19/07/2015
Hollande ou la politique du tronc creux
Il est des troncs d'arbre qui ressemblent à s'y méprendre à des troncs d'arbres sains. Cependant ils sont creux, seulement faits d'une écorce. Si l'on appuie un poing contre eux, il les traverse. Ces troncs sont exactement ce que sont les dernières propositions de François Hollande à propos de l'Euro.
Le problème est que les commentateurs du monde politico-médiatique ont, pour le moins, tardé à réagir. Ils semblent se prêter à la mystification, qu'ils soient complices ou incompétents.
Une organisation renforcée de la zone euro ? Voilà pour commencer ce que le président propose. Il est, certes, tout à fait évident qu'une monnaie commune nécessiterait une intégration économique, bien au-delà de ce qu'on connaît aujourd'hui. Cependant François Hollande est-il crédible quand il en parle ?
Il voudrait des règles plus strictes. Comment le peut-il quand il n'est pas capable de respecter celles qui existent déjà. C'est comme un sauteur en hauteur qui, incapable de franchir une barre d'un mètre, demanderait qu'on porte la barre à deux mètres.
Et que ferait-on de la Grèce dans cette zone Euro plus intégrée ? Il s'est félicité du maintien de ce pays dans la zone, au prix d'un abaissement des exigences du même genre que celui dont a bénéficié la France pour son déficit. Vouloir mieux intégrer la zone Euro passerait d'abord dans un certain sens par un Grexit suivi d'un Franxit.
Enfin il n'y a pas d'intégration économique sans intégration politique. D'ailleurs Hollande parle de "gouvernement de la zone Euro". Quelle perte de souveraineté est-il prêt à consentir, lui qui s'est fait élire pour s'opposer à la démarched'Angela Merkel et qui donne en permanence des gages à sa gauche ?
La France dans une avant-garde ? Il y a déjà antinomie à proposer une organisation renforcée, concernant tous les pays de la zone, et une avant-garde, séparant certains pays des autres. On ne peut pas à la fois vouloir la cohésion, jusqu'à la Grèce comprise, et la séparation.
Et puis comment le mauvais élève de la classe peut-il prétendre à faire partie de l'élite? Il est vrai que, selon Hollande, l'avant-garde serait constituée de tous les pays qui en décideront. Autant dire que les Grecs en seront candidats parmi les premiers. Pour reprendre l'exemple sportif, une épreuve de qualification sélectionne uniquement ceux qui sont capables de franchir une barre donnée. Quelle est la barre fixée par Hollande ? Un déficit nul peut-être ?
Un budget spécifique et un parlement ? Assurer un contrôle démocratique est certainement une bonne chose, mais promouvoir trop d'instances prétendûment "démocratiques" ne peut que tuer la démocratie.
Il s'agit ici d'organiser l'avant-garde. Mais, apparemment sans toucher aux Etats actuels, ni à l'Union Européenne, ni à la zone euro. On fabriquerait un mille-feuilles à l'image de celui que notre président s'est montré incapable de réduire dans son pays.
Il y aurait un budget spécifique. Pourquoi faire ? Alimenté comment ? S'agirait-il, par exemple de financer l'éducation? Donc avec les mêmes règles de fonctionnement et de recrutement partout. Nul ne peut y croire de la part de Hollande. Faudrait-il prélever l'impôt à la place des pays actuels ? Peut-être celui sur les entreprises, qu'il faudrait alors unifier. Ce n'est pas pensable.
Il y aurait un parlement. Ce pourrait être une partie du parlement européen. Mais il faudrait de nouveaux partis et un nouveau président. Comment pourra-t-on éviter la confusion et l'effondrement d'un pouvoir parlementaire déjà bien faible, comme la crise grecque l'a montré ?
Il n'y a que deux façons de mettre du sens derrière le verbiage creux qu'on nous a servi.
La première est la convergence. On prend deux pays, ou davantage, comme la France et l'Allemagne. Sous le contrôle démocratique de leurs parlements respectifs, ils décident d'aligner leurs politiques sur un certain nombre de points : imposition des sociétés, du capital, des personnes, système de santé, aides sociales, périmètre de la fonction publique, code du travail … On laisserait juste une différence temporaire de TVA pour faciliter les adaptations. Le système allemand n'est pas parfait : il lui manque une politique familiale et il joue un peu trop sur la main-d'oeuvre de ses voisins européens. Mais, sur presque tous les points, ce serait au système français d'évoluer.
Le problème est que, depuis qu'il a été élu, François Hollande a pratiqué une stratégie de la divergence. S'il a mis en place quelques usines à gaz pour tenter de corriger l'excès d'imposition qu'il a installé, jamais il n'a cherché à traiter les problèmes à la base. C'est ainsi qu'il a préféré laisser entendre qu'il accordait des "cadeaux aux patrons" assortis de contreparties illusoires, plutôt que de reconsidérer l'impôt sur les entreprises.
Chaque jour ou presque, on traite en France un nouveau sujet sans le moindre souci de la convergence avec notre voisin. Ségolène Royal a supprimé une taxe routière sur les poids-lourds qui s'inspirait du modèle allemand. Elle s'oppose à une fiscalité du diesel plus proche de celle de l'essence, comme en Allemagne. Dans les deux cas, on aurait pu mettre sur pied une fiscalité commune européenne ou, pour le moins, les mêmes règles de part et d'autre du Rhin, au prix éventuels de quelques ajustements en Allemagne. On aurait déjà pu le faire pour le permis à points, la vitesse sur les routes …
La seconde voie est l'intégration. Les pays qui sont intégrés disparaissent en tant que tels au profit d'un nouvel état. C'est au niveau de ce dernier que la démocratie s'exerce. C'est beaucoup plus simple et c'est définitif. Mais évidemment il faut le vouloir. On est aux antipodes des petites combines de François Hollande.
Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)
15:17 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hollande, union européenne, euro, convergence, divergence, illusion |
15/07/2015
Hollande ou la mouche du coche
Un accord a été obtenu pour la Grèce et presque tout le monde s'en est félicité, la bourse reprenant des couleurs. Au moment où tout le monde parlait de "Grexit", mon précédent billet annonçait un inévitable accord. En fait la zone Euro n'a jamais eu le droit d'exclure un pays, aussi fautif fût-il. Ce qui s'est passé était donc écrit.
Or il s'agit d'un mauvais accord, un accord qui ne règlera rien et laissera la Grèce devant ses difficultés. Le signe le plus évident des défauts de ce qui a été conclu est la présence du FMI. On peut exiger tout ce qu'on veut d'Européens, leur dicter une ligne aussi dure que l'on voudra. Il y a une chose que l'on ne doit pas faire : les soumettre, sans défense, au joug d'un organisme mondialiste.
Alexis Tsipras a fait preuve d'honnêteté. Il admet avoir dû signer un mauvais accord. Notamment, il avait voulu écarter le FMI du jeu, mais il n'a pas obtenu gain de cause. Il admet explicitement que la Grèce a perdu sa souveraineté. C'était inévitable, mais on aurait au moins pu troquer le statut de Grecs libres contre celui de l'appartenance à une Europe d'hommes libres.
Et quelle hypocrisie ! On va faire voter le parlement grec ! Demande-t-on à un pays de voter la capitulation? Une union européenne digne procèderait par des "ordonnances européennes". Mais encore faudrait-il qu'elle possède une base démocratique. Comment le quatuor Merkel-Hollande-Tsipras-Tusk a-t-il fait-il pour s'arroger le pouvoir? La protestation de Jean-Luc Mélenchon est, pour une fois, légitime.
Pendant ce temps, François Hollande pavane en affirmant que rien n'aurait été obtenu sans l'action commune de la France et de l'Allemagne. Mais que voulait-il obtenir? Avant les négociations a-t-il dit quelles seraient les bases d'un bon accord? On n'a rien entendu là-dessus. Et après? A-t-il dit en quoi l'accord était bon? Là c'eût été un peu plus difficile. En fait Hollande voulait un accord à n'importe quel prix, un arrangement quel qu'il soit pourvu qu'il y ait arrangement. C'est la fameuse "synthèse" qu'il combinait comme chef du PS. Autrement dit il ne voulait que ce qui était inévitable. Dans ces conditions, il était évident qu'Hollande ne jouerait aucun rôle dans la négociation. Tout ce que nous balancent les médias n'est qu'enfumage.
Il est également vrai que, malgré le soutien d'une majorité d'états et la pression de son opinion publique, Angela Merkel n'avait pas la partie si facile, flanquée qu'elle était d'un Hollande se présentant en défenseur de la Grèce. Peut-être est-ce pour cela qu'elle a besoin du FMI pour faire respecter l'accord. Si la France avait un peu mieux honoré ses engagements et adopté une position concertée avec l'Allemagne, alors le couple franco-allemand aurait pu négocier, en position beaucoup plus forte, un accord paradoxalement plus acceptable par les Grecs, excluant notamment le FMI. Ce qu'a dit Nicolas Sarkozy n'était pas aussi déplacé que les médias l'ont fait croire.
Pour finir, Hollande nous surprend en annonçant qu'il est favorable à un "gouvernement économique européen". Jusqu'ici il a tout fait pour l'empêcher, au point que l'Allemagne n'y croit plus. Comment faut-il comprendre cette sortie? Probablement de deux façons qui se mêlent.
D'abord ce sont, comme il est coutumier de dire, des "paroles verbales". Comme en chaque occasion, le discours est creux, les mots n'ont plus de sens, quand l'action n'a pas de consistance. Il faut comprendre que la méthode Hollande consiste à "faire des factions" après avoir "dit des dictions". On bombe le torse sans raison. On n'a même pas l'humilité d'un Tsipras.
Ensuite, peut-être la crise grecque a-t-elle vaguement fait comprendre à Hollande qu'il a couvert d'un tel discrédit la parole de la France, que notre pays pourrait se voir bientôt mis au banc des accusés et humilié comme la Grèce. Il agite alors le drapeau de la soumission - par rapport à ses options claironnées il y a quelques jours encore - avant la confrontation. C'est le loup bêta qui baisse la tête devant le loup alpha.
Dans l'accord avec l'Iran également, la France n'a été que la mouche du coche. La différence avec la crise grecque est que Laurent Fabius affichait une ligne apparemment plus dure que celle d'Obama. Or il ne faut pas s'y tromper. La négociation s'est faite entre Etats-Unis et Iran, avec Israël en toile de fond. La Russie a aidé de façon technique. La France n'a pas existé.
Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)
21:18 Publié dans Analyses, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grexit, tsipras, merkel, hollande |
11/07/2015
Grexit-Franxit
Le titre provocateur que j'ai choisi peut laisser penser que je prédis la sortie de la France de la zone Euro. On peut se rassurer sur ce point; la France ne sera pas exclue dans l'immédiat. Mais la Grèce ne le sera pas non plus.
En revanche la Grèce va rester un boulet pour l'Europe pour encore des années. Et, de son côté, la voix de la France ne comptera plus du tout en Europe. Chaque pays sera, à sa manière, un paria.
On est loin du temps où l'Allemagne tendait la main à la France pour mettre en place un gouvernement économique commun. Cette main a été tendue trois fois et elle a été trois fois repoussée. Avec la présidence Hollande c'est dès le départ, dès la campagne électorale, que le refus français est devenu définitif. L'Allemagne ne fera pas une quatrième tentative. Aujourd'hui, forte de ses succès économiques, elle se replie sur elle-même.
Il y a un point commun entre la Grèce et la France, c'est la perte de crédibilité.
Alexis Tsipras a tout fait pour en arriver là. Elu sur la base de promesses démagogiques, il a fait semblant de maintenir un dialogue avec les autres états européens sur des bases aux antipodes de ses promesses. Alors que l'échéance fatale se profilait, il a renouvelé ses promesses baptismales en provoquant un référendum qui a rejeté les exigences des états européens, pour capituler aussitôt, au moins en paroles, devant les créanciers de son pays.
Les dirigeants européens n'ont pas confiance en Tsipras, Wolfgang Schaüble encore moins que les autres. Les investisseurs n'ont pas confiance en la Grèce. Les Grecs n'ont pas confiance dans leur système bancaire. En réalité, ce n'est pas un problème grec. C'est un problème européen. Quand une famille connait un membre malade, elle l'aide, sans mettre de conditions, mais sans le laisser se soigner tout seul. Il faudrait mettre en place un petit gouvernement économique européen en Grèce pour quelques années, gouvernement dans lequel Tsipras siègerait mais qui ne serait responsable que devant le seul parlement européen. Il faudrait remplacer les banques grecques par des banques européennes, soumises aux seules lois de ce gouvernement européen, pour faire revenir les capitaux exilés et rassurer les citoyens. Et il faudrait lancer l'économie grecque avec des capitaux européens. On ne parlerait pas de la dette.
