à trouver son point faible, déclenchant contre lui l’ire du disciple français de Die Linke. Reste qu’un Oskar Lafontaine sera mille fois plus sympathique, et vraiment socialiste, que « Jean-Luc ». La gauche « Sarrazin » (du nom de ce social-démocrate allemand) serait d’ailleurs facilement prête à voter FN ou UMP dans un autre contexte. Mais la crise économique a abouti à une radicalisation de l’opinion. Si les extrémistes de l’Aube dorée sont aux portes du parlement à Athènes, c’est dire ce qu’un discours « FN old school » aurait pu obtenir dans ces élections.
Le souverainisme n’a vraiment aucune espèce d’avenir en France. Dupont-Aignan, dernier vestige du triumvirat Pasqua-Seguin-Villiers de 1992, est promis à une déculottée électorale, crédité qu’il est dans les sondages d’entre 0,5% et 1,5% maximum. C’est d’ailleurs la campagne anti-€ qui plombe notamment Marine Le Pen. Mélenchon, tenté de les suivre sur cette voie, a rapidement compris l’impasse. Sarkozy quant à lui choisit un positionnement euro-critique, proposant ainsi de rétablir les contrôles aux frontières s’il ne parvient pas à obtenir des garanties contre l’immigration clandestine de la part de ses partenaires de l’UE, mais sans tomber dans l’europhobie qui caractérise NDA et MLP.
Les évènements de Toulouse ont profité nettement à Nicolas Sarkozy, qui est désormais en tête dans la plupart des sondages, en tout cas pour le premier tour, le second annonçant toujours une victoire du candidat du PS, mais de moins en moins large. Président en exercice, choisissant une position rassurante face à la crise comme face à cette tragédie, même si ses services n’ont pas été capables de détecter le terroriste avant qu’il ne frappe, il donne le sentiment d’incarner mieux que les autres candidats la fonction de président. Hollande est très loin d’avoir la même crédibilité, sa cote s’expliquant d’abord par le rejet viscéral du style Sarkozy par beaucoup d’électeurs. On vote Hollande non pour lui mais contre Sarkozy, et ce phénomène, lors du débat du second tour, peut s’effondrer si le programme du PS apparaît trop mortifère.
Le choix du PS de soutenir le vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales ou encore sa position sur le mariage gay et l’adoption, sans parler de son choix d’une imposition accrue, peuvent être rédhibitoires pour Hollande au second tour. Les résultats du premier tour auront une incidence décisive. Si Mélenchon obtient un gros score, Hollande en bénéficiera nettement et deviendra le nouveau président de la république. Si Le Pen réussissait, il n’est pas sûr qu’elle ne parviendrait pas à, de fait, contribuer à la défaite de Sarkozy. En revanche, si elle connaît une déconvenue, son électorat pourrait considérer Sarkozy comme le seul recours et se reporter très massivement vers lui, assurant ainsi sa réélection.
Enfin, François Bayrou ne parvient pas à créer de sursaut en sa faveur. Après avoir bien progressé, une fois sa candidature annoncée, il stagne entre 10,5% et 13% des intentions de vote. Il sera certainement victime, plus que tout autre candidat, du vote utile, son positionnement idéologiquement illisible le desservant. Sa grande année a été 2007. L’électorat de centre-droit choisira Sarkozy par défaut, d’ailleurs toutes ses figures se rallient, les unes après les autres, le dernier ralliement en date étant celui de Rama Yade. L’électorat de centre-gauche sera naturellement porté vers le candidat Hollande. Dans ce contexte, on peut considérer que si Bayrou parvient à obtenir 12% des voix, ce sera malgré tout un moindre mal.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
16:13 Publié dans Analyses, Billets, Présidentielles 2022 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : elections présidentielles, 22 avril 2012, nicolas sarkozy, françois hollande, marine le pen, jean-luc mélenchon, françois bayrou, thomas ferrier, psune |
08/01/2012
Des élections présidentielles (bilan de début d’année)
La multiplication des candidatures a engendré un phénomène naturel de lassitude de la part des édiles susceptibles d’apporter leur parrainage aux candidats aux élections présidentielles. Même s’il ne faut pas être dupe des annonces alarmistes de Marine Le Pen, il est évident que le risque pour beaucoup de candidats marginaux de ne pas être en mesure de se présenter est réel. La colère de Christine Boutin, qui aura beaucoup de mal à obtenir les 500 signatures nécessaires, annonçant une « bombe atomique » et laissant entendre qu’elle serait prête à se rallier à François Bayrou, qui a fait savoir qu’il n’en voulait pas, n’est pas feinte.
Un autre problème est que le vote utile va être extrêmement fort cette année, même si on peut aussi s’attendre à une participation en nette baisse. Le jeu politique est désormais à quatre ; il était encore à trois au mois de novembre 2011, chacun dans son espace privilégié et étouffant toute concurrence. François Hollande réduit l’extrême-gauche à une marginalité totale, bénéficiant en outre du retrait d’Olivier Besancenot. Joly s’effondre dans les sondages (3%) et Mélenchon recule légèrement. François Bayrou est passé de 6% à 12% des intentions de vote en seulement deux mois, asséchant le potentiel électoral de Morin, Villepin, Lepage ou encore Boutin. Marine Le Pen maintient Dupont-Aignan à 0,5%, Nihous en dessous même de ce seuil, obtient le soutien du mouvement Nissa Rebela, rattaché à la mouvance identitaire, et ne risque pas d’avoir un concurrent à sa droite, Carl Lang étant absent des sondages et incapable de toute évidence d’obtenir le nombre de parrainages requis. Nicolas Sarkozy a quant à lui réussi à éviter les candidatures à droite, limitant la nocivité de la candidature de Dominique de Villepin, bloquant celle de Christine Boutin, et ayant convaincu Borloo de renoncer à être candidat.
A l’issue de 2012, il est probable que plusieurs formations politiques succombent, comme le NPA dont le candidat Poutou devrait atteindre péniblement 0,5% des voix, s’il obtient les signatures pour se présenter, ou encore comme Debout la République (DLR), le Mouvement des Citoyens (MDC) et le Parti Chrétien Démocrate (PCD). Lutte Ouvrière retombera à la marginalité extrême, mais comme il s’agit d’un objet politique non identifié, ce mouvement ne disparaîtra pas et sa candidate, Nathalie Arthaud, qui obtiendra très certainement ses parrainages, sera présente en 2017.
Dans un tel contexte, se porter candidat à l’élection présidentielle relève du suicide politique. Europe-Ecologie va regretter amèrement de ne pas avoir apporté son soutien dès le premier tour à François Hollande, car l’accord signé avec les Verts par le candidat socialiste sera caduque si les écologistes font un score dérisoire. Leur intérêt serait d’ailleurs de retirer rapidement leur candidate du jeu, Eva Joly n’étant manifestement pas la personne adéquate pour permettre une percée électorale de leur mouvement. Chevènement n’ira pas au bout, sa candidature étant un moyen de pression sur le PS. Jean-Luc Mélenchon, qui a le mérite de proposer une ligne plus cohérente, devrait résister davantage à l’effet de vote utile en faveur d’Hollande, mais dépassera péniblement les 5%.
La barre de qualification du second tour paraît haute, aux alentours de 25%. Même si François Bayrou réalisait 18% des voix, en prenant de manière égale à la gauche et à la droite, Hollande serait aux alentours de 25% et Nicolas Sarkozy aux alentours de 23%. Marine Le Pen, créditée par IFOP d’un score compris entre 19% et 20%, même si ce score est peut-être sous-estimé, ne devrait donc pas pouvoir se qualifier, à moins d’une poussée de Bayrou telle qu’on se retrouverait dans un cas de figure inédit, un second tour sans PS et UMP opposant le MD (Mouvement démocrate) de Bayrou au FN de Marine Le Pen. Ce cas extrême paraît toutefois peu probable, à moins que la colère des Français, qui s’exprime davantage dans l’abstention, explose. En tout cas, Bayrou, qui n’a rien de sérieux à proposer, pourrait à nouveau réaliser une certaine percée, alors que le FN devrait dépasser ses scores antérieurs et probablement la barre des 20%. Autant dire que les petits candidats seront laminés comme jamais ils l’ont été aux élections présidentielles. Gare au score à la Cheminade pour plusieurs d’entre eux.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
12:21 Publié dans Analyses, Billets, Sondage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections présidentielles 2012, thomas ferrier, psune |
29/12/2011
Une mauvaise loi au service d'une mauvaise stratégie
Les lois mémorielles relèvent d’une démarche politique fondée à la fois sur la démagogie politicienne, prenant en otage une communauté, et en même temps sur une attitude fondée sur une peur qui, même légitime, reste mauvaise conseillère, de la part de la dite communauté.
L’UMP a voulu provoquer la Turquie pour l’éloigner de l’Union Européenne, ce qui paraît réussi, tout en recevant l’appui pour d’autres raisons des élus « socialistes », toujours favorables au principe de lois mémorielles destinées à limiter la liberté d’expression des citoyens. Au lieu de se servir de ces biais détournés, en concoctant une bien mauvaise loi, le président Sarkozy aurait dû bien au contraire prendre ses responsabilités, dès 2007 d’ailleurs, et demander à nos partenaires l’arrêt immédiat, et définitif, du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE, entamé à tort et de manière irresponsable en avril 2005. Il aurait ainsi respecté ses engagements de candidat et aurait procédé à une clarification utile. En effet, ce processus n’est pas bon pour l’Europe, et d’ailleurs une majorité de citoyens européens sont opposés à cette adhésion, mais il n’est pas bon non plus pour la Turquie. Nous n’avons pas de destin commun, et d’ailleurs, bien qu’admirateur sincère de la civilisation européenne, Mustafa Kemal lui-même n’avait jamais eu l’intention de faire de la Turquie un pays européen, mais s’inspirait bien davantage du Japon, qui avait su adapter les acquis de notre civilisation tout en conservant son identité.
Pour des raisons stratégiques, l’AKP a souhaité affaiblir son opposition nationale, essentiellement incarnée par l’armée, en se servant de ce processus d’adhésion comme levier de réformes allant dans le sens de sa démarche politique. C’est pourquoi il serait bon que les nationalistes turcs laïcs, eux aussi opposés à cette loi française, mais également hostiles à l’intégration européenne, puissent retrouver des couleurs. Du peuple turc, nous n’exigeons rien et c’est à lui seul de choisir, de manière souveraine, ce qu’il souhaite ou non affirmer ou reconnaître.
