27/01/2013
...When Gjallarhorn Will Sound
(Falkenbach)
`...Morning arose that day long time gone,
two ravens above him showed the way.
He was guided by Odhinn, led by the one
who shelters the fallen every day by day...
...Once blood was shed of countless of men,
in the name of the cross and christian pray...
for hundred of years his heart laid in chains
but hate was growing stronger every day by day...
"Ruler of Asgaard, father of Thorr,
send me your powers divine...
Grant me your wisdom, strengthen my soul,
so revenge of our blood shall be mine...
Allfather Odhinn, I entreat you with awe,
to ride with me side by side,
so avenged shall all be, who had died in the past,
by the power of heathenish pride...
Master of thunder, lighting and rain,
soon your hammer and cross shall collide...
Protector of midgaard's daughters and sons,
in your name christian reign I will fight...
When the hammer will crush, and oppressors will fall,
my sword will be raised to thy hail!
Then the fires shall burn in the name of the Gods
as the sign of the heathen prevail!"
far in the past he saw what has been
his fathers traditions handed down,
but he still kept in heart the will to prevail
as his hate was growing stronger every day by day...
Deep in his heart a shadow had grown
which covered his mind with shades so grey,
but still every morning encouraged his hope
when he sat by the old oak every day by day...
"Strong is my heart, and strong is my will,
soon I will break our chain...
Then the swords shall be raised
and our flag held up high,
the banner of the heathen domain...
Long I've awaited the day of revenge,
the heathenish reign to return...
Now my swordblade is forged,
and my soul will prepared,
by my hands christian crosses shall burn..."
...Evening fell that day long time gone,
the ravens above still showed the way,
they were guided by Odhinn, led by the one,
who shelters the fallen every day by day...
...Blood to be shed of countless of men,
in the name of revenge and heathenpride...
No more withdraw will be on heathenish ground,
no more mercy will be when Gjallarhorn will sound...
23:09 Publié dans Anti-mythes, Culture, Programme du Parti des Européens, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) |
20/01/2013
Le véritable visage du souverainisme
Vaclav Klaus, président tchèque sortant, quittera officiellement ses fonctions le soir du 6 mars, même si le nom de son remplaçant est encore inconnu, soit le socialiste Milos Zeman soit le conservateur modéré Karel Schwarzenberg, l’un comme l’autre partisans de la construction européenne, selon son modèle actuellement dominant.
Vaclav Klaus préconisait « le démontage de l’Union européenne » et le retour « au marché commun d’avant le traité de Maastricht », tout en soutenant par ailleurs l’adhésion de la Turquie à l’Union, de son propre aveu pour « affaiblir l’intégration européenne ». Il faut reconnaître cependant qu’il est plus cohérent que les souverainistes français, opposés à cette adhésion alors qu’ils sont dans le même temps opposés à l’UE et à l’€uro.
Il s’agit ni plus ni moins de la seule « Europe » envisagée par les américains, un grand marché libre sans structure fédérale ou unitaire, en clair sans institutions politiques propres à un Etat souverain. C’est avoir les inconvénients de l’ouverture des frontières sans les avantages de l’unité politique. En quoi l’Etat national, redevenu prétendument « souverain », mais allant dans le sens prôné par l’idéologie mondialiste, défendrait-il les intérêts des citoyens ?
Par ailleurs, qui est un partisan acharné de l’adhésion turque, outre Erdogan lui-même ? Le président américain Obama.
Il est ainsi démontré que ceux qui, tout comme Klaus, comparent l’Union européenne à l’Union soviétique, n’ont en revanche pas d’état d’âme pour aliéner leur liberté politique au service des intérêts américains. Les souverainistes ne cherchent pas à libérer leur pays d’une tutelle qui serait oppressante, mais simplement à le soumettre aux intérêts d’une puissance étrangère.
En vérité, la souveraineté des Européens ne peut être préservée que par un Etat européen unitaire souverain. Ceux qui bien au contraire prônent le retour à l’Etat national ne sont pas sincères ou ne sont simplement pas lucides. Les USA agissent vis-à-vis des états d’Europe comme la Perse agissait vis-à-vis des cités grecques. Ainsi, les partisans par exemple de la « France seule » sont-ils de fait les meilleurs alliés de Washington.
Ce n’est pas non plus un hasard si les souverainistes britanniques (UkiP) sont des partisans déclarés de l’alliance atlantique, donc de l’inféodation du Royaume-Uni à leur ancienne colonie, au point de déstabiliser paradoxalement la stratégie américaine, qui est d’avoir à ses pieds une Europe divisée et affaiblie, dans laquelle le Royaume-Uni de David Cameron a une mission de surveillance et de fragilisation qu’il ne peut remplir qu’en restant au sein des institutions communautaires.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
20:15 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Elections en Europe, Institutions européennes, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europhobie, euroscepticisme, souverainisme, agents américains |
23/12/2012
François Hollande en Algérie : une faute morale et politique
Le discours contesté d’un président.
Annoncée depuis plusieurs semaines par les media de France et de Navarre, la visite du président français en Algérie, pour le cinquantenaire de l’indépendance du pays était attendue. Accusé de vouloir pratiquer la repentance systématique, Hollande avait prévenu par avance qu’il n’allait pas à Alger pour présenter des excuses ou pour faire acte de contrition.
Cependant, Hollande n’a pas pu et n’a pas su rompre avec la Françafrique, tout comme son prédecesseur Nicolas Sarkozy. Là où ce dernier évoquait « une Afrique qui n’est pas encore rentrée dans l’histoire », François Hollande parle de la nécessité de maintenir le lien entre la France et l’Algérie, ne prenant pas acte du fait que justement ce pays est devenu indépendant et que ce lien était cette colonisation de 132 ans qu’il fustige par ailleurs comme une période d’insupportable oppression subie par le peuple algérien.
Pour dénoncer cette colonisation, il a recours à la figure de Clémenceau, qu’il n’a pas comprise, puisque ce dernier refusait la colonisation non seulement au nom du droit des peuples à la liberté mais surtout au nom des intérêts français, car il avait compris que l’Algérie française deviendrait rapidement un boulet financier et qu’il y avait mieux à faire avec l’argent des contribuables, par exemple reprendre les provinces perdues et construire des routes et des hôpitaux en France. Il évoque aussi la France libre, présentant Alger comme la capitale d’une France résistante alors que c’était Londres avec Charles De Gaulle. La France de Giraud ce n’était pourtant pas la France de De Gaulle.
Par ailleurs, François Hollande a légitimé par sa présence un gouvernement algérien que beaucoup d’Algériens, et en premier lieu le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie, considèrent comme illégitime. Il est ainsi intervenu dans les affaires d’un pays souverain pour soutenir implicitement le régime de Bouteflika en place. Et il l’a fait au nom des intérêts économiques du mondialisme financier, agissant en VIP d’une oligarchie planétaire qui tient la France et l’Europe sous coupe réglée.
Enfin, alors que l’assimilation est un échec de plusieurs décennies, il encourage la jeunesse algérienne à rejoindre la France et lance des signaux lourds envers les Algériens et descendants d’Algériens déjà présents en France en grand nombre, une façon de vouloir s’attacher à nouveau leur vote, alors que le « mariage pour tous » trouble les communautés musulmanes installées dans notre pays. Une fois de plus, le président n’est pas au service des intérêts de son peuple, qui essaie par tous les moyens de lui faire savoir que la France déborde et n’en peut plus.
En disciple de son ancien rival Sarkozy, Hollande nous ressort cette idée folle d’ « union méditerranéenne » qu’il met exactement sur le même plan que l’Union Européenne, trahissant ainsi un afrotropisme que je dénonçais déjà lorsqu’il était encore dans l’opposition. Ce faisant, il nie la pleine européanité du peuple français, réactive l’idée que notre avenir se jouerait en Méditerranée, négligeant l’échec retentissant de l’empire romain à vouloir réunir des gens issus de civilisations différentes.
Comment s’étonner de toute façon du néo-colonialisme de François Hollande quand on sait que son mentor en ce domaine est l’islamotrope Benjamin Stora, qui a osé déclarer récemment que « ce n’est pas un déplacement classique, l’Algérie, c’est une question de politique intérieure » ? Pourtant, le général De Gaulle avait œuvré pour bien faire comprendre aux Français que l’Algérie n’était pas et n’avait jamais été la France.
Une opposition qui n’a rien compris.
Suite à ce discours où le président en exercice condamne la colonisation tout en pratiquant implicitement un néo-colonialisme insupportable, la droite et surtout l’extrême-droite ont eu à cœur de le dénoncer, mais en reproduisant la même mythologie contre-nature que leur adversaire. Il ne faut pas oublier que le propre père de François Hollande était un partisan déclaré de l’Algérie française, tout comme celui de Ségolène Royal.
Louis Aliot et Marine Le Pen ne retiennent du discours présidentiel qu’une forme de repentance, de reconnaissance du FLN, et l’oubli volontaire du sort des pieds noirs et des harkis. Ils perpétuent ainsi la ligne néo-colonialiste de Jean-Marie Le Pen, combattant pour que l’Algérie reste française, même s’il fallait faire contre tout bon sens de neuf millions d’algériens, qui sont aujourd’hui trente millions, des français.
Gérard Longuet (UMP) vante le bilan colonial prétendûment positif de la France en Algérie. Pourtant Daniel Lefeuvre a démontré que le bilan économique de la colonisation fut calamiteux pour la France. Ce n’est pas pour rien que Bismarck avait encouragé le gouvernement français à coloniser l’Afrique. Il explique par ailleurs qu’il n’est pas bon pour la jeunesse française d’origine immigrée d’avoir en tête une France qui se serait mal comportée vis-à-vis de leur pays d’origine.
Aucun ne semble pourtant avoir conscience que le bilan réel de la colonisation n’a jamais été réellement tiré et surtout assumé complètement. Nous savons aujourd’hui qu’en matière économique, la colonisation a ruiné la France et que le décollage de notre pays n’a été possible qu’une fois le boulet lourdé. Nous savons en outre que ce n’est pas par manque d’universalisme que la France a colonisé, mais bien par un universalisme maladif et perverti, avec cette idée nauséabonde selon laquelle la France devait « civiliser les barbares ». La France a agi en Algérie comme les Romains ont agi en Gaule, à la différence près que Gaulois et Romains étaient issus de deux civilisations très proches. Elle a cru sérieusement pouvoir transformer en européens une population arabo-musulmane qui souhaitait simplement demeurer elle-même et être respectée dans son identité. Elle s’est trompée.
Ni le PS ni le FN n’ont compris l’erreur de base qui était de vouloir s’imposer chez autrui et de vouloir imposer à autrui ce qu’on croit bon pour lui. La colonisation était illégitime dès le point de départ et indéfendable quel que soit le bilan comptable, et encore davantage lorsqu’on constate que même économiquement elle ne se justifiait pas.
C’est Bernard Lugan qui tire le bon constat de cette affaire coloniale, à savoir que la colonisation « est devenue une véritable tunique de Nessus, qui fait peser sur les générations européennes à venir une hypothèque d’autant plus lourde qu’elles ne l’ont pas signée et dont elles demanderont un jour pourquoi elles sont condamnées à en honorer les traites. » Et il ajoute, non sans lucidité, que « les populations originaires de notre ancien empire et vivant en France, comptent plus de six millions de personnes, naturalisés compris, soit quatre fois plus qu’il n’y eut de colons ». Pour lui, ce simple fait doit être considéré comme le bilan colonial véritable.
Pour une décolonisation accomplie et assumée.
Finir la décolonisation, c’est restaurer la situation d’avant que le colonisateur ne se soit implanté dans ces colonies désormais émancipées. C’est prendre acte qu’il n’y avait aucun destin commun entre la France, et par l’extension l’Europe, avec l’Algérie, et par extension l’Afrique. La France est un pays européen et doit le rester. Il est en ce sens totalement scandaleux que François Hollande ait osé mettre la relation franco-algérienne sur le même plan que la relation franco-allemande. Allemands et Français ont un destin commun, celui de faire partie d’une Europe politique. Allemands et Français ont un héritage civilisationnel commun immense, que nous n’avons pas avec l’Afrique du nord, arabo-berbère et musulmane.
Mais pour finir cette décolonisation, pour rompre définitivement avec la Françafrique, qui nous rattache à un continent qui a repris à juste titre sa liberté mais à qui nous ne devons rien et qui ne nous doit rien non plus, il existe aujourd’hui des obstacles que nous n’avions pas après 1962, du temps du général De Gaulle au pouvoir.
Le premier obstacle c’est cette oligarchie mondialiste dont la branche française veut absolument nous rattacher systématiquement à l’Algérie. Les intérêts économiques dont Hollande a été le promoteur ne sont pas ceux des Français ni des Européens, bien au contraire. Développer l’Algérie au détriment d’une France qui a cinq millions de chômeurs n’est pas la politique que devrait mener un président de la république. Aliéner les intérêts du peuple à ceux d’autres pays ou de lobbies économiques n’est pas acceptable.
Le second obstacle, ce liant entre la France et l’Algérie qui n’existait guère en 1962, c’est l’immigration algérienne, passée et présente, en France. C’est cette immigration que Valéry Giscard d’Estaing voulait réduire au minimum en 1978, mais que François Mitterrand s’est empressé de vouloir régulariser et naturaliser dès 1981. De la sorte, a été réintroduit le boulet colonial dont De Gaulle nous avait libérés.