Evidemment cela supposerait une réforme du parlement européen. Et cela supposerait que la souveraineté illusoire que les Grecs s'imaginent avoir encore soit mise au rang des accessoires. Et cela supposerait surtout que les autres citoyens européens acceptent l'idée de connaître un jour le même sort. Il faudrait donc beaucoup de courage politique à tous, ou alors une révolution en Europe.
En France, François Hollande a perdu tout crédit. Déjà la France, comme la Grèce, n'a jamais été capable de respecter ses engagements. Mais, ces derniers temps, Hollande n'a pas fait mieux que Tsipras. Elu, de la même façon, sur la base de promesses démagogiques inspirées par une idéologie hostile à l'entreprise, il a noué depuis plus d'un an un dialogue ambigu avec un patronat aussi peu fiable que la commission de Bruxelles. Ces derniers jours, avec Manuel Valls, il n'a cessé de défendre en France le maintien de la Grèce dans la zone Euro, tout en se comportant en Europe en lavette dans le bras de fer entre Tsipras et Merkel. Ce n'est pas pour dire qu'il faille souhaiter la sortie de la Grèce. Cependant il faut expliquer ce qu'il convient de faire pour l'éviter. Or la virulence de Merkel n'a n'égale que la torpeur de Hollande.
Evidemment la situation française est moins grave. Mais la solution sera la même que pour la Grèce : un gouvernement économique européen. Si l'on veut aller au bout du raisonnement, cela veut dire un gouvernement européen tout court. C'est-à-dire remplacer les états actuels par un état européen. C'est le programme du PSUNE.
On notera que la Russie a tendu aussi la main à l'Europe. Vladimir Poutine a défendu la "maison Europe", s'exprimant en allemand devant le Bundestag. Que fait-on aujourd'hui ? On pousse la Russie dans les bras de la Chine. Or seule la Russie peut nous sauver, au sein de cet Etat européen dont nous avons besoin.
Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)
23:33 Publié dans Analyses, Economie, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : grexit, franxit, psune |
20/06/2015
La droite danoise, minoritaire, conquiert le pouvoir
Ce jeudi 18 juin, des élections législatives avaient lieu au Danemark. Les Sociaux-Démocrates (Socialdemokratiet) au pouvoir, menés par « la » premier ministre sortante Helle Thorning-Schmidt, espéraient être reconduits à la tête du pays après leur victoire en 2011 à la tête d’une coalition de gauche. Le centre-droit, le Venstre (Libéraux), mené par Lars Løkke Rasmussen, était de son côté empêtré dans les affaires, et en conséquence fragilisé.
Avec 26.3% des voix et 47 sièges, les SD progressent de 1.5% et gagnent trois sièges. Ils (re)deviennent le premier parti du pays, alors que la droite les avait dépassés en 2011. Ce succès relatif est trompeur. Le centre-gauche (Radikale Venstre), qui faisait partie de leur coalition, s’est effondré passant de 9.5% des voix et 17 sièges en 2011 à 4.6% (-4.9) et 8 sièges (-9). De la même façon, le Parti Populaire Socialiste (SFP = Socialistisk Folkeparti) est douloureusement affaibli, passant de 9.2% et 16 sièges à 4.2% (-5) et 7 sièges (-9).
Cette baisse significative du vote de gauche profite à deux partis de gauche, les « rouge-vert » d’Enhedlisten, qui passent de 6.7% et 12 sièges à 7.8% et 14 sièges, et la liste de gauche Alternativet, nouvelle venue, qui obtient 4.8% des voix et 9 sièges. En tout la cause perd environ trois points, ce qui n’est pas une chute si considérable.
La droite libérale incarnée par le parti Venstre, avec 19.5% des voix et 34 sièges, chute lourdement. Elle perd 5.6 points et 13 sièges. Cette diminution s’explique par une légère progression de l’Alliance Libérale (Liberal Alliance), passant de 5 à 7.5% des voix et de 9 à 13 sièges. En revanche, le parti conservateur populaire (Konservative Folkeparti) passe de 4.9% et 8 sièges à 3.4% (-1.5) et 6 sièges. Elle est donc en nombre de sièges plus faible que la gauche.
Celui qui au final va élire le roi est le Parti du Peuple Danois (Dansk Folkeparti) mené par Kristian Thulesen Dahl, en remplacement de Pja Kjarsgaard, tête de file du parti depuis de nombreuses années, et désormais en retrait. Dahl souhaiterait néanmoins qu’elle obtienne la présidence de l’assemblée, en échange d’un soutien à la droite libérale, sans nécessairement bâtir avec elle une coalition. Le DFP est passé de 12.3% des voix et 22 sièges à 21.1% (+8.8) et 37 sièges, devenant le second parti du pays, après avoir été aux élections européennes de 2014 premier. Cette progression se fait notamment au détriment de la droite conservatrice et du Venstre mais aussi du SFP, mouvement socialiste à connotation eurosceptique. Le DFP récupère ainsi des déçus de droite comme de gauche.
Bien que le DFP ne soit pas victime d’un cordon sanitaire comme il peut exister en Belgique, au Royaume-Uni ou en France, il lui est impossible d’espérer être à la tête d’une coalition de droite. Il peut au mieux espérer ce que le FPÖ autrichien avait obtenu en 2000, être le partenaire de la droite classique. Cela n’avait pas bien réussi à ce parti. Le DFP n’a peut-être pas forcément intérêt à s’associer et pourrait être gagnant à proposer un soutien extérieur, au cas par cas, tenant la droite sous son influence sans pâtir nécessairement de l’usure du pouvoir.
Le résultat important du DFP, qui n’est pas une surprise même s’il n’était pas attendu à un aussi haut niveau à une élection nationale, démontre que dans un pays économiquement prospère, où le chômage reste très bas, le débat sur l’identité prend une part importante. D’ailleurs, un parti de défense des immigrés espérait pouvoir se présenter pour contrer le discours de la DFP mais n’en a pas été capable. Les Danois, sans nécessairement être des eurosceptiques, ont constaté que l’UE était en crise. L’idée d’adhésion à la zone euro est d’ailleurs au plus bas dans ce pays. Le DFP entend quant à lui s’inspirer du modèle britannique, sans prôner un départ de l’UE, mais en renégociant certains points de cette construction. Il est également évident que le Danemark, tout comme la Hongrie, voudra se prémunir de tout quota de migrants clandestins qu’il aurait pu être amené à héberger.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
23:43 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : danemark, élections, dfp, venstre, dahl, rasmussen, thorning-schmidt |
15/06/2015
Quatre mythes « fondateurs » de l’europhobie contemporaine
L’Union Européenne est éminemment critiquable et ce avant tout parce qu’elle donne le sentiment qu’il y a tromperie sur la marchandise. Loin d’être l’embryon d’une véritable Europe politique au service des Européens, elle apparaît comme un organisme technocratique éloigné des citoyens, une gouvernance d’esprit mondialiste (ou globaliste) alignée sur les intérêts américains, brisant les anciennes nations d’un côté sans se doter des moyens d’être une nation de l’autre. Ainsi, si les pouvoirs nationaux sont affaiblis, ce n’est pas en faveur d’un pouvoir européen qui reste encore à bâtir. Au contraire, on assiste à une neutralisation mutuelle.
En réalité, l’Union Européenne est un nain politique, un alibi des gouvernements « nationaux » pour appliquer leur programme libéral et atlantiste mais sans l’assumer devant les peuples. Ils s’attribuent toute initiative communautaire qui irait dans le bon sens mais en revanche rejettent sur elle des politiques impopulaires dont pourtant ils sont les promoteurs zélés. L’Union Européenne n’est donc pas vraiment « européenne » et en tout cas elle n’est pas l’Union Européenne qu’elle aurait dû être, qu’elle devrait être et qu’il est bon qu’elle finisse par devenir.
Cette introduction est nécessaire pour bien faire comprendre que dénoncer les mythes europhobes ne signifie pas pour autant perdre tout sens critique sur l’actuelle construction européenne. Il convient d’en dénoncer les travers, non en fonction de fantasmes idéologiques, mais de faits.
Mythe n°1 : l’Union Européenne est la nouvelle Union Soviétique.
Il est assez drôle de voir des anti-libéraux dénoncer en l’UE une « UERSS », notamment lorsqu’ils se revendiquent du PCF. En réalité, le dernier Etat soviétique d’Europe est plutôt l’Etat français, avec sa bureaucratie tatillonne et ses apparatchiki d’ENA. L’URSS était un régime totalitaire centralisé où tout le pouvoir était détenu par un politburo et qui envoyait ses opposants dans des camps puis dans des asiles. Ses dirigeants avaient un réel pouvoir, alors qu’un Van Rompuy hier ou un Tusk aujourd’hui n’en ont aucun. Quant aux commissaires, ils sont choisis par chaque Etat membre de manière souveraine, même si le parlement européen a en théorie le pouvoir d’en refuser certains. En réalité, comme ce parlement est tenu par les grands partis nationaux au sein de coalitions fictives, les députés se couchent systématiquement devant les décisions des chefs d’Etat. Hollande a ainsi pu imposer Moscovici malgré les fortes réticences de Strasbourg.
Pour renforcer leur équation, certains souverainistes et/ou europhobes font appel aux « prédictions » d’un ancien dissident soviétique en la personne de Boukovski, qui est un atlantiste acharné et un ennemi déclaré de Poutine, que ces mêmes europhobes souvent adulent de manière parfois excessivement servile.
L’UE est accusée d’ultra-libéralisme alors que l’URSS était communiste. L’UE finance ses opposants, ainsi les députés européens du FN ou de UKIP, alors que l’URSS les enfermait. La direction de l’UE n’a aucun pouvoir alors que celle de l’URSS était dictatoriale. Par ailleurs, si les adversaires de l’UE se réclament souvent du nationalisme, ils oublient que l’URSS était dès Staline sur une ligne nationaliste grand-russe, réprimant les minorités linguistiques, dont les Ukrainiens. Là encore l’URSS rappelle davantage le centralisme jacobin à la française, avec les Bretons ou les Corses dans le rôle des Ukrainiens ou des Biélorusses.
Mythe n°2 : l’Union Européenne est un IVème Reich.
L’Union Européenne serait une création « nazie », affirment sans rire certains souverainistes. Le nazisme était pourtant une synthèse de socialisme et de nationalisme, deux idéologies qu’ils chérissent à leur manière. L’UE est au contraire à la fois libérale et internationaliste. Ses dirigeants prônent l’ouverture des frontières notamment à une immigration incontrôlée.
Pour appuyer cette comparaison sans fondement, certains évoquent la figure de Walter Hallstein, un président de la commission parmi d’autres, sous le prétexte qu’il a été membre de la NSDAP à une époque où en Allemagne à peu près tout le monde en était membre. Il n’y a pourtant eu aucune responsabilité de premier plan ni même de second plan. Dans ce cas là, on peut aussi bien affirmer que Boris Eltsine était un communiste. Rien par ailleurs ne laisse penser qu’il soit arrivé à la place de président par le biais d’une internationale noire qui œuvrerait dans l’ombre.
Et puis ceux qui affirment que l’UE serait nazie sont aussi ceux qui la comparent à l’URSS et/ou dénoncent une « Europe » américaine, les deux puissances qui ont justement écrasé sous les bombes le dit Reich. Tout cela n’est guère sérieux et cette dénonciation n’est qu’un postulat de principe à base complotiste et non une critique fondées sur une analyse sérieuse.
Mythe n°3 : les Français ont voté non à la construction européenne en 2005.
Avec près de 56% des voix, les électeurs français ont refusé le projet de « traité constitutionnel » soumis à leur vote par décision de Jacques Chirac, alors président de la république. Les raisons de ce refus sont multiples, à l’issue d’une campagne efficace des opposants – refus de l’adhésion turque, refus de la concurrence déloyale intra-européenne symbolisée par la directive Bolkestein, rejet du gouvernement et d’un président usé par dix ans de pouvoir, et rejet de la construction européenne, mais ce pour une toute petite partie des électeurs. Les Français ont répondu à la question posée, qui était oui ou non, à un texte médiocre, technocratique, et qui n’était constitutionnel que par son nom, ceci pour flatter la « convention » Giscard. En réalité, le « TCE » corrigeait légèrement Nice et synthétisait le droit communautaire de plusieurs décennies. C’était donc un document technique, fondamentalement illisible, qui ne pouvait que susciter le rejet par les électeurs.