Il n’y a aucun besoin, pour protéger les Arméniens de France comme d’Arménie, de se mettre la Turquie à dos, et ce même si nous sommes totalement opposés à son adhésion. Il vaudrait mieux, pour de bonnes raisons, que le gouvernement français renonce à cette nouvelle loi mémorielle et, courageusement, abroge aussi les lois mémorielles précédentes. En revanche, et dans le même temps, il convient de mettre fin de manière unilatérale au processus d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, au profit d’une relation apaisée mais distincte.
Toutefois, cela ne signifie en aucune manière, bien au contraire, qu’il faille être inattentif aux légitimes angoisses arméniennes auxquelles nous, vrais européistes, devons apporter les bonnes réponses. Et cette loi mémorielle n’en est pas une. Il faut en premier lieu affirmer la reconnaissance pleine et entière des Arméniens comme un peuple européen, ce qu’ils sont à tous points de vue, n’en déplaise à certains nationalistes, en Russie ou ailleurs, un peuple européen aux frontières extrêmes de notre continent. Et il faut affirmer aussi que, parce qu’européenne, l’Arménie a vocation au même titre que la Géorgie voisine, mais aussi que la Russie, à rejoindre l’Union Européenne et à s’abriter derrière son bouclier géopolitique et économique. C’est avec nous, entre européens, que le peuple arménien retrouvera la sérénité et la splendeur passée. Ainsi, qui s’attaquerait demain aux Arméniens s’attaquerait en même temps à l’Europe toute entière. Et cette affirmation de l’européanité de l’Arménie, et ce qui devra en suivre logiquement, voilà la bonne réponse. Nous n’oublierons pas les fils d’Hayk dans l’Europe de demain, mais nous n’exprimerons notre sympathie à leur égard par une loi liberticide de circonstance.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
17:04 Publié dans Analyses, Billets, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arménie, turquie, lois mémorielles, opposition, loi liberticide, communauté arménienne, europe |
01/11/2011
Démocratie « nationale » et crise de la zone euro
Le premier ministre grec Georgios Papandreou a annoncé à la stupéfaction du président français et de la chancelière allemande, alors qu’un accord sur la dette grecque avait été obtenu de justesse entre les membres de la zone euro, que l’ex-premier ministre slovaque avait dû sacrifier son gouvernement, qu’il allait organiser un référendum pour obtenir l’accord des citoyens grecs, référendum qui aurait lieu dans plusieurs mois. Conséquence, la bourse de Paris perd près de 6%, celle d’Athènes près de 7%, et l’ensemble des bourses européennes chute. Outre l’irresponsabilité du premier ministre, pour des raisons de basse politique, sur une question urgente, cette crise confirme l’impossibilité de maintenir la démocratie dans le cadre national historique. Les problèmes européens ne peuvent se résoudre qu’au niveau européen. Or l’absence d’un gouvernement européen, d’un état européen, se fait douloureusement sentir dans ces temps difficiles.
Le premier ministre a toutefois été désavoué par une partie du PASOK, le parti socialiste grec dont il est membre, par toute la droite et même par les nationalistes du LAOS, étrangement devenus europhiles. Sur son blog, Jean Quatremer annonce la démission de Papandreou pour dans les prochains jours, ce qui mettra probablement fin à cette proposition. Des élections législatives anticipées, que la droite devrait gagner selon les sondages, mais qui devraient aussi, probablement, se traduire par une progression des communistes et des nationalistes, paraissent inévitables.
Un référendum sur des questions économiques qui nous dépassent, et dépassent les Grecs, n’a aucun sens. En particulier lors d’une période de grave tension déchaînant les passions. Le résultat serait incompréhensible. D’abord, le non est prévisible, déstabilisant alors toute l’Union Européenne. Ensuite, il est sans signification. Une partie importante du non témoignera d’un rejet du gouvernement actuel. La participation en outre sera probablement très faible. Enfin, des gens désespérés ne sont pas en mesure d’apporter une réponse sensée à une question qui ne se prête simplement pas à un référendum.
On constate donc que les initiatives « souveraines » de certains états sont inconsidérées et désastreuses. La démocratie n’a jamais signifié cela. Quand Papandreou, au mépris de ses partenaires européens, de son propre chef, annonce un référendum qui n’a simplement aucun sens, déstabilisant davantage encore une économie européenne inquiète qui n’en avait pas besoin, il défend la « souveraineté nationale », au risque de ruiner le pays. Quand Merkel, pour céder au lobby pseudo-écologiste et à une opinion allemande à qui on ment sur ces questions, décide d’abandonner l’énergie nucléaire, elle défend la « souveraineté nationale ».
Sur cette question, les gens honnêtes savent qu’il n’y a pas d’énergies alternatives, que les prétendues énergies renouvelables sont inefficaces et coûteuses, en particulier les éoliennes et le solaire individuel. Prétendre le contraire, c’est mentir aux citoyens. En outre, les pseudo-écologistes attirent notre attention sur le réchauffement planétaire, pour une fois à juste titre. Mais reconstruire des centrales à charbon ou à lignite comme le veut le gouvernement Merkel, suite à l’abandon du nucléaire, c’est bon pour lutter contre le réchauffement climatique ? Le CO2 dans l’atmosphère, c’est bon pour l’environnement ? Il faudrait savoir. Soit le réchauffement climatique est une vraie menace, et alors il faut fermer toutes les centrales à charbon, abandonner le pétrole, et faire le tout électrique en construisant davantage de centrales nucléaires et surtout celles de quatrième génération. Soit le réchauffement climatique n’est pas un danger, mais bien sûr que c’est un danger !, et puis l’énergie à bon marché permettant l’indépendance énergétique de l’Europe, ce n’est pas important, mais bien sûr que c’est important ! Mensonge des « Verts », faux écologistes, mais vrais gauchistes sectaires et irrationnels, mensonge du gouvernement Merkel, mensonge des partis de coordination belges qui proposent la même chose, mensonge encore de la « gauche » suisse. Le drame de Fukushima, alors que nous ne connaissons pas vraiment la situation là bas, sert de justification pavlovienne à une folie.
Ainsi, la démocratie « nationale » désormais, que ce soit en Allemagne, en France ou en Grèce, n’a plus aucun sens. Les citoyens sont désinformés, manipulés par les faiseurs d’opinion, et les gouvernements nationaux ne sont simplement plus capables de dire la vérité aux citoyens, de mettre en avant les vrais enjeux, et de reconnaître qu’ils n’ont plus qu’un pouvoir de nuisance. Nuisance envers l’Europe entière, mais aussi nuisance envers leurs propres citoyens.
Seule une démocratie européenne, où les enjeux seront évoqués à l’échelle du continent, a désormais du sens. Mais pour qu’il y ait une démocratie européenne, il faut un état européen, il faut des enjeux électoraux réels, il faut un gouvernement européen élu et démocratiquement légitime. On ne sauvera pas l’€, on ne sauvera pas l’économie européenne, on ne s’opposera pas aux flux migratoires de masse, on ne résorbera pas le chômage, en raisonnant à l’échelle des anciennes nations. Face au mondialisme, l’Europe doit se présenter unie, elle doit même être une. Les diviseurs de l’Europe n’aiment simplement pas les européens et se moquent de leur avenir, de notre avenir.
On ne sauvera pas la zone euro en demandant leur avis aux Grecs mais en demandant leur avis à tous les européens. On ne sauvera pas l’indépendance énergétique de l’Europe en demandent leur avis aux Allemands mais en demandant leur avis à tous les européens. Au niveau européen, les mensonges des gouvernements et des lobbies s’effondreront.
Il convient donc pour sauver l’Europe et les Européens de bâtir vraiment l’état-nation Europe mais sur la mise à bas, la table rase juridique complète, des traités et des constitutions des états. De l’intérieur, rebâtissons l’Union Européenne en la fondant sur des principes solides et sur une vraie légitimité populaire. Le problème de l’Europe, ce sont les états nationaux. La solution pour l’Europe, c’est l’état national-européen.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
23:21 Publié dans Analyses, Billets, Communiqués | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, referendum, papandreou, pasok, nucléaire, zone euro, fesf, thomas ferrier, psune |
31/10/2011
Brèves européennes... (6)
La victoire inattendue et sans appel de Michael Higgins avec un peu moins de 40% des voix en tant que premier choix, selon le complexe système irlandais, surprend dans un pays dans lequel le Parti Travailliste avait toujours été une formation d’appoint et jamais de premier plan. Avec 28% des voix, le dynamique candidat Gallagher, est battu avec les honneurs, sa défaite s’expliquant essentiellement par le fait qu’il a été associé au Fianna Gail, ancien parti au pouvoir, sévèrement battu aux élections législatives de cette année, victime de la crise économique, comme son homologue islandais. Le Fine Gael, le centre-gauche traditionnel, avec seulement 6% des voix, a été totalement étouffé par la candidature travailliste. Ce virage à gauche de l’opinion irlandaise témoigne de la situation de détresse de ce peuple fier. Pourtant, les Grecs, avec le gouvernement « socialiste » de Papandreou, pourraient leur en raconter de belles sur la gestion calamiteuse de la fausse « gauche », pas moins mondialiste que son opposition de droite.
Preuve de la radicalisation de l’opinion en Europe face à l’inertie des pouvoirs publics, le candidat de la gauche nationaliste, issu de l’IRA, Martin McGuiness, obtient quasiment 14% des voix. Cette montée en puissance du « nationalisme » (europhobe) et du « socialisme » (enfin, ce que les électeurs supposent être « socialiste ») est inquiétante pour l’avenir.
UNION EUROPEENNE
Malgré les effets de manche du président Sarkozy et de sa compère sur le bateau UE, confrontés à un iceberg monétaire, l’UE n’est pas sauvée par ce fond de sauvegarde (FESF) et l’inévitable annulation de la moitié de la dette grecque déplaît profondément aux populations. Elles ont tort car il fallait sauver la Grèce pour enrayer tout effet de domino qui aurait fini par nous toucher tous. Cette solidarité avec un peuple européen, qui aurait dû être naturelle, s’est faite dans l’urgence et sous la contrainte. Il y a eu un considérable déficit démocratique en la matière. Et surtout les spéculateurs, qui sont les principaux coupables, et aussi ceux qui se sont enrichis sur le dos des Européens, s’en sortent impunis. Les gouvernements de l’UE ne veulent toujours pas entendre parler de protectionnisme économique européen, et pire, sont prêts à accepter l’aide très intéressée de la Chine, au lieu de tendre la main à une Russie qui a immédiatement, et spontanément, apporté son soutien à l’€ et proposé son assistance.