Décoloniser, c’est redonner à la France son destin européen, son identité européenne. Notre avenir est sur le continent européen et certainement pas en Afrique. Le PSUNE entend donc mettre fin à ce lien colonial que les dirigeants français n’ont pas pu ou pas voulu rompre. Cela signifie qu’il va falloir écarter du jeu ces acteurs de liaison que sont l’oligarchie financière d’une part et le communautarisme nord-africain d’autre part. Tout ce qui peut freiner l’union de l’Europe dans laquelle la France a toute sa part doit être mis de côté.
Respecter le peuple algérien, c’est cesser de vouloir lui imposer de cohabiter avec la France. Respecter le peuple français, c’est cesser de vouloir lui imposer de cohabiter au prix fort avec une ancienne colonie qui a souhaité avec raison s’émanciper de son joug. Nous n’avons pas de destin commun, nous n’avons pas non plus d’amitié privilégiée avec ce pays. L’Europe demain traitera l’Algérie comme un pays comme les autres, sans inimitié particulière mais sans traitement de faveur non plus. Avec respect certes.
Coupons le cordon colonial. Libérons nous de nos anciennes colonies une bonne fois pour toutes et cessons de vouloir nous lier à eux, que ce soit en allant chez eux ou en les faisant venir chez nous. Et bâtissons enfin l’Europe politique !
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
19:17 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Editoriaux, Histoire, Mes coups de gueule, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : algérie française, indépendance, françois hollande, colonialisme, colonisation, front national, gérard longuet |
18/12/2012
Je suis polythéiste!
00:52 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Culture, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) |
16/12/2012
Aurélie Filipetti et le souverainisme fétichisé
«La citoyenneté française, c'est un honneur, ce sont des droits et des devoirs aussi, parmi lesquels le fait de pouvoir payer l'impôt.» (Aurélie Filipetti)
Je suis désolé de contredire un ministre, mais la citoyenneté française relève d'abord d'un fait, selon la règle universellement admise pour l'accès par défaut à la nationalité d'un état, à savoir le ius sanguinis ou "droit du sang".
Ce n'est pas un honneur mais un héritage et un devoir, celui de le transmettre et de le faire fructifier. Ce n'est pas au Parti "Socialiste", qui est le principal responsable du dévoiement de la citoyenneté française depuis 1981, la conférant par de nombreuses naturalisations complaisantes et par le si funeste "droit du sol", de donner des leçons en la matière.
Gérard Depardieu, que ce ministre évoque dans son propos, est citoyen français par ses parents. Il ne peut donc en aucun cas être déchu de ses droits, comme il est interdit de priver complètement un héritier de son héritage.
En outre, prétendre que posséder la citoyenneté française serait un honneur est une forme de hiérarchisation entre les êtres humains. Cela signifierait que la "citoyenneté française" aurait davantage de valeur que la "citoyenneté allemande" ou que la "citoyenneté ivoirienne" par exemple. Pourquoi "être français" serait un honneur ? Ce n'est pas non plus d'ailleurs une opprobre.
17:51 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : depardieu, filipetti, citoyenneté française |
14/12/2012
Le Pen, une histoire française, par Péan et Cohen
22:35 Publié dans Analyses, Anti-mythes | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : le pen, cohen, péan, thomas ferrier |
11/11/2012
L’histoire et la mémoire : 732 et 1962
Depuis l’époque où les historiens romains défendaient le point de vue du sénat impérial contre les princes, l’histoire a représenté un enjeu politique important. A la damnatio memoriae antique consistant à passer sous silence les pages sombres, en effaçant le nom des tyrans des lieux de mémoire, nous sommes passés depuis les années 70 à l’hypermnésie, à une exploitation outrancière de la mémoire collective à sens unique, afin que l’Europe fasse pénitence pour toutes les tragédies du passé. Et ceux qui veulent s’opposer à cette mémoire de repentance, propose une relecture de l’histoire qui n’est pas moins mensongère. Or la vérité historique est libératrice et salvatrice, car elle permet de contextualiser les évènements, de les démythifier, de leur rendre leur coloration d’origine.
Récemment, des militants identitaires ont occupé une mosquée en construction à Poitiers, en hommage à Charles Martel qui y aurait repoussé les musulmans en 732, ce qui a amené la journaliste Elisabeth Levy dans un débat l’opposant Clémentine Autain à y dénoncer une pure légende. De la même manière, le président « socialiste » François Hollande a ajouté une nouvelle journée nationale de commémoration le 19 mars, en relation avec la signature d’un cessez le feu en Algérie le 19 mars 1962, date considérée par beaucoup d’anciens combattants et de pieds noirs comme celle d’une défaite. Le nouveau président a de fait une propension particulière à ne vouloir voir que les pages sombres de l’histoire de son pays, selon une lecture bien partisane des évènements.
Cet article a pour but de redonner le sens authentique aux évènements historiques et aux enjeux évoqués par ces deux dates.
732, une opération de pillage qui tourne mal
La tradition veut que Charles Martel ait arrêté une invasion maure à Poitiers en 732 et le représente comme le défenseur de la chrétienté, et accessoirement de l’Europe. Or, Charles Martel n’était absolument pas un croisé en lutte face à un conquérant déterminé. Lui-même n’était guère chrétien. Son surnom latin de martellus, « le marteau », ne paraît pas faire allusion à une arme que Charles aurait spécialement affectionnée, mais plutôt au dieu germanique au marteau qu’est Donar, correspondant au dieu scandinave Thor. Car en 732, malgré la conversion de Clovis deux siècles auparavant, le paganisme a survécu, et la preuve en est que sous Pépin puis sous Charlemagne et même sous Louis le pieux, des capitulaires rappelleront l’interdiction de pratiquer le paganisme sous peine des pires sanctions.
Comme beaucoup de francs, et aussi comme beaucoup de gallo-romains, comme ses soldats, Charles est superficiellement chrétien mais le paganisme est toujours présent. Ses symboles et ses valeurs dominent. Il est probable que nombreux compagnons de combat de ce maire du palais n’étaient même pas chrétiens. Charles n’est pas un païen, car sinon les plus hautes responsabilités de l’Etat lui auraient été interdites. Mais ce n’est pas pour autant un authentique chrétien. Il méprise les prêtres et s’insurge contre les biens des Eglises. Et, au pouvoir, il nationalisera les dits biens, que son fils leur restituera après la mort du héros.
L’incursion musulmane à laquelle il mettra fin n’est pas de son côté une opération militaire, pas même l’avant-garde d’une invasion en cours. C’est une razzia, une opération ciblée de pillage. En direction de Tours, cette troupe a déjà dépassé Poitiers lorsqu’elle tombe sur l’armée de Charles. Par le biais d’un bon service de renseignement, Charles a eu vent de l’affaire et intervient. On ignore s’il y a véritablement eu une bataille ou si les maures sont repartis immédiatement en Espagne.
Charles n’a pas protégé le christianisme, qu’il méprisait, et n’a pas eu à protéger l’Europe car ce n’était pas une invasion qu’il a eu à affronter. Mais il a mis un coup d’arrêt à une intrusion islamique qui, si elle avait réussi, aurait pu amener les arabo-musulmans à organiser et cette fois pour de bon une opération militaire d’envergure. Voyant qu’en face il y avait du répondant, l’idée n’émergea pas. La division des princes goths d’Espagne avait permis aux compagnons de Tariq de poser le pied sur le sol européen et de s’emparer de l’Hispanie entière, à part quelques îlots de résistance d’où viendra la Reconquista. Mais face à eux, c’était un homme noble, sens du prénom « Karl » en germanique, incarnation du dieu barbu et roux qui affronte les géants de givre.
Charles a sauvé l’Europe d’une future invasion même s’il n’a pas vaincu une armée. Il a envoyé un signal fort, un message, qui a été compris par ses ennemis. Et ensuite, il est probable qu’il a magnifié sa geste pour en tirer un profit politique important. Si les Carolingiens ont pu remplacer les Mérovingiens, ils le doivent à Charles.
1962, une colonisation qui prend fin
François Hollande a fait du 19 mars (1962), date du cessez le feu entre la France coloniale et l’Algérie naissante, une journée nationale du souvenir, exaspérant les anciens combattants, les pieds noirs, l’UMP et le FN. Cette date représente concrètement la défaite de la France, et s’il est normal que le peuple algérien puisse fêter à juste titre cette date clé de son histoire, ce n’est pas normal en revanche que le peuple français doive spécialement s’en souvenir.
Sur cette question qui suscite anormalement de passions, cinquante ans après, et alors que l’écrasante majorité des français ne s’y intéresse pas, il convient de rappeler certains principes politiques généraux.
En premier lieu, la colonisation de l’Algérie a commencé par une opération de lutte contre le brigandage en Méditerranée. En 1829, l’armée du roi Charles X a débarqué à Alger pour écraser la base arrière de ces criminels et notoirement trafiquants d’esclaves. Cette action n’avait pas comme but de s’emparer d’un territoire, ni d’y implanter des colons. C’est sous Napoléon III puis sous la IIIème république que progressivement le bey d’Alger, ancienne colonie turque, a été conquis. La fin du XIXème siècle, époque d’élan colonial de l’Europe occidentale, transformera ces implantations précoces en bases d’un empire colonial en gestation.
Disons le tout net. La présence française n’était pas légitime en Algérie et l’idée même « d’Algérie française », contre laquelle s’opposèrent les socialistes (Clémenceau) et les patriotes (Déroulède) était une folie. Cette folie aurait été toutefois moins funeste si la France avait colonisé à la façon britannique au lieu de vouloir faire croire à ces populations qu’elles étaient destinées à devenir françaises, contre tout bon sens.
Et il était logique qu’après l’effondrement du pays en 1940 face à l’armée allemande, et au déclin des puissances coloniales après 1945, au profit des Etats-Unis et de l’Union Soviétique, puissances farouchement anti-colonialistes, de nombreux algériens aient voulu se doter d’un véritable état souverain et indépendant. Même si l’Algérie comme état est née de cette guerre de fondation, les algériens étaient légitimes dans leur volonté de chasser la puissance occupante. Même si on peut en dénoncer les moyens employés, le combat pour l’indépendance de l’Algérie qu’a mené le FLN était légitime.
Par ailleurs, le bilan économique de la colonisation de l’Algérie était très négatif pour la France. Clémenceau avait bien eu raison face à Ferry en dénonçant de l’argent dilapidé dans l’aventure coloniale au lieu de le consacrer à améliorer le sort des français et à se préparer militairement face à un risque de nouvelle guerre. De Gaulle en avait parfaitement conscience. Homme de l’est du pays, sans attaches en Afrique du Nord, l’empire colonial lui a toujours apparu comme un boulet. S’il a manœuvré habilement en se servant de cette crise pour accéder au pouvoir, au prix d’un mensonge éhonté, « l’Algérie est et restera française », il a eu fondamentalement raison. L’Algérie ce n’était pas la France. Et lorsqu’un Le Pen, qui en 1958 considérait la jeunesse algérienne comme une force pour la France, déclara que parce que « nous n’avons pas eu l’Algérie française, nous avons eu la France algérienne », il s’est lamentablement trompé.
Une fois de plus, De Gaulle a eu raison et l’extrême-droite a eu tort. L’ « Algérie française » était une erreur monumentale qu’il n’aurait pas fallu commencer et à laquelle il fallait mettre fin au plus tôt. 1962 c’est huit ans de trop.
Mais, une fois que cela a été dit, il n’y a pas lieu de revenir en permanence sur le sujet. Et si François Hollande le fait, c’est pour récompenser un électorat d’origine algérienne qui a voté à plus de 95% en sa faveur et aussi en préparation de son voyage en Algérie. Il s’agissait ni plus ni moins que de flatter l’orgueil algérien, au détriment de la fierté nationale, dans l’optique d’être bien accueilli. Mais personne ne lui a demandé d’aller en Algérie, que je sache.
L’Algérie est indépendante et il était normal qu’elle le soit. Aucune nostalgie à l’égard d’une prétendue « Algérie française » n’a de sens. Notre dette s’arrête avec les accords d’Evian. Nous aurions dû par ailleurs finaliser cette décolonisation au lieu de vouloir maintenir des liens avec nos anciennes colonies. Couper les ponts aurait été sage. Or, l’Algérie n’est pas vraiment libérée de la France, et surtout la France n’est pas assez libérée de l’Algérie.
C’est bien pourquoi, au lieu de faire des journées nationales du souvenir, il est temps de finir la décolonisation et de mettre fin à la Françafrique. Et s’il faut absolument des journées du souvenir, alors faisons du 11 novembre, fête de tous les combattants européens, et du 9 mai de chaque année un jour mémorable, celui de l’Europe unie et réconciliée.
Car notre avenir est européen, et non méditerranéen. Car notre avenir est à Berlin et à Moscou, et pas à Alger et à Oran. La France est un pays européen, les Français un peuple européen. Et c’est de cela qu’il convient de se souvenir et de rien d’autre.
Vive l’Algérie algérienne et surtout vive l’Europe européenne !
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
12:33 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Histoire, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, fln, charles martel, 19 mars, souvenir, françois hollande, jean-marie le pen, décolonisation, indépendance |
23/09/2012
Entre euroscepticisme et eurofuturisme…
Alors que 76% des membres du conseil fédéral d’ « Europe » Ecologie – Les Verts ont voté contre le traité budgétaire européen promu par François Hollande et Angela Merkel, au grand dam d’un Cohn-Bendit qui en profite pour prendre ses distances avec ce mouvement, le thème européen n’apparaît décidément plus comme un élément fédérateur.