Les Français ont voté non au TCE. Ils n’ont pas voté non à la construction européenne, non à l’idée même de « constitution » européenne. Ils n’ont pas voté contre l’euro ou contre l’UE. J’ajoute pour être clair avoir fait partie des votants « non » car souhaitant une véritable constitution européenne, issue d’une assemblée constituante européenne élue en ce sens, je ne voulais pas que le terme soit usurpé et il l’était.
Mythe n°4 : l’Union Européenne est responsable de l’immigration.
Alors que l’Europe subit depuis plusieurs mois un flux massif et ininterrompu de migrants clandestins venus notamment d’Afrique, il est de bon ton d’en accuser Schengen et l’UE. Il est clair que l’actuelle UE ne nous protège en rien contre ces flux mais, comme toutes les autorités « morales », y compris le Vatican, elle encourage l’accueil des migrants. Mais à part la Hongrie d’Orban, quel gouvernement prône leur rejet ?
Schengen a aboli les frontières à l’intérieur de l’Union Européenne. La Roumanie et la Bulgarie ne font d’ailleurs toujours pas partie de son espace, à la différence de l’Islande, qui n’est même pas dans l’UE. A l’exception du cas « rom », qui n’est pas nouveau en France et n’a pas attendu l’ouverture des frontières (leur première arrivée en France date de 1340), l’immigration en Europe est due à la volonté des gouvernements nationaux. Les travailleurs turcs sont arrivés en Allemagne en 1963 suite à un accord bilatéral Allemagne-Turquie. Dès 1946, la France a fait appel à des travailleurs issus de son ancien empire colonial, et notamment maghrébins, malgré l’opposition de De Gaulle. De la même façon, le Royaume-Uni a ouvert dès les années 50 sa porte à des immigrés venus du Commonwealth, ce qui a amené un célèbre conservateur du nom de Powell à s’en émouvoir et à être alors marginalisé de la scène politique pour cette raison.
Il est d’ailleurs assez ironique d’entendre le premier ministre britannique David Cameron s’émouvoir de l’immigration, essentiellement européenne (polonaise notamment), alors que son parti n’a jamais rien fait contre l’immigration extra-européenne issue de l’ancien empire, et continue de ne rien faire contre. De même, la France s’est faite une spécialité de reconduire à la frontière des Russes ou des Moldaves, alors qu’elle ne fait rien (ou en tout cas pas grand-chose) contre les migrants clandestins venus de son ancien espace colonial.
Il faut savoir que la loi française permet par exemple à tout algérien né avant 1962 de bénéficier de la nationalité française au titre de la « réintégration ». C’est l’Etat français qui est aussi responsable de l’appel d’air migratoire par son assistanat de masse doublé d’un égalitarisme lui interdisant de réserver ses aides à ses seuls concitoyens. L’Allemagne et le Royaume-Uni sont beaucoup plus raisonnables en la matière. C’est la propre constitution de la France qui lui interdit de s’opposer efficacement à ces flux, pas des directives européennes, alors que la gestion de l’immigration est une compétence nationale. Et enfin, nous devons la départementalisation de Mayotte au seul Etat français, sans que l’UE ait eu la moindre influence en ce sens.
Thomas FERRIER
00:31 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : europhobie, mythes, union européenne |
07/06/2015
La Turquie refuse à Erdogan sa super-présidence
Les électeurs turcs ont rejeté Super-Erdogan, ce « héros » auto-proclamé de la Turquie islamique et néo-ottomane, nouveau calife en son luxueux palais. Depuis la fin du mandat d’Abdullah Gül, son vieux complice désormais marginalisé, et son élection, Recep Erdogan n’a cessé de jouer les autocrates et encore récemment fêtait devant ses troupes militantes la victoire de Constantinople en 1453.
Avec 40.93% des voix, et 256 députés (sur un total de 550), l’AKP réalise une contre-performance même si ce parti reste le premier du pays, perdant plus de huit points par rapport à 2011 et 72 sièges. Il est désormais bien loin de la majorité absolue et bien davantage encore du nombre de sièges nécessaires pour faire voter une révision constitutionnelle accentuant le caractère présidentiel du nouveau régime qu’il souhaite mettre en place, mais que 75% des Turcs selon les derniers sondages, et même 60% de ses propres électeurs, refusent.
Avec 25.08% des voix et 132 sièges, le mouvement kémaliste CHP ne progresse guère en nombre de voix. Le CHP échoue une fois de plus à représenter une véritable alternative aux yeux des électeurs, la réislamisation en cours de la Turquie que l’AKP a fortement encouragée depuis dix ans lui étant nettement défavorable, y compris à Istanbul et à Ankara.
Avec 16.38% des voix (+3.37) et 82 sièges (+29), démentant ainsi tous les sondages, les nationalistes du MHP réussissent en revanche un très bon score, même s’ils ne retrouvent pas leur résultat de 1999 (18%). Ils bénéficient de la perte de crédits d’Erdogan et de l’échec de la ligne néo-ottomane du premier ministre Davutoglu. A côté d’eux, les nationaux-islamistes du BTP avec 0.38% sont nettement marginalisés.
Le vainqueur indiscutable de ce scrutin est le DHP, ce parti démocrate représentant surtout les Kurdes mais aussi les minorités. Avec 13.1% et 80 sièges (+50), il fait une entrée fracassante au parlement et réussit surtout à empêcher l’AKP de bénéficier de la prime, car ses sièges auraient été au premier parti du pays en cas de score inférieur à 10%. Une part importance de l’échec de l’AKP s’explique par un vote massif en faveur du DHP dans le Kurdistan et même en dehors (10.6% à Istanbul, 11.5% à Izmir).
Enfin, le parti islamiste Saadet en revanche reste très faible avec 2.06% des voix (+1.06) même s’il progresse très légèrement. Les autres partis sont très faibles, à l’instar du parti de gauche radicale Vatan Partisi (0.33%), du DP nationaliste (0.15%), du Turk Parti (0.12%) ou encore des libéraux-démocrates (0.05%).
Ces résultats vont contraindre l’AKP à mettre en place une coalition qui limitera considérablement sa marge de manœuvre. On pourrait aussi imaginer une grande coalition contre lui au parlement, mais l’incompatibilité doctrinale totale entre le MHP (nationalisme turc) et le DHP (pro-Kurdes) rend cette hypothèse peu vraisemblable. Une grande coalition AKP/CHP est de même totalement inconcevable. Une coalition MHP/AKP, alors que le MHP est opposé à l’adhésion à l’UE du pays, est en revanche imaginable, de même qu’un gouvernement AKP minoritaire.
Du point de vue des Européens opposés au processus d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, ces résultats électoraux ne sont pas nécessairement une bonne nouvelle. La dérive autoritariste d’Erdogan était un argument en or pour y mettre fin et en tout cas pour faire traîner les choses au maximum. Avec la montée du DHP, qui prône davantage de démocratie et de droits, cet alibi est affaibli. En revanche, une coalition AKP/MHP serait très positive car les nationalistes turcs sont de farouches opposants à l’adhésion à l’UE. De plus, mouvement d’extrême-droite lié au Bozkurt (« loups gris »), sa réputation en Europe occidentale est plutôt négative.
L’AKP a en tout cas connu son premier revers significatif, même si ce parti est loin d’être à terre. Perdre huit points en quatre ans alors qu’il est le parti sortant n’est pas lamentable. Et puis certains électeurs ont voulu mettre un frein aux ambitions du chef de l’Etat ou ont été révulsés par quelques scandales de corruption. Il y a enfin la croisade intérieure que mène Erdogan contre le mouvement Fetullah Gülen, après s’en être pris à l’opposition laïque au sein de l’armée et de la presse. Mais Erdogan découvre désormais que le peuple ne le suit plus aveuglément.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
nota bene: la présence de la bannière européenne au-dessus de cet article indique qu'il intéresse les questions européennes. Néanmoins, à nos yeux, la Turquie n'a pas et n'aura jamais vocation à rejoindre la construction d'une Europe politique.
(Mise à jour le 08/06/2015)
22:34 Publié dans Analyses, Editoriaux, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, élections législatives 2015, erdogan, akp, mhp, chp, dhp |
17/05/2015
Pour un programme eurocentré d’enseignement de l’histoire !
Face aux réformes europhobes et même eurocidaires, car destinées à briser la mémoire historique des Européens, et notamment celles en préparation par le gouvernement PS en France, nous devons opposer un contre-programme de résistance. Voici quelques éléments de réflexion en ce sens de ce que pourrait être un programme d’enseignement de l’histoire de l’Europe destiné à promouvoir notre longue mémoire au lieu de chercher à la détruire au nom d’un « multikulti » délirant destiné à faire place libre. J’utiliserai ici la terminologie française classique (6ème à terminale) mais des équivalents existent dans tous les pays d’Europe.
L’enseignement de la sixième doit être exclusivement centré sur la Grèce classique, de l’époque mycénienne à l’époque hellénistique. C’est notre matrice civilisationnelle, aussi un an complet dédié est un minimum. On pourra l’associer à une initiation au grec ancien. Les élèves devront connaître la mythologie, les grands évènements historiques, la résistance de la « petite » Grèce face aux appétits de l’Asie conquérante, la démocratie athénienne.
En cinquième, une année sur Rome, des origines à la fin de l’empire romain. L’élève devra apprendre le destin exceptionnel d’une cité de paysans qui put conquérir en quelques siècles tout le bassin méditerranéen. Il méditera sur la ruine de cette civilisation, sur les raisons internes et externes de sa chute. Le christianisme sera analysé sans complaisance mais sans hostilité de principe non plus. C’est à ce moment là qu’on associera l’initiation au latin.
En quatrième, l’Europe « barbare » sera enfin évoquée et en détail. L’élève européen saura qui étaient les Celtes, les Germains et les (Balto-)Slaves. On lui fera découvrir nos origines communes indo-européennes, avec en outre quelques heures dédiées à l’Iran et à l’Inde. Les invasions « barbares », à l’ouest comme à l’est, seront étudiées. L’enseignement englobera les temps mérovingiens et jusqu’à Charlemagne. La christianisation du monde barbare fera partie de cet enseignement. Elle sera là encore étudiée sans a priori.
En troisième, c’est l’Europe médiévale au sens fort qui aura son année. Cela comprendra l’Europe occidentale, le monde scandinave et l’empire byzantin. L’islam ne sera étudié que par son impact sur la civilisation européenne. Les conquêtes arabes et turques seront en ce sens évoquées, de même que la chute de Constantinople et la Renaissance.
En seconde, la période 1500-1789 sera étudiée. On évoquera la dimension scientifique du renouveau de la civilisation européenne, les grandes découvertes, la reconquête balkanique, l’expansion de la Russie, la colonisation de l’Amérique.
En première, l’année d’histoire sera dédiée au grand XIXème siècle, depuis 1789 jusqu’à 1914. La révolution et l’empire, la naissance des nationalismes, l’unification de l’Italie et de l’Allemagne seront à l’honneur. Il s’agira aussi de comprendre ce qui en nous a mené à la première guerre mondiale, si funeste en toutes choses.
Enfin, la terminale sera consacrée à une période charnière, à savoir 1914-1957. Elle sera étudiée dans une perspective européenne et non pas nationale. Les révolutions totalitaires, fascistes comme communistes, seront analysées sans ménagement et à égalité. Leur impact et leurs conséquences sur l’Europe contemporaine seront décryptées. Il ne s’agira pas de faire dans l’hypermnésie compassionnelle mais dans une analyse rigoureuse de ce qui a amené à la ruine morale de notre civilisation. L’objectif n’est pas de jeter au visage des élèves un passé « qui ne veut pas passer » et dont il devrait se sentir coupables, mais de comprendre pour ne pas répéter les mêmes erreurs. La mort de Staline en 1953 clôturera cet enseignement. La période ultérieure, trop récente, ne permet pas de s’apprécier avec suffisamment de recul et certainement pas pour des élèves de collège ou de lycée.
Cet enseignement de l’histoire sera clairement eurocentré, de même que le sera aussi la géographie (vaste programme). Il n’a pas pour but de faire découvrir d’autres civilisations mais de comprendre la sienne, car « connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux », disait la Pythie de Delphes il y a 2500 ans. L’enseignement des cultures non-européennes n’est pas la mission de l’instruction publique. Celle-ci doit former des citoyens européens, non des « citoyens du monde », et doit rappeler à chacun qui il est et d’où il vient, de quel riche patrimoine il est l’héritier.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
00:15 Publié dans Analyses, Histoire, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : enseignement, histoire, collège, lycée, europe, identité |
16/05/2015
Le dieu cornu des Indo-Européens
De toutes les figures divines du panthéon proto-indo-européen, celle du dieu « cornu » est la plus complexe et la moins analysée. Elle est pourtant essentielle, même si son importance n’est pas comparable à celle du dieu de l’orage, dont il est souvent le compagnon de lutte mais parfois aussi l’adversaire. On le retrouve chez presque tous les peuples indo-européens, à l’exception notable des Germains même si, on le verra, il est possible d’y retrouver sa trace. Son nom originel était sans doute *Pauson, « celui qui guide ». Représenté avec deux cornes, il fut alors surnommé chez certains peuples le dieu « cornu ».