La conséquence de ce manque d’explications, de cette impunité de ceux qui s’enrichissent sur l’appauvrissement des Européens, c’est le rejet parfaitement naturel et légitime par de plus en plus d’européens du Système en place qui, incapable d’assurer notre sécurité, de maîtriser (et d’inverser) les flux migratoires, nous avait promis la paix et la prospérité, et a fourni la première, au prix d’un libertarisme destructeur dans tous les domaines et d’un avilissement des Européens devant le veau d’or, devenant ainsi des vitelloni face aux peuples du sud aux appétits aiguisés par la souffrance, et a perdu la seconde.
Et pourtant, bien sûr, notre avenir dépend d’une Europe politique qui devrait être vraiment européenne et vraiment unitaire, et l’€ est une première brique de cet édifice à bâtir. Il convient donc de la préserver.
Or l’europhobie monte. Les derniers sondages annoncent une droite nationale autrichienne à plus de 32% des voix (FPÖ + BZÖ) et un parti des Vrais Finlandais à presque 22% des voix, en faisant le premier parti. Les troubles au Kosovo persistent de manière navrante, et la Serbie est impuissante, prise en tenaille entre sa vocation à rejoindre l’UE et son souhait de défendre les siens. Alors qu’un attentat mineur commis par un musulman « serbe » a éclaté à Sarajevo, rappelant que certaines plaies ne sont pas refermées. Enfin, près de 49% des britanniques seraient prêts à quitter l’UE, la droite conservatrice et eurosceptique attaquant Cameron et mettant en péril sa coalition. Déjà le premier ministre slovaque a dû rendre son tablier, première victime d’une UE défaillante et d’un € en sursis.
Et pourtant, au lieu de médire, alors même qu’ils se sentent européens et aspirent à passer leurs vieux jours dans les campagnes françaises, encore relativement épargnés par certains maux insupportables propres à nos grandes villes, les britanniques devraient plutôt voter contre la soumission aux USA de leur(s) gouvernement(s). La vraie liberté, elle n’est pas vis-à-vis de l’UE, alors qu’il y a toujours eu un estimable courant européaniste outre-manche, mais vis-à-vis de cette colonie rebelle devenue métropole de son ancienne métropole. La City de Londres n’apporte pas au peuple anglais la prospérité, bien qu’enrichissant une minorité mondialiste composée de gens venus de partout sur le globe.
Les britanniques ont chassé Cromwell mais ce tyran là, qui n’est même pas républicain, les asservit bien davantage encore. Il est temps de mettre le capitalisme au pas et d’instaurer un socialisme nouveau, résolument européen, réaliste mais déterminé. Sauvons l’€, sauvons l’Europe politique, refusons la nostalgie maladive d’un temps passé idéalisé où régnaient les « souverainetés nationales », mais refusons d’un même élan le mondialisme.
L’URSS s’est effondrée parce que son modèle économique niait les aspirations matérielles de l’homme. Le libéralisme mondialisé s’effondre parce que son modèle économique nie les aspirations spirituelles de l’homme. Aujourd’hui, le capitalisme a montré ses limites. Le marxisme mort, il n’avait plus aucun opposant et s’est laissé aller à ses bas instincts. Au prix d’une rentabilité illusoire à court terme, nos dirigeants ont acheté la paix civile et le silence des populations, mais maintenant arrive la facture et elle est corsée, en plus d’être fondamentalement artificielle.
Nos gouvernants nous ont menti, nous ont trahis. Que ce soit la vraie droite ou la fausse « gauche ». L’erreur pourtant serait de tomber dans le piège des démagogues, de l’extrême-« gauche » (Mélenchon) à l’extrême-droite (Le Pen), qui ne proposent rien d’autre que le retour en arrière. Illusoire certes mais qui plus est idiot. Car ce ne serait que revenir à une situation antérieure qui a engendré de fait celle que nous connaissons. Le monde a changé et on ne retrouvera pas tout ce qui a été perdu. Mais on retrouvera en revanche les fondamentaux.
Une Europe politique unitaire, économiquement régénérée et libérée d’une dette injustifiée, restaurée dans son européanité et dans sa natalité indigène, fera honneur à nos ancêtres et rendra heureux nos enfants. Œuvrons pour bâtir une nouvelle Europe, qui soit en même temps l’Europe de l’enracinement, une Europe de la justice sociale et de la liberté de l’esprit, une Europe où le pouvoir sera rendu au peuple et où les oligarques seront déchus.
Prenons cette crise comme l’illustration des balbutiements d’un Système en fin de vie. Réjouissons nous en revanche qu’une fois de plus, mais pour combien de temps, l’€ soit sauvée. Acceptons vraiment que l’€ soit la « monnaie nationale de l’Europe », soyons même prêts à admettre dans la zone euro la Russie. L’Europe reste encore à bâtir, mais nous ne l’aurons jamais réalisée si nous continuons d’avoir des tièdes, des mous et des veaux à la tête de nos états.
Il convient d’hériter de l’Union Européenne et non de la détruire. Mais l’Union Européenne de demain sera bien différente de celle d’aujourd’hui, si les vrais européens, de cœur et d’âme, parviennent à triompher de tous les périls.
Pour l’Europe et les Européens, œuvrons contre le mondialisme et le nationalisme, deux impasses suicidaires. Mais pour cela, l’Européen doit redevenir lui-même et cesser d’être un agneau qu’on amène à l’abattoir pour (re)devenir un loup féroce.
00:46 Publié dans Analyses, Billets, Editoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections présidentielles irlandaises, ira, higgins, crise de la dette, zone euro, européisme, fesf, socialisme, europhobie, euro |
Le fondateur de la République !
250 ans environ après la fondation de Rome par Romulus, le roi mythique et fils du dieu Mars en personne, Rome vit sous la tutelle d’un souverain étranger, un prince du nom de Tarquin, Tarchon en étrusque, dont le nom rappelle une ancienne divinité hittite de l’orage, Tahrun[tas], étayant l’hypothèse d’une origine anatolienne du peuple étrusque et base peut-être du mythe des origines troyennes de Rome.
Contrairement à son ancêtre Tarquin l’ancien, qui avait conservé dans le cœur des Romains une image plutôt positive et avait su se faire accepter, ce Tarquin se montre irrespectueux des institutions anciennes de la cité, et la tradition le qualifie de tyran. Il est qualifié tout particulièrement de l’adjectif superbus, qu’il convient de traduire dans son sens strictement latin, « orgueilleux ». La superbia latine correspond très exactement à l’hybris grecque, « la démesure » consistant à se prendre pour un dieu. La religion grecque estimait qu’il n’y avait pas de plus grande impiété, et même les héros n’étaient pas à l’abri d’une sanction divine, à l’instar de Bellérophon qui voulait rejoindre l’Olympe, monté sur le cheval Pégase, ou encore d’Icare qui voulait aller aussi haut que le soleil. La déesse Némésis, la « vengeance divine », se chargeait d’exécuter la sentence contre les fautifs, si ce n’était pas Zeus en personne, foudroyant le mortel imprudent.
Lucius Junius Brutus, frère de la belle Lucrèce, serait donc l’instrument de la colère des dieux. Rappelons les faits qui mirent le feu aux poudres et amenèrent les romains à fonder la première république de l’histoire, à la même époque à peu près où les structures de la démocratie athénienne voyaient le jour. Lucrèce, épouse fidèle et digne, contre-modèle féminin de Tarpeia, est violée par Sextus, fils du roi Tarquin, en l’absence de ce dernier parti guerroyer. Souillée, bien que contrainte, Lucrèce met fin à ses jours en se poignardant.
A la découverte du drame, Brutus s’empare du poignard recouvert de sang avec lequel sa sœur s’est tuée, et levant le poignard vers le ciel, en appelle au dieu Mars, le père des Romains, mais aussi un dieu réputé comme son homologue grec Arès pour sa férocité, afin que ce dernier par son intermédiaire venge son honneur et chasse de Rome les tyrans étrangers. Il s’appuie sur les Comices, l’équivalent de l’assemblée des citoyens, bien davantage que sur le sénat, au sein duquel demeurent des soutiens au souverain déchu. C’est donc bel et bien une révolution populaire afin de rendre à Rome sa liberté mais c’est aussi un choix politique nouveau, en rupture avec la royauté traditionnelle indigène, celle des quatre premiers rois de Rome. Ainsi naît la Res Publica, c'est-à-dire « l’Intérêt Général » incarné, qu’on pourrait traduire en grec par Demokratia, en 509 avant notre ère.
Cette révolution amène les Romains à combattre les Etrusques, alors maîtres du nord de la péninsule italique, que Tarquin ramène avec lui pour reprendre le pouvoir. Cela nous rappelle les royalistes en 1789 partis chercher du secours au sein des monarchies voisines et la tentative avortée de Louis XVI de s’y réfugier. Tarquin ne reverra pas Rome et les Romains sauront conserver leur indépendance les armes à la main. Ses biens seront saisis, et notamment sa propriété foncière, qui sera donnée au peuple romain. Cette dernière deviendra le Champ de Mars (Campus Martius) où se rassemblent les armées citoyennes à l’ouverture de la période militaire, prêtes à conquérir au nom de Rome de nouvelles terres et à soumettre les peuples voisins.
C’est donc au dieu Mars, en remerciement de son secours, et pour avoir permis à Brutus d’accomplir son serment, que ce domaine sera consacré. Mais le blé récolté, frappé d’impureté, sera offert à la divinité du fleuve Tibre et ne sera pas consommé. Le temple de Jupiter sur le Capitole, dont Tarquin avait commencé la réalisation, ne fut pas abandonné mais c’est désormais à un Jupiter Liberator, en plus d’être « très bon et très grand » (optimus et maximus) qu’il sera consacré, correspondant assez bien au Zeus Eleutherios des Grecs.