Un sondage IFOP, commandé par Le Figaro et consacré à la question européenne, de septembre 2012, matérialise ce désaveu dont l’idée européenne semble souffrir de la part du peuple français.
En premier lieu, le sentiment d’européanité, qui est ainsi confondu avec celui d’appartenance à l’Union Européenne, est au plus bas, puisque 7% seulement des personnes interrogées se considèrent comme européennes avant tout, et 9% de plus se considèrent comme européens parmi d’autres référents identitaires. Néanmoins, le fait d’être membre de l’UE reste intéressant pour 49% des français, contre 27% qui pensent le contraire. Cela ne signifie pas que pour autant l’UE reste crédible puisque sa gestion de la crise économique ne convient qu’à 24% des sondés, contre 76% qui l’estiment peu ou pas efficace. L’€, principal élément tangible de la construction européenne, n’est plus un atout que pour 23% des gens, 45% estimant au contraire qu’elle est un élément de handicap. Il l’est selon la majorité des sondés en matière de compétitivité de l’économie française (négatif pour 61% d’entre eux), de chômage (63%) et surtout en matière de niveau des prix, ce vieux mythe eurosceptique, l’€uro étant négatif à 89%. Néanmoins, aussi négatif soit l’€uro à leurs yeux, ils ne sont que 35% pour penser qu’il faudrait revenir au franc (l’expression adaptée aurait dû être de « retrouver une monnaie nationale ») contre 65% qui estiment le contraire. L’€-phobie reste néanmoins à un niveau assez haut, même s’il est inférieur à septembre 2011 et plus encore à mai 2010, mais elle n’a pas progressé d’une manière déterminante pour autant.
Le manque de solidarité européenne s’exprime nettement lorsque le cas grec est évoqué, l’idée d’une exclusion d’Athènes si elle ne parvient pas à réduire sa dette et son déficit, étant soutenue par 65% des personnes interrogées.
Enfin, en interrogeant les seules personnes en âge de voter en 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, le non aurait été de 64% (contre 49% dans la réalité) et le oui aurait été largement dominé avec seulement 36% des voix (contre 51% dans la réalité). Ce résultat témoigne que parmi les partisans de l’Europe politique en 1992, beaucoup sont désabusés et regrettent l’introduction de l’€uro, même si les partisans d’un retour au franc demeurent minoritaires.
Toutefois, même si ces résultats ne sont pas encourageants, les citoyens ne sont néanmoins pas nécessairement cohérents. Le fédéralisme européen séduit encore 40% des sondés, contre 60% qui souhaitent au contraire moins d’intégration européenne. C’est le score le plus bas pour cette question, mais cela reste une option crédible. L’idée d’une politique économique et budgétaire unique n’est pas repoussée, même si elle est minoritaire. Et on peut même parler d’ « eurofuturisme » pour 44% des français, qui estiment probable la mise en place d’un état européen unique, tel que le prône par exemple le PSUNE. Et c’est même le cas pour 46% des sympathisants du Front National, alors que 40% de ceux du Front de Gauche partagent leur avis.
Quant à la question de l’appartenance de la Turquie à l’Union Européenne, le rejet des citoyens n’a jamais été aussi fort. 84% des personnes interrogées sont opposées à l’adhésion turque. La politique intérieure turque, avec la réislamisation de plus en plus évidente de la rue turque, mais aussi avec l’autoritarisme accru de Recep Erdogan, rentre sans doute en ligne de compte. Mais c’est au moins une bonne nouvelle car toute initiative du gouvernement « socialiste » en faveur de cette option ne peut qu’être refroidie par cette opinion si hostile. Néanmoins 37% des sympathisants du Front de Gauche restent favorables à cette adhésion, sans doute et on le verra dans d’autres sondages, parce qu’il a en son sein le plus grand nombre d’islamotropes.
Ce sondage n’illustre pas seulement un clivage entre eurosceptiques et européistes, mais divise les familles politiques et même les genres. Ainsi, les hommes sont les plus favorables à l’Europe politique. 10% se sentent d’abord européens, 54% estiment que l’appartenance à l’UE est intéressante, 31% que l’€ est un atout, 40% auraient voté oui à Maastricht (contre 33% des femmes), 47% souhaiteraient une Europe plus intégrée (mais seulement 33% des femmes) et ils sont même 54% à croire à un état européen unique pour l’avenir.
Le sentiment d’européanité est le plus fort au MODEM et à Europe-Ecologie, en revanche il est inexistant au FN, preuve que la propagande europhobe de Marine Le Pen en a écarté les éléments pro-européens (Nouvelle Droite et autres), et faible au Front de Gauche (4%). En revanche, le Front de Gauche reste moins défavorable à l’UE (47% sont pour) alors que le FN y est très hostile (21% seulement des sympathisants FN considèrent l’UE d’une manière favorable).
Concernant le « retour au Franc », 37% des partisans du Front de Gauche le souhaitent, ce qui est à peine plus élevé que la moyenne, alors que 78% des partisans du FN y sont favorables. L’€uro est d’ailleurs un point de clivage entre l’UMP (20% d’anti-€) et le FN (80% d’anti-€).
Alors que les sympathisants FN semblent les plus opposés à l’UE, ils souhaitent pourtant l’exclusion de la Grèce de la zone €uro, à laquelle ils disent ne pas croire, à 81% et même à 85% si on ne compte que les électeurs FN. Le Front de Gauche est en revanche solidaire des Grecs à 54%.
Parmi ceux qui souhaitent une intégration européenne accrue, 15% des partisans du FN et 28% des partisans du FG s’y montrent favorables, ce qui monte que même au sein d’une mouvance europhobe, comme le FN, il reste malgré tout des partisans de l’idée européenne. 55% des partisans de l’UMP comme du PS sont également favorables à cette intégration. Enfin, parmi les 44% des français pronostiquant un état européen unique à terme, on retrouve ce pourcentage aussi bien à gauche qu’à droite, au Front de Gauche comme au Front National, mais c’est une idée surtout masculine.
La tradition politologique classique a toujours considéré l’électorat féminin comme davantage conservateur, et c’est pourquoi la République n’a instauré le vote des femmes qu’en 1946, ce qui est très tardif. Elle avait craint un temps que les femmes favorisent la victoire des monarchistes ou des cléricaux. Force est de constater que ce sondage IFOP renforce cette idée, même si demeure un socle solide de citoyennes favorables à l’Europe politique. Toutefois, l’exclusion de la Grèce si nécessaire est soutenue majoritairement par des hommes (à 69%), les femmes étant légèrement plus modérées (62%), et surtout par ceux pour qui l’esprit de solidarité aurait dû être le plus fort, ouvriers (72%), employés (69%) et professions intermédiaires (70%).
Un autre sondage IFOP pour Atlantico, consacré à la question du vote des étrangers aux élections locales est également intéressant à analyser. Rappelons que les citoyens des états membres de l’Union Européenne disposent déjà du droit de vote aux élections municipales et européennes en France. 61% des français s’opposent à l’attribution de ce vote aux étrangers « non européens », l’expression « non européens » pouvant d’ailleurs être comprise par certains sondés comme un synonyme d’« allogènes ». 41% sont même farouchement opposés à cette idée. Ils n’étaient que 45% en décembre 2011 à le refuser. De quoi faire réfléchir le PS alors que plus de soixante-dix de ses députés poussent le gouvernement à instaurer ce droit de vote.
Sur cette question, hommes et femmes sont à égalité dans leur refus d’un tel vote, le clivage étant essentiellement entre la gauche et la droite. 72% des électeurs de gauche souhaitent une telle innovation mais seulement 31% y sont très favorables. En revanche, 89% des électeurs de droite refusent cet élargissement du droit de vote, dont 89% des électeurs UMP et 92% des électeurs FN. Enfin, le MD de Bayrou est favorable au droit de vote des étrangers extra-communautaires à 53%, alors qu’une telle mesure, mettant citoyens de l’UE et étrangers hors UE à égalité est fondamentalement la négation de l’idée européenne. Autre clivage, l’âge. 45% des moins de 35 ans sont pour le vote des étrangers contre 37% des plus de 35 ans. Cela illustre aussi la montée en puissance du vote d’origine immigrée. Gauchistes et écologistes sont en pointe dans ce combat (à 76%), le PS étant légèrement plus prudent (71%), mais les plus acharnés sont clairement les Verts (41% de très favorable).
En conclusion, ces sondages montrent que si l’opinion majoritaire est plutôt dans le camp des eurosceptiques à court terme, cela ne va pas jusqu’à remettre en cause majoritairement la monnaie unique et cela n’implique pas véritablement un refus d’une Europe politique pour l’avenir, en tout cas un refus définitif. Même au sein de la formation la plus europhobe, on constate qu’entre 15 et 20% de ses partisans ne sont pas opposés à l’idée européenne, même si le sentiment d’européanité semble pourtant absent.
Si l’Union Européenne telle qu’elle est actuellement gouvernée déplaît et nuit fondamentalement à l’idée européenne, l’idée qu’une autre Europe est possible, et même l’idée qu’une autre Europe verra nécessairement le jour, avec un état européen unitaire à la tête du continent. L’esprit prométhéen des Européens n’est pas encore mort. En revanche, les français sont déterminés, et de plus en plus, à préserver leur identité, en disant non à la Turquie et non au vote des « étrangers non-européens » et c’est plutôt rassurant. Il reste à leur faire comprendre que c’est dans une Europe politique forte que cette identité sera la mieux préservée et que l’Etat français est leur principal adversaire en vérité, alors que les eurosceptiques leur font croire qu’il est leur protecteur. Confondre un bourreau avec un protecteur, voilà le mensonge naïf que Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen en tête voudraient nous faire avaler.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
12:58 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Elections en Europe, Institutions européennes, Sondage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sondage, ifop, le figaro, euroscepticisme, européisme, opinion, union européenne, euro |
22/08/2012
Brèves européennes… dossier spécial « religions »
RUSSIE
Trois membres féminins composant le groupe musical provocateur « Pussy Riot », qui pourrait se traduire en français par « émeute de minou », un nom très « poétique », ont finalement été condamnés par le tribunal de Moscou pour leur dernière manifestation au sein d’une église orthodoxe à deux ans de détention dans un centre pénitentiaire. A partir du moment où la machine judiciaire était lancée, où les faits étaient incontestables et même revendiqués, et où les accusées n’ont manifesté aucun remords, elles ne pouvaient pas être condamnées à moins, la législation russe ne prévoyant pas de peine inférieure. Le seul autre choix aurait été de les reconnaître innocentes contre les faits, et ce n’était évidemment pas imaginable.
Il est toutefois intéressant de noter le contenu idéologique de la fameuse « prière punk » qui leur vaut aujourd’hui une condamnation. Il s’agit d’une démarche strictement politique, puisqu’elles appelaient à chasser le président élu en exercice du pouvoir et dénonçaient la collusion entre l’église orthodoxe et le Kremlin. Au-delà de cette revendication classique au sein de l’opposition, elles dénoncent l’interdiction de la gay-pride et prônent le féminisme tout en dénonçant la politique nataliste, pourtant indispensable, du régime. Même si elles usent de l’expression « chiasse de Dieu », le discours n’est pas complètement anti-chrétien puisqu’il présente la vierge Marie comme une figure émancipatrice.
Même si on peut légitimement penser que la peine est lourde, d’autant plus que leur propos n’est pas si anti-chrétien qu’on pourrait le croire en apparence, mais relevant davantage du christianisme première version, celui que certains auteurs ont pu qualifier de « bolchevisme de l’antiquité », elle était logique. En revanche, si ces jeunes femmes avaient demandé à bénéficier de la grâce présidentielle, il est certain que Vladimir Poutine leur aurait accordée. Elles souhaitaient donc être punies et ainsi témoigner (dans le sens originel du mot « martyr ») qu’elles étaient porteuses d’une vérité politique. Or elles auraient pu éviter de subir cette peine et ainsi ne pas être privées de leur famille.
On sait désormais, si on creuse un peu derrière la propagande russophobe des media occidentaux dans cette affaire, que « Pussy Riot » fait partie d’une mouvance d’extrême-gauche, le groupe « Voïna » (russe « guerre »), spécialiste des actions provocatrices en tous genres, souvent pornographiques. D’ailleurs, parmi les manifestants venus les soutenir devant le tribunal, il y avait les dirigeants et les militants du « Front de gauche » russe (Левый Фронт), une organisation gauchiste.
Soutien à l’homosexualité, apologie d’un féminisme anti-nataliste, attaque contre la religion établie et les institutions politiques, et demain soutien aux immigrés clandestins ?, le groupe « Voïna » représente une idéologie extrême qui déplait foncièrement aux russes. Il leur suffit de se souvenir des émeutes parisiennes de 2005, largement retransmises par les medias russes, pour voir à quelle situation ce genre de discours pouvait mener.
Il existe en outre une autre façon de remettre en cause la religion chrétienne, et notamment en Russie, c’est de rejoindre les différents mouvements relevant de la rodnoverie, « foi native slave », qui sont actuellement en plein essor dans les grandes villes du pays. Mais ce n’était pas l’intention de ces « punkettes ». Elles souhaitent certainement que la Russie de demain ressemble à la France d’aujourd’hui, où on débat désormais du mariage gay tout en cédant aux revendications des émeutiers d’Amiens et d’ailleurs. La Russie se défend. La cause de « pussy riot » reste heureusement très minoritaire, et tous les partis politiques ont condamné leur geste, y compris le KPFR (communistes) de Ziouganov.