Chez les Grecs, l’équivalent en toutes choses de *Pauson était le dieu Pan. Son nom, qui ne signifiait pas « tout », comme une étymologie populaire le proposait, dérive directement de son ancêtre indo-européen. Pan est justement représenté cornu avec des pieds de bouc. Il était le dieu des troupeaux, qu’il protégeait contre les loups. C’est là un de ses rôles les plus anciens. On le dit natif d’Arcadie, une région de collines où il était très sollicité par les bergers du Péloponnèse. Son nom a également donné celui de « panique », car on dotait Pan de la capacité d’effrayer les ennemis.
Pan n’était pas le fils de n’importe quel dieu. Il était celui d’Hermès avec lequel il se confond. Comme souvent chez les Grecs, un même dieu indo-européen pouvait prendre plusieurs formes. On confondait ainsi Eôs et Aphrodite ou encore Hélios et Apollon. Le premier portait le nom originel, le second celui d’une épiclèse devenue indépendante. Pan et Hermès étaient dans le même cas de figure. Hermès disposait de la plupart des rôles auparavant dévolus à celui dont les Grecs feront paradoxalement le fils. Il était le dieu des chemins et lui aussi conducteur des troupeaux. On raconte que dans ses premières années il déroba le troupeau dont Apollon avait la garde. C’était le dieu des voleurs et le dieu qui protégeait en même temps contre le vol. Il était aussi le gardien des frontières, d’où sa représentation sous forme d’une borne, tout comme le dieu latin Terminus. Il était également le dieu du commerce et de l’échange, le protecteur des marchands. Enfin, Hermès était un dieu psychopompe, conduisant les âmes des morts aux Champs Elyséens ou dans le sombre royaume d’Hadès.
En Inde, l’homologue de Pan était le dieu Pusan. A la différence de Pan, Pusan avait conservé l’intégralité de ses prérogatives. Il était dieu psychopompe, emmenant les âmes chez Yama. Il protégeait les voyageurs contre les brigands et les animaux sauvages. Ce dieu offrait à ceux qu’il appréciait sa protection et la richesse symbolisée par la possession de troupeaux. Son chariot était conduit par des boucs, là encore un animal associé au Pan grec.
Le dieu latin Faunus, qui fut associé par la suite non sans raison avec Pan, se limitait à protéger les troupeaux contre les loups, d’où son surnom de Lupercus (sans doute « tueur de loup »), alors que Mars était au contraire le protecteur de ces prédateurs. Son rôle était donc mineur. Le dieu des chemins était Terminus et le dieu du commerce, lorsque les Romains s’y adonnèrent, fut Mercure, un néologisme à base de la racine *merk-. Faunus était également le dieu des animaux sauvages auprès de Silvanus, dieu des forêts.
Enfin, le dieu lituanien Pus(k)aitis était le dieu protecteur du pays et le roi des créatures souterraines, avatar déchu d’une grande divinité indo-européenne mais qui avait conservé son rôle de gardien des routes et donc des frontières.
Les autres peuples indo-européens, tout en conservant la fonction de ce dieu, oublièrent en revanche son nom. Les Celtes ne le désignèrent plus que par le nom de Cernunnos, le dieu « cornu ». En tant que tel, il était le dieu de la richesse de la nature, le maître des animaux sauvages comme d’élevage, le dieu conducteur des morts et un dieu magicien. Il avait enseigné aux druides son art sacré, d’où son abondante représentation en Gaule notamment. Sous le nom d’Hernè, il a pu s’imposer également chez les Germains voisins. Représenté avec des bois de cerf et non des cornes au sens strict, il était le dieu le plus important après Taranis et Lugus. En revanche, en Bretagne et en Irlande, il était absent. Son culte n’a pas pu traverser la Manche. Chez les Hittites, le dieu cornu Kahruhas était son strict équivalent mais notre connaissance à son sujet est des plus limités.
Dans le panthéon slave, les deux divinités les plus fondamentales était Perun, maître de l’orage et dieu de la guerre, et Volos, dieu des troupeaux. Même si Volos est absent du panthéon officiel de Kiev établi par Vladimir en 980, son rôle demeura sous les traits de Saint Basile (Vlasios) lorsque la Rous passa au christianisme. Il était notamment le dieu honoré sur les marchés, un lieu central de la vie collective, d’où le fait que la Place Rouge de Moscou est jusqu’à nos jours dédiée à Basile. Volos n’était pas que le dieu des troupeaux. Il était le dieu des morts, ne se contentant pas de les conduire en Nav, le royaume des morts, même si la tradition slave évoque éventuellement un dieu infernal du nom de Viy. Il apportait la richesse et la prospérité en même temps que la fertilité aux femmes. Dieu magicien, il était le dieu spécifique des prêtres slaves, les Volkhvy, même si ces derniers avaient charge d’honorer tous les dieux. Perun et Volos s’opposaient souvent, le dieu du tonnerre n’hésitant pas à le foudroyer car Volos n’était pas nécessairement un dieu bon, et la tradition l’accusait d’avoir volé le troupeau de Perun. Une certaine confusion fit qu’on vit en lui un avatar du serpent maléfique retenant les eaux célestes, qui était Zmiya dans le monde slave, un dragon vaincu par la hache de Perun, tout comme Jormungandr fut terrassé par Thor dans la mythologie scandinave.
Dans le monde germanique, aucun dieu ne correspond vraiment au *Pauson indo-européen. La société germano-scandinave n’était pas une civilisation de l’élevage, et les fonctions commerciales relevaient du dieu Odin. Wotan-Odhinn, le grand dieu germanique, s’était en effet emparé de fonctions relevant de Tiu-Tyr (en tant que dieu du ciel et roi des dieux), de Donar-Thor (en tant que dieu de la guerre). Il existait certes un Hermod, dont le nom est à rapprocher de celui d’Hermès, mais qui avait comme seul et unique rôle celui de messager des dieux. Mais c’est sans doute Freyr, dont l’animal sacré était le sanglier, qui peut être considéré comme le moins éloigné de *Pauson. Frère jumeau de Freyja, la déesse de l’amour, il incarnait la fertilité sous toutes ses formes mais était aussi un dieu magicien. On ne le connaît néanmoins pas psychopompe, pas spécialement dédié non plus au commerce, ni à conduire des troupeaux. Wotan-Odhinn là encore était sans doute le conducteur des morts, soit en Helheimr, pour les hommes du commun, soit au Valhöll, pour les héros morts au combat. Le *Pauson proto-germanique a probablement disparu de bonne date, remplacé dans tous ses rôles par plusieurs divinités.
*Pauson était donc un dieu polyvalent. En tant que dieu des chemins, dieu « guide », ce que son nom semble signifier, il patronnait toutes les formes de déplacement, les routes mais aussi les frontières et les échanges. Il était en outre le dieu des animaux sauvages et des troupeaux, qu’il conduisait dans les verts pâturages. Il conduisait même les âmes morts aux Enfers et délivrait aux hommes les messages des dieux, même si ce rôle de dieu messager était partagé avec la déesse de l’arc-en-ciel *Wiris (lituanienne Vaivora, grecque Iris). C’était un dieu qui maîtrisait parfaitement les chemins de la pensée humaine. Les Grecs firent ainsi d’Hermès un dieu créateur et même celui de l’intelligence théorique aux côtés d’Athéna et d’Héphaïstos. Ils lui attribuèrent l’invention de l’écriture et même de la musique. Il est logique d’en avoir fait un magicien, capable de tous les tours et de tous les plans, y compris de s’introduire chez Typhon pour récupérer les chevilles divines de Zeus ou de libérer Arès, prisonnier d’un tonneau gardé par les deux géants Aloades. Sous les traits du romain Mercure, main dans la main avec Mars, il finit par incarner la puissance générée par le commerce, facteur de paix et de prospérité pour la cité autant que les légions à ses frontières.
Son importance était telle que les chrétiens annoncèrent sa mort, « le grand Pan est mort », pour signifier que le temps du paganisme était révolu. Pourtant il ne disparut pas, alors ils en firent leur Diable cornu et aux pieds de bouc. Il conserva ainsi son rôle de dieu des morts mais uniquement pour les pêcheurs, les vertueux accédant au paradis de Dieu.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
23:35 Publié dans Analyses, Religion | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pan, faunus, hermès, cernunnos, cornu, commerce, chemins, psychopompe |
10/05/2015
Front contre Front
Alors que les politologues opposent le « vieux » FN de « Jean-Marie » au nouveau « FN » de « Marine », la classe politique, de gauche comme de droite, prétend au contraire que le FN n’a pas changé, ou alors simplement de manière cosmétique, que le nouveau est la continuité de l’ancien, à quelques « détails » près. Cette crise familiale et politique est-elle le choix de l’efficacité au détriment de l’authenticité, une véritable rupture ou une continuité masquée ?
Le FN de JMLP : provocations et incohérences.
Jean-Marie Le Pen, choisi comme figure de proue par une partie de la droite radicale et activiste, lassée des combats de rue en 1972, Dominique Venner rejetant la proposition qui lui avait été faite d’en être l’animateur, a voulu rassembler le camp dit de « droite nationale » autour de sa personne. Il était relativement indifférent aux querelles de chapelle et admettait tant d’anciens résistants que d’anciens collaborationnistes, dans la mesure où tous lui faisaient allégeance. Néanmoins, son parti fut une succession de départs et d’arrivées, au gré de diverses scissions liées à sa personnalité ou à ses positions fluctuantes. Dès 1973, la plupart des fondateurs du FN partirent « faire Front » puis en 1983 ce fut le départ de ceux qui allaient fonder le PNF. La plus grande scission, dont le FN n’a jamais réussi à se remettre, même en 2015, fut celle emmenée par Bruno Mégret.
Rappelons que cette scission était la conséquence non seulement de l’attitude de Le Pen, attisée par un clan épurateur dont sa fille Marine était une des animatrices les plus acharnées, mais aussi de choix tactiques différents. Toutefois, contrairement à ce qui a été souvent dit ces derniers mois, et affirmé aussi par Mégret lui-même, la « dédiabolisation » qu’il envisageait n’avait rien à voir avec celle de Marine Le Pen aujourd’hui. Il s’agissait simplement de ne plus donner d’armes aux adversaires par le biais de déclarations intempestives et/ou nostalgiques d’époques dont l’évocation n’apportait rien de bon, mais sans le moindre renoncement idéologique. Mégret a ainsi emmené avec lui les opposants les plus radicaux à l’immigration avant de les perdre au gré de ses défaites électorales.
Les provocations attiraient l’attention des media sur le parti et plaisaient à une partie de l’électorat. Ce côté anti-système était un positionnement confortable, même s’il amenait à se faire attaquer par toute l’intelligentsia politique et médiatique, car il évitait les remises en question douloureuses. Mais d’un point de vue politique c’était improductif puisque les chances réelles de succès étaient nulles. En 2002, la punition au second tour des présidentielles infligée à Jean-Marie Le Pen fut significative et sa réaction personnelle démontra qu’il avait compris qu’il n’aurait pas le pouvoir. Il l’avait sans doute compris dès 1995 en vérité. Alors tout ça pour quoi ?
18:24 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Présidentielles 2022 | Lien permanent | Commentaires (0) |
9 mai 2015 : une réconciliation européenne avortée
Le 9 mai est désormais « fête de l’Europe », en souvenir de la déclaration de Robert Schuman en 1950, mais c’est aussi chez nos frères en européanité, les Russes, la fête de la victoire sur l’Allemagne hitlérienne. Il eut été possible d’organiser une cérémonie en l’honneur de la réconciliation de tous les Européens, et notamment entre l’UE et la Russie, en profitant de cette occasion, de cette convergence entre ces deux évènements. Je ne doute pas que le président Poutine aurait préféré une cérémonie commune en présence des chefs d’état et de gouvernement de l’Europe occidentale qu’une cérémonie certes grandiose mais où ils témoignaient de leur absence, au nom des intérêts supérieurs… des Etats-Unis d’Amérique.