Comme l’avaient annoncé les augures à Romulus, Rome avait douze siècles devant elle. Deux siècles passés, Rome était libre et prête à conquérir le monde. Elle devrait subir l’humiliation de la victoire gauloise de Brennus, certes vengée immédiatement par Camille, et Hannibal à ses portes, mais au nom de la liberté de ses citoyens, qui avaient cessé d’être des sujets, au nom d’une conception sociale et héroïque de l’homme, tant que ses dieux seraient honorés, Rome rayonnerait. Le poète italien Carducci au début du XXème siècle, se souvenant avec nostalgie de cette Rome virile et païenne, osa déclarer que Rome cessa d’être victorieuse « le jour où un galiléen roux monta les marches du capitole ».
Brutus, dont le nom soulignait son caractère brutal ou son intelligence limitée, portait un nom fondamentalement lié au dieu de la guerre, que la mythologie ne présente pas toujours, comme son cousin du nord Thor, comme un esprit éclairé, à la différence de sa sœur Minerve. Héritier de ce fait du noble lignage de Romulus, son devoir était tout tracé. Il alla même jusqu’à regarder en face deux de ses fils, qui avaient trahi les intérêts de Rome, alors qu’ils étaient exécutés. Symbole du devoir et du dévouement à sa patrie, c’est son image qui dans l’esprit de Brutus le Jeune l’amena à l’irréparable.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que César, héros du peuple, et qui n’aspirait probablement pas à se faire roi, se souvenant de cette haine des tyrans que Brutus avait enseignée, était lui-même protégé par Mars. Le dieu, qui avait apporté son soutien à Brutus l’Ancien et aussi à la fin du IIème siècle à Brutus Callaicus, ce en quoi le dieu en avait été remercié par la construction d’un temple en son honneur, avec une magnifique statue réalisée par le sculpteur Scopas, le représentant apaisé, son fils Cupidon jouant avec ses armes à ses pieds, se mit du côté d’Octavien et d’Antoine, vengeant le conquérant de la Gaule.
Beaucoup de nos jours se disent « républicains », en particulier en France, mais ne savent pas pourquoi. Alors qu’ils se rangent au service d’intérêts étrangers et d’une domination tarquinienne, celle du capitalisme international et de la finance mondialisée, et qu’ils trahissent le peuple, ils se revendiquent tout comme le jeune Brutus d’une tradition qu’ils méprisent ou simplement ne comprennent plus. Brutus l’Ancien nous rappelle qu’un vrai républicain soumet tout aux intérêts sacrés de sa patrie. Qui seront les « Bruti » qui libéreront les Européens de tous ces jougs ? Ceux qui établiront la République Européenne, forte et prospère, réconciliant Mars et Mercure sous le patronage d’un nouveau Jupiter Libérateur, l’époux taurin d’Europa.
Aux Tarquins du Système, nous répondrons donc « souvenons nous de Lucius Junius Brutus, qui donna jusqu’à sa vie pour sa patrie ». Nous combattrons jusqu’à ce que l’Europe renaisse, jusqu’à ce que, nouveaux romains, les Européens soient à nouveau maîtres chez eux, souverains de leur sol, gardiens de leur lignage. L’Europe souillée, c’est Lucrèce violée. Lucrèce vengée, c’est l’Europe libérée.
Thomas Ferrier
00:02 Publié dans Anti-mythes, Billets, Culture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brutus, tarquin, fondateur, république, res publica, mars, lucrèce, europe, thomas ferrier, psune |
16/10/2011
Brèves européennes... (4)
DANEMARK
La candidate sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt (1), désormais premier ministre à l’issue de la victoire électorale de sa coalition de « gauche » du 15 septembre dernier, s’était engagé durant sa campagne à conserver dans toute leur rigueur les lois sur l’immigration votées par la majorité de centre-droit précédente, sous la supervision du Dansk Folkparti (« Parti Populaire Danois »), un parti partagé entre une aile souverainiste et une aile nationale-populiste, exclu du gouvernement mais indispensable pour maintenir la majorité de droite au parlement.
Les lois anti-immigration, visant tout particulièrement les populations extra-européennes, avaient permis de maintenir la droite nationaliste aux alentours d’entre 12 et 14%. Le DFP a ainsi perdu des points aux dernières élections, bien que se maintenant à un peu plus de 12% des voix. Une raison de ce recul était justement l’engagement de la candidate de gauche.
Comme d’habitude, la fausse « gauche » renie ses engagements, profitant de la naïveté d’un électorat souhaitant une bien légitime alternance, mais abusé par une « gauche » qui a abandonné le socialisme, incapable de s’opposer au mondialisme libéral s’il refuse de se penser au niveau européen et s’il refuse de se réconcilier avec les classes populaires, trahies au profit d’un nouvel électorat d’importation. Le nouveau premier ministre, dont le prénom rappelle une déesse germano-scandinave funeste, annonce donc l’abandon de toute une série de mesures destinée à maîtriser les flux migratoires. Elle souhaite notamment « faciliter » les procédures de permis de séjour, de naturalisation et de regroupement familial, ce qui est contraire au souhait d’une majorité de danois, y compris parmi ceux qui ont voté pour elle.
Le journal Le Monde dénonce un Danemark « allé très loin dans le sens du durcissement » en la matière, ce qui est de toute évidence une vue partisane et déconnectée du réel. On a vu notamment en Norvège et en Suède ce qu’il fallait penser de la politique que la sociale-démocratie a mené à ce sujet. Je propose que Mme Thorning-Schmidt se rende dans certains quartiers de Malmö pour comprendre que ce n’est pas au Danemark de s’aligner sur la Suède voisine mais le contraire.
FRANCE
Ainsi, la campagne interne du parti socialiste, les fameuses « primaires citoyennes », est arrivée à son terme, et c’est François Hollande, avec un peu plus de 56% des voix, qui s’est imposé au second tour face à l’ancien premier secrétaire, en l’occurrence Martine Aubry. Cette victoire, qu’annonçaient avec une marge plus faible les différents instituts de sondage, permet au candidat choisi de rentrer officiellement en campagne face à la droite sortante. Si Arnaud Montebourg a su montrer sa différence, accentuant sa démarche socialiste au nom d’une « démondialisation » qui reste avant tout un élément de communication et non un projet alternatif crédible, recueillant ainsi un soutien significatif (17%), les deux finalistes défendaient un projet très proche. D’ailleurs ils s’étaient engagés à défendre le projet commun « socialiste ». C’est donc davantage deux styles, deux personnalités, qui se sont opposés.
François Hollande s’impose dans de nombreux départements avec un score indiscutable. Dans de nombreux départements du sud et du sud-est, il triomphe largement. Ainsi, là où Arnaud Montebourg avait fait de bons scores, en PACA, Hollande y dépasse les 60%. Dans le fief de Ségolène Royal, Hollande est en moyenne à 65%. Dans son fief corrézien, il réussit même l’exploit d’atteindre 94,3% des voix en sa faveur, alors que Martine Aubry, dans son fief du nord, se contente du score estimable de 68,5%. En fait, Aubry ne gagne que dans le Nord Pas de Calais et surtout à Paris, même si de justesse, en raison dans ce dernier cas de la mobilisation de l’électorat bobo, surtout « écologiste ». Elle est dominée dans tous les autres départements.
Le programme du Parti Socialiste est connu. Incapable de proposer une alternative socialiste dans un cadre national verrouillé et face à un puissant mondialisme libéral, le PS fait dans le libertaire, exactement comme la « gauche » chez ses voisins. Le libéralisme régnant en maître, le PS devant appliquer le même programme social de rigueur budgétaire que l’UMP, il ne peut marquer sa différence qu’en accentuant encore davantage les éléments de décadence civilisationnelle.
Si le PS triomphait aux présidentielles et aux législatives suivantes en 2012, déjà maître du sénat et dominant dans les media, il pourrait appliquer son programme suicidaire. Le PS soutient et continue de soutenir l’adhésion turque à l’Union Européenne, alors que l’autoritaire Recep Erdogan montre de plus en plus son vrai visage, espérant être rejoint en 2013 par une SPD allemande également turcophile. Il prône clairement le vote des non-européens aux élections locales, ce qui est une atteinte au principe même de citoyenneté et aux fondements de la démocratie. Il entend régulariser massivement les clandestins, comme l’a fait Zapatero en Espagne. Et tout comme ce dernier, le PS entend mettre fin au mariage traditionnel européen afin d’instaurer le « mariage homosexuel », ce que même les Romains de l’époque de Juvénal n’avaient pas osé, avec possibilité d’adoption. On suppose que le PS choisira aussi d’autoriser les drogues prétendument « douces ».
Cette démarche purement libertaire, mais en rien socialiste, n’est pas ce que veulent les électeurs, en dépit de sondages contradictoires et/ou orientées, qui souhaitent d’abord une alternance politique, le président Sarkozy ayant considérablement déçu les Français, avec un bilan tout sauf estimable, et alors que le pays a été gouverné dix ans par la droite. Le PS est pourtant l’UMP en pire dans la plupart des domaines.
Il existe pourtant une alternative socialiste au libéralisme mondialisé qui ne passe pas par la mise en avant de lubies idéologiques portées par divers lobbies marginaux. C’est le socialisme européen. Si nous tapons davantage sur la fausse « gauche » que sur la droite, c’est parce que nous savons que malheureusement, dans la situation actuelle, cette dernière fait simplement moins de dégâts. A un certain niveau, l’UMP ne cache pas son impuissance ni sa médiocrité. Le PS en revanche ment aux électeurs des classes populaires et profite d’une « intoxication idéologique » de la classe moyenne, en particulier celle des grands centres urbains.
Européens, encore un effort pour devenir socialistes, pour devenir vraiment socialistes. Le premier geste sera de démasquer cette fausse « gauche », plus mondialiste que la droite, ce qui relève de l’exploit, de mettre en exergue le fait qu’elle trahit l’Europe ! Depuis trente ans, la « gauche » n’est plus de gauche, et Jaurès ne cesse de là où il est de s’agiter avec colère. Si l’électorat populaire est contraint de voter à droite et même à l’extrême-droite, c’est parce qu’il n’y a plus de gauche pour le défendre. Le PS vit de son image socialiste, tout comme le FN vit de son image « identitaire ». Une image mensongère dans les deux cas.
