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01/04/2012

Elections présidentielles 2012 : état de la situation à trois semaines du premier tour

 
Image-3-copie-2.pngA maintenant vingt et un jours du premier tour des élections présidentielles, plusieurs tendances semblent caractériser l’état de la campagne. Bien qu’il faille demeurer méfiant par rapport aux données fournies par les instituts de sondage, ils constituent malgré tout des outils d’analyse dont il convient de tenir compte. Le sondage quotidien IFOP/Fiducial/Paris Match me paraît en ce sens le plus pertinent pour déterminer les tendances générales à l’œuvre, sans préjuger du résultat.

En janvier 2012, Marine Le Pen se situait dans ce sondage aux alentours de 21,5% en moyenne au premier tour, ce qui faisait dire à la candidate sa certitude d’être au second tour. Si les sondages sont erronés, alors ils le sont dans tous les cas de figure, et pas seulement quand ils sont en défaveur d’un candidat. Cette semaine, elle se trouvait entre 16 et 16,5% selon les jours, ce qui constitue une baisse de près de cinq points en trois mois. Entre temps, la campagne a commencé, et la stratégie entreprise par Marine Le Pen dans le cadre de sa politique dite de « dédiabolisation » commence à montrer ses limites. Dans le sondage LH2 d’avril 2012, Marine Le Pen tombe même à 13,5%, score pronostiquée le 20 mars par CSA, avant qu’elle ne remonte dans le sondage CSA suivant (Vague 20) à 15%. Harris Interactive lui pronostiquait cette semaine un score de 16%. Enfin, dans le sondage BVA du mois de mars, Marine Le Pen n’est créditée que de 13% des intentions de vote. Malgré et peut-être même à cause des évènements de Toulouse, sa cote est désormais fortement dévaluée.

Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon progresse nettement dans tous les sondages. Il atteint désormais 15% des intentions de vote dans le sondage LH2 du 1er avril 2012, 14% dans le dernier sondage BVA, 14% puis 13,5% chez IFOP jeudi et vendredi derniers, 12,5% seulement chez CSA (contre 13% une semaine auparavant). Cette progression d’environ quatre points résulte d’une excellente campagne, très à gauche, du candidat du Front de Gauche. Alors que des pans entiers de son programme devraient faire fuir les électeurs populaires, en raison d’une démarche libertaire, défendue notamment par Clémentine Autain pour qui, la première mesure n’est pas d’ordre économique, pour combattre le chômage ou la précarité, mais le mariage gay, en complet décalage des aspirations des électeurs les plus modestes, le meeting de Bastille du 18 mars, à forte coloration symbolique, a été très efficace. Il faut dire que dans le même temps Marine Le Pen a déboussolé son électorat ouvrier par un discours incohérent sur les problématiques migratoires. Le « lepénisme de gauche » lorsqu’il se réduit à un discours socialisant ne tient pas longtemps face au « mélenchonisme » d’un homme politique crédible sur son terrain naturel.

Expliquer le recul de Marine Le Pen et parallèlement la montée de Jean-Luc Mélenchon n’est pas chose facile. On peut en premier lieu considérer que la candidate du FN est attaquée sur ses deux fronts, d’une part par Nicolas Sarkozy qui a repris à son compte un discours plus dur sur l’immigration, et surtout plus ethnicisant, d’autre part sur le terrain social par le candidat de la « gauche » radicale, au détriment également des deux candidats trotskystes, réduits à peau de chagrin (entre 0% et 1% chacun dans les sondages pour Arthaud et Poutou), et de la candidate « pastèque » Eva Joly. Il faudrait donc à la candidate du FN mettre en œuvre une double contre-offensive, à savoir être plus socialiste que Mélenchon et en même temps plus dure sur la question de l’immigration extra-européenne que Sarkozy, ce qui ne serait tout de même peu difficile. Lors des évènements de Toulouse, la modération de Marine Le Pen l’a desservie. Ses appels à l’aide des « français musulmans » contre le « fascisme vert » sont incompréhensibles aux yeux d’un électorat populaire de souche européenne excédé. Sa promesse d’appliquer la « priorité nationale » en faveur des français d’origine immigrée ne lui apporte aucun crédit au sein des populations concernées, mais en revanche là encore la dessert vis-à-vis de l’électorat populaire. En se défendant, certes à juste titre, de prôner une « priorité ethnique » aux indigènes, elle n’a pas compris que son électorat souhaitait en vérité une telle politique.