Or non seulement les Européens n’ont pas profité de cette date pour souligner la nécessaire amitié avec la Russie voisine, mais ils ont de la même façon boudé leur propre 9 mai. Rien de significatif n’y a été organisé. En revanche, François Hollande a choisi d’honorer le 8 mai, qui est certes la victoire des alliés, mais qui constitue en même temps une défaite pour l’Europe, car si celle-ci a certes réussi à surmonter la barbarie hitlérienne, elle l’a fait à un prix exorbitant, abandonnant toute sa partie orientale à un autre totalitarisme, jugé moins dangereux. Elle l’a fait aussi avec l’aide américaine qui a fini à la longue par devenir un diktat, assujettissant l’Europe occidentale, malgré les tentatives de De Gaulle d’en sortir la France, à leur géopolitique, et ce jusqu’à nos jours.
Le président Giscard d’Estaing avait fait scandale jadis en renonçant au 8 mai mais dans sa logique cette date incarnait une division révolue alors que justement la construction européenne avait pour but de surmonter les conflits et les rancœurs passés et de bâtir autour d’un axe franco-allemand une relation pacifiée entre les Européens. C’était donc bien sûr le 9 mai que la France et l’Allemagne devaient à nouveau renouveler le pacte de l’amitié et quoi de mieux que de l’élargir à la Russie, alors que la crise ukrainienne est loin d’être surmontée, par la faute notamment d’un camp belliciste dominant Kiev.
Au lieu de cela, François Hollande a préféré passer son week-end politique dans les Antilles où il a pu dénoncer le crime de l’esclavage occidental, passant sous silence les autres formes de traite, et notamment la traite orientale menée par les Arabes ou bien la traite « blanche » entre le VIIIème et le XIXème siècles. Cet esprit d’excessive « repentance », toujours à sens unique, mène le pays droit dans le mur. Car comment peut-on demander au peuple d’aimer son pays si on ne cesse de le rabaisser par une histoire à la lecture biaisée et à sens unique ?
Ainsi, alors que la construction européenne est en crise, le résultat des élections britanniques montrant une lassitude face à une « UE » que les britanniques ne comprennent plus, l’Europe est une fois de plus la grande absente. Même à Strasbourg, aucune manifestation d’envergure n’a été organisée. L’europhobie ne règne pas seulement à Londres, comme on pourrait hâtivement le croire. Elle domine aussi à la tête de la France et de l’Allemagne. La question grecque n’y est pour rien, pas plus que la question ukrainienne. La vérité est que nos dirigeants sont des crypto-souverainistes, attachés uniquement à leurs prébendes nationales, en mode subverti je précise, et qu’ils n’ont jamais eu l’intention, pas plus que leurs prédécesseurs, de bâtir cette Europe politique qui nous est si nécessaire. Ils parlent comme des Européens mais pensent comme des Américains. Ce sont des usurpateurs de l’idée européenne, qu’ils ont subvertie dans un sens mondialiste, la rendant odieuse au plus grand nombre. Et nous avons comme représentant de cette construction « européenne » un Juncker qui prône une répartition par quota des migrants clandestins dans les différents pays de l’UE. Quoi de mieux pour faire encore davantage le jeu des souverainistes officiels ? L’UE veut redevenir populaire ? Qu’elle ose braver ses propres tabous et organiser l’éloignement systématique de ceux qui bravent nos lois et veulent s’imposer à nous, sous prétexte de souffrir dans leur pays natal des politiques de leurs dirigeants ou de leur irresponsabilité démographique !
Si l’UE osait enfin affronter le péril migratoire, au lieu de laisser ce thème aux europhobes, qui sont eux sur cette question en phase avec l’opinion publique, ce thème ayant dominé la campagne britannique et brisé les ambitions du Labour, elle serait crédible. Mais il faudrait qu’elle soit dirigée par des hommes d’une autre trempe, de vrais européens, capables de convaincre le peuple de les suivre, et que les dirigeants des Etats soient alors contraints de faire silence devant eux. Il faudrait simplement bâtir l’Europe, alors qu’elle n’est qu’un vaste cimetière moral, et la bâtir sur son identité la plus authentique, loin de principes éthérés suicidaires, sur les principes chers aux anciens Grecs et Romains mais aussi à « nos ancêtres les Celtes », à « nos ancêtres les Germains » et enfin à « nos ancêtres les Slaves ». Bâtir l’Europe mais contre les Etats, contre les gouvernements, contre les oligarchies parasitaires qui emmènent le continent à sa ruine, et bien sûr contre l’Union « Européenne » actuelle, caricature impuissante de la véritable Union Européenne dont rêvent les Européens, même s’ils n’osent plus y croire.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
16:59 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : union européenne, russie, 9 mai, réconciliation |
08/05/2015
Victoire écrasante de David Cameron aux élections britanniques
Tous les media annonçaient une réélection difficile pour David Cameron, au coude à coude avec son adversaire travailliste Ed Miliband. On imaginait alors un Royaume-Uni ingouvernable, avec une droite prise en otage par UKIP, et donc une coalition multicolore à la tête du pays.
Les résultats, bien loin des sondages, sont sans appel. Avec 36.9% des voix (+0.8) et 331 sièges (+24), les Conservateurs sont les grands vainqueurs du scrutin et réussissent à dépasser la majorité absolue (326) de cinq sièges. Ils n’auront pas besoin d’alliés pour gouverner le pays pendant cinq ans. Même s’ils ne progressent pas en voix d’une manière significative, leur victoire est homogène sur une grande partie du pays. Avec 30.4% des voix (+1.4), le Labour est battu, alors même qu’il progresse en voix et en pourcentage. Il n’obtient toutefois que 232 sièges (-26). Il a certes récupéré les voix de Libéraux-Démocrates déçus mais de manière insuffisante pour faire la différence.
Les Libdem de Nick Clegg sont en revanche les grands perdants de ce scrutin, tombant à 7.9% des voix et à 8 sièges (-49). C’est une véritable déculottée qu’a subi ce parti libéral pro-européen. Il paie là le prix d’une alliance contre nature de cinq ans avec la droite conservatrice aux relents eurosceptiques. Incapable de marquer sa différence, associé à une politique d’austérité qu’il a dû avaler, le parti est sévèrement puni dans les urnes.
Avec 12.6% des voix (+9.5%), le mouvement UKIP de Nigel Farage progresse nettement entre 2010 et 2015 mais est très loin des 27% des voix obtenus aux élections européennes. Dans un tel contexte, c’est une sérieuse déconvenue, aggravée par l’échec personnel de Farage, UKIP devant se contenter d’un seul élu à l’arrachée. Ce dernier, qui s’était engagé à démissionner de la présidence du parti en cas de défaite, s’est exécuté, même s’il n’exclut pas un retour dans quelques mois à la tête d’une formation marquée par son charisme. Dans ses 12.6% des voix, on trouve des électeurs conservateurs soutenant une ligne très eurosceptique mais aussi toute la droite nationale. Le BNP (1.9% en 2010) est laminé et doit se contenter d’un millier d’électeurs. Les English Democrats en ont un peu plus de 6000. Tout cela est dérisoire.
Si les Conservateurs progressent malgré cette fuite d’électeurs droitiers vers UKIP, c’est qu’ils récupèrent une part essentielle de l’électorat Libdem. Ceux-ci ont finalement préféré reconduire le gouvernement précédent, au prix de la survie de leur mouvement, plutôt que de mettre le Labour au pouvoir. Les attaques de Cameron contre une gauche accusée de s’inspirer du « contre-modèle » français ont pu faire mouche. En outre, environ 3% des électeurs britanniques se sont décidés au dernier moment, par un réflexe de vote utile et pour donner une majorité au pays, à soutenir le premier ministre sortant.
Autre vainqueur et non des moindres de ce scrutin, le mouvement indépendantiste écossais SNP. Il obtient 56 des 59 sièges pour l’Ecosse et atteint exactement 50% des voix, ce qui est en fait et de loin le premier parti de la province. Les Libdem et le Labour ont été sérieusement punis. Au final, les conservateurs disposent de deux sièges et le Labour d’un seul. Néanmoins, ce succès du SNP ne lui permettra pas de peser sur le Labour, dont il aurait été un partenaire indispensable. Là encore, des électeurs ont pu craindre son influence et ont alors choisi les Tories de Cameron.
Les nationalistes gallois (Plaid Cymru) obtiennent 3 sièges et 12.1% dans leur province. Ils progressent très légèrement en voix dans un contexte de vote utile. En revanche, les nationalistes de Cornouailles, à savoir le Mabyon Kernow, restent à un niveau très faible, entre 1.1 et 4.1% des voix selon les cantons. En Irlande du Nord, les électeurs étaient également très partagés. Les unionistes obtinrent 8 sièges quand le Sinn Fein n’en a obtenu que 3. Les premiers ont obtenu 25.7% des voix et les seconds 24.5%. Une nouvelle formation émerge, l’UUP, formation alliée avec les Tories avec 16% des voix. Le SDLP (la gauche nord-irlandaise) obtient 3 sièges.
Enfin, les Verts (Greens) progressent nettement, passant de 1% à 3.8% en cinq ans, et réussissant à faire rentrer un élu à la Chambre des Communes. Ils ont pu à la marge freiner le résultat du Labour.
David Cameron, qui s’était engagé à tenir un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne, et qui le fera probablement en 2017, sort très renforcé. Il le doit au relatif échec d’UKIP mais aussi à l’effondrement de son allié libéral-démocrate. Même si sa progression est très faible, elle est suffisante et elle a permis de faire basculer le scrutin dans de nombreuses circonscriptions en sa faveur, y compris dans le fief de Farage. La gauche, qui reste généralement forte en terre non-anglaise, conserve son bastion gallois et la région autour de Londres, en raison notamment du vote des ex-immigrés, mais perd l’Ecosse. Cette dernière aura d’ailleurs un poids sans doute déterminant dans le résultat du futur référendum. En effet, elle est beaucoup plus pro-européenne que le reste du pays et pourrait le menacer d’une sécession si le Royaume-Uni choisissait une voie trop anglocentrée.
En tout cas, voici Cameron aux affaires jusqu’en 2019-2020. Il continuera de mener sa politique d’austérité et à naviguer sur un fil avec l’Union Européenne, qui a déjà annoncé, par le biais de Juncker, qu’elle n’accepterait pas de limitations à la liberté de circuler, une des raisons pourtant du vote eurosceptique au Royaume-Uni en l’absence d’un positionnement « identitaire » européen et d’un refus clair des flux passés et présents venus du Commonwealth. L’europhobie croissante de l’opinion britannique, attisée par une presse aux ordres de la City, n’est pas une fatalité. Mais ce n’est pas avec l’Union Européenne actuelle, enlisée dans sa médiocrité et aboyant les ordres des USA, et appelant au laxisme migratoire, comme le Vatican d’ailleurs, qui fera évoluer les mentalités en sa faveur.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
20:45 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david cameron, ukip, labour, tories, victoire, snp |
27/04/2015
Union Européenne/Ukraine/Russie. Pour une réconciliation européenne
La guerre est à nouveau au cœur de l’Europe, vingt ans après la guerre civile en ex-Yougoslavie. C’est en Ukraine que meurent des Européens, divisés entre partisans d’un bloc occidental soumis implicitement aux USA et partisans d’une union plus étroite avec la Russie voisine, à l’identité si proche.
La Russie n’a pas d’hostilité de principe à l’égard de l’Union Européenne mais lui reproche, et à raison, de s’aligner sur les intérêts américains au lieu de défendre des intérêts strictement européens. Ceux-ci impliquent de tendre une main fraternelle aux Russes, nos frères en européanité, de bâtir avec eux cette « maison commune » qu’évoquait Gorbatchev mais aussi Poutine en personne en 2005.
L’Ukraine est européenne, et ce n’est pas un objet de débat, mais la Russie l’est tout autant, et cela ne devrait pas l’être non plus.
Cette Russie est sensible à ce qui se passe à ses frontières. Elle craint une stratégie américaine développée par Brzezinski et consistant à étrangler, à « endiguer » (endiguement) la Russie, en l’entourant d’états hostiles, hier la Géorgie et aujourd’hui l’Ukraine. Les USA veulent en effet repousser la Russie en Asie, exactement comme le souhaitait le régime hitlérien, et les doctrinaires russes de l’eurasisme font de ce point de vue leur jeu. Au contraire, nous devons affirmer le caractère européen plein et entier du peuple russe et sa vocation à construire avec nous l’Europe politique de demain.
Nous devons comprendre que la Russie a raison de ne pas vouloir que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et qu’elle a dû défendre ses intérêts en Crimée car sa base navale était menacée par un nouveau pouvoir qui a réussi la maladresse de blesser les Ukrainiens de l’est, russophones, en remettant en cause le statut de la langue russe, avant de revenir en arrière piteusement. L’Union Européenne a encouragé la dérive occidentaliste du nouveau gouvernement, au lieu de prôner une approche mesurée. L’Ukraine devait servir de pont entre l’Union Européenne et la Russie et donc conserver une certaine neutralité, garantissant aux russophones sa protection sans ambigüité.