Si les Européens doivent chasser du pouvoir la droite libérale et conservatrice, alors cela ne doit être que pour mettre en place une gauche authentique, socialiste et européiste. Celle-ci doit être refondée à partir de zéro et nous, les euro-socialistes, entendons contribuer à cette refondation. Les mânes de la tradition socialiste européenne, de Saint-Simon à Jaurès, de Fourier à Owen, de Proudhon à Blanqui, d’Herzen à Hyndman, de Mazzini à Radic, nous y invitent.
RUSSIE
L’avenir de l’Europe dépend-il de la Russie ? C’était ce que pensait Nietzsche, qui rêvait d’une vague russe libératrice sur la « vieille » Europe, nouveaux « barbares » européens ramenant l’Europe à ses vraies valeurs. En vérité, la Russie a autant besoin du reste de l’Europe que nous avons besoin d’elle. Elle a énormément à offrir, un espace géographique riche, une population encore nombreuse, une vitalité culturelle indiscutable. Mais si elle doit rejoindre l’Europe politique, c’est d’abord parce qu’elle est européenne, comme l’affirmait la tsarine Catherine. La Russie dans l’Union Européenne, c’est un facteur de réeuropéanisation dans tous les domaines de cette dernière. C’est nécessairement une UE qui s’émancipe de la tutelle américaine, qui n’a plus rien de libératrice ni de bienveillante. C’est nécessairement une UE qui, ayant atteint la masse critique, n’a plus à subir le mondialisme libéral et peut engager la contre-offensive, protéger son marché intérieur par un vigoureux protectionnisme, se réindustrialiser en profondeur, investir notamment dans les nouvelles technologies et la robotisation. C’est une UE qui n’a plus besoin de l’aval de l’OTAN et de Washington pour veiller à la défense de ses intérêts, protéger les siens dans le monde et se faire à nouveau respecter.
Les derniers évènements en Russie navrent une bonne partie des élites politiques du vieux continent. Elles espéraient que le « plus libéral » Medvedev remplace le « plus autoritaire » Poutine. En fait, Dimitri Medvedev n’est pas le héros occidentaliste que certains espéraient. Et Poutine est beaucoup plus européiste qu’on pourrait le croire, même si son idée d’Union Eurasienne pourrait faire penser le contraire. Seulement la Russie réagit à l’attitude des Européens en face. Si Nicolas Sarkozy a eu raison en Arménie de rappeler la Turquie à son histoire, il a en revanche eu tort de cautionner implicitement le président géorgien qui a provoqué la encore puissante Russie en croyant faire plaisir à ses alliés atlantistes.
La Russie est donc de retour, pour le meilleur ou pour le pire. Il appartient aux autres Européens de lui envoyer le bon message, celui de l’amitié, celui de la fraternité au sein de la commune européanité. La Russie va encore mal. Elle se remet douloureusement du traumatisme de la ruine eltsinienne. Sa démographie est en berne, comme celle de tous ses voisins européens, de tous, y compris de la France, même si les media français confondent sciemment natalité endogène et natalité importée. Le vieillissement ne l’épargne pas. Et des sirènes trompeuses lui conseillent la « guérison » par le suicide migratoire, comme chez nous.
Mais la Russie est fière, la Russie n’oublie pas qu’elle a été le rempart de l’Europe entière contre les assauts de l’Asie avide de nos richesses. C’est elle qui a encaissé les coups des Mongols et qui a combattu sans relâche pour reprendre Constantinople aux Ottomans. C’est elle qui par deux fois a libéré l’Europe d’un tyran qui l’opprimait, en 1815 et en 1945, même si elle-même subissait un autre joug.
Osons proclamer que la Russie a toute sa place dans l’Union Européenne, que son adhésion changerait la nature même de cette union, que celle-ci deviendrait alors vraiment européenne. Alors que l’adhésion turque sonnerait la fin de toute Europe politique, et de toute Europe authentique, l’adhésion russe aurait l’effet exactement inverse.
Si on donne le choix aux russes entre un Occident décadent, masochiste et sous tutelle atlantiste et Poutine président jusqu’en 2024, ils choisiront, et à raison, Vladimir Vladimirovitch. Les commentateurs qui déplorent le retour de l’ancien président et actuel premier ministre, ont-ils mieux à proposer ? Un Sarkozy, une Merkel, un Cameron, un Berlusconi à la sauce russe ? Ou encore un nouvel Eltsine, fossoyeur du peuple russe ? Non merci. Le russe Poutine s’effacera si un européen digne de ce nom se lève et annonce la Grande Europe pour « demain ».
(1) Hel, déesse scandinave de la mort et des enfers.
23:36 Publié dans Analyses, Billets, Editoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thomas ferrier, psune, danemark, primaires citoyennes, helle thorning-schmidt, vladimir poutine, françois hollande |
09/10/2011
Brèves européennes... (3)
POLOGNE
Ce dimanche 8 octobre, les électeurs polonais décident de leur avenir en votant pour renouveler leur parlement. Deux choix essentiels s’offrent à eux : le PO (Parti Libéral) de l’actuel premier ministre Donald Tusk et le PiS (Parti Conservateur) de Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau de l’ancien président décédé. La gauche sociale-démocrate semble à nouveau proposer une candidature de témoignage, alors qu’elle est en outre concurrencée par une liste baroque, anticléricale et libertaire, défendue par un nouveau venu, Janusz Palikot, homme aux deux visages, comme son prénom l’indique, puisqu’il défendait auparavant une ligne politique conservatrice. Tusk a déçu un certain nombre de ses partisans par le peu d’audace de ses réformes, même si son principal adversaire est à lui seul un programme en faveur du PO. En effet, Kaczynski s’est fait récemment connaître pour ses nouvelles diatribes germanophobes, s’attaquant violemment à Angela Merkel, qu’il accuse d’être arrivée au pouvoir par le biais de forces occultes, et de vouloir relancer une politique impérialiste allemande dont la Pologne serait à nouveau victime, tout en maintenant en même temps une ligne russophobe. En outre, il éprouve une vive détestation de l’Union Européenne, même s’il a mis de l’eau dans son vin, renonçant à son hostilité de principe à l’€.
Toutefois, les derniers sondages montrent une quasi égalité entre les deux mouvements, alors que les sociaux-démocrates sont annoncés en dessous de 10% et que la liste Palikot émerge désormais au-dessus de ce seuil. Le PSL (« parti paysan ») est annoncée aux alentours de 9%. Si cette tendance se confirme dans les urnes, Tusk devra probablement s’allier non seulement au PSL mais aussi à au moins l’un des deux partis de gauche. Le bon score attendu du PiS s’explique quant à lui par l’absence de listes nationalistes, car ni la Ligue des Familles Polonaises (LPR) ni Autodéfense (Samoobrona), ce dernier parti ne se remettant pas du suicide de son président-fondateur Andrzej Lepper, ne seront présents.
Selon les résultats attendus en soirée, il est possible que demain la Pologne soit relativement ingouvernable et nécessite la coalition des contraires afin de maintenir le gouvernement en place. Même si le PiS arrivait ce soir en tête des suffrages, il ne bénéficierait d’aucun allié pour forger une majorité parlementaire.
TURQUIE ET UNION EUROPEENNE
Recep Erdogan continue dans ses diatribes envers Israël et envers Chypre. Il a à nouveau rappelé que selon lui Israël, disposant de l’arme nucléaire, représentait une menace pour tout le Proche-Orient. Il continue en outre de menacer Chypre de rétorsions si la partie grecque de l’île exploite à son seul profit les nouveaux gisements sous-marins découverts. Alors que le président français était en visite diplomatique en Arménie, ce dernier en a profité pour tactiquement relancer la question turque en demandant que la Turquie reconnaisse explicitement la politique génocidaire dont les Arméniens d’Anatolie ont été victimes en 1915. Clin d’œil aux électeurs d’origine arménienne, mise en difficulté de la gauche parlementaire, désormais majoritaire au sénat, ou façon de provoquer la Turquie afin de rassurer les électeurs UMP, le coup d’éclat de Nicolas Sarkozy a atteint son but.
En réponse, le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu a réagi en demandant à la France de reconnaître le « génocide algérien ». Mais la faute des uns n’atténue en rien la faute des autres, et ce qu’ont subi les Arméniens est de toutes façons sans commune mesure avec la répression colonialiste du mouvement indépendantiste algérien. Ce refus explicite n’est pas surprenant ; il était même prévisible. Mais il permet de montrer le gouvernement turc AKP sous un autre angle. L’AKP continue d’ailleurs de mettre en œuvre la politique néo-ottomane prônée par Davutoglu, en envoyant des entrepreneurs turcs auprès du mouvement de libération libyen. Rappelons que l’Algérie, à laquelle Erdogan a implicitement apporté son soutien, en réponse à l’exigence de reconnaissance de l’arménocide, tout comme l’Egypte et comme la Libye, faisait partie de l’ancien empire ottoman.
La Turquie piétine l’Union Européenne et celle-ci n’ose pas affirmer sa puissance et se faire respecter. Au lieu de rompre les pourparlers d’adhésion, par des biais détournés, certaines institutions bruxelloises associent même la Turquie.
GEORGIE / RUSSIE
Nicolas Sarkozy a tenu également à apporter son soutien au gouvernement géorgien, tout en ménageant Moscou. Qu’il veuille reconnaître la vocation géorgienne à rejoindre l’Union Européenne me paraît une bonne chose, mais ce faisant, il apporte aussi une caution morale au président Saakachvili, qui n’est vraiment pas un modèle de démocrate. Cette maladresse, même si le propos a été beaucoup plus prudent que vis-à-vis de la Turquie, ne va pas dans le sens d’une politique euro-russe qui est pourtant absolument nécessaire. Au contraire, œuvrer à la réconciliation russo-géorgienne, ce qui passe par le départ du président géorgien actuel, reconnaître aussi la légitimité des Abkhazes et Ossètes à disposer d’un état souverain respectant leur identité, et tendre la main à la Russie, voilà au contraire ce qui aurait été une politique utile.
A chaque fois qu’on dit non à la Turquie, il faut dire systématiquement oui à la Russie.
