08/04/2015
Face à une « scission » du FN ?
Le père fondateur Jean-Marie Le Pen s’est mis en rupture avec la présidente, sa fille, d’une façon, semble-t-il, totale et définitive. Ce ne serait qu’un problème interne à un parti, voire un pur problème familial, si les réactions des autres partis, en premier lieu de l’UMP, n’en faisaient un problème politique national.
Qu’aurait pu faire la droite devant un tel événement ? Elle aurait pu affirmer que le Front national n’était désormais plus ce parti infréquentable qu’on a connu, qu’il était devenu comme les autres partis ayant vocation à gouverner, et qu’il fallait seulement l’affronter sur le plan de son programme, d’un programme parfaitement incohérent, tantôt inapplicable, tantôt catastrophique.
Or ce n’est pas du tout ce qui a l’air de se passer. Interrogé sur la chaîne i-télé, Eric Woerth affirme que les propos du père sont inadmissibles, mais que le programme lui-même est inadmissible, avec ou sans le père. De son côté, Eric Ciotti voit dans les propos contestés « l’ADN du Front national ». Comment peut-on restaurer l’image des politiques avec des analyses aussi médiocres ?
Les propos du père, issus d’un entretien non encore publié du journal Rivarol, et qui ont déclenché le tollé, ne sont ni nouveaux, ni intéressants. Comment un responsable peut-il tomber dans le panneau posé devant ses pieds à chaque fois ? Pourquoi ne renvoie-t-il pas la question en demandant en quoi elle concernait l’actualité ? Il semble que l’impulsivité de Jean-Marie Le Pen l’emporte chez lui sur toutes autres choses. Ou que sa fureur de ne plus être le premier, comme cela a failli se passer avec Bruno Mégret, l’aveugle. Même s’il doit bien comprendre qu’il ne sera plus le chef du parti qu’il a créé, il lui restait la possibilité de critiquer ce qu’il perçoit comme des dérives, peut-être même des dérives sectaires, et il vient de se priver de ce droit.
Ce n’est pas le plus important. Il apparaît que le hiatus gigantesque qui sépare la classe politique et les citoyens, loin d’être atténué au Front national, y est plus important encore. Les électeurs de ce parti n’ont, pour la plupart, rien en commun avec les dirigeants.
Les dirigeants actuels, les véritables inspirateurs parmi lesquels Florian Philippot figure en première place, n’ont rien à voir avec le père fondateur du parti, lequel a tenu sa réputation de la dénonciation d’un certain nombre de faits que la classe politico-médiatique voulait taire. C’est là que Front national rencontrait son électorat.
Les influences du nouveau parti sont essentiellement doubles. C’est d’une part le courant chevènementiste, qui est à la fois de gauche, europhobe et méditerranéen. C’est d’autre part le lobby « libertaire ». Voilà comment d’un projet reaganien, avec moins d’état, moins d’assistanat, avec, par exemple, une retraite à 65 ans et avec un recentrage sur les traditions, on est passé à un parti étatiste libertaire, avec un SMIC très élevé, la retraite à 60 ans et le « mariage pour tous ». L’électorat n’a pas suivi cette évolution, sauf en ce qui concerne une frange venue de la gauche, Marine Le Pen ayant réalisé l’exploit d’étouffer Jean-Luc Mélenchon.
Le clash provoqué par le père et la réaction de tous les cadres du parti, s’ils avaient été correctement analysés, auraient pu faire apparaître ces problèmes existentiels en pleine lumière et obliger le parti à clarifier sa ligne. Heureusement pour les actuels penseurs de cette formation, les autres partis de l’establishment, en affirmant tout de suite que rien n’a changé depuis les origines du Front, leur sauvent la mise et, une fois de plus, les aident. Quand Robert Ménard rappelle qu’il n’est pas au Front National mais qu’il partage avec lui la défense de traditions, d’une culture et d’une civilisation, et qu’il dit que c’est une chance pour ce parti, il aurait pu montrer la voie à la droite. Or cette dernière préfère répéter le discours qui lui est soufflé par la gauche.
Peter EISNER (LBTF)
15:03 | Lien permanent | Commentaires (3) |
Commentaires
Si le "moins d’État" naguère défendu par JLP est moins de mise avec MLP, la raison en est peut-être les effets ravageurs de cette formidable machine à broyer les sociétés qu'est la mondialisation ultra-libérale et financière. Quant à savoir si le modèle classique de l’État national souverain, stratège, régulateur, protecteur et acteur doit ou pas changer d'échelle en "Europe" pour s'hypostasier en État national continental européen, c'est là une tout autre question.
Écrit par : Anton | 10/04/2015
JMLP
Écrit par : Anton | 10/04/2015
Si l'on peut par ailleurs reprocher à MLP un certain assimilationisme universaliste chevenementiste abstrait et naïf, difficile en revanche de lui en vouloir de ne pas faire avec son père les poubelles de l'histoire. On peut encore être un patriote avec une conscience identitaire saine et rationnelle sans avoir rien en commun, ni de près ni de loin, avec le nazisme, le fascisme, l'ultra-droite ou le pétinisme (il en va d'ailleurs ainsi dans la plupart des pays non-ocidentaux).
Voyez les propos tenus par de Gaulle ou Aron (insoupçonnables en la matière) à la faveur des événements d'Algérie.
"Le taux de croissance démographique est trop différent des deux côtés de la Méditérannée pour que ces deux peuples, de race et de religion différentes, puissent être fraction d'une même communauté" Raymond Aron.
Écrit par : anton Cusa | 11/04/2015
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