Deux ans, c’est lourd et cher pour une provocation en elle-même mineure, mais l’absence de repentir, le fait de vouloir assumer une action politique, et le fait que ce n’est pas le premier acte de ce groupuscule, et que le tribunal a voulu marquer le coup, expliquent cette sanction. Il est vrai qu’elle paraît inhabituelle dans la France « PS » où on n’applique plus les petites peines, ou dans la Belgique voisine où l’ex-épouse du psychopathe pédophile, Dutroux, pourrait être très bientôt libérée.
FRANCE
La « gauche » s’offusque, approuvée par une partie du centre-droit, avec en tête Roselyne Bachelot, parce que l’église catholique a voulu, le 15 août, organiser une prière contre le projet de « mariage homosexuel » que veut instituer la « gauche ». A moins qu’il ne soit obligé d’en passer par une réforme constitutionnelle, ce qui est possible, et à la convocation du congrès ou d’un référendum, le gouvernement ne devrait avoir aucun mal à l’instituer, puisque toute la « gauche » est unanime et qu’une partie de la droite est prête à la soutenir.
Rappelons tout de même quelques éléments de contexte. En premier lieu, la revendication d’un mariage « gay » n’est que le fait d’une petite minorité, quasi exclusivement masculine, et n’est motivée que par le droit à l’adoption, qui est en vérité l'exigence prioritaire cachée derrière ce projet. C’est pourquoi les personnalités de droite qui, comme Nadine Morano, sont pour le mariage gay et contre l’adoption agissent en idiots utiles. Ce sera les deux ou aucun. Et nous souhaitons en conséquence que cela ne soit ni l’un ni l’autre.
Un député UMP, issu du clan de Boutin, Franck Margain, a évoqué en particulier cette problématique dans Le Monde daté du 17 août, où il dénonce la volonté du gouvernement de céder aux demandes de quelques milliers de « couples » homosexuels (les guillemets sont de ce député) et rappelle le caractère social du mariage. Il estime en effet que le droit d’adopter engendrera un « marché de l’enfant », mais c’est véritablement d’un risque d’une nouvelle « traite » qu’il faudrait dénoncer, car aujourd’hui 80% des enfants adoptés en France viennent d’Afrique ou d’Asie, et en conséquence il s’agit de fait d’un surplus d’immigration, dans un pays qui n’arrive plus du tout à la réguler et qui connait une crise identitaire profonde.
Margain a été immédiatement mis en cause, par exemple par le juriste Pierre Cassan, qui suggère que ce député chrétien démocrate est « homophobe », mot qui comme celui de « raciste » permet de tuer le débat dans l’œuf. Il est vrai que si un chrétien, ou l’église, se permet de refuser le « mariage gay », c’est forcément en raison de sa religion, et pas pour des raisons d’utilité publique. En fait, l’Eglise catholique a bien joué puisqu’elle n’a pas mis en avant des arguments théologiques, mais l’intérêt général et le bien des enfants.
Toutefois, ne nous le cachons pas, Christine Boutin, avec sa fameuse bible, avait fait beaucoup de mal à l’opposition au PACS et que l’Eglise s’empare de ce thème même si, pour cette fois, elle a agi avec discernement, ne va pas rendre service à ceux qui ont de très bonnes raisons de refuser ce type de mariage et l’adoption induite. Or, il s’agit bien d’une revendication communautaire, une communauté fondée sur l’orientation sexuelle, primant sur son identité nationale ou européenne par exemple. Il ne me viendrait pas à l’esprit de me définir prioritairement comme « hétérosexuel » mais d’abord comme un homme européen, ensuite comme un païen, enfin comme un socialiste, faisant primer mon identité civilisationnelle avant ma spiritualité et ma spiritualité avant mon opinion politique. Je ne suis donc pas convaincu que ce soit une bonne chose que l’Eglise catholique soit en première ligne.
Enfin, profitons de ce fil pour rappeler quelques vérités sexologiques dans ce monde médiatique où règne l’indifférenciation, c'est-à-dire la négation du débat. En premier lieu, au-delà du fait qu’elle se pratique entre gens de même sexe, ce qui est la définition de base de l’homosexualité, sa forme masculine et sa forme féminine n’ont rien en commun. Chez les autres mammifères, à ma connaissance, seule l’homosexualité masculine existe, et elle relève toujours d’un principe de domination, par exemple au sein d’une meute de loups. Cette homosexualité repose donc sur le principe dominant/dominé, exactement comme chez l’homme lorsqu’elle a lieu dans un milieu exclusivement masculin, prison ou école unisexe, et aussi dans les sociétés antiques. On croit savoir que la Grèce et Rome étaient particulièrement tolérantes à cet égard. C’est faux. L’homosexualité masculine moderne existait peut-être de manière marginale dans l’antiquité grecque, où elle était condamnée. En Grèce, le dominant était nécessairement un homme adulte, et à Rome un homme libre, et à l’un comme à l’autre, il était interdit sous peine de mort d’être en position de « dominé ».
L’homosexualité féminine, relevant davantage en fait de la bisexualité, est une spécificité humaine et ne repose pas sur un rapport de violence ou de hiérarchie. Sappho elle-même était bisexuelle, et le tribadisme (le mot antique pour « lesbianisme ») était connu dans l’antiquité gréco-romaine. Même les régimes totalitaires, hostiles à l’homosexualité masculine, semblent avoir été en revanche globalement indifférents à cette pratique, qui ne semblait pas avoir influencé négativement la natalité. On sait que les lesbiennes, au sein des lobbies pro-gays, sont en outre marginalisées face à une domination masculine écrasante, par gynophobie sans doute.
Juvénal dans ses Satires évoque de manière détaillée les pratiques homosexuelles dans la Rome du début du IIème siècle. Toutefois, il soulignait que jamais personne n’aura eu l’idée d’organiser un mariage homosexuel, même s’il me semble qu’un empereur romain avait en revanche voulu épouser son cheval (Caligula). Le « mariage gay » est une idée proprement moderne qui aurait paru insensée aux anciens Grecs et Romains. Il faut d’ailleurs savoir que l’interdiction de la pratique homosexuelle est apparue avant que le christianisme ne devienne religion de l’empire ; elle est ainsi prônée par le médecin Galien pour des raisons hygiénistes.
Ainsi, l’église catholique a pris position contre le « mariage gay ». Les hindous polythéistes partagent le même avis, comme les zoroastriens, comme les autorités religieuses juives et musulmanes. Et je ne doute pas que les païens hellènes rappelleront qu’Arès n’a pas épousé Apollon et Aphrodite ne s’est pas unie à Artémis.
ALLEMAGNE
Faut-il interdire la circoncision, assimilée par un tribunal allemand à des « coups et blessures volontaires » ? Le rabbin israélien Yona Metzger a expliqué que non. Il évoque « la racine de l’âme juive », c'est-à-dire le caractère identitaire de cette pratique. Les grands partis politiques, à l’exception notable de Die Linke, s’accordent à penser que l’interdiction de la circoncision donne une très mauvaise image de l’Allemagne, pour laquelle tout ce qui touche au judaïsme est évidemment extrêmement sensible. Rappelons que la circoncision existe aussi dans l’islam.
Mais c’est en vérité en raison de son caractère identitaire que la circoncision devait continuer d’être autorisée. Il s’agit d’une pratique probablement proto-sémitique, même si on ignore si les Akkadiens, le premier peuple sémitique historiquement attesté, la connaissaient, donc très ancienne. Même si les Romains l’assimilaient à une « mutilation volontaire », ils l’ont permise par dérogation pour les Juifs, sauf pendant la fin du règne d’Hadrien, où celui-ci a interdit la circoncision, mais c’était dans le contexte d’une grande révolte juive.
Toutefois, dès l’antiquité, certains juifs trouvaient cette pratique peu compatible avec les valeurs grecques et romaines à l’époque dominantes. La mode fut pour eux de se faire fabriquer un « faux prépuce », lorsqu’ils étaient amenés à apparaître nus, par exemple dans le cadre de l’éphébie ou de pratiques sportives. C’est donc un très vieux débat.
Il me semble que la sagesse romaine en l’occurrence est préférable à toute interdiction. Mais il y a toutefois questionnement, car qu’est-ce qui empêcherait demain une communauté africaine d’exiger la légalisation de l’excision s’ils peuvent prouver qu’il s’agit d’une pratique ancestrale ?
17:18 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pussy riot, mariage gay, circoncision |
15/08/2012
De la déesse de l’aurore.
En ce 15 août, il me paraissait intéressant de consacrer un article à une déesse fondamentale au sein des mythologies indo-européennes, déité vierge uniquement lorsqu’elle adopte une dimension guerrière, à l’instar de Pallas Athênê en Grèce.
A l’origine, les divinités indo-européennes patronnent les éléments de la nature, et en particulier le ciel, la terre et les astres, mais aussi les phénomènes atmosphériques. Jean Haudry a notamment démontré que le système trifonctionnel indo-européen était appliqué aux cieux, ceux-ci se partageant entre le ciel de nuit, correspondant aux forces telluriques et infernales, le ciel de jour, correspondant à la lumière des divinités souveraines, et enfin le ciel intermédiaire, le *regwos (ou « érèbe »), ciel auroral et crépusculaire, lié à la couleur rouge, mais aussi ciel d’orage. Les trois couleurs sont donc le blanc de la souveraineté, le rouge de la guerre et le noir de la fonction de production. Dans ce schéma, le ciel nocturne, domaine du dieu *Werunos (« le vaste »), qui donnera Ouranos en grec et Varuna en sanskrit, peut être remplacé par la terre, domaine de la déesse *Dhghom (« Dêmêter »), épouse du dieu céleste *Dyeus (« Zeus ») et en ce sens surnommée *Diwona (« celle de Dyeus »), qu’on retrouve dans le nom de la divinité romaine Dea Dia, probablement aussi dans celui de Diane, et dans la grecque Dionè, mère d’Aphrodite, respectant ainsi ce code de couleurs.
Le ciel intermédiaire est patronné par deux divinités fondamentales des panthéons indo-européens, à savoir le dieu de l’orage, *Maworts (génitif *Mawrtos), et la déesse de l’aurore *Ausōs (génitif *Ausosos), l’un et l’autre formant réunis probablement à l’origine un couple divin, couple qui sous la forme de Mars et de Venus inspirera les artistes depuis Homère. *Ausōs portait plusieurs épiclèses importantes, *bherghenti (« celle qui est élevée ») et *Diwos *dhughater (« fille de Zeus »), mais était également liée à la racine *men-, relative à tout ce qui relève de l’intelligence.
La triple aurore grecque.
Le déesse grecque de l’aurore est Eôs, une déesse mineure du panthéon hellénique, qu’Homère qualifie d’ « aux doigts de rose », et pour laquelle peu de mythes sont associés, à savoir celui des amours d’Arès et d’Eôs d’une part et celui de Tithon d’autre part, amant troyen dont elle avait demandé à Zeus de lui accorder l’immortalité, mais en oubliant de lui faire accorder également la jeunesse éternelle, ce qui en fit de fait le premier zombie de la mythologie.
Si Eôs, déesse pourtant fondamentale des panthéons indo-européens, est si mineure, c’est en fait parce que son rôle a été repris par deux nouvelles divinités, qui étaient probablement à l’origine de simples épiclèses de l’Aurore, à savoir Athéna et Aphrodite. Même si leur étymologie est obscure, on peut émettre quelques hypothèses sérieuses. Athéna est formée de la racine *-nos/a qui désigne une divinité (exemple : Neptu-nus à Rome, Ðiro-na chez les Celtes) et de la base athê[- qui pourrait être liée à l’idée de hauteur. Athéna serait ainsi la déesse protectrice des citadelles, comme l’acropole d’Athènes. Elle incarne l’Aurore guerrière, casquée et armée. Quant à Aphrodite, son nom a été rapproché de celui de la déesse ouest-sémitique Ashtoreth (« Astarté »), déesse tout comme elle honorée à Chypre. S’il est probable que les deux déesses ont été associées dans l’esprit des chypriotes grecs, cela ne signifie pas pour autant qu’Aphrodite serait d’origine sémitique. En fait, son étymologie classique de « née de l’écume des mers » pourrait bien être la bonne, car on peut la comparer avec le nom de petites divinités féminines indiennes, les Apsaras, nymphes érotiques peuplant le Svarga (« paradis indien ») du dieu Indra dans la tradition védique, et elles aussi nées sorties des eaux. Elle incarne l’Aurore amoureuse, symbolisée par la rose.
Enfin, Athéna est la fille de la déesse de la sagesse, Mêtis (p.i.e *Men-tis) dont le nom rappelle très précisément celui de la déesse Minerve, son équivalente latine.