ALLEMAGNE
La CDU redécouvre l’Europe. Après qu’Ursula von der Leyen ait exprimé son soutien à l’idée des Etats-Unis d’Europe dans le cadre d’une politique plus sociale, on découvre Nikolaus Meyer-Landrut, francophile patenté, époux d’une française d’ailleurs. Ce partisan résolu de l’€ mais aussi d’une Europe plus fédérale, proche de Valéry Giscard d’Estaing, semble désormais écouté par Angela Merkel, qui se contraint à une politique plus ouvertement europhile, malgré d’évidentes réticences. Alors que la FDP sombre élection après élection et que le rôle dévolu à la CSU semble s’évaporer, la CDU a besoin de transmettre un nouveau flambeau à une nouvelle génération de responsables chrétiens-démocrates qui sauront dire un grand oui à l’Europe, ce qu’Angela Merkel n’a pas su faire. Toutefois, les élections de 2013 devraient annoncer la victoire d’une coalition SPD/Grünen, sauf si Die Linke réalise un très bon score. Si le PS gagne en 2012 et la SPD en 2013, il y a un danger très fort que la politique d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne soit relancée, ce qui ne serait pas rendre service au projet européen et aux idées (authentiquement) européistes.
15:34 Publié dans Analyses, Billets, Editoriaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : donald tusk, jaroslaw kaczynski, recep erdogan, ahmet davutoglu, nikolaus meyer-landrut, saakachvili, nicolas sarkozy |
29/08/2011
Petrobey, un héros européen !
(Article d'octobre 2008)
La Laconie. Province du sud-est du Péloponnèse, elle abrite en son sein la célèbre cité de Lacédémone, là où Ménélas et Hélène ont été inhumés, plus connue sous son nom de Sparte. A côté des ruines de Sparte se trouvent les ruines de la cité des philosophes byzantins, Mistra, dont ne subsistent plus que quelques monastères. Alors qu’Athènes nous a laissé des ruines imposantes, il ne reste plus grand chose de l’ancienne Sparte, si ce n’est la poésie de Tyrtée.
Le peuple laconien a su résister et vaincre les troupes perses de Darius, côté à côte avec le peuple attique, et du temps d’Alexandre est resté le seul peuple indépendant d’Hellade. Lorsque les Romains prirent des siècles après la Grèce aux Macédoniens, Sparte, jugée comme une sorte de Rome plus ancienne, fut protégée par le pouvoir impérial. Ses traditions furent préservées et il n’est pas étonnant que de toutes les provinces de l’empire romain, ce soit elle qui ait le plus longtemps résisté à la christianisation. En effet il faudra attendre la fin du Xème siècle pour que Nikôn l’Arménien, accompagné de troupes byzantines, convertisse de force la Laconie à la nouvelle religion, non sans mal puisqu’il lui faudra plus de trente ans pour y parvenir, de 950 à 988 après J.C.
Par la suite, sept ans après la chute de Constantinople, en 1460, le despote de Morée, autre nom du Péloponnèse, Dimitrios Paleoloyos, doit baisser les bras devant les troupes turco-musulmanes de Mehmed II. Mistra, cité qui a abrité le grand philosophe néo-païen Gémiste Pléthon, celui-là même qui voulait revenir à la conception spartiate de la société pour vaincre l’ennemi ottoman menaçant, tombe. La Grèce est soumise. Elle demeurera aux mains de la Sublime Porte pendant près de trois siècles.
Il n’est dès lors pas étonnant que le cri de la liberté provienne de cette contrée réputée pour le courage de ses combattants. C’est le 17 mars 1821, ce mois consacré au dieu romain de la guerre, que le « bey » du Péloponnèse, le grec Petros Mavromichalis (1765-1848), décide de lever bien haut le drapeau de la révolte. Il le fait au cœur de sa petite ville de Laconie, Areopoli, un nom prédestiné puisque cette « cité d’Arès » honore par son nom le dieu grec de la guerre, Aris. Et le drapeau qu’il lève n’est pas innocent. Il est blanc avec une croix bleue en son sein, ce qui nous rappelle le drapeau de la Grèce contemporaine. Et sur ce drapeau, deux inscriptions en caractère hellénique rayonnent. La première est niki i thanatos, « la victoire ou la mort », et la seconde est tan i epi tas, « reviens avec ton bouclier ou sur lui », célèbre devise de l’antique Sparte. C’est ainsi que la Grèce courageuse leva l’épée face à l’empire ottoman. Le courage des combattants hellènes à Missolonghi, galvanisés par Lord Byron, et le sort tragique qui fut le leur, amena l’Europe occidentale à intervenir et à forcer les Ottomans à accorder à la Grèce son indépendance. Il faudra neuf ans de combat, neuf ans de souffrance, pour qu’Athènes et Sparte soient à nouveau libres.
Petros Mavromichalis était un véritable héros européen qui jamais ne renonça à la liberté de sa patrie. Il mourut le 6 août 1848 à Athènes, après avoir connu une brillante carrière politique. Il avait choisi de ne jamais se coucher devant l’ennemi, fut-il en surnombre, et avait cru à l’impossible. Et l’impossible se réalisa. Ceux qui jettent leur bouclier à terre, ceux qui renoncent au combat, ceux qui « prennent acte » c'est-à-dire subissent le réel au lieu de le dominer, ceux-là sont indignes de se dire européens. Mavromichalis, tout comme Mazzini, Garibaldi ou Blanqui, nous montre la voie. Il n’y a aucune récompense au renoncement. Nous ne renoncerons donc jamais.
Thomas Ferrier
Mise à jour: alors que la Grèce subit un diktat économique terrible du fait de la mondialisation économique et de l'incapacité de l'Europe à s'unir et à opposer un front commun aux spéculateurs, l'exemple de Petros Mavromichalis face à un empire oppresseur, celui des Ottomans, rappelle à quel point il ne faut rien céder face à l'ennemi mais bien au contraire lui prendre tout. Le combat grec pour l'indépendance fut d'ailleurs aussi un combat européen, l'engagement à Missologghi de Lord Byron notamment, qui a été au bout de ses idées, et qui est mort au nom de la Grèce authentique, nous le rappelant. Le combat des travailleurs grecs et de la jeunesse courroucée est aussi le nôtre. Mais il ne pourra s'exprimer que dans le cadre d'une action européiste résolue, intransigeante tant vis à vis des gouvernants en place que des institutions "internationales" et lucide sur ce qui ronge l'Europe de l'intérieur.
21:21 Publié dans Billets, Culture, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : petrobey, mavromichalis, thomas ferrier, psune, grèce, 1830, missologghi |
07/08/2011
La Turquie et l’Union Européenne : état des lieux en août 2011
Après le troisième succès électoral de l’AKP turc de Recep Erdogan, réunissant près de 50% des voix aux élections législatives, qu’en est-il de la question de l’adhésion turque à l’Union Européenne, principale revendication du parti lorsqu’il s’est imposé la première fois ?
Nous, euro-socialistes, avons toujours considéré que le pro-européisme d’Erdogan n’était qu’une façade pour dissimuler un calendrier islamiste de moins en moins caché d’ailleurs, et une stratégie pour affaiblir le principal contre-pouvoir turc, et défenseur de l’héritage kémaliste, l’armée. Bien sûr, dans un état démocratique digne de ce nom, il n’est pas normal que l’armée puisse déterminer la politique de la nation, et bien évidemment qu’elle intervienne pour démettre un gouvernement qui lui déplairait. Mais la démocratie est un combat de tous les jours, résulte toujours d’une démopédie efficiente, et ne se décrète pas. Rome ne s’est pas faite en un jour.
Lorsque Mustafa Kemal fonda l’état turc moderne, il savait que le pays n’était pas encore prêt pour la démocratie, de même que le maréchal Pilsudski en Pologne avait été contraint de tenir le pays avec une certaine poigne à une époque où certains autoritarismes populaires voulaient s’imposer. Il avait analysé le principal obstacle à sa politique d’européanisation, qui restait néanmoins nationaliste, à savoir l’islamisme. Il avait cependant été contraint de tempérer son hostilité à l’islam par réalisme politique, dans un pays très majoritairement musulman et qui liait son identité nationale à cette religion. Pour Kemal, islam et démocratie étaient incompatibles, et la démocratie ne résulterait que de la victoire des idées nationales en version européanisées sur cette tradition qui lui paraissait étrangère.
Ainsi Kemal Atatürk voulut-il enraciner la tradition nationale turque dans le passé anatolien pré-islamique, fondant sa capitale sur les ruines de l’antique Ancyre (devenue Ankara) au cœur de la Cappadoce, et pas très loin d’Hattusa, l’ancienne capitale de l’empire hittite, en même temps que dans la turcité centre-asiatique et païenne, valorisée aujourd’hui encore par une partie du MHP, le parti nationaliste des « loups gris » (Bozkurtlar). Cette révolution morale, que Reza Shah tentera d’imiter en Iran et plus tard Zaher Shah en Afghanistan, impliquait de longues années de travail politique pour qu’enfin la démocratie émerge. Vouloir hâter la démocratie alors que le peuple n’est pas encore prêt, en revanche, c’est au final amener une nouvelle autocratie au pouvoir. En Iran, il y a eu Khomeiny. En Turquie, il y a Erdogan.
18:35 Publié dans Analyses, Billets, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, recep erdogan, élections parlementaires turques de 2011, akp, abdullah gül, réislamisation, ergenekon, thomas ferrier, psune |
01/08/2011
Valéry Giscard d’Estaing: l’Europe et son identité
Valéry Giscard d’Estaing a été un président au bilan contrasté et à l’image brouillée. S’il est devenu après sa défaite aux présidentielles de 1981 face à François Mitterrand une des figures les plus marquantes du projet européiste, beaucoup de français se souviennent des affaires (notamment la fameuse affaire Bokassa) et de quelques mesures anecdotiques (en particulier des modifications apportées à la Marseillaise). Le fameux « au revoir » mettant fin à son septennat restera célèbre.
Bien loin de cette imagerie d’Epinal, l’ancien président a pourtant souhaité mettre en place une politique tout à fait différente de celle qu’on a pu imaginer. C’est ainsi que l’historien Patrick Weil, dans plusieurs ouvrages consacrés aux questions d’immigration et de nationalité, évoque des faits méconnus de l’écrasante majorité des Français. Explications.