Même si le mal est fait, il est toujours possible d’y remédier. L’Union Européenne doit refuser les injonctions de Washington et négocier directement avec la Russie afin d’imposer la paix en Ukraine. Elle doit mettre fin aux sanctions provocatrices qu’elle a mises en œuvre contre les intérêts russes, et contre ses propres intérêts par retour de boomerang, et notamment dans le domaine économique. La France doit respecter sa parole donnée en fournissant à la Russie les fameuses frégates que celle-ci a commandées.
En clair, l’Union Européenne doit enfin prendre son destin en main, de manière indépendante, et agir dans le sens d’une Europe plus solidaire, plus puissante, et surtout réconciliée, une Europe unie de Reykjavik à Vladivostok, et non de Washington à Bruxelles.
Thomas FERRIER (PSUNE)
22:11 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : ukraine, union européenne, russie, réconciliation, paix, unité |
Lexique du partisan européen - "Europhobie"
EUROPHOBIE
1. L’europhobie est en premier lieu l’expression de la haine à l’égard des Européens (toutes confessions confondues) popularisée de manière maladroite sous le terme de « racisme anti-blancs ». Cette hostilité de principe est notamment répandue dans les banlieues allogénisées de nombreuses villes d'Europe mais aussi dans les pays d’Afrique et d’Asie, voire même d’Amérique centrale et méridionale. Certains européens expriment également une forme d’auto-racisme à l’encontre de leur propre ethnie, notamment sous l’effet d’une repentance excessive, les amenant à l’adoption de coutumes extra-européennes et jusqu’à la conversion à l’islam. Le soutien de certains hommes politiques, notamment à l’extrême-gauche, à une immigration sans restriction ou à l’apologie du métissage relève également d’une démarche europhobe.
2. L’europhobie est en second lieu la négation de la profonde parenté entre Européens ou en tout cas une relativisation excessive. Cette idéologie est dominante chez les souverainistes, notamment français, allant de Jean-Pierre Chevènement à Marine Le Pen, de François Asselineau à Florian Philippot. Selon eux, les Européens sont trop différents entre eux, l’Europe n’existe simplement pas, et nous serions plus proches de populations aneuropéennes, notamment celles de nos anciennes colonies, que de nos voisins européens. Ils font preuve de réductionnisme linguistique, défendant une francophonie qui dans la plupart des pays africains est en outre totalement superficielle. Ils oublient en revanche que 96% au moins des Européens parlent une langue indo-européenne. Ils défendent les « confetti de l’empire », c'est-à-dire les territoires d’outre-mer conservés par la France à l’issue du processus de décolonisation, y compris une île comme Mayotte, à 99% afro-musulmane, mais refusent en revanche l’idée que les Européens aient un destin commun.
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Il ne faudrait néanmoins pas confondre sous le même terme le refus de principe de toute Europe politique et le scepticisme vis-à-vis de l’idée d’une Europe unie. Est eurosceptique celui qui reconnaît la parenté entre Européens mais considère que bâtir une Europe politique n’est pas possible ou n’est plus possible. Lorsque Jean-Marie Le Pen parle d’ « Europe boréale » tout en refusant l’idée d’une Europe politique unitaire au nom d’une « Europe des nations », il fait preuve d’euroscepticisme. Il reconnaît la réalité européenne mais ne croit pas en une organisation politique prenant appui sur cette réalité. Là est une vraie différence entre le père et la fille. Cette dernière fait de la lutte contre l’euro et du refus de toute Europe politique son principal cheval de bataille, accusant la construction européenne de tous les maux et notamment d’un déclin français que son père attribuait au contraire principalement à l’immigration aneuropéenne. De la même façon, lorsqu’un mouvement comme l’UKip britannique s’oppose à l’immigration issue de l’Europe centrale et orientale alors qu’il ne dit rien contre celle issue du Commonwealth, ce dernier fait preuve d’europhobie et non d’euroscepticisme. Les eurosceptiques peuvent se rallier à l’idée européenne si celle-ci émerge sur une base identitaire crédible. Les europhobes la combattront en revanche sous toutes ses formes, mêmes les plus heureuses et salvatrices.
En conclusion, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, les souverainistes, aussi bien à Debout la France qu’au Front National, et les populations issues des flux migratoires post-coloniaux, partagent le même rejet de l’Europe, les uns en raison de leur origine, les autres en raison de leur idéologie. Quant au PS, il unit en lui ces deux formes d’europhobie, en soutenant simultanément la culpabilisation collective des Européens et une forme de chauvinisme universalisé, à savoir la défense d’une expression française irréductible et en même temps sa négation au nom de valeurs universelles. C’est un « mondialisme à la française ».
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
21:31 Publié dans Analyses, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : europhobie, haine, euroscepticisme, souverainisme |
19/04/2015
Elections législatives en Finlande : victoire du centre sur la droite
En 2011, les conservateurs du KOK (« Parti de la coalition nationale ») étaient le premier parti du pays. Même s’ils ne reculent au final que de 3% en 2015, ils perdent néanmoins six députés et surtout ne sont plus premier. C’est désormais le mouvement centriste KESK (Suomen Keskusta ou « Centre ») qui remporte le titre et devrait composer le prochain gouvernement. Avec 21% des voix environ et 49 sièges, même s’ils devront trouver des alliés, qui pourraient être les populistes du Perussuomalaiset (« Parti des Finlandais »), ils s’imposent. Les « Vrais Finlandais » du PS, le mouvement de Timo Soini donc, régressent toutefois, perdant 1.5 points et 1 siège. Avec 17.6% des voix, contre 19.1% en 2011, ils demeurent néanmoins le troisième parti du pays, mais réalisent aussi une contre-performance par rapport aux élections européennes.
Les sociaux-démocrates (SDP) avec 16.54% des voix et 34 sièges sont également les grands perdants de ces élections. Un phénomène de vote utile en faveur des centristes a pu jouer contre eux. Ils perdent 2.4 points et 8 sièges. Les Verts (Vihreä Liitta) n’en profitent pas. Avec 7.6% des voix et 14 sièges (+4), ils conservent presque le même niveau qu’en 2011 (+0.3 pts). De même, l’Alliance de Gauche (VAS) est aussi en recul avec 7.3% (-0.8 pts) et 12 sièges (-2). La gauche stricto sensu représente néanmoins 60 sièges. Sa division est donc mortifère.
A droite, les chrétiens-démocrates stagnent à 3.5% (-0.6 pts) et 5 sièges (-1) tandis que les formations eurosceptiques ou nationalistes, en dehors des Perussuomalaiset, sont au plus bas, 0.5% pour le Parti de l’Indépendance (+0.4 pts toutefois) et 0.2% pour le mouvement anti-immigration Muutos 2011 (M11). Les Pirates obtiennent 0.8% des voix (+0.2) et sous la rubrique « autre » (Muut) on trouve 0.6% des voix et 1 siège.
Mouvement très minoritaire représentant les Suédois, le RKP (Parti populaire suédois) obtient 4.9% (+0.6 pts) et 11 sièges (+2). Difficile pour ce parti de faire mieux, compte tenu de son créneau « identitaire ». Mais il réussit à rassembler son camp dans une écrasante proportion.
Au final, on peut constater que les sondages étaient à peu près exacts, même si les Perussuomalaiset ont obtenu un résultat un peu meilleur que ce qu’ils pouvaient espérer, minimisant leur recul. A la différence des « Démocrates Suédois », ils sont néanmoins bien moins diabolisés et pourraient être associés au pouvoir, même si la presse leur reproche d’exprimer des manifestations de nette hostilité à l’égard notamment de plusieurs milliers de réfugiés somaliens musulmans, dans un pays qui reste encore très massivement indigène (européen). Et ils s’inscrivent désormais durablement dans le paysage politique finlandais.
Le « Centre » a obtenu environ 7% de plus qu’en 2011, venant de la droite (-3) comme de la gauche (-3) et de manière plus limitée des populistes (-1). Cette victoire, je le précise, est néanmoins celle d’un parti qui a fait 22% des voix. On est très loin d’un succès exceptionnel. C’est l’avantage toutefois du système proportionnel, qui oblige à composer avec des forces parfois assez éloignées idéologiquement. Juha Sipilä, le dirigeant du KESK, devrait devenir le prochain chef du gouvernement, à la tête d’une coalition qui reste encore à créer.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
23:14 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : finlande, législatives, 2015, kesk, kok, perussuomalaiset, juha sipilä, timo soini |
08/04/2015
Face à une « scission » du FN ?
Le père fondateur Jean-Marie Le Pen s’est mis en rupture avec la présidente, sa fille, d’une façon, semble-t-il, totale et définitive. Ce ne serait qu’un problème interne à un parti, voire un pur problème familial, si les réactions des autres partis, en premier lieu de l’UMP, n’en faisaient un problème politique national.
Qu’aurait pu faire la droite devant un tel événement ? Elle aurait pu affirmer que le Front national n’était désormais plus ce parti infréquentable qu’on a connu, qu’il était devenu comme les autres partis ayant vocation à gouverner, et qu’il fallait seulement l’affronter sur le plan de son programme, d’un programme parfaitement incohérent, tantôt inapplicable, tantôt catastrophique.
Or ce n’est pas du tout ce qui a l’air de se passer. Interrogé sur la chaîne i-télé, Eric Woerth affirme que les propos du père sont inadmissibles, mais que le programme lui-même est inadmissible, avec ou sans le père. De son côté, Eric Ciotti voit dans les propos contestés « l’ADN du Front national ». Comment peut-on restaurer l’image des politiques avec des analyses aussi médiocres ?
Les propos du père, issus d’un entretien non encore publié du journal Rivarol, et qui ont déclenché le tollé, ne sont ni nouveaux, ni intéressants. Comment un responsable peut-il tomber dans le panneau posé devant ses pieds à chaque fois ? Pourquoi ne renvoie-t-il pas la question en demandant en quoi elle concernait l’actualité ? Il semble que l’impulsivité de Jean-Marie Le Pen l’emporte chez lui sur toutes autres choses. Ou que sa fureur de ne plus être le premier, comme cela a failli se passer avec Bruno Mégret, l’aveugle. Même s’il doit bien comprendre qu’il ne sera plus le chef du parti qu’il a créé, il lui restait la possibilité de critiquer ce qu’il perçoit comme des dérives, peut-être même des dérives sectaires, et il vient de se priver de ce droit.
Ce n’est pas le plus important. Il apparaît que le hiatus gigantesque qui sépare la classe politique et les citoyens, loin d’être atténué au Front national, y est plus important encore. Les électeurs de ce parti n’ont, pour la plupart, rien en commun avec les dirigeants.
Les dirigeants actuels, les véritables inspirateurs parmi lesquels Florian Philippot figure en première place, n’ont rien à voir avec le père fondateur du parti, lequel a tenu sa réputation de la dénonciation d’un certain nombre de faits que la classe politico-médiatique voulait taire. C’est là que Front national rencontrait son électorat.
Les influences du nouveau parti sont essentiellement doubles. C’est d’une part le courant chevènementiste, qui est à la fois de gauche, europhobe et méditerranéen. C’est d’autre part le lobby « libertaire ». Voilà comment d’un projet reaganien, avec moins d’état, moins d’assistanat, avec, par exemple, une retraite à 65 ans et avec un recentrage sur les traditions, on est passé à un parti étatiste libertaire, avec un SMIC très élevé, la retraite à 60 ans et le « mariage pour tous ». L’électorat n’a pas suivi cette évolution, sauf en ce qui concerne une frange venue de la gauche, Marine Le Pen ayant réalisé l’exploit d’étouffer Jean-Luc Mélenchon.
Le clash provoqué par le père et la réaction de tous les cadres du parti, s’ils avaient été correctement analysés, auraient pu faire apparaître ces problèmes existentiels en pleine lumière et obliger le parti à clarifier sa ligne. Heureusement pour les actuels penseurs de cette formation, les autres partis de l’establishment, en affirmant tout de suite que rien n’a changé depuis les origines du Front, leur sauvent la mise et, une fois de plus, les aident. Quand Robert Ménard rappelle qu’il n’est pas au Front National mais qu’il partage avec lui la défense de traditions, d’une culture et d’une civilisation, et qu’il dit que c’est une chance pour ce parti, il aurait pu montrer la voie à la droite. Or cette dernière préfère répéter le discours qui lui est soufflé par la gauche.
Peter EISNER (LBTF)
15:03 | Lien permanent | Commentaires (3) |
15/03/2015
De la conquête européenne du pouvoir. Stratégie pour une refondation continentale
Constat.