Sa volonté de dédiabolisation, qui aurait pu se limiter à arrêter tout excès de langage et à se démarquer des positions idéologiques de la vieille extrême-droite, tout en restant dure sur son fond de commerce, rappelle les égarements d’Argenteuil de son père en 2007. En reproduisant les mêmes erreurs qu’en 2007, en abandonnant son électorat naturel aux habiles conseillers sarkozystes, comme l’a théorisé Patrick Buisson, elle fait une campagne à contre courant de ce que souhaitent ses électeurs traditionnels. Ce n’est pas sa campagne « à gauche » en matière économique qui lui nuit, bien au contraire, mais d’abord sa confusion sur les problématiques migratoires, et surtout son europhobie quotidienne, liée d’ailleurs « paradoxalement » au thème précédent. C’est bien parce qu’elle se refuse à opposer européens et non-européens, qu’elle ne voit l’Europe que comme un mal insupportable, qu’elle ne parle même plus de la question de l’adhésion turque, que Sarkozy devrait relancer d’ailleurs, qu’elle baisse sensiblement dans les sondages. Une analyse de la French Politics de Londres propose une prospective intéressante à ce sujet. Selon eux, Marine Le Pen devrait faire environ entre 15 et 17% des voix, avec une forte probabilité à 15%. Pour eux, cela signerait une « sous-performance » et donc la manifestation d’un « échec patent de la stratégie personnelle de Marine Le Pen (pour) dédiaboliser le parti ». Cette hypothèse n’est pas à exclure. Jean-Marie Le Pen n’avait-il pas prédit qu’un « Front gentil » n’intéresserait personne ?

Mélenchon, lui, n’est pas « gentil », au point d’en inquiéter la patronne du MEDEF, Laurence Parisot, qui le compare à un révolutionnaire de la Terreur (1793). C’est sans doute à ses yeux le plus grand compliment qu’on peut lui faire. Et pourtant, il serait facile de le démasquer, notamment en s’attaquant à son soutien à l’immigration massive et aux excentricités libertaires de son programme, mais aussi à son enrichissement personnel. Seul Jean Quatremer, journaliste à Libération, est parvenu à trouver son point faible, déclenchant contre lui l’ire du disciple français de Die Linke. Reste qu’un Oskar Lafontaine sera mille fois plus sympathique, et vraiment socialiste, que « Jean-Luc ». La gauche « Sarrazin » (du nom de ce social-démocrate allemand) serait d’ailleurs facilement prête à voter FN ou UMP dans un autre contexte. Mais la crise économique a abouti à une radicalisation de l’opinion. Si les extrémistes de l’Aube dorée sont aux portes du parlement à Athènes, c’est dire ce qu’un discours « FN old school » aurait pu obtenir dans ces élections.

Le souverainisme n’a vraiment aucune espèce d’avenir en France. Dupont-Aignan, dernier vestige du triumvirat Pasqua-Seguin-Villiers de 1992, est promis à une déculottée électorale, crédité qu’il est dans les sondages d’entre 0,5% et 1,5% maximum. C’est d’ailleurs la campagne anti-€ qui plombe notamment Marine Le Pen. Mélenchon, tenté de les suivre sur cette voie, a rapidement compris l’impasse. Sarkozy quant à lui choisit un positionnement euro-critique, proposant ainsi de rétablir les contrôles aux frontières s’il ne parvient pas à obtenir des garanties contre l’immigration clandestine de la part de ses partenaires de l’UE, mais sans tomber dans l’europhobie qui caractérise NDA et MLP.

Les évènements de Toulouse ont profité nettement à Nicolas Sarkozy, qui est désormais en tête dans la plupart des sondages, en tout cas pour le premier tour, le second annonçant toujours une victoire du candidat du PS, mais de moins en moins large. Président en exercice, choisissant une position rassurante face à la crise comme face à cette tragédie, même si ses services n’ont pas été capables de détecter le terroriste avant qu’il ne frappe, il donne le sentiment d’incarner mieux que les autres candidats la fonction de président. Hollande est très loin d’avoir la même crédibilité, sa cote s’expliquant d’abord par le rejet viscéral du style Sarkozy par beaucoup d’électeurs. On vote Hollande non pour lui mais contre Sarkozy, et ce phénomène, lors du débat du second tour, peut s’effondrer si le programme du PS apparaît trop mortifère.

Le choix du PS de soutenir le vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales ou encore sa position sur le mariage gay et l’adoption, sans parler de son choix d’une imposition accrue, peuvent être rédhibitoires pour Hollande au second tour. Les résultats du premier tour auront une incidence décisive. Si Mélenchon obtient un gros score, Hollande en bénéficiera nettement et deviendra le nouveau président de la république. Si Le Pen réussissait, il n’est pas sûr qu’elle ne parviendrait pas à, de fait, contribuer à la défaite de Sarkozy. En revanche, si elle connaît une déconvenue, son électorat pourrait considérer Sarkozy comme le seul recours et se reporter très massivement vers lui, assurant ainsi sa réélection.

Enfin, François Bayrou ne parvient pas à créer de sursaut en sa faveur. Après avoir bien progressé, une fois sa candidature annoncée, il stagne entre 10,5% et 13% des intentions de vote. Il sera certainement victime, plus que tout autre candidat, du vote utile, son positionnement idéologiquement illisible le desservant. Sa grande année a été 2007. L’électorat de centre-droit choisira Sarkozy par défaut, d’ailleurs toutes ses figures se rallient, les unes après les autres, le dernier ralliement en date étant celui de Rama Yade. L’électorat de centre-gauche sera naturellement porté vers le candidat Hollande. Dans ce contexte, on peut considérer que si Bayrou parvient à obtenir 12% des voix, ce sera malgré tout un moindre mal.
 

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

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