Le président Giscard d’Estaing, à la fin des années 70, met en place une politique de rapprochement familial. Fervent partisan de l’idée d’Europe unie, qu’il partage avec son ami Helmut Schmidt, authentique socialiste allemand, il lui semblait naturel que les nombreux travailleurs européens, notamment espagnols, portugais et italiens, puissent bénéficier de cette mesure, d'autant plus qu'elle commençait à être prise dans les autres pays d’Europe occidentale. Parallèlement, avec les premiers chocs pétroliers, la crise économique commençait à engendrer une hausse du chômage, rendant inutile l’immigration de travail au sens strict.
Or, à sa grande surprise, Valéry Giscard d’Estaing constate que les travailleurs venus du Maghreb font venir leur famille en France. Lorsqu’il mettait en place sa politique de rapprochement familial, il ne visait en vérité que les travailleurs européens, n’imaginant personne d’autre. Immédiatement, il entend corriger le tir, puisque à l’instar de De Gaulle, il ne met pas du tout sur le même plan l’immigration européenne, laquelle existe depuis le XIXème siècle, et l’immigration non européenne, laquelle est uniquement de travail et pensée comme provisoire. Il tente donc de restreindre la mesure de rapprochement familial aux seuls Européens. Patrick Weil rappelle d’ailleurs qu'en 1946 déjà, le général De Gaulle voulait limiter l’immigration de travail aux seuls Européens mais en avait été empêché suite au refus conjoint non seulement du PCF et de la SFIO mais aussi du patronat. A l'inverse, dans l’esprit d’un grand patron comme Francis Bouygues, le rapprochement familial devait profiter aux travailleurs maghrébins, comme il le déclarait dans un entretien à la télévision.
Le Conseil d’état, consulté, estime la mesure discriminatoire et s’y oppose avec force. Face à ce refus, sachant aussi qu’une partie de la majorité parlementaire était réticente à sa politique, Giscard d’Estaing décide que la seule solution est de mettre fin à l’immigration maghrébine. Patrick Weil indique ainsi que, je cite : « Seule en Europe, sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, elle [la France] tenta d’organiser , entre 1978 et 1980, le retour volontaire, puis forcé, c'est-à-dire le renvoi de la majorité des Nord-Africains, puis particulièrement des Algériens. » (in Patrick WEIL, « La République et sa diversité », page 17). Plus précisément il souhaite organiser le départ de 500.000 maghrébins sur une période de cinq ans, mettant en place une politique d’inversion massive des flux migratoires. Sans soutien de la part de ses partenaires européens, combattu par une partie de sa majorité, aussi bien par les milieux gaullistes que par les démocrates-chrétiens, mais aussi par le PS et l’Eglise, le président doit finalement renoncer. Notons toutefois qu'à la même époque, le dirigeant du PCF, Georges Marchais, demandait l’arrêt de l’immigration.
Ironie de l’histoire, François Mitterrand, qui militait avec les nationalistes dans les années 30 « contre l’invasion métèque » (selon l'inscription qu’il portait sur une pancarte dans une manifestation des Volontaires Nationaux dont il était membre), à peine élu comme le premier président « socialiste » en 1981, annoncera, bien au contraire, que les immigrés étaient « chez eux chez nous ».
Ces faits historiques permettent de mieux comprendre le propos de Valéry Giscard d’Estaing en 1991, lorsqu'il expliquait que « bien que dans cette matière sensible il faille manipuler les mots avec précaution, en raison de la charge émotionnelle ou historique qu’ils portent, ce type de problème actuel auquel nous aurons à faire face se déplace de celui de l’immigration vers celui de l’invasion. » (Le Figaro Magazine, 21 septembre 1991). Il ne souhaitait pas réagir ainsi à la montée du Front National dans les sondages, mais bien exposer son point de vue personnel sur la question. Il ajoutait même qu’il convenait selon lui « de revenir à la conception traditionnelle de l’acquisition de la nationalité française : celle du droit du sang ». Cette proposition a d’ailleurs figuré dans le programme du RPR de Jacques Chirac en 1986.
L’ancien président était conscient des problématiques migratoires, le succès du FN à partir de 1984 étant l’illustration d'un malaise, et il entendait y apporter une réponse résolue, qu'il pensait certainement conforme à l’esprit républicain et aux principes fondamentaux de la démocratie. De fait, son choix politique était exactement celui de Périclès en 451 avant J.C. Personne n’a d’ailleurs dénoncé chez l’ancien président une tentation extrémiste sur la base des discours cités.
Pour finir, les media ont présenté Giscard d’Estaing comme le « père de la constitution européenne », la fameuse constitution rejetée par le peuple français en 2005 avec 56% de vote négatif. Certes, il a fait partie avec bien d’autres personnalités politiques européennes de la « convention » chargée de sa rédaction. Mais, ce faisant, il a très clairement fait entendre sa différence. Ainsi, a-t'il souhaité que la référence aux valeurs chrétiennes soit inscrite dans le texte. Compte tenu de ce qui précède, il convient d'interpréter sa défense du christianisme non pas sur le plan religieux mais sur le plan identitaire, comme une façon de rappeler, à côté des valeurs gréco-romaines et humanistes, que l’Europe avait une spécificité que n’avaient pas les continents voisins. Dans le même esprit, Giscard d’Estaing s’est déclaré explicitement opposé à toute adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, ce pays n’étant pas européen à ses yeux. Son vieux complice Helmut Schmidt affirmait la même chose outre-rhin, au grand dam d’une SPD qui y était en revanche ouvertement favorable.
Partisan résolu de l’Europe unie, défendant un fédéralisme européen pur et dur face aux prérogatives des Etats, Valéry Giscard d’Estaing a ainsi montré qu’il ne concevait pas l’Europe sans son identité européenne spécifique.
00:30 Publié dans Billets, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vge, valéry giscard d'estaing, rapprochement familial, immigration, remigration, europe, européanité, identité européenne, patrick weil |
16/07/2011
14 juillet : Eva Joly doit-elle remonter dans son knörr ?
Un député UMP sur twitter, tout comme Jean-Pierre Castaldi sur RMC par boutade, propose à Eva Joly « de retourner en Norvège » suite à sa proposition de supprimer le défilé militaire du 14 juillet pour le remplacer par un défilé citoyen. Le premier ministre François Fillon a même jugé que Mme Joly n’avait pas « une culture très ancienne des valeurs françaises ». Alors que la « gauche » avait dénoncé elle aussi, mais avec des mots différents, cette proposition de la candidate écologiste, elle prend aujourd’hui sa défense face à un gouvernement qui fustige en elle une binationale, avec des accents sensiblement proches de ceux de Marine Le Pen, en croisade contre la binationalité. Il est vrai qu’Eva Joly n’était pas obligée de surjouer sur la « France métissée » et de se présenter en bonne mondialiste comme franco-norvégienne. Elle a certes ajouté qu’elle était européenne, mais n’a pourtant pas choisi de jouer sur cette partition, d’où le retour de flammes qu’elle subit aujourd’hui.
Précisons clairement que la candidature d’Eva Joly est légitime sur le principe bien que nous soyions opposés à une grande partie de son projet et de sa vision du monde. Eva Joly nie l’européanité du peuple français et de sa culture, en faisant la promotion explicite des minorités importées. Elle s’attaque aux assises énergétiques du pays par son hostilité à l’énergie nucléaire qui nous permet de disposer d’une énergie à un coût raisonnable pour les classes populaires et de moins dépendre des énergies fossiles et donc des pays du golfe persique. Elle soutient le mariage homosexuel et l’adoption qui l’accompagne. Elle est également partisane de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne.
Mais force est de constater que sa proposition a suscité des réactions nationalistes et xénophobes tout à fait pathétiques. Nous ne sommes pas surpris par la réaction outragée de Marine Le Pen ; on n’en attendait pas moins d’elle, persévérant dans sa volonté aberrante de ne pas vouloir distinguer flux migratoires intra-européens et extra-européens. Mais que le premier ministre de droite soit amené à défendre une position qui est fondamentalement europhobe, comme si de prétendues « valeurs françaises » différaient de supposées « valeurs norvégiennes », est significatif. Entre une « gauche » de plus en plus mondialiste, donc de plus en plus coupée des réalités françaises et européennes, et une droite qui se sent obligé de faire dans le nationalisme europhobe de crainte de perdre des électeurs en faveur du Front National, ce qui est une erreur de jugement, la situation politique du pays est inquiétante.
Alors que l’€ est attaqué, que la crise financière frappe de plein fouet les maillons les plus faibles de l’Union Européenne (Irlande, Grèce, Portugal), au lieu de défendre un véritable projet européen, la droite au pouvoir fait dans le fétichisme national.
Analysons plus précisément, comme tous auraient dû le faire, la proposition d’Eva Joly. Elle propose de supprimer le défilé militaire du 14 juillet. Suite aux réactions, elle a affiné sa remarque, en expliquant qu’elle n’était pas opposée au principe d’un défilé militaire, mais que le 8 mai ou le 11 novembre lui paraissaient plus adaptés. Elle maintient en revanche son idée d’un défilé civil le 14 juillet, défilé dont certains imaginent ironiquement qu’il ressemblerait à une « gay pride » ou à une « love parade ».
Mais pourquoi ne pas aller au bout du raisonnement ? Pourquoi conserver le 14 juillet, tout simplement ? Il n’est pas obligé de vouloir à tout prix maintenir une fête créée en 1880 par la troisième république dans le contexte de la revanche, suite à la défaite de 1870 et à la perte de l’Alsace-Moselle. A l’heure où notre avenir est européen, et c’est ce que prétendent encore défendre la « gauche » et la droite, pourquoi conserver des fêtes rappelant les guerres du passé ?
En tant que socialiste européen, le PSUNE propose donc de déplacer le défilé militaire français à une autre date, le 9 mai ou le 11 novembre, et je précise bien le 9 mai (journée de l’Europe), et de l’intégrer à un véritable défilé militaire européen, comprenant des représentants des forces armées de tout le continent, ouvert à la Russie, et ayant lieu dans une capitale européenne différente chaque année. Il faut que l’armée française soit un symbole de réconciliation entre européens et non pas des divisions passées. C’est ainsi que nous pourrons honorer les soldats français, et en même temps qu’eux les soldats de toute l’Europe, pour leur courage.