Les pays européens sont confrontés à la montée des mêmes périls auxquels ils sont incapables d’opposer un front commun. L’Union « Européenne » actuelle est impuissante à les enrayer et en nie même l’existence, tout comme chaque Etat « national » pris séparément. Depuis un demi-siècle l’Europe vit sous la coupe de l’idéologie mondialiste, sur l’utopie universaliste mortifère, que ce soit sous le masque du libéralisme américain ou celui de l’internationalisme prolétarien. La Russie, libérée en 1991 de la dictature communiste, est seule aujourd’hui à tenter de s’opposer à ce diktat, mais elle est elle-même bien impuissante, ne pouvant offrir qu’une résistance symbolique. L’hiver démographique n’épargne aucun pays européen et même lorsque le taux officiel est satisfaisant, il masque le fait qu’il s’agit en partie d’une natalité d’importation, obtenue par le biais de flux migratoires post-coloniaux. Ces flux sont en passe de submerger littéralement la vieille Europe sans que celle-ci ne se dote des outils pour y parer, bien au contraire. Nombreux sont les relais internes à s’en féliciter. A cela s’ajoute une crise du chômage qui ne diminue que par une plus grande précarisation du travail. L’islam, qui était réduit en Europe dans les années 50 au Caucase et aux Balkans, est également apparu par le biais de ces flux dans tous les pays d’Europe occidentale, posant des problèmes de fond en matière de laïcité, d’identité et de sécurité.
La montée des populismes « nationaux », des souverainismes et des indépendantismes, est la conséquence logique de cette situation mais en aucun cas le signe d’une prochaine guérison, bien au contraire. L’égoïsme national est une chimère. Taper sur l’€ ou sur l’Union Européenne ne changera rien à la situation. Se replier sur des cadres nationaux dévoyés est un faux remède. Les nationalités ont perdu toute valeur, depuis que leur accès a été grandement facilité, même en Allemagne, jadis gardienne farouche de la sienne, tout comme a été dénaturée l’institution du mariage. Les constitutions enferment les peuples au lieu de les protéger. Un droit devenu fou restreint nos libertés. Et les Églises appellent à l’ouverture à l’autre au lieu de prôner la réaffirmation des valeurs européennes ancestrales.
Dans un tel contexte, s’imaginer arriver au pouvoir à l’échelle d’un seul pays pour y changer quoi que ce soit est parfaitement naïf. Outre les carcans juridiques qu’il serait quasiment illusoire de faire sauter, les autres gouvernements, sans parler des USA, auraient tôt fait d’exercer des pressions économiques redoutables sur ce nouveau pouvoir récalcitrant. On a vu Syriza en Grèce, mouvement élu sur un programme démagogique, se coucher très vite devant la fameuse « Troïka » même si en paroles Tsipras fait croire à son peuple le contraire. Et ce serait la même chose si en France un mouvement de « droite nationale » par exemple s’imposait à l’issue d’élections démocratiques. Il se heurterait immédiatement au Sénat et au Conseil Constitutionnel qu’il ne serait en mesure de vaincre qu’en gagnant toutes les élections pendant cinq ans, alors qu’il aura déçu ses partisans les plus acharnés par son incapacité à agir immédiatement. Et je ne parle pas là des condamnations internationales qui mettraient l’économie française à genoux en une semaine à la moindre velléité d’un changement radical de paradigme.
Les problèmes étant européens, ils ne peuvent être résolus qu’au niveau européen. Ce n’est qu’à l’échelle de l’Europe qu’un pouvoir disposerait de la masse critique donc des moyens réels de réorienter le continent dans un tout autre sens, sans avoir à tenir compte des constitutions, des traités ou des pressions internationales. L’Europe ne pourra être refondée sur une base démocratique et authentiquement européenne que par une forme de « putsch », par une révolution. Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ont évoqué la nécessité d’un tel « putsch européen », dont l’antichambre ne pourrait être que le parlement européen. En clair, on ne peut réorienter l’UE que de l’intérieur, après en avoir forcé les portes par le soutien des électeurs, et ainsi l’amener à ce qu’elle aurait dû être et qu’elle n’a pas pu ou su devenir. L’Union Européenne sera ainsi « malgré elle » l’antichambre de l’Europe Nation.
Solution.
Qui dit problème européen, dit solution européenne. Qui dit solution européenne, dit programme européen. Qui dit programme européen, dit parti européen, car une coalition de partis nationaux serait incapable d’opposer un front uni, et on le constate avec l’incapacité des partis souverainistes à s’entendre (quatre groupes au moins à Strasbourg), sans parler des querelles de personnes. Qui dit parti européen, dit enfin leader européen.
Bâtir un programme européen qui aurait à cœur la défense de l’identité européenne (européanité) et de toutes les identités subsidiaires de l’Europe (régionales et nationales), c’est donc le proposer aux électeurs européens par le biais d’un parti identitaire européen, un mouvement d’union et de défense des Européens indigènes, un mouvement d’opposition au mondialisme et au « multikulti » en provenance des USA.
La seule stratégie possible c’est de s’appuyer sur les électeurs européens, donc de les convaincre, et de jouer la carte des élections européennes. L’objectif est d’obtenir un maximum de députés à Strasbourg, au moins 30%, élus dans toute l’Union Européenne sur la même ligne programmatique. A ce moment là, la droite et les derniers nationalistes ou souverainistes se rallieront, par opposition à une « gauche » de plus en plus étrangère aux intérêts réels des Européens et pactisant avec ce qui détruit notre civilisation.
Avec plus de 50% des députés, élus ou ralliés, les institutions européennes deviendront ingouvernables. Le président de l’assemblée ne sera plus élu par une union factice entre PPE et PSE. Le parlement sera clivé entre le camp de l’Europe et le camp de l’Anti-Europe. La majorité parlementaire pourra alors s’autoproclamer assemblée européenne constituante, élaborant la constitution d’un nouvel Etat qui s’appellera l’Europe. Cet Etat, vierge juridiquement par nature, puisque créé « ex nihilo », ne sera pas engagé par les constitutions et les traités d’Etats qui auont à ses yeux cessé d’exister, comme en 1789 les parlements régionaux ont disparu. Bien sûr certains gouvernements tenteront de s’y opposer, d’entrer en résistance. Mais la plupart céderont, abandonnés de l’intérieur, et de leur propre chef se démettront. Ils sont incapables de résister au mondialisme. Ils seront encore moins capables de s’opposer à cette vague révolutionnaire européenne.
Ainsi verra le jour un gouvernement européen provisoire, une sorte de comité de salut public destiné à fonder l’Etat européen unitaire et à proposer une constitution aux citoyens européens. Il devra avoir à cœur de défendre comme point de départ ce que je nomme le « projet Périclès ». Il s’agit de la mise en place d’une nationalité européenne indépendante des nationalités des (anciens) Etats, bien trop dévoyées, par application de critères de convergence, par exemple une date de référence, une époque où les nationalités des Etats avaient encore un sens. Cette nationalité européenne reposerait sur le principe du ius sanguinis intégral, un principe d’ascendance, par patrilinéarité et matrilinéarité associées.
Un autre principe sera celui de l’exclusivité citoyenne, qui existe au niveau du droit de vote ou de l’accès à la fonction publique dans la plupart des pays européens. En démocratie, le citoyen est en effet lié à des droits et des devoirs exclusifs. Cette exclusivité devra être élargie à plusieurs domaines sociaux clé, par exemple le droit de propriété du sol ou le droit au travail, afin d’encourager un phénomène remigratoire.
C’est ainsi qu’un Etat européen, que la nation européenne dans un sens politique, pourra voir le jour. Une fois la constitution adoptée par référendum, des élections européennes auront lieu dans le cadre de la nouvelle organisation politique du continent.
Cet État invitera les autres pays européens non membres de la nouvelle Europe, et notamment la Russie, à envoyer des représentants afin de s’associer et de la rejoindre à plus ou moins brève échéance. Ils intégreront alors la première puissance mondiale et se verront immédiatement traités des maux que leur Etat « national » était incapable de résoudre, à supposer qu’il en ait eu l’intention. Il faudrait considérer cet Etat européen comme un remède continental dont l’application guérira notre civilisation et nous donnera les moyens d’une nouvelle renaissance. Un droit européen au service des Européens se sera substitué à d’anciens droits « nationaux » devenus des étaux. Les anciens traités, les anciennes constitutions, auront alors disparu. L’Europe pourra enfin envisager un avenir rayonnant, alors qu’en 2015 il est plus que sombre.
Le sacrifice des anciennes souverainetés nationales, qui avaient été vidées de toute réalité objective depuis des décennies, fantômes qu’on invoquait comme tant de fétiches, aura été le prix à payer, un prix à payer symbolique. L’OTAN aura cessé d’exister au profit d’une armée européenne et la géopolitique américaine visant à diviser l’Europe et à rejeter la Russie en Asie aura alors été rendue vaine. Ainsi l’Europe, qui aura alors échappé à l’extinction que le mondialisme lui promet, et qui aura su trouver en elle cette unité que les souverainistes lui refusent, sera sauvée. Et son identité plurimillénaire avec elle.
Thomas FERRIER (PSUNE)
17:30 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Géopolitique continentale, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (39) | Tags : programme, psune, europe, nation, périclès, nationalité européenne, exclusivité citoyenne, putsch européen |
Elections départementales : 3 stratégies à l’œuvre en vue de 2017
Les 22 et 29 mars prochains, les électeurs français, à l’exception des parisiens et des lyonnais, éliront leurs conseillers généraux dans le cadre de la réorganisation géographique des cantons. Remplaçant les élections cantonales, qui se déroulaient à chaque fois sur la moitié du pays, ces départementales sont donc devenues de fait un enjeu national, une façon pour les partis politiques de juger de leur poids dans l’opinion. Elles seront suivies en fin d’année des élections régionales, qui se dérouleront là encore dans des circonscriptions qui ont été profondément modifiées. Restera alors un an et demi avant les présidentielles de 2017. Les trois grands partis (FN, PS et UMP) ont chacun un plan de bataille.
Le plan du Front National.
La stratégie générale de Marine Le Pen a été déterminée par Florian Philippot. Elle consiste à récupérer les 55% d’électeurs qui avaient voté non au référendum sur le traité (prétendument) constitutionnel européen. Il s’agit donc de réactiver le slogan « ni droite ni gauche » sur une ligne socialisante, étatiste et souverainiste, donc anti-européenne. En revanche, les thèmes identitaires, qui forment la raison principale du vote FN pour beaucoup d’électeurs, sont minimisés, même s’il faut continuer d’envoyer quelques signaux en direction de cet électorat. Cela est grandement facilité par la « diabolisation » médiatique qui laisse penser à l’existence d’un crypto-programme plus dur, une vue de l’esprit mais à laquelle beaucoup d’électeurs « identitaires » croient pour se rassurer.
Dans un article précédent, alors publié sous anonymat sur un autre blog, j’avais expliqué que la ligne europhobe du néo-FN amènerait naturellement ce dernier à renoncer à toute idée de lutte contre l’allogénisation. C’est le « grand renoncement » qui serait nécessaire pour que s’ouvrent les portes du pouvoir. En réalité, la stratégie la plus efficace serait sans doute l’inverse, à savoir renoncer au programme démagogique anti-€ et anti-UE tout en maintenant un discours ferme sur la question migratoire.
Crédité dans les sondages d’un résultat entre 28 et 33%, avec une abstention record, le Front National confirmera donc probablement sa place de premier parti électoral, même s’il en est loin en nombre de militants et de cadres. La stratégie Philippot, qui n’aura été pour rien en réalité dans ce résultat, se verra donc confortée ainsi que le poids de son concepteur, désavoué en interne par les militants mais soutenu mordicus par sa dirigeante.
S’il me paraît difficile qu’il puisse gagner suffisamment de duels, surtout face à la droite UMP, pour emporter des conseils généraux, il pourrait en revanche éliminer le PS de nombreux seconds tours, ce qui au moins aurait une certaine utilité pour désavouer le pouvoir en place. Et surtout l’hypothèse que le FN emporte en fin d’année des régions (Nord-Picardie, Normandie, Grand-Est ou PACA) est plus que probable. Les conditions seront donc idéales pour assurer à Marine Le Pen un gros score au premier tour des présidentielles 2017 et un résultat très honorable au second tour. Mais ses chances de victoire sont nulles, en raison justement de son programme économique, à la fois démagogique et anxiogène.
Le plan du Parti Socialiste.