Cela nous amène à constater l’existence de trois déesses de l’aurore, celle du phénomène atmosphérique (Eôs), celle de la guerre défensive (Athêna) et celle du désir amoureux (Aphrodite), déesses par ailleurs toutes liées au dieu de la guerre Arês. Eôs et Aphrodite ont en effet été l’une et l’autre la maîtresse du dieu, alors qu’Athéna est présentée comme sa rivale sur les champs de bataille par Homère mais était souvent honorée aux côtés du dieu, comme dans le temple d’Arès à Athènes. En outre, même s’il existe par ailleurs un Zeus Areios, une version guerrière du dieu suprême, parmi toutes les déesses, seules Athéna et Aphrodite sont qualifiées d’Areia. Arês joue ici son rôle originel, celui de dieu de l’orage et de la guerre, même si, sous l’influence crétoise, les Grecs ont préféré conférer désormais à Zeus cette fonction de dieu foudroyant, qu’en revanche son homologue germano-scandinave Thor conservera.
Déesse de l’amour et de la guerre.
*Ausōs est donc une déesse plutôt complexe, liant deux aspects qui peuvent paraître contradictoires. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène propre aux divinités indo-européennes, puisque la déesse proto-sémitique *Ațtartu associait ces deux rôles, tout comme la déesse sumérienne Inanna, même si en revanche elle n’était pas aurorale. Par ailleurs, comme dans le cas grec, la déesse de l’aurore sous son nom propre a bien souvent perdu de sa superbe au profit de divinités nouvelles. Ce n’est toutefois pas le cas partout.
Dans le monde indo-iranien, la déesse Ushas (sanskrit) ou Ushah (vieux-perse) a conservé ses traits originels, même si elle partage désormais son rôle de déesse de l’amour avec la Venus indienne, la déesse Rati, « le Désir », mère du dieu de l’amour Kama comme Aphrodite est celle d’Erôs. Chez les Lituaniens, la déesse lituanienne Aushrinè reste au premier plan, alors que chez les Lettons, pour une raison inexpliquée, elle a changé de sexe et est devenu le dieu Auseklis et personnifie par ailleurs la planète Venus.
En revanche, chez les Romains, même si Aurora a conservé des éléments de culte plus solides, elle connaîtra une évolution parallèle à celle qu’elle a connue chez les Grecs. Si Aurora est Mater Matuta, « la déesse des matins », attestant de son rôle atmosphérique, elle n’est plus une déesse guerrière, son rôle étant repris par Minerve, et plus non plus déesse de l’amour, car Venus a pris le relai.
Dans le rôle de déesse aurorale guerrière, on trouve les Zoryas slaves (au nombre de trois), les Valkyries germano-scandinaves, toutes casquées et armées comme Athéna. Dans le rôle de déesse aurorale de l’amour, c’est en revanche Lada chez les Slaves et Freya chez les Germano-scandinaves. Cela explique pourquoi une partie des guerriers morts ne va pas au Valhalla pour rejoindre Odin mais au paradis de la déesse Freya, illustrant à l’état de vestige un rôle guerrier plus ancien. Freya, dont le nom signifie sans doute « chérie » (p.i.e *priya), est la Venus scandinave, alors qu’Ostara, déesse de l’aurore fêtée au moment de la Pâques germanique, est restreinte aux questions de fécondité de la nature.
La déesse albanaise Premtë, épouse du dieu de l’orage Perëndi, remplace Agim, « l’aurore », de même que la celte Epona, « celle du cheval », car une des représentations les plus anciennes est celle d’une Aurore cavalière. La Brighid celte, déesse vierge comme Athéna, et qui était appelée Brigantia par les Gaulois, patronnait les affaires guerrières, et apparaissait sous son aspect le plus cruel sous les traits de Morrigain.
Déesse de la planète Venus.
Indo-européens et Sémites ont, pour une raison mystérieuse, sans doute liée à la couleur de l’astre, associé l’Aurore et la planète Venus. En revanche, les Sumériens avaient lié la planète Venus à la déesse Inanna, aucune déesse spécifique de l’aurore n’apparaissant dans leur mythologie. Si les Akkadiens ont simplement remplacé Inanna par leur Ishtar, les peuples ouest-sémitiques ont en revanche associé l’astre à leur propre dieu de l’aurore, Shahar.
Une des particularités du dieu Shahar c’est d’avoir engendré deux frères jumeaux, qui sont Helel, dieu de l’étoile du matin, et Shalem, dieu de l’étoile du soir. On retrouve un phénomène comparable chez Aphrodite, Venus et le dieu letton Auseklis. Il est difficile de savoir si c’est un emprunt des Indo-Européens aux Sémites, ou bien des Sémites aux Indo-Européens, et à quelle époque. Chez les Arabes païens également, deux dieux jumeaux patronnent le matin et le soir, à savoir Aziz et Ruda.
Aphrodite est la mère de Phosphoros, également appelé Eosphoros, « porteur d’aurore », ce qui est significatif, et de son frère Hesperos. De la même façon, probablement par imitation de la déesse grecque, Venus est la mère de Lucifer et de Vesper, l’un et l’autre pouvant s’expliquer par le proto-indo-européen (*leuks-bher, « porteur de lumière » et *wesperos, « soir »). Enfin, les jumeaux divins de la mythologie lettone, fils du dieu du ciel Dievs, à savoir Usins (« Aurore ») et Martins (« Mars ») sont également associés au matin et au soir.
Si la planète Venus semble associée dès l’époque proto-indo-européenne à la déesse *Ausōs, l’introduction de deux fils patronnant le matin et le soir, un dieu du matin et un dieu du soir, semblent résulter d’une influence extérieure, sumérienne ou sémitique. Ainsi, chez les Celtes, les Germains, les Slaves par exemple, mais aussi en Inde et en Lituanie, on ne retrouve pas de « fils de l’aurore » patronnant le matin et le soir. Ce n’est le cas concrètement qu’en Grèce et à Rome, cette dernière ayant été en outre considérablement influencée par son aînée en Méditerranée. En outre, les jumeaux divins ne sont pas non plus « fils de l’Aurore », mais fils du dieu du ciel (Zeus en Grèce, Dievas en Lituanie, Dyaus en Inde), rôle repris à Rome par le dieu de la guerre (Romulus et Rémus sont fils de Mars et non de Jupiter).
Le mythe de la déesse-vierge guerrière.
On a pu constater que lorsqu’une déesse a remplacé l’Aurore dans son rôle guerrier, elle y a pris les traits d’une déesse virginale. C’est notamment le cas d’Athéna et de Minerve, comme si une sexualité accomplie était incompatible avec ce rôle plutôt masculin. Et c’est en raison d’une histoire d’amour que la valkyrie Brynhildr, amoureuse de Siegfried, connaîtra bien des tourments. Cette virginité est aussi l’apanage d’Artémis, déesse de la chasse et de la nature sauvage inviolée.
La déesse-vierge a été remplacée dans la mythologie européenne par la Vierge Marie, privée pourtant de tout rôle militaire. L’ « amazone » est devenue une sorcière, promise à la mort, et d’ailleurs Diane est considérée au moyen-âge comme la déesse par excellence du sabbat. La femme européenne pouvait apparaître comme une guerrière, ou en tout cas avait un rôle pour galvaniser les guerriers, même si elle ne participait pas directement au combat. Ce mythe se retrouve pleinement dans celui de Jeanne d’Arc, mais aussi dans les différentes incarnations patriotiques de la nation. Britannia est totalement calquée sur la Minerve romaine, et Germania ressemble à une valkyrie. La république française, incapable de rompre totalement avec le christianisme, a préféré une déesse-mère, Marianne, « petite Marie ». Elle a aussi choisi toutefois de se représenter en Cérès, déesse du blé, la fameuse semeuse, et non en divinité guerrière. On notera enfin que les Sans Culottes, et notamment Hébert, préféraient la déesse Raison, qui n’était autre que Minerve elle-même.
Venus sans Mars, Mars sans Venus.
De l’Athêna Potnia mycénienne à la déesse Raison, on retrouve une filiation que le christianisme même n’a pas réussi à rompre. Et face au puritanisme, la déesse Aphrodite a vaincu elle aussi. C’est dire si la déesse de l’aurore, en tant qu’Athéna comme en tant qu’Aphrodite, a joué et joue un rôle fondamental dans la psychê européenne. C’est elle qui raisonne Mars lorsqu’il est courroucé et l’occupe aux jeux de l’amour, délaissant alors le champ de bataille. Si Rome connut douze siècles de puissance, c’est parce qu’elle était la cité de Mars et de Venus, l’un et l’autre s’équilibrant, comme le souligna le poète Rutilius Namatianus. Et lorsque le politologue américain Robert Kagan définit l’Europe comme le continent de Venus, il nous rappelle que la puissance résulte de l’union des deux divinités, mais le dieu Mars est mal vu depuis un peu plus d’un demi-siècle en Europe. Lorsque Mars triompha, Venus était encore prisonnière des geôles vaticanes. Lorsque Venus triomphe, aujourd’hui, c’est Mars qui est sous les chaînes. Le déchaîner sauvera l’Europe. Car il n’y a pas de paix sans conflit (Venus sans Mars), et pas de science sans puissance (Minerve sans Mars).
Thomas Ferrier (LBTF/PSUNE)
17:05 Publié dans Anti-mythes, Culture, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : aurore, eos, athena, aphrodite, déesse-vierge, 15 août |
28/05/2012
Une nouvelle affaire Zemmour
Une fois de plus, le chroniqueur politique de RTL et d’I-Télé, qui officiait encore récemment sur France 2, fait l’objet d’une campagne de diffamation provenant de la « gauche » « anti-raciste » contre lui. Comme toujours, cela fait suite à des propos peu consensuels sur des problématiques sensibles, l’immigration extra-européenne, la place de la femme dans la société, l’insécurité liée à l’immigration. On lui reproche notamment d’avoir accusé Patrick Lozès, président du CRAN (représentant des associations noires), de s’être réjoui de l’élection de Barack Obama selon un prisme racialisant, et plus récemment de s’en être pris au nouveau ministre de la justice, Christine Taubira, lui reprochant notamment une forme de laxisme à géométries variables, selon que les criminels soient issus ou non « de la diversité », et aussi un combat féministe en faveur d’une nouvelle loi sur le harcèlement.
Immédiatement, les ligues de vertu ont repris leur disque-cours moralisateur en condamnant les propos d’Eric Zemmour. Précisons d’abord que défendre la liberté d’expression d’un journaliste ne signifie nullement acquiescer à ses propos, et je ne peux que désapprouver son discours euro-sceptique, anti-€ ou encore sa dévalorisation excessive des femmes, confondant par esprit de système de légitimes revendications, pour la plupart désormais acquises, avec les excès d’une minorité extrémiste, les adeptes de la « parité » ou de l’interdiction de la prostitution, qui rappellent les bonnes chrétiennes américaines exigeant l’interdiction de l’alcool, ou les islamistes turcs de l’AKP interdisant les bistrots. C’est d’ailleurs en raison de son europhobie que Marine Le Pen a cru nécessaire de prendre sa défense, et pas parce que Zemmour semble s’opposer à l’immigration extra-européenne.
Or, si une certaine presse reproche à Zemmour une approche racialisante des problématiques migratoires et sécuritaires, les défenseurs de Christine Taubira la victimisent en accusant le journaliste de s’en prendre à elle parce qu’elle est une femme et parce qu’elle est noire. La racialisation semble donc permise lorsqu’on porte l’étiquette du PS, mais pas dans les autres cas. C’est une étrange démarche de la part d’un parti qui prétend défendre l’égalité. En outre, lorsque le rappeur d’origine congolaise Youssoupha tient des propos extrémistes contre ce même Eric Zemmour, et il a d’ailleurs déclaré récemment dans un concert, « Zemmour, on t’enc… », on n’entend personne. C’est d’ailleurs la même chose lorsque qu’un autre pseudo-rappeur de banlieue, dont nous tairons le nom pour ne pas lui faire de la publicité, s’attaque publiquement, par le biais de podcasts, à différentes personnalités politiques et médiatiques, Eric Zemmour (encore) ou Marine Le Pen en tête.
L’indignation à géométries variables, les procès politiques pour financer des associations bidon n’arrivant plus à recevoir de dons, sont une atteinte portée à la justice dans notre pays. Alors que les tribunaux sont débordés, certains croient utiles de les surcharger d’affaires sans intérêt, relevant de la simple liberté d’expression. Et c’est la faute des procureurs en la matière qui acceptent de s’en saisir, alors même qu’ils classent des affaires graves sans suite. Il me paraît urgent qu’un des droits fondamentaux de la personne humaine, la liberté d’opinion et d’expression, soit réaffirmé et surtout appliqué. Même lorsque ce droit profite à ses adversaires politiques. C’est par la parole libre, parole de vérité, qu’on peut savoir à qui on a affaire. Lorsqu’un nationaliste comme le leader grec de l’Aube Dorée exprime des convictions extrêmes, en l’absence de loi pour les réprimer, il se dévoile et les électeurs peuvent réagir en conséquence. Depuis cette provocation, il a perdu deux points dans les sondages.