A un moment donné, il faut savoir être cohérent. Quand on se prétend « européen », et à plus fortes raisons partisan d’une Europe politique, il faut le démontrer par des actes et des propositions qui l’attestent. Une fois de plus, la droite classique, au lieu de rebondir dans un sens européen par rapport à une proposition médiocre de Mme Joly, médiocre car non réfléchie, sans enjeux, avec une pointe d’anti-militarisme béat et de gauchisme militant, a préféré réagir de manière outrée en s’entourant du drapeau bleu-blanc-rouge au lieu du drapeau bleu étoilé.
Oui, le projet politique d’Eva Joly, et avec elle d’Europe Ecologie – Les Verts, est à combattre. Oui la pseudo-écologie verte, que Frédéric Nihous appelle à juste titre « l’écologie punitive », doit être démasquée, et notamment le mensonge sur le nucléaire, et le crypto-gauchisme de leur démarche, en matière sociétale. Il est à combattre car appliqué il serait néfaste pour la France, néfaste pour l’Europe. Mais il doit être combattu avec intelligence. Mme Joly est européenne, elle a le plein droit de se présenter aux élections présidentielles, et non Mme Joly ne descend pas de son drakkar, pour reprendre l’expression qu’elle a employée. Elle aurait d’ailleurs dû parler de knörr, ce qui prouve que née norvégienne, elle a acquis les mêmes expressions erronées que les français (1). Elle a aussi le droit de faire cette proposition et cette dernière doit être critiquée objectivement et pas en ayant recours à des envolées patriotiques ridicules et dépassées de la part des hommes et femmes politiques de notre pays.
(1) Comme l’a souvent expliqué le professeur Régis Boyer, spécialiste du monde viking, le mot « drakkar » qui signifie plus ou moins « dragon », la proue du navire étant souvent décorée de ce motif, ne désigne pas le bâteau des vikings. Le bon terme est knörr.
13:20 Publié dans Analyses, Billets, Communiqués | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eva joly, europe ecologie, europhobie, gauchisme, fillon, ump, 14 juillet |
07/07/2011
Avortement et totalitarisme chrétien en Pologne
Cette décision me paraît scandaleuse à plus d’un titre. Je considère personnellement qu’il doit être permis de débattre de l’avortement, qui est un sujet de société, sans a priori. La question de l’avortement est intimement liée de celle de la natalité, or nous savons que les sociétés européennes sont victimes d’un grave phénomène de dénatalité, la France ne faisant pas exception à la règle, même si ses chiffres sont faussés par une natalité d’importation.
Il ne me paraît donc pas inconvenant de s’interroger sur ce qu’il conviendrait de faire pour encourager la natalité et limiter l’usage de l’avortement. La meilleure méthode est de proposer des alternatives, tout en garantissant le droit à l’avortement, car on sait très bien qu’en ce domaine la coercition est sans effet, mais on sait aussi que l’avortement n’est pas anodin, et que beaucoup de femmes souhaiteraient ne pas y avoir recours.
Mais, dans le cas présent, cette proposition, dans un pays qui interdit déjà l’avortement, me paraît relever d’une démarche totalitaire, en plus de bigote, non seulement totalement contre-productive, les femmes polonaises n’ayant qu’à franchir la frontière allemande ou lituanienne pour avorter, mais aussi aberrante. Conformément à l’obsession cacogéniste du courant politique chrétien, l’avortement thérapeutique, qui a toujours existé en Europe, qui était même présent dans le plus ancien texte juridique européen, la loi romaine des Douze Tables, est ici stigmatisée. De même, victime par excellence, une femme violée doit avoir le droit absolu de décider de l’avenir de ce qui est le fruit d’un crime.
En liant la question de l’avortement aux principes de la religion chrétienne, alors que l’Etat polonais n’a pas à favoriser un point de vue religieux au détriment de l’intérêt collectif, cette mesure est fondamentalement scandaleuse, quoi que l’on pense par ailleurs de l’avortement, hors exceptions évoquées. A choisir, je préférerai toujours le bon sens en la matière d’un Ian Stachniuk, un des promoteurs du courant « rodnoverie » en Pologne.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
13:52 Publié dans Billets, Communiqués, Dépêches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : avortement, pologne, prawo do zycia, christianisme, stachniuk, douze tables, cacogénisme |
20/06/2011
De iure sanguinis. L’authentique conception française de la citoyenneté
Samedi soir, dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché », Nathalie Kocziusko-Morizet, opposée à Eric Zemmour, a affirmé que la tradition française était le « droit du sol » (ius soli). Il n’est pas rare en effet que de manière péremptoire de nombreux politiciens rappellent cette « évidence », par exemple des souverainistes expliquant que le « droit du sang » relève de la conception allemande de la citoyenneté, ou des responsables politiques de gauche comme de droite pour évoquer une prétendue tradition d’ouverture à la française, un universalisme qu’on ne retrouverait pas dans les autres pays européens.
Y a-t-il eu une exception française de la citoyenneté, ce fameux « droit du sol », qui s’est ensuite répandue ces dernières années en Allemagne, en Grèce et demain en Italie si le Parti Démocrate accédait au pouvoir ?
En réalité, ce qui est choquant, et on peut regretter qu’Eric Zemmour n’est pas réagi immédiatement à ce propos, mais il est vrai que le cadre de l’émission ne s’y prêtait guère, le présentateur vedette s’évertuant à limiter le plus possible la parole à son chroniqueur, c’est qu’une responsable politique importante connaisse si peu l’histoire de son pays et se permette d’énoncer des contre-vérités en dogmes.
Le droit du sang (dikaion tou aimatos en grec, Abstammungsprinzip en allemand) remonte à l’antiquité grecque, où il était en vigueur dans la plupart des cités grecques et notamment à Athènes. Alors que sous ses prédécesseurs, des étrangers (bien que grecs) avaient été naturalisés, Périclès en 451 avant J.C prend la décision de proposer au vote des citoyens une loi instaurant de manière exclusive le principe d’accès à la citoyenneté par droit du sang. Ainsi, pour être citoyen athénien, il faudrait être né de père et de mère citoyens, mariés conformément aux lois de la cité. Périclès fit d’ailleurs réviser les listes de citoyens afin de rayer les noms d’étrangers naturalisés notamment sous la tyrannie des Pisistratides. On retrouvera ensuite ce principe aux premiers temps de la république romaine, l’appartenance à chacune des tribus romaines étant héréditaire.
Du temps de la monarchie capétienne, comme dans l’Angleterre voisine, les sujets du royaume l’étaient en fonction de leur lieu de naissance. En clair, « tout sujet né sur les terres d’un seigneur est sujet du dit seigneur ». Le droit du sol était donc à l’origine le droit féodal. Mais, en 1789, éclate la révolution française. Les révolutionnaires, avant le virage patriotique de 1792, espèrent répandre l’esprit de la révolution chez les autres peuples européens, au nom d’une France universelle des droits de l’homme se substituant à l’universalisme chrétien de la « fille aînée de l’église ». En réalité, juristes de droit romain et juristes révolutionnaires/républicains réfléchissent à la mise en place d’une nouvelle définition de la citoyenneté se basant sur le modèle antique.
Le travail commun de ces juristes sera de proposer comme condition d’accès à la citoyenneté le droit du sang patrilinéaire. A une époque où les mariages étaient entre européens, le paterfamilias conférait à son épouse et à ses enfants sa citoyenneté. Pour être français, il fallait donc être de père français. Le consul Napoléon Bonaparte validera cette proposition. L’armée républicaine puis impériale se chargera de répandre la nouvelle règle en Europe, au gré des conquêtes de l’empereur. C’est ainsi que l’Allemagne adoptera le droit du sang, en émule de la France, qu’elle renforcera en 1913, et y restera fidèle jusqu’en 2000, de même que l’Italie, qui l’a conservé jusqu’à aujourd’hui.
Alors d’où vient le nouveau « droit du sol » dont NKM a cru qu’il était consubstantiel à notre pays, contre les faits historiques ? De 1889. A cette époque, la France vaincue il y a dix-neuf ans par la Prusse cherche à rivaliser avec sa voisine tant sur le plan militaire que démographique. De nombreux européens de souche vivent en France, où ils sont parfois nés, mais ne remplissent pas les devoirs réservés aux citoyens. Ceux-ci doivent fournir un service militaire de plusieurs années. En 1889, le législateur prend donc la décision de favoriser la naturalisation des étrangers installés ou nés en France, tous européens, en ajoutant au droit du sang un droit du sol complémentaire. On oublie bien souvent que beaucoup de français, aujourd’hui encore, le sont par le droit du sang, qu’importe leur lieu de naissance. Celui-ci n’a donc pas été aboli mais affaibli par l’ajout de conditions nouvelles d’accès à la citoyenneté. Ainsi, la mesure de 1889 était destinée à gonfler les effectifs de l’armée et à permettre une mobilisation générale plus importante en cas de nouvelle guerre avec l’empire allemand. C’était une décision destinée à gonfler artificiellement le nombre de français, à une époque où l’immigration était exclusivement européenne et ne posait aucun problème.
En conclusion, le ius sanguinis est donc le droit démocratique par excellence, instaurée par le père de la démocratie athénienne, Périclès lui-même, restaurée par la révolution française après quelques années d’ambiguïté et répandue en Europe par le premier consul. Jusqu’en 2010, il était en vigueur de manière exclusive en Grèce, les fondateurs de la nation grecque en 1830 n’ayant pas oublié l’Athènes du Vème siècle. Dans les années 80, l’ancêtre de l’UMP, le RPR de Jacques Chirac et Charles Pasqua, prônait son rétablissement. Car à notre époque c’est bel et bien la « gauche » qui sabote ce principe démocratique en favorisant la règle oligarchique du ius soli. Schröder en 2000, Prodi en 2005 et Papandreou en 2010 ont ainsi cherché à mettre fin au règne sans partage du ius sanguinis. Seul Prodi a échoué, étant chassé du pouvoir par un retour fracassant de Berlusconi. Mais le Parti Démocrate italien, alors que le cavaliere a été battu aux dernières élections locales et lors de quatre referenda, s’il devait arriver au pouvoir après 2013, reprendrait certainement cette réforme, ce qui serait suicidaire, alors que l’Italie subit actuellement des flux migratoires massifs en provenance d’Afrique.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
00:04 Publié dans Anti-mythes, Billets, Histoire, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit du sang, thomas ferrier, ius sanguinis, nkm, périclès, athènes, bonaparte, 451, 1889, abstammungsprinzip |