Le PS n’a qu’une option, assurer au président sortant sa réélection, même s’il est sans doute le plus mauvais président de la Vème république. Or ce même président est largement rejeté par l’opinion et son premier ministre, en première ligne, ne lui servira plus très longtemps de bouclier. Ses chances d’une réélection sont donc extrêmement faibles, même si personne en interne ne lui contestera d’être candidat. Valls sait qu’il devra attendre 2022. On devine qu’un Sarkozy 2 servirait plutôt ses intérêts.
La seule solution pour le PS est de faire diminuer la droite suffisamment pour espérer passer devant et se retrouver au second tour face au FN. C’est ce qu’espère Hollande car c’est sa seule chance de réélection. En clair, il veut nous rejouer Chirac 2002 mais cette fois avec la droite éliminée. Or Sarkozy n’a pas vraiment réussi son retour, c’est le moins qu’on puisse dire.
C’est pourquoi le PS a clairement joué la carte du FN, le faire monter au maximum au détriment de l’UMP, ce qui n’est pas très difficile tant l’UMP est molle sur presque tous les sujets et en outre très divisée. On pourra alors s’étonner du ton très martial de Valls contre le FN depuis plusieurs semaines. Peut-être est-ce là encore une façon de le faire progresser, tant un tel sectarisme est contre-productif. Ou alors, à l’annonce d’une débâcle électorale sans précédent, Valls tente-t-il de conserver son poste par une surenchère dialectique. Il pourra alors expliquer ensuite que lui seul a osé attaquer le FN et se doter ainsi d’un brevet de « résistant ». Le plus probable est néanmoins que la stratégie du PS est en train de se retourner contre lui.
En effet, il apparaît de plus en plus évident que le FN ne mord pas seulement sur l’électorat UMP mais aussi sur l’électorat de gauche, y compris celui du PS. Cela annule alors tout intérêt à le soutenir. C’est ainsi que le PS est en train de revoir sa position et est en mode panique. Dans de telles conditions, la réélection de Hollande est encore plus compromise. A force d’avoir voulu jouer avec le feu, il arrive qu’on s’y brûle. Et la démarche égocentrique du président, qui ne souhaite sa réélection que pour bénéficier des avantages du poste élyséen, ne trompe personne.
Le plan par défaut de l’UMP.
Sarkozy lui-même a dû établir par défaut une stratégie pour son parti, en l’absence des conseils d’un Buisson écarté depuis l’affaire des « écoutes ». Il n’est pas dit toutefois que Buisson aurait pu lui offrir une bonne stratégie. Il est peu probable que l’UMP parvienne à récupérer des électeurs partis au FN. En revanche, il doit tenter de maîtriser l’hémorragie.
Mais l’ancien président doit surtout ménager son aile gauche. La principale menace vient de l’UDI. Si les centristes s’avisent de proposer un candidat, les chances de la droite d’être au second tour sont limitées. Aussi Sarkozy les ménage. Il a mis en avant NKM pour les conserver alors que Wauquiez est là pour colmater la brèche vers le FN. Il n’est pas sûr que cette stratégie « mi-figue mi-raisin » soit très convaincante. En outre, il lui faut neutraliser à tout prix Juppé. Tenir un discours trop droitier serait donc dangereux, même s’il rassurerait au moins 50% des électeurs UMP.
La stratégie de l’UMP est donc faible, incohérente et même dangereuse. Mais c’est la seule possible. Tenir encore plus de deux ans sur cette ligne paraît très difficile. Sarkozy devra négocier entre des tendances opposées afin d’éviter un 21 avril à l’envers. S’il parvient à neutraliser tout candidat centriste, à l’exception d’un Bayrou incontrôlable mais très fragilisé par son soutien à Hollande en 2012, les chances d’un duel Sarkozy/Le Pen en 2017 seront très probables. Mais le président sera élu par défaut là aussi, comme Hollande en 2012 l’a été par rejet de son adversaire. Il aura alors bien du mal à gouverner le pays et risque d’être impopulaire à peine élu. La France peut-elle encore se le permettre ? Marine Le Pen en 2022, à condition d’avoir mis de côté certaines lubies, aurait alors ses chances.
L’UMP est le mouvement le plus menacé par son absence de réelle stratégie. Sa refondation envisagée par Sarkozy, avec un nouveau nom, est donc indispensable. Mais il n’est pas sûr qu’elle soit suffisante. L’UMP devra donc marquer davantage sa différence d’avec le PS, sans aller trop loin dans un discours identitaire qui lui aliénerait sa « gauche ». C’est un véritable combat d’équilibriste.
En revanche, ces élections départementales offriront sans doute un beau succès aux candidats UMP et ce grâce au FN et non malgré lui. Ce dernier permettra d’éliminer de nombreux candidats PS offrant des conseils généraux à la droite. En revanche, là où le FN est plus faible, notamment dans les grandes villes, il risque d’aider de fait le PS à limiter la casse, sauf si la punition électorale du PS est féroce.
Conclusion.
Les départementales de 2015 se concluront sans doute par une belle victoire UMP et par un succès grandissant du FN. Le PS ne devrait même pas limiter la casse. Pourtant Hollande ne changera rien ou à la marge. Il conservera Valls sauf si le PS devait perdre 80% de ses conseils généraux et probablement même Taubira. Le président l’a d’ailleurs annoncé. Cela devrait encore lui aliéner quelques soutiens car un tel manque d’écoute de l’électorat est digne de Louis XVI enfermé dans son château. Il ne dissoudra pas l’assemblée, il est trop tard pour ça. Désormais le pouvoir est aux abois et sans stratégie crédible. Jouer la carte du FN est en train de se retourner contre lui. Réponse partielle dès dimanche prochain.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
15:07 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stratégie, départementales 2015, élections présidentielles, 2017, marine le pen, nicolas sarkozy, françois hollande |
08/03/2015
La Russie, amie d'une Europe authentique
La guerre civile ukrainienne, l’annexion de la Crimée et le récent assassinat de l’opposant libéral Boris Nemtsov, amènent les media occidentaux à considérer la Russie de Poutine comme une menace pour la paix en Europe. Selon une inversion accusatoire classique, un article du journal Le Monde du 23 février affirme même que la Russie considérerait l’Union Européenne « comme son ennemie ».
Que reproche-t-on réellement à Poutine ? De braver les interdits de la police de la pensée. De remettre en cause les dogmes d’un Occident sur le déclin. D’avoir redonné à la Russie ses lettres de noblesse, alors qu’elle était affaiblie et même avilie du temps d’Eltsine. Poutine en effet n’est pas un partisan déclaré d’une « gay pride » moscovite mais il préfère relancer la natalité du peuple russe, qui était auparavant au plus bas. S’il n’est pas nationaliste, désavouant les excès de la droite radicale, il est néanmoins patriote.
Gorbatchev a été abusé. S’il a eu raison de redonner leur liberté aux pays d’Europe centrale et orientale, s’il a été utile pour libérer la Russie d’une dictature nocive, les USA en revanche n’ont pas joué le jeu. Ils n’ont jamais traité la (nouvelle) Russie comme un partenaire respectable, à traiter avec correction. Pendant qu’Eltsine assistait impuissant ou complice au démantèlement du pays, engraissant les oligarques comme d’autres engraissent les oies, un par un, les pays d’Europe centrale adhéraient à l’OTAN, une organisation née pour enrayer le communisme et qui n’avait donc plus lieu d’exister après 1991.
Poutine a été choisi en 1999 par Eltsine mais sans avoir encore révélé qui il était. Il a tenu sa parole, protégeant la famille de l’ancien président de poursuites sans doute justifiées. En revanche, il a démantelé le système Eltsine, traquant sans répit les « marchands du temple ». Berezovski dut s’exiler et Khodorkovski finit en prison. Poutine a eu le temps d’analyser les causes du déclin de son pays et nommer les coupables. Au pouvoir, il va donc les combattre sans ménagement. D’un point de vue russe, ces gens ont trahi leur patrie.
Poutine a parfaitement compris que la Russie était une nation d’Europe et a maintenu la ligne de la « maison commune européenne » au moins jusqu’à 2005. Il a tendu la main à l’Union Européenne qui jamais n’a eu le courage de la saisir, préférant être la vassale des USA. S’il a obtenu difficilement l’abandon de la mise en place de bases américaines anti-missiles aux frontières du pays, il n’a pas pu enrayer la stratégie américaine contre son pays et n’a pas réussi à convaincre les autres Européens de se désolidariser de cette puissance qui a mis le continent sous diktat.
La stratégie russe consiste donc à neutraliser les vassaux de l’Amérique qui vivent à ses frontières, y compris par des actions militaires. La Transnistrie, l’Ossétie du nord et l’Abkhazie et maintenant le Donbass ukrainien, empêchent Moldavie, Géorgie ou Ukraine de rejoindre l’OTAN. L’adhésion à l’Union Européenne, dans la mesure où cette dernière ne se place pas en adversaire, ne le dérange pas. C’est une réponse impopulaire aux yeux de la communauté internationale et cause de conflits gelés. Il est trop facile d’en accuser la Russie. C’est bien parce qu’elle est victime d’une stratégie russophobe d’encerclement, pensée par les technocrates de Washington, républicains comme démocrates, qu’elle est contrainte de répondre comme elle le peut et sans bénéficier des appuis nécessaires pour éviter de jouer un « mauvais rôle ».
La balle est clairement dans le camp de l’Union Européenne. C’est à celle de décider si elle veut continuer à payer les pots cassés d’une stratégie atlantiste ou si elle est prête à prendre son destin en mains. La politique qu’elle mène est contraire à ses intérêts et surtout à ceux des peuples. Elle est vectrice de mondialisme lorsqu’elle devrait au contraire être un rempart.
Les USA n’ont peur que d’une chose, que l’Union Européenne et la Russie convergent et travaillent de concert pour l’intérêt des Européens. Ils favorisent donc en son sein tous les germes de décadence, promouvant toutes formes de communautarisme, et sont un soutien sans réserve d’une immigration massive indigeste et mettant en danger les valeurs les plus ancestrales de la civilisation européenne.
Or la Russie semble renoncer à cette espérance d’une Europe se libérant de ce joug et préfère se tourner par défaut vers l’Asie. Elle commet là une erreur majeure. Son avenir est européen et ne peut qu’être européen. Son salut est en elle et en nous, comme le nôtre d’ailleurs. Elle choisit d’encourager les passions centrifuges de l’Union Européenne au lieu d’encourager son unité, de peur que cette unité se fasse contre elle.
Mais les vrais européistes savent que la Russie a toujours été le rempart de l’Europe face à l’Asie avide de ses richesses. Et ils savent désormais que la Russie est aussi le rempart de l’Europe contre une Amérique qui nie ses racines européennes et se retourne contre la maison-mère, trahissant dans le même temps le peuple américain fondateur, de souche européenne, minoritaire sur son propre sol dans quelques décennies.
Les libéraux-atlantistes, dans et en dehors de la Russie, sont des ennemis déclarés de notre civilisation et de leur propre peuple. Les gouvernements d’Europe orientale qui tapent sur la Russie se trompent d’ennemis. Et les nationalistes ukrainiens, passéistes, bafouent les principes mêmes qu’ils devraient chérir, oubliant qu’ils sont des Slaves et (donc) des Européens et pas des Occidentaux. La Russie n’est pas l’ennemie de l’Europe, elle est une composante de l’Europe. Les Russes sont nos frères, comme le sont pour eux et pour nous les Ukrainiens. Mais la Russie attend que les Européens envoient à leur tour les bons signaux et redeviennent maîtres chez eux, dans tous les sens du terme.
L’alliance euro-russe, le ralliement de la Russie au projet d’unification politique du continent européen, voilà la seule ligne que devraient défendre de véritables Européens, d’âme et de sang, de cœur et de raison. En n’oubliant pas que les spéculateurs qui ont attaqué la Grèce et par ce biais la zone euro ne roulaient pas pour Moscou mais pour Washington. En n’oubliant pas qu’une Europe unie de l’Islande à la Russie sera et de loin la première puissance mondiale, détrônant les USA. En n’oubliant pas que la grande Europe sera capable de faire entendre sa voix, et ainsi de protéger concrètement son identité contre toutes les agressions, internes et externes, du mondialisme.
Si l’avenir de la Russie est européen, l’avenir de l’Europe est dans l’amitié avec la Russie, même « poutinienne ». Nous pourrons donner des leçons à Vladimir Poutine quand nous aurons su nous doter de vrais dirigeants et entreprendre les réformes indispensables pour notre salut. Et je ne doute pas qu’alors les Russes sauront nous encourager. Mais n’attendons pas d’eux qu’ils fassent le travail pour nous.
L’Europe avec la Russie, la Russie dans l’Europe !
Thomas FERRIER (PSUNE)
15:23 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : russie, europe, alliance, décadence |