PS: d’un point de vue purement politologique, les nominations de Christiane Taubira à la Justice et de Laurent Fabius aux Affaires Etrangères paraissent bien des erreurs de casting, le second, tout comme le représentant aux affaires européennes, étant un des opposants au traité constitutionnel de 2005, ce qui, à l’heure d’une négociation vitale avec notre partenaire allemand, apparaît comme une faute de goût. Taubira, dont la candidature de 2002 avait coûté le second tour à Lionel Jospin, est étrangement récompensée, sans doute pour ne pas s’être représentée. La droite nationale lui reproche d’avoir été indépendantiste guyanaise. Nous pourrions, nous européistes, lui reprocher bien au contraire de ne plus l’être, car Christine Taubira a raison de vouloir défendre les siens avant les nôtres. Mais, lui reconnaissant cette légitimité, nous attendons d’elle qu’elle nous accorde le fait de vouloir la même chose qu’elle.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
18:49 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Communiqués | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : eric zemmour, patrick lozès, christine taubira, rtl, liberté d'expression, youssoupha |
25/04/2012
Marine Le Pen, un échec déguisé en victoire
Il peut paraître à première lecture paradoxal de parler d’échec à propos du résultat de la candidate du Front National à l’issue du premier tour des élections présidentielles alors que la presse, quasi unanime, de même que la candidate et son équipe, évoquent un succès. Entendons nous bien, le score de 17,9% des voix obtenu par Marine Le Pen est le plus élevé de l’histoire de son parti. L’annonce par IPSOS sur France 2 d’une Marine Le Pen à 20%, passant alors ce cap symbolique, a fait l’effet d’une bombe médiatique, alors qu’au cours du dépouillement le pourcentage n’a cessé de baisser. En 2002, son père obtenait 16.9% des voix environ, un point de moins que sa fille dix ans après, mais si on y ajoute les voix de Bruno Mégret, FN et MNR réunis totalisaient plus de 19,3% des voix. Faudrait-il de la même façon ajouter les 1,8% de Nicolas Dupont-Aignan ? Son électorat me paraît assez différent de celui de Le Pen, à la différence de celui de Mégret, confondu avec son ancien président par beaucoup d’électeurs.
Ainsi, en 2012, l’extrême-droite fait moins bien qu’en 2002, même si le FN seul progresse. La différence certes est que la participation en 2012 est à un niveau exceptionnel, plus de 80% de votants, ce qui fait qu’en nombre de voix Marine Le Pen atteint les 6,5 millions d’électeurs.
Si on compare le score du FN et du MNR en 2002, région par région, au score obtenu par Marine Le Pen en 2012, on constate que le FN progresse nettement dans des régions où auparavant il était faible, comme si les électeurs anticipaient une progression de l’immigration extra-européenne dans leur région. En Auvergne, en Bretagne, dans les Pays de la Loire, surtout dans le Limousin (+3,5 points par rapport à FN+MNR en 2002), en Picardie, dans le Poitou-Charente (+3 points), en Basse-Normandie (+0,5 point), en Aquitaine (+ 1 point), le FN progresse nettement. En revanche, il stagne ou régresse légèrement dans des régions traditionnellement favorables, comme la Bourgogne (- 0,6), en Champagne-Ardenne (- 0,2), en Lorraine (- 0,6) ou encore dans le Nord Pas de Calais (- 1,8). Dans des fiefs comme l’Alsace (- 5,7 points) ou la Provence (- 3,3), mais aussi en Rhône-Alpes ou en Franche-Comté l’extrême-droite est nettement plus faible qu’en 2002, même si son score reste élevé. C’est enfin en Ile de France qu’elle continue sa baisse, avec seulement 12,28% des voix en 2012 contre 14,57% pour le seul FN en 2002 (et 16,55% si on y ajoute le MNR).
Enfin, si le FN progresse dans les campagnes de manière significative, et notamment dans l’ouest du pays, atténuant cette dichotomie ouest/est que le parti connaissait à chaque élection, il s’effondre dans les grandes villes. 11,86% seulement à Strasbourg, 8,22% à Bordeaux, 6,2% à Paris (contre 4,58% en 2007 pour Jean-Marie Le Pen), 13,66% à Montpellier, 10,55% à Nancy (contre 16,42% à Limoges, ville traditionnellement très hostile au FN), 10,34% à Toulouse, 7,78% à Nantes, 9,87% à Lyon, seule Marseille échappant à cette décrue.
Deux cas spécifiques méritent qu’on s’y attarde. En premier lieu, la Corse a voté très nettement en faveur de Marine Le Pen, avec 24,4% en moyenne sur l’ensemble de l’île, faisant du FN le second parti après l’UMP. Il faut se souvenir que la pourtant très jacobine Marine avait su en Corse tenir un discours opportuniste de nature très identitaire, axé sur la défense de la corsité. Les nationalistes corses, y compris les indépendantistes, très hostiles à l’immigration maghrébine, ne s’y sont pas trompés et ont tactiquement apporté leur soutien à cette candidate. De même, dans sa profession de foi antiraciste, Marine Le Pen a beaucoup appuyé les DOM-TOM. La Réunion et la Guyane, victimes d’une forte immigration clandestine, lui offrent plus de 10% des voix. Même à Saint-Pierre et Miquelon, île peu concernée par l’immigration, elle obtient plus de 16% des voix. En revanche, si elle est en progression, en Martinique et en Guadeloupe, elle recueille toutefois un score faible.
Ces données chiffrées permettent de relativiser très fortement le « succès » du FN en 2012. On constate certes une uniformisation du vote FN sur l’ensemble du pays, ce qui explique à elle seule le 1% de Marine en plus du score de son père en 2002. Mais apparaît aussi une véritable hémorragie au sein des grands centres urbains, y compris au sein de départements franciliens très concernés par l’immigration extra-européenne. Elle paye sans doute un phénomène de « white flight », dont elle profite en revanche en Seine et Marne, mais elle subit aussi l’impact de l’électorat issu de la diversité.
Si Marine Le Pen a évité une déconvenue au niveau national, elle ne le doit pas à sa stratégie de dédiabolisation ni à la sincérité de son antiracisme. C’est bien pourquoi il faut là encore parler d’échec déguisé. Si ses électeurs étaient animés par un vote de conviction, comme elle le prétend, ils auraient lu son programme et écouté ses propositions. Mais heureusement pour elle, ce n’est pas ce qu’ils ont fait, pas plus que les électeurs de Hollande n’ont lu le programme du PS, animés qu’ils étaient de se limiter à « sortir le sortant ». Très vite, Jean-Marie Le Pen a senti l’ombre de la défaite et a fait savoir qu’il désapprouvait la façon dont se déroulait la campagne de sa fille. Sous son influence, elle a redressé la barre en axant, non sans incohérence doctrinale, son discours sur la dénonciation de l’immigration et de l’insécurité, rassurant ainsi l’électorat protestataire, essentiellement animé par un fort rejet de l’immigration en général, et voulant signifier son mécontentement en votant pour un parti sulfureux. Elle a surtout bénéficié de l’échec de sa stratégie de dédiabolisation.
Le Pen père avait affirmé qu’un « FN gentil » n’intéresserait personne et j’avais moi-même écrit sur ce blog que c’était désormais le vote « Mélenchon » qui permettait de protester. J’avais tort car j’avais sous-estimé le fait que dans l’opinion, le vote FN restait un vote provocateur. Et Marine Le Pen doit d’avoir conservé cette image, qui a sauvé sa campagne, au Parti Socialiste. En Effet, si ce dernier, comme il le prétend, voulait vraiment que le FN recule, il aurait joué la carte de la dédiabolisation. C’est en montrant que le FN était un parti comme les autres, mais n’était pas crédible pour gouverner, que Marine Le Pen aurait pu faire un score médiocre. En le présentant comme le diable, comme un mouvement « raciste » et « fasciste » (comme l’affirmait Mélenchon), le FN pouvait ainsi capitaliser un fort votre protestataire. Mardi, Nicolas Sarkozy a enfin dit que le FN était un parti « républicain », acceptant ouvertement de la dédiaboliser. Il était temps. Si Sarkozy avait mis en œuvre une telle politique avant le premier tour, nul doute que Marine Le Pen aurait fait un score bien inférieur.
Les sondages se sont-ils trompés ? Ont-ils sous-estimé le vote pour Marine Le Pen ? En vérité, les instituts de sondage sont incapables de déterminer autre chose que des tendances générales. En outre, ils ne peuvent pas prévoir vers quel candidat le vote protestataire de la dernière minute pourrait se tourner. Environ 3% des votants hésitaient entre le vote anticapitaliste pour Mélenchon et le vote nationaliste pour Marine Le Pen. Ils se sont décidés pour Le Pen, amenant Mélenchon à 11% au lieu de 14% et Marine à 18% au lieu de 15 ou 16%. On peut considérer que les derniers discours de Mélenchon sur la « France métissée », sur le droit du sol intégral, et sur l’apport de l’immigration, lui ont aliéné de nombreux électeurs ouvriers. L’antifascisme de Mélenchon était totalement décalé de la réalité politique d’aujourd’hui. Il en a payé le prix, malgré une très bonne campagne jusque là.
A l’annonce des résultats, Marine Le Pen a expliqué qu’il s’agissait d’une victoire historique qui validait sa stratégie. C’est tout à fait inexact. Si on peut admettre que son score est très bon, bien que très inférieur à ce que lui promettaient les sondages en janvier 2012, très inférieur aussi au score qu’elle prétendait avoir, et à neuf points de la barre du second tour, il n’est pas non plus l’annonce d’un bouleversement politique de grande ampleur. Il y a encore deux semaines elle annonçait qu’elle serait au second tour et même qu’elle pourrait remporter l’élection. Elle affirme, on l’a vu, que le vote protestataire dont elle bénéficie est en fait un vote d’adhésion, façon de croire que l’électorat a validé son programme europhobe, alors que c’est bien ses positions à ce sujet qui, notamment en Alsace, l’ont empêchée d’atteindre les 20% et ont fait que les personnes âgées sont restées rétives à son discours.
C’est quand Marine Le Pen, contrainte et forcée, a parlé d’immigration à nouveau qu’elle a pu remonter la pente et se faire entendre. L’affaire Merah a pu en outre l’y aider. Or dans son discours de dimanche, le sujet n’a même pas été abordé. Elle peut remercier les dieux que l’électorat FN n’ait pas réagi à la mise en avant de son pathétique comité de soutien, dont la version publique était très axée sur la « diversité », que l’électorat n’ait pas entendu ses nombreux appels du pied aux « musulmans patriotes » devant la rejoindre pour lutter contre le « fascisme vert ».
Si Marine Le Pen continue dans sa stratégie de « gauche », abandonnant les fondamentaux qui font que l’électorat populaire la préfère à Mélenchon ou à Sarkozy, et si en face d’elle, le PS et l’UMP ont l’intelligence de l’encourager dans sa politique de dédiabolisation, la traitant exactement comme les autres candidats, abandonnant ce cordon sanitaire dénué de tout fondement rationnel, laissant tomber cet « antifascisme » de bazar, alors Marine Le Pen n’aura plus aucun avenir politique. Mais le PS a besoin du FN pour occuper un électorat populaire dans une voie de garage et pour empêcher droite et extrême-droite de former une « droite plurielle » comme cela a pu exister en Pologne, en Italie, en Autriche, au Danemark ou aux Pays-Bas. A terme, le FN finirait par devenir l’aile droite de l’UMP. Et surtout perdrait de nombreux électeurs qui ne votent FN que pour témoigner de leur exacerbation mais aussi de leur désespoir.
Une fois que le FN sera dédiabolisé, on pourra enfin le juger sur ses propositions et on verra qu’il ne tient pas du tout la route, que ce n’est pas un parti armé pour être « de gouvernement », ce qui ne s’affirme pas mais se prouve sur le terrain. Car le nationalisme français, que ce soit sous la forme aseptisée mais férocement souverainiste de Marine Le Pen ou sous la forme radicale d’un Carl Lang, n’a en aucune manière les clés de notre avenir. Le peuple français ne devra son salut qu’à l’émergence d’une véritable Europe politique, d’un Etat européen unitaire, plus ou moins fédéral, une Europe européenne qui aura à cœur de préserver son identité. Toute autre « solution » préconisée n’est qu’un leurre, un mensonge, une duperie. La France seule, même en 1812 ça n’a pas fonctionné. Abandonner l’euro serait un suicide économique et la ruine des petits épargnants. Instaurer un protectionnisme national à nos frontières, alors que nous sommes liés à nos partenaires européens, ne permettrait pas de réindustrialiser car nous serions alors victimes d’une politique de rétorsion économique qui annulerait les maigres gains et nous livrerait encore davantage à la finance internationale.
Revenons pour conclure sur le thème de l’europhobie, principal cheval de bataille de la candidate FN, mais dont l’électorat pour l’essentiel se moque, ne votant pour elle que comme symbole du refus de l’immigration extra-européenne. Jack Dion dans « Marianne » s’interrogeait aujourd’hui sur les « eurocrates », se demandant si au final ces ultra-libéraux n’étaient pas des europhobes cachés. Et en effet ils le sont, disons le explicitement. Barroso est le meilleur allié de Le Pen. Il y a les europhobes par nationalisme (Le Pen, Dupont-Aignan) et il y a les europhobes par mondialisme (Barroso, Juncker) et les uns comme les autres sont les deux faces d’une même médaille. Quand Marine Le Pen dénonce lundi soir l’Europe fédérale, elle s’attaque à un moulin à vent, car malheureusement il n’y a pas d’Europe fédérale, mais une Europe des Etats avec au milieu un nid de technocrates sans légitimité démocratique.
L’Europe, ce sont les Européens. L’Europe, c’est nous. Alors donnez nous l’occasion de vous montrer ce que les (vrais) européistes savent faire. Mettez nous aux affaires en Europe, et je vous garantis que le FN tombera à 1% des voix, et pour le plus grand plaisir de ses électeurs qui auront trouvé dans l’Europe unitaire les réponses à leurs inquiétudes et un rempart face à ce qui les menace, y compris en ce qui concerne l’immigration. Si Marine Le Pen n’a en face d’elle que des Barroso pour représenter l’Europe, alors c’est qu’elle a déjà gagné. Remplaçons au plus vite à Strasbourg et à Bruxelles ces mondialistes, libéraux autant qu’atlantistes, par des européistes authentiques et l’extrême-droite retournera dans les oubliettes de l’histoire.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
PS: l'image à l'envers, c'est voulu ;)
01:35 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Communiqués, Présidentielles 2022, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marine le pen, nicolas sarkozy, thomas ferrier |
14/03/2012
Portrait de candidats au scalpel: Front vs Front
Marine Le Pen, 43 ans, candidate du Front National aux élections présidentielles 2012.
Après de nombreuses épurations internes, la plus hémorragique étant celle de 1998 où les partisans de Bruno Mégret ont quitté un navire qui leur apparaissait à la dérive, en janvier 2011, Marine Le Pen, fille du président en exercice depuis la fondation du parti en 1972, devient officiellement dirigeante du FN et en conséquence candidate à l’élection présidentielle de 2012. Sa victoire interne n’est pas le résultat d’une ascension naturelle, d’une circulation des élites au sein de l’appareil politique qui aurait bien fonctionné, ou d’une joute d’égal à égal face à un adversaire déterminé.
Elle est en vérité un constat d’échec, l’incapacité d’un parti politique à renouveler ses cadres et à proposer un autre contrat à ses militants et ses électeurs. En quarante ans d’âge, le FN n’a rien de mieux à proposer que la propre fille du chef, héritière d’une boutique familiale. Ce résultat est aussi la conséquence d’une structure en déliquescence, avec un nombre d’adhérents dérisoire par rapport aux grosses machines électorales que sont le PS et l’UMP. Ce fait est apparu notamment lors du processus de collecte des parrainages d’élus, et notamment de maires, préalable à la candidature proprement dite. Elle payait là la dernière épuration en date, celle des militants catholiques traditionnalistes qui avaient choisi Bruno Gollnisch comme président, celle aussi de Carl Lang et de ses partisans, idéologiquement peu compatibles avec une ligne pacifiée, mais agents de terrain efficaces.
Adepte d’une ligne plutôt nationale-libérale, Jean-Marie Le Pen s’était présenté comme le rassembleur de la « droite nationale », toutes tendances confondues, atténuant en cela sa démarche autocratique et népotique. Il savait flatter les différents camps, et souvent pardonner après chaque crise. Il était l’artisan d’une « union patriotique » en 2007, sachant tendre la main au « félon » Mégret, union qui fut sciemment sabotée par Marine Le Pen. Cette dernière a privilégie au contraire une ligne plutôt nationale-sociale, son « nationalisme » se limitant à une dénonciation permanente, et caricaturale, de l’Union Européenne, son « socialisme » se résumant quant à lui à une démagogie de tous les instants et à des plagiats du programme du Front de Gauche, énervant passablement ce dernier.
Ce virage « ethno-socialiste », ainsi que l’a qualifié Dominique Reynié, mais qu’on ne saurait certainement pas interpréter comme une nouvelle forme de fascisme, se retrouve en vérité dans tous les partis politiques, et tout particulièrement chez Mélenchon et Dupont-Aignan. Le côté « ethno » est de toute façon très discutable puisque la candidate du FN défend en vérité une conception purement administrative de la nationalité, comme tous ses adversaires. Si un ethno-libéralisme tente péniblement de la concurrencer à sa droite, autour du candidat Carl Lang, d’ethno-socialisme au sens strict, il n’y a pas. En revanche, aux yeux de la majorité de son électorat, et qu’importent les déclarations sincères mais en sens contraire de Marine Le Pen, elle est perçue comme détentrice d’une ligne mêlant nationalisme ethnique et démagogie socialisante.
Son ascension politique s’apparente à celle qui permit à Ségolène Royal de devenir la candidate du PS en 2007. Elle est en effet strictement médiatique, mais à la différence de Royal, Marine Le Pen a pu en outre bénéficier de l’aide directe d’une partie de l’appareil politique, et notamment de sa direction. Dès 2002, « Marine » apparaît aux yeux des media comme la plus apte à remplacer un vieux chef usé, à l’issue d’un second tour désastreux. En 2007, elle accompagne son père vers le seul véritable échec de sa carrière, un score qui ramène le parti à son démarrage de 1984. Adepte d’une dédiabolisation de forme comme de fond, Marine Le Pen, formée idéologiquement dans la continuité de son ex-beau-frère Samuel Maréchal, va alors connaître une ascension interne extrêmement rapide, alors même que la vieille garde tente par tous les moyens de l’en empêcher. Mais face à elle, le timide Gollnisch, incapable de s’opposer à son président, ne fait pas le poids et abandonne les uns après les autres, par son inertie, tous ses partisans. Si Jean-Marie Le Pen n’est au départ pas vraiment enthousiaste face à la montée de sa fille, il ne s’y oppose pas et finalement l’encourage en ce sens.
Bien que Marine Le Pen ait bénéficié d’une victoire résultant d’une confrontation aux apparences démocratiques face à Bruno Gollnisch, un rapport 2/3 contre 1/3, on peut considérer ce dernier davantage comme un sparring partner qui a surtout permis à « Marine » de débusquer ses adversaires à l’intérieur du parti, tous rapidement amenés à quitter le FN, de manière volontaire ou contrainte. A aucun moment, il n’a pris les traits d’un combattant déterminé à proposer une vraie alternative. Résigné, il devra subir les vexations de son ancienne adversaire, mais il est vrai qu’on est généralement son propre bourreau.
A la différence de son père, qui a cinquante ans de vie politique derrière lui, cinquante ans aussi de combat, à Suez comme en Algérie, et qui peut apparaître comme un self made man, Marine Le Pen n’a pas eu à se construire et a récolté essentiellement les fruits d’une œuvre paternelle. Ses lacunes idéologiques apparaissent évidentes et seront difficiles à combler, malgré les fiches que lui rédigent ses conseillers politiques. Par ailleurs, l’appareil dont elle jouit désormais de l’usage exclusif n’est pas en très bon état. L’apparition de nouveaux dirigeants à ses côtés, l’équipe d’Hénin-Beaumont en tête, le médiatique Gilbert Collard, et le technocratique Florian Philippot, et sans oublier son propre compagnon, Louis Aliot, ne suffit pas à masquer les faiblesses d’un parti qui se prétend « de gouvernement » alors qu’il n’a simplement pas les hommes de la situation.
La ligne politique choisie par Marine Le Pen est la fameuse « dédiabolisation », qui est la continuité de la démarche de 2007 qui n’a pas convaincu ses électeurs. Persuadée d’être inattaquable sur des thèmes comme l’immigration et l’insécurité, alors que Nicolas Sarkozy a prouvé qu’il était facile de détourner des électeurs en reprenant ces thèmes, elle a choisi d’adopter un ton violemment eurosceptique, reprenant cette idée réactionnaire par nature du « retour du franc », tout en l’associant à un discours sur l’état social, reprenant ainsi au PS et au Front de Gauche le thème de la défense de la fonction publique, celui de la laïcité, et enfin celui du rôle de l’état. Ce néo-gauchisme à la sauce nationale de Marine Le Pen prend une dimension ouvriériste. Mais l’ouvrier qui vote FN, bien qu’attaché au modèle social à la française, le fait avant tout en raison de l’immigration, et tout spécifiquement de l’immigration extra-européenne.
Croire, comme elle le fait, que l’ouvrier français est europhobe et étatiste, c’est mal le connaître. Et si Mélenchon ne parvient pas à (re)conquérir cet électorat, ce n’est pas en reprenant son discours, même en l’associant plus fortement à la dénonciation de l’Union Européenne, qu’elle sera convaincante.
Alors, bien sûr, elle est rappelée à l’ordre par le contre-modèle de 2007, et régulièrement se voit contrainte de revenir aux fondamentaux du parti, de reprendre un discours plus ferme sur l’immigration et sur l’insécurité. Mais est-elle crédible aux yeux d’un électorat excédé lorsqu’elle prend une défense forcenée des DOM-TOM, renonçant par exemple à instrumentaliser la départementalisation de Mayotte contre le président sortant, façon de prouver par l’exemple qu’il ne défend pas notre « identité nationale », ou lorsqu’elle explique qu’elle sera la candidate de l’égalité entre « français de souche » et « français immigrés », cette dernière notion étant contradictoire, ce qui est exactement le discours de tous les autres partis.
Jean-Luc Mélenchon, 60 ans, candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles 2012.
C’est parce que son avenir au sein du Parti Socialiste était bouché que, dévoré par une ambition personnelle évidente, « humain trop humain », le sénateur Jean-Luc Mélenchon, homme du sérail mitterrandien, et pouvant espérer une retraite extrêmement confortable, ses émoluments nationaux et européens lui permettant d’espérer 10.000 € par mois de retraite, selon le journaliste Jean Quatremer, décide de quitter son parti. Il s’inspire ce faisant de l’émergence d’une gauche radicale en Allemagne réunissant des ex-SPD du WASG autour du sympathique Oskar Lafontaine et des anciens communistes d’Allemagne de l’Est de l’ex-SED, devenu PDS, autour du moins sympathique Gregor Gysi. Son « Parti de Gauche », qui correspond plus ou moins à une traduction de « Die Linke » en Allemagne, s’élargit en Front de Gauche lorsqu’il s’associe avec le PCF, comme c’est le cas pour ces élections présidentielles.
Oskar Lafontaine a conservé le sens du peuple, et n’a jamais hésité à tenir des discours pouvant plaire à une gauche allemande qui apprécie les analyses du social-démocrate Thilo Sarrazin sur l’immigration extra-européenne, ayant même scandalisé les bien pensants en évoquant de manière négative les Fremdarbeiter, « travailleurs étrangers », expression connotée que les conformistes préfèrent qualifier de Gastarbeiter, « travailleurs hôtes ». Jean-Luc Mélenchon, qui aspire à ramener dans son giron les électeurs ouvriers tentés par un vote FN, en revanche, ne comprend pas le peuple. L’électorat populaire est en vérité sur la même ligne que cet élu communiste courageux qu’est André Gérin.
L’électorat communiste des années 70 et 80 soutenait une démarche socialiste autoritaire mais aussi patriotique, à l’instar du modèle soviétique. Toutes les propositions libertaires du candidat Mélenchon auraient été passibles des tribunaux en URSS. Ce régime interdisait l’avortement, réprimait l’homosexualité, défendait la patrie « soviétique », et n’était pas loin sur certains points de la ligne idéologique de Pamyat, mouvement culturel adepte d’un nationalisme radical. C’est encore la ligne politique de l’actuel candidat communiste russe Guennadi Ziouganov. Ce « communisme Labiche », que vantait Céline, se retrouve aujourd’hui proche des thèses du FN. L’électeur « national-communiste » abandonné par son parti, qui défend désormais les thèses trotskystes, s’est naturellement tourné vers ce qu’il pensait trouver de plus proche, le discours social-national de Marine Le Pen, qui est certes un écran de fumée, mais pas davantage que les promesses socialistes de Jean-Luc Mélenchon. André Gérin, proche de la ligne historique du PCF, serait bien davantage capable de proposer à cet électorat une alternative à Marine Le Pen, mais il est isolé au sein d’un appareil s’offrant désormais aux thèses les plus libertaires de la radicalité gauchiste.
En reprenant les thèses de l’extrême-gauche trotskyste, faites de féminisme radical, d’islamophilie béate, l’un et l’autre unis paradoxalement contre la société occidentale, de pro-avortement extrême, d’égalitarisme transgenres, défendant le mariage pour les homosexuels tout en dénonçant dans le même temps l’institution du mariage (traditionnel) comme ringarde, d’apologie du métissage cachant en vérité un racisme europhobe, Mélenchon éloigne de lui des électeurs qui pourraient être lassés par la démagogie trop apparente de « Marine ». La légitimité de Mélenchon aux yeux de l’électorat est sur la question sociale, son libertarisme lui permettant certes d’assécher le marais gauchiste, LO et NPA étant promis à un score aux alentours de 0.5% chacun, et de marginaliser Eva Joly, privée d’une partie de l’électorat bobo en faveur de toutes les « excentricités morales ».
Or sur cette question du socialisme, quelle est la référence absolue de Jean-Luc Mélenchon ? François Mitterrand. En matière de socialisme, on a connu mieux qu’un ex-volontaire national, ex-cagoulard, ex-pétainiste, mais réel opportuniste. Mais il est vrai que le machiavélisme du premier peut inspirer le second. Car, et avec un certain succès, atteignant désormais 10% dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon se crée un nouvel espace politique lui permettant de négocier pour lui une bonne place au sein d’un gouvernement socialiste que mettrait en place François Hollande s’il était élu. Il pourrait ainsi remplacer Europe Ecologie, dont la candidate est créditée dans les sondages de 2 à 3% des voix, comme partenaire principal d’une gauche plurielle. Il a ainsi su remarquablement rebondir.
Si on compare Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, on constate que leur principale différence porte sur les choix de société, même si Marine Le Pen est beaucoup plus « progressiste » en matière de mœurs que le FN, mais pas sur les questions économiques. Tenté de rejoindre sur l’Europe les mêmes positions que Marine Le Pen - on se souvient en 2005 de sa tirade méprisante contre le peuple lituanien - il a néanmoins compris qu’un programme économique anti-€ et anti-UE ne serait pas crédible. Son internationalisme marxiste l’amène par exemple à se sentir proche du travailleur grec, comme il pourrait l’être autant ceci dit du travailleur nord-coréen ou vénézuélien, mais il ne comprend rien à la question européenne. C’est en outre un immigrationniste forcené, le terme même de « français » l’insupportant, favorable à l’ouverture des frontières nationales et européennes à la pauvreté mondiale, même si cela ruine les travailleurs français dont il se prétend le défenseur.
A l’europhobie de Marine Le Pen, qui ne va pas jusqu’à s’attaquer à l’idée même de civilisation européenne, répond l’europhobie fondamentale de Jean-Luc Mélenchon, qui au fond de lui-même, autant par son internationalisme idéologique que par son franchouillardisme pro-diversité, déteste l’Europe sous toutes ses formes, même s’il prétend s’en défendre.
Par ailleurs, chose qu’il partage là encore avec « Marine », Mélenchon ne supporte pas la contradiction. Tout comme elle qui dit « non » avec fureur lorsqu’un journaliste la met devant ses contradictions, à l’instar de Michel Field lui rappelant le sens des bals nationalistes de Vienne, Mélenchon s’énerve et menace. Jean Quatremer en a fait à plusieurs reprises les frais, pour avoir eu le tort de mettre en exergue la mansuétude supposée du candidat vis-à-vis des régimes populistes d’Amérique du sud. Or en démocratie le débat libre est essentiel. Ce style qu’on pourrait penser plébéien ne dessert toutefois par le candidat du Front de Gauche, qui aime à dénoncer les comportements arrogants de l’hyper-classe. Il parvient, alors que Carla Bruni n’arrive pas à faire croire que Nicolas Sarkozy et lui forment une famille « modeste », à accréditer son image d’homme du peuple, tout comme la fille du milliardaire de Saint-Cloud. Au moins Philippe Poutou, à défaut de penser comme un homme du peuple qu’il est pourtant, est un vrai ouvrier. Gauchiste certes, et donc complètement déconnecté des souhaits de l’ouvrier français, il ne trompe néanmoins pas sur la marchandise.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
16:29 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Présidentielles 2022 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-luc mélenchon, marine le pen, populisme, démagogie, caricature, thomas ferrier |
27/11/2011
Mythe n°9 : "le dieu cornu et la déesse-mère"
Contrairement à la vision coutumière d’un panthéon proto-indo-européen popularisé notamment par Marija Gimbutas, afin de défendre une prétendue religion pré-indo-européenne fondée sur le culte d’une déesse-mère, et en sens exactement contraire par l’ésotériste Giulio Evola, défenseur d’un modèle aristocratique et guerrier fantasmé, fondé sur une spiritualité solaire et patriarcale, les Indo-Européens disposaient, on l’a vu dans un article précédent, d’une religion polythéiste des plus classiques, avec des divinités masculines aussi bien que féminines très importantes incarnant les objets célestes et les forces de la nature. Le dieu « cornu », *Kernunos, c'est-à-dire *Pausōn (gr. Pan) et la terre-mère, *Dhghōm Matēr, étaient eux-mêmes des divinités indo-européennes .
Depuis de nombreuses années, les paléo-anthropologues cherchent à comprendre l’émergence du phénomène religieux chez l’homme moderne. Ayant retrouvé certaines représentations d’un homme-cerf et de petites statuettes féminines au large bassin, surnommées « Venus préhistoriques », ils ont alors imaginé une religion primitive fondée sur un couple de divinités formé d’un dieu cornu et d’une déesse-mère. Cette thèse a rencontré celle de Bachofen (XIXème siècle) sur le matriarcat primitif, idée que les sociétés humaines auraient reposé sur un pouvoir féminin, lié au don de la vie. Ce mythe moderne n’est au fond que l’adaptation de celui des Amazones, femmes guerrières mythiques ayant réussi à se passer complètement des hommes, à l’exception évidente de la procréation.
Des formes naïves de néo-« paganisme » moderne sont apparues au cours des années 70, reposant sur une forme d’éco-féminisme, parallèlement à des courants de néo-sorcellerie à la limite du satanisme. Popularisées par des séries américaines, comme Charmed ou Buffy, le mythe de la « bonne sorcière » a rencontré celui de la « païenne » sur le bûcher. L’idée que les sorcières honoraient Diane, ce dont les autorités ecclésiastiques médiévales et modernes accusaient certaines femmes, a eu la vie dure. Selon la démarche de ce nouveau courant ésotérique, les sorcières sont présentées comme les gardiennes de l’ancienne religion, non le paganisme classique que nous connaissons mais d’une religion préhistorique pré-indo-européenne. Le courant le plus symptomatique est la Wicca, qui réduit les divinités des différents panthéons, puisque ce mouvement se veut universaliste à sa manière, à un dieu-mâle assez timide et à une déesse-mère dominatrice. On retrouve ici cette croyance en l’existence d’un panthéon primitif réduit à une dualité qui émane de certains travaux historiques aujourd’hui obsolètes.
Notons qu’il n’est pas anodin que ce mouvement soit né aux Etats-Unis, pays des spiritualités de marge et de nombreuses sectes, car il existe une mauvaise conscience spécifique du peuple américain quant au martyr des innocentes « sorcières » de Salem. Samantha (Elisabeth Montgomery) dans « Bewitched » a également considérablement popularisé cette image d’une douce enchanteresse.
En réalité, le panthéon indo-européen connaît à la fois une déesse-mère, qui est la Terre personnifiée, et aussi une déesse aux dimensions guerrières, celle de l’Aurore, qui peut manifester aussi bien son côté aphrodisien que son côté athénéen, aboutissant dans ce second cas à la Zoria slave munie d’une épée, à Athéna Potnia en Grèce et bien sûr aux valkyries. Parallèlement, le dieu « cornu » y existe, au sein d’un panthéon qui intégrera aussi le dieu de l’orage et le dieu du soleil et fait du dieu du ciel son souverain. Le couple originel ciel/terre, qu’on retrouve dans le serment de mariage de l’hindouisme (« asmi dyaus, asi prthivi » en sanskrit, je suis le ciel [dit le mari], tu es la terre), en est la manifestation la plus évidente. On voit bien que cette « religion » wiccane repose sur des affirmations péremptoires qui ne résistent pas à l’analyse.
Si le paganisme reconstructiviste entend restaurer la religion ancienne des Européens, en s’appuyant sur les sources historiques et archéologiques, et ambitionne d’être la réponse européenne à la décadence civilisationnelle de notre continent, le néo-« paganisme », qui se place dans une logique mondialiste mélangeant tous les panthéons (grec, nordique, égyptien, chinois… etc), est l’expression même de la bourgeoisie occidentale déclinante. Toutefois, le second porte un tort considérable au premier, avec lequel il est parfois amalgamé.
Il n’existe pas de spiritualité masculine s’opposant à une spiritualité féminine, même si les hommes se sentiront davantage proches des dieux, qui sont des modèles qu’ils doivent s’efforcer d’imiter, et même si les femmes se sentiront davantage proches des déesses, pour les mêmes raisons. Il n’existe pas non plus de spiritualité solaire s’opposant à une spiritualité lunaire, ou de dieux dominateurs et guerriers imposant leur règne à de douces et pacifiques déesses. Les élucubrations d’Evola, non dénuées d’obsessions idéologiques, n’ont pas la moindre valeur scientifique à ce sujet, mais ceux qui croient à une religion matriarcale, pour d’autres raisons, n’en ont pas non plus. Les uns et les autres déconsidèrent l’objet de croyance qu’ils évoquent. Qu’Evola ait renié le seul ouvrage vraiment païen, « Impérialisme païen », écrit en 1926, qu’il ait pu écrire, est très signifiant. Il a subi l’influence catastrophique des pérennialistes, sorte de « mondialistes » spirituels, avec en tête René Guénon, regroupant au nom d’une « Tradition » primordiale des éléments disparates des différentes religions historiques. Guénon, à la fin de sa quête spirituelle, tournant le dos à l’Europe, se convertira ainsi à l’islam.
De la même façon, la version moderne appliquée à la religion de la thèse farfelue de Bachofen n’est pas plus intéressante. Il n’existe d’ailleurs pas plus de lutte des sexes que de lutte des classes, mais une complémentarité naturelle, facteur de santé civilisationnelle. La néo-sorcellerie naît d’une méconnaissance des données historiques, à savoir la confusion entre l’assassinat de jeunes femmes innocentes sous de fausses accusations venant de prêtres inquisiteurs et le fait que ces femmes auraient réellement été des sorcières. Il est évident que certaines « sorcières » ont été condamnées pour paganisme parce qu’elles répétaient, sans en comprendre le sens, des rites traditionnels païens, alors que d’autres, accomplissant les mêmes rites mais en version christianisées, comme les feux de la Saint Jean ou Noël, n’avaient aucun problème.
Seul le paganisme reconstructiviste a la légitimité historique et culturelle nécessaire pour représenter le retour de la foi envers les dieux dans nos sociétés modernes. Il ne repose pas sur des thèses modernes appliquées à des réalités anciennes, ni sur le « spirituellement correct » imposé par les media. Le plus beau cadeau fait au christianisme, c’est de lui opposer un néo-paganisme de carton pâte, né d’inventions doctrinales d’esprits peu qualifiés en ce domaine, et destiné à justifier sur un plan religieux les dérives libertaires d’une société en déclin. Les païens européens modernes ont encore beaucoup de travail afin de nettoyer leurs écuries d’Augias.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
19:20 Publié dans Anti-mythes, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : wicca, julius evola, bachofen, satanisme, sorcières, amazones, thomas ferrier |
Immortals - retour sur l'Olympe
Avertissement à ceux qui n’ont pas encore été voir ce film, film que je vous recommande. Cet article dévoile des éléments clé de l’intrigue.
Tarsem Singh, producteur indien, ce qui a pu influencer sa vision des olympiens, assisté des réalisateurs de 300, nous propose Immortals, en salle en France depuis le 23 novembre, un nouveau péplum en 3D utilisant les dernières technologies en matière d’effets spéciaux. Le scénario, écrit par deux helléno-américains, Charles et Vlas Parlapanides, est centré sur une Grèce de légende, au XIIIème siècle avant notre ère, à une époque proche de celle retenue par Petersen dans son Troy. A la différence du second, qui tentait de reconstituer une Grèce mycénienne crédible en guerre contre une Troie anatolienne, le film ne cherche pas le réalisme. L’Athènes classique, se retrouve ainsi propulsée sept siècles auparavant, et se voit ainsi située à côté d’un mont Tartare, et y apparaît plus brillante que l’historique.
Dans ce cadre mythologique dans lequel, à la différence de Troy et de 300, les dieux interviennent concrètement, le héros Thésée, réduit à son mythe le plus élémentaire, le combat contre le Minotaure, ce dernier étant incarné par un guerrier à masque taurin, est choisi par Zeus, qui l’a entraîné à son insu, grimé sous les traits d’un vieillard joué par John Hurt, pour s’opposer à un roi crétois dominateur et castrateur, au sens strict, incarné par le remarquable Mickey Rourke, jouant le personnage d’Hypérion (et qui est assimilable à Minos).
Comme dans Clash of the Titans, Zeus a interdit au nom d’une règle obscure aux dieux d’intervenir en faveur des humains, alors même que l’ennemi de Thésée envisage de libérer les Titans, en se servant de l’arc d’Héraclès, pour se venger de dieux inactifs face à son drame personnel. La vision de la religion est d’ailleurs très moderne, même si transposée aux dieux hellènes, opposant une forme d’athéisme d’état à une religiosité populaire méprisée. Pour les dirigeants, les dieux ne sont que des allégories poétiques, alors qu’ils sont authentiques pour les simples mortels. Ceux-ci font le choix de ne pas apparaître aux yeux des mortels, et ne comptant que sur la foi des mortels en eux-mêmes. Pourtant, il ne s’agit pas dieux distants, car ils ont le souci des hommes, mais de dieux contraints à l’impuissance.
Cette règle, toutefois, et malgré les menaces de Zeus de la faire appliquer en condamnant à mort ceux qui y dérogeraient, ce qui est étrange pour des dieux immortels, est contournée par Poséidon, Athéna et Arès. Il est assez surprenant que de tous les dieux, c’est Arès, le dieu de la guerre, très décrié dans la tradition grecque et dans la tradition mythographique moderne, qui prenne ses responsabilités, muni d’un marteau de guerre qui l’assimile ainsi au Thor nordique, en écrasant le crâne des adversaires d’un Thésée enchaîné. Il le paiera de sa vie, car en effet, dans cette fresque mythologique, les dieux apparaissent mortels, mais on comprendra à la fin qu’ils ne le sont que d’apparence.
Au final, les Titans, sortes d’anti-dieux à la peau bleue et lépreuse, se limitant à de sauvages grognements, sont libérés et obligent les dieux à combattre et à mourir pour en préserver l’humanité. Seul Zeus parvient à survivre, alors que ses frères, ses fils et ses filles meurent à ses côtés. Il emporte le corps de sa préférée, Athéna, sur l’Olympe, sans oublier de sauver Thésée, qui accède en récompense de ses actes à l’immortalité. En effet, le principe de l’immortalité de l’âme est explicitement affirmé, et le ciel se conquