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24/06/2012

Mes coups de gueule… (2)

LE FRONT NAZIONAL SELON DOMINIQUE REYNIE ?

ETU_4155_L148.jpgLa politologie, comme toute science humaine, doit s’efforcer d’adopter une démarche scientifique de neutralité et de prise de distance. Lorsqu’il s’agit du FN, de nombreux politologues agissent malheureusement en militants, ce qui fait que leur critique perd de sa pertinence.

Lorsque Claude Guéant qualifie le FN de mouvement « nationaliste et socialiste », cherchant à créer des passerelles artificielles entre le PS et le FN, il agit en dirigeant de l’UMP. Lorsque Jean-Luc Mélenchon qualifie le FN de « fasciste », reprenant la terminologie communiste classique, il agit en dirigeant d’un mouvement qui se réclame de l’anti-fascisme et de l’opposition à l’extrême-droite.

En revanche, lorsque Dominique Reynié dénonce un « vertige social-nationaliste » symbolisée par le rejet du texte constitutionnel « européen », il agit également en militant et en idéologue. Il est alors difficile de vouloir à la fois conserver l’image d’un chercheur indépendant et d’acteur de la vie publique, engagé dans le rejet du FN.

Pour analyser le néo-FN de Marine Le Pen, Dominique Reynié parle d’un « tournant ethno-socialiste » du FN (Etudes, novembre 2011), dénonçant « l’association du socialisme et du nationalisme ». Jean-Paul Gautier qualifie le programme du FN de « national » et « social » (Les Temps Nouveaux, Hiver 2012), le présentant comme prenant la suite du programme du PPF de Jacques Doriot.

Rattacher le FN à la grande synthèse « nationale et sociale » n’est autre qu’une volonté de fasciser le Front National, de pratiquer à son encontre une « reductio ad Hitlerum », processus dénoncé en son temps par Leo Strauss, en se parant des qualités, réelles au demeurant, propres à un politologue. Le « socialisme national », analysé par Zeev Sternhell et Marc Crapez comme la base idéologique des fascismes italiens et français, rattachant le fascisme à un phénomène issu de la gauche, mais dont ils excluent de manière plus ou moins arbitraire le national-socialisme allemand, s’est certes retrouvé comme matrice idéologique du jeune Maurice Barrès et a ensuite inspiré les fascistes et divers courants nationaux-révolutionnaires ultérieurs.

De plus, l’expression « ethno-socialiste » n’est pas neutre non plus, même si j’imagine que Dominique Reynié la popularise en français. En premier lieu, l’ « ethnico-socialisme » n’est autre en grec moderne que l’ εθνίκο-σοσίαλισμος, terme revendiqué par le fasciste grec Georgios Mercouris en 1934 (père de la célèbre Melina Mercouri), et qui se traduit explicitement par « national-socialisme ». On retrouve sous la plume du suédois Sven Lindholm, fondateur du Svensk Socialistisk Samling (« Union socialiste suédoise ») mais surtout fasciste affirmé, l’expression « Folksocialisten », revendiquée ensuite par un groupuscule néo-nazi allemand (« Freundeskreis Revolutionärer Volkssozialisten »), bien que l’expression Volkssozialismus ait été originellement employée par le politologue allemand Richard Löwenthal en 1936 lorsqu’il procéda à l’analyse du nouveau régime allemand.

Je ne pense pas que fasciser le FN, le rattacher à des mouvements d’avant-guerre de nature bien différente, contribuera à une meilleure compréhension du phénomène. Et de même, pour ceux qui entendent combattre le FN sur le plan des idées, dans le cadre du débat démocratique, c’est user d’une facilité dialectique qui se retourne contre ses auteurs. Analyser le FN c’est d’abord chercher à comprendre sa mécanique interne, son histoire, ses thématiques et leur utilisation. Le diaboliser, c’est lui rendre au final service et c’est en rester à une observation superficielle. C’est le jour où le FN sera vraiment dédiabolisé et qu’on le verra tel qu’il est en vérité, qu’il s’effondrera, non parce qu’on l’aurait découvert crypto-fasciste mais parce que son électorat l’imagine autrement qu’il n’est en vérité. Les électeurs doivent pouvoir choisir en conscience quel avenir ils souhaitent, ce qui n’est possible que par une information objective et complète. Orwell qualifiait la vérité de « révolutionnaire » et elle l’est en vérité. Car ce n’est pas seulement le FN qu’il faut montrer sous son vrai jour mais le PS, le Front de Gauche et l’UMP, et en vérité la société française en général. Il faut que les Européens voient en face la décadence actuelle de leur civilisation et de cette prise de conscience viendra la renaissance.

UN FRONT EUROPHOBE

Le FN est avant tout un parti explicitement anti-européen et c’est sa caractéristique principale, la thématique de l’immigration n’ayant été introduite par ce parti que par pur opportunisme, Le Pen père étant opposé au départ à sa mise en avant. Les artisans de celle-ci furent Duprat puis Stirbois et enfin les ralliés issus de la Nouvelle Droite, mais surtout le PS et le RPR, en lui offrant ce thème inexploitée sur un plateau d’argent. Désormais, l’électeur qui veut manifester son opposition à l’immigration est automatiquement rattaché au FN et ce dernier aux pires idéologies du XXème siècle, en raison notamment des provocations sémantiques de son ancien président.

Dans une interview publiée dans un journal autrichien, Kurier, Marine Le Pen expose sa vision de l’Europe et apporte son soutien au FPÖ de Strache, également en pointe en matière d’europhobie. Elle souhaite une fois de plus l’effondrement de l’Union Européenne, donc le malheur des européens car les conséquences seraient dramatiques et notamment parce que la fin de l’€ aurait des répercussions économiques désastreuses. Pour elle, cet effondrement rendrait possible la (non-)Europe des Nations, non-Europe car une Europe dans laquelle les (anciennes) nations la composant conserveraient l’intégralité de leur souveraineté, une Europe réduite à une vague coopération, ce n’est pas une Europe du tout.

Elle refuse le principe même d’une réforme de l’Union Européenne, qualifiée encore une fois d’ « Union Soviétique », reprenant ainsi l’expression de l’agent américain Boukovski. Elle se décrit comme « EU-Phobikerin », ce qui a été traduit maladroitement par « europhobe », alors que c’est « UE-phobe ». Son rejet de l’UE et de l’euro, qu’elle a tenté de masquer durant sa campagne, reste absolument entier. Or, comme l’a fait à juste titre remarquer Elie Barnavi, « l’Europe, c’est le Graal ». L’incapacité à penser l’Europe unie s’apparente en effet à une « phobie », c'est-à-dire à une peur irrationnelle, au nom de spécificités fétichisées. La négation par Marine Le Pen de l’européanité, au-delà des questions institutionnelles, est l’aveu d’un échec intellectuel. Elle la partage avec Geert Wilders, avec Declan Ganley et tant d’europhobes militants, alors même que la division de l’Europe sert ouvertement les intérêts américains.

Selon un article du journal américain Stratfor, « les Etats-Unis ne veulent pas d’un effondrement européen (…) mais en revanche ils trouvent un intérêt certain à la crise financière (…) maintenir les Européens dans un état de difficulté de longue durée est acceptable aux yeux des Etats-Unis. » En termes clairs, les USA ne souhaitent pas que l’Europe explose, car ils en seraient impactés immédiatement, mais que l’Europe reste dans le marasme le plus longtemps possible. En ce sens, les réactions de « petty nationalism » de Marine Le Pen et de ses homologues des pays voisins servent explicitement les intérêts américains.

Que l’Union Européenne soit loin d’être parfaite est une évidence. Son manque de légitimité démocratique, son absence de vision à long terme, son incapacité à définir des frontières cohérentes, la corruption idéologique qui domine ses institutions, sont les matérialisations évidentes d’une UE déficiente, mais à l’image des états qui la composent. Tout cela ne dérange pas Marine Le Pen. Députée au parlement de Strasbourg, alors qu’elle est incapable d’être élue députée nationale, elle profite pourtant bien d’institutions dont elle conteste toute legitimité et jusqu’à l’existence même.

Que l’Union Européenne doive être réformée en profondeur relève d’une attitude raisonnable, pour ne pas abolir cinquante ans de construction européenne, et je rappelle que, pour reprendre l’image de l’effondrement de l’Union Soviétique, puisque c’est elle qui choisit cette comparaison absurde, cela ne s’est pas fait sans heurts, et la Russie d’aujourd’hui paye encore un lourd tribut. L’irresponsabilité présentée comme une solution absolue à un système mondialisé d’une complexité extrême, c’est la caractéristique principale des mouvements populistes, comme les provocations anti-€ de Beppe Grillo ou les coups de menton de Jean-Luc Mélenchon. Alexis Tsirpas, par exemple, le jeune dirigeant de Syriza, souhaite que la Grèce reste dans l’€ sans réformer quoi que ce soit, sans les efforts nécessaires pour remédier à une dépense publique incontrôlée. « Faire payer les riches » ou « souhaiter la chute de l’UE », c’est la même chose. Ca n’engage à rien puisque les portes du pouvoir restent très éloignées.

L’europhobie de Marine Le Pen, « paradoxalement », est partagée par le PS. Alors qu’Angela Merkel propose courageusement une Europe politique au sens fort, et lui répondre « chiche » l’obligerait à un début de commencement de proposition, car cela reste un effet d’annonce, François Hollande au nom d’une « exception française » traîne des pieds et manifeste sa plus mauvaise volonté au risque de faire chanceler l’édifice communautaire tout entier. Ayant fait son lot de promesses inconsidérées, il sait désormais qu’il joue gros s’il déçoit aussi rapidement son élection.

TURQUIE ET HOLLANDE

Alors que Chypre va présider à partir du 1er juillet l’Union Européenne, la Turquie est menaçante. Elle réitère sa volonté de procéder au boycott des réunions communautaires si Chypre y est présente. Les déclarations des dirigeants islamistes de la Turquie en cours de « dékémalisation » devraient recevoir une réponse cinglante des chefs d’état et de gouvernement de l’Union.

Or le nouveau président français, qui avait pourtant annoncé qu’une de ses premières mesures serait le vote d’une loi condamnant la négation du génocide arménien, est devenu bien silencieux à ce sujet. Erdogan lui propose donc de venir visiter son beau pays, ce dernier y voyant un « privilège ». Le premier ministre turc a tout de suite vu dans l’élection du « socialiste » Hollande un moyen de réactiver le processus d’adhésion à l’UE. Il s’agit surtout de profiter des dissensions entre le nouvel élu et Angela Merkel, celle-ci étant opposée à cette adhésion, à la différence de la SPD allemande.

Alors que la Turquie s’éloigne de plus en plus de ce que l’on appelle communément l’état de droit, avec des arrestations arbitraires et des procès truqués, personne dans l’UE n’ose réagir. Les provocations permanentes du duo Erdogan/Davutoglu, Gül étant discret depuis qu’il est devenu président, et notamment à l’égard d’un état membre, Chypre, sont inacceptables et pourtant ne reçoivent aucune sanction. Au contraire, c’est Erdogan lui-même qui a pris l’initiative de sanctionner économiquement la France en raison de l’opposition de Sarkozy à l’adhésion turque et pour avoir voté un texte de restriction de la liberté d’expression, certes discutable, jugé défavorable à la Turquie.

Même si le processus d’adhésion est actuellement au point mort, 13 chapitres ont néanmoins été ouverts, et en aucune manière l’objectif d’une Turquie membre de l’UE n’est remis en question. En Hollande, Erdogan pense en tout cas avoir trouvé un allié potentiel. Et même si Hollande n’est pas le partisan le plus déterminé de cette intégration, le PS y est bien davantage favorable. Si Angela Merkel devait concéder une grande coalition, ou si la SPD gagnait les élections en 2013, la Turquie reprendrait son chemin vers l’UE, avec tout ce que cela peut signifier, tant au niveau des libertés publiques en Turquie même que dans l’image détestable qu’a l’UE, au sujet de cette question, auprès de nombreux citoyens européens.

Qui va enfin avoir le courage de dénoncer cette adhésion comme une erreur monumentale, et pour le peuple européen, et pour le peuple turc ? Qui va oser montrer le vrai visage du gouvernement turc actuel ? Cela m’étonnerait que ce soit François Hollande.

Thomas FERRIER

24/06/2012

Commentaires

sur l europhobie" du fn qui aurait precede son hostilite a l immigration de masse, je suis tres reserve, sur le plan electoral, le fn a realise une percee en 1983, aux elections municipale, Paris 20 et Dreux sur le theme de l immigration, idem en 1984, la liste fn approchant les onze pour cent aux elections europeennes sur les themes de l hotilite au pouvoir socialite et a l immigration extra europeenne, je vous rappelle que le fn a vote alors qu il etait represente a L Assemblee l Acte Unique europeen ne manifestant donc pas une europhobie systematique du moins a cette epoque, je pense donc que "l europhobie" au fn est venue de facon progressive pour differentes raisons mais la c est un autre problemùe a developper

Écrit par : dissident | 15/07/2012

Qu'est-ce que tu peux raconter comme connerie Ferrier, s'ils ont parlé de parti socialiste et national. c'est en raison du livre de Marine le pen résumé par Yvan Blot, oui le FN a un coté fasciste, suffit de lire la doctrine fasciste :

Yvan Blot à propos du livre de Marine LE Pen

"Marine retarde d’un siècle avec des références idéologiques d’un autre âge. « L’Etat est une composante essentielle de l’âme dela France » selon elle. En fait, c’est la seule composante qui l’intéresse ! Elle admet que c’est une sorte de profession de foi religieuse étatiste qui est la sienne : « parce que je crois en l’Etat, je crois à la fonction publique » ! (sic page 191)

Qu’on en juge ! Ses derniers chapitres qui ressemblent à un programme ont comme titres : l’Etat, fer de lance du redressement, l’Etat régalien, l’Etat protecteur, l’Etat solidaire, l’Etat stratège, l’Etat influent, l’Etat solide. Pas un mot par contre, sur l’Etat démocratique. C’est l’Etat qui est l’idole, et non le peuple (elle n’a pas un mot pour la démographie de la France, quantité ou qualité, homogénéité menacée : peu importe le peuple car c’est l’Etat qui compte !). Marine n’a pas lu Nietzsche qui a écrit : « l’Etat est le plus froid des monstres froids, il ment et son mensonge est: moi, l’Etat, je suis le peuple ! » (Ainsi parlait Zarathoustra). Marine est plus proche de l’ancien socialiste Benito Mussolini qui a déclaré : « l’Etat est l’absolu devant lequel l’individu et les groupes ne sont que le relatif. Le libéralisme niait l’Etat dans l’intérêt de l’individu. Le fascisme réaffirme l’Etat comme véritable réalité de l’individu. » Certes, Marine ne peut pas se réclamer de Mussolini encore qu’il vienne indiscutablement de la gauche. Alors, elle préfère citer Marx et Michéa !"

Écrit par : antidragon | 18/07/2012

Vous pourriez éviter d'évoquer la "connerie" supposée d'autrui, qui n'est en rien un argument.

Il est évident, n'en déplaise à Yvan Blot, que le fascisme et le FN n'ont rien à voir en commun, et ce n'est pas parce que Marine Le Pen "socialise" en paroles que cela change quoi que ce soit à cet état de fait. C'est l'étatisme nationalitaire qui amène MLP à promouvoir une version dégénérée, bassement populiste et démagogique, de "socialisme". Le fascisme, y compris dans sa version italienne, est "ethniste" par nature. C'est là encore parce qu'il vient de gauche.

Croire que MLP, suite à quelques déclarations étatistes, serait socialiste, c'est ne pas savoir ce qu'est le socialisme (qui a certes de nombreuses facettes). Maintenant, je peux vous concéder que certains aspects cosmétiques mis en avant par MLP donne l'impression d'une sorte de "fascisme aspartam".

Enfin, votre commentaire, très partisan, tombe il me semble à côté du sujet, qui est l'analyse de Dominique Reynié. On ne voit pas trop ce que vous cherchez à démontrer.

Écrit par : Thomas FERRIER | 18/07/2012

De toutes façons, Yvan Blot étant un libéral, il voit du socialisme même là où il n'est pas, qu'il confond ici avec l'étatisme. Dans ce cas, l'UMP est socialiste...

Écrit par : Thomas FERRIER | 18/07/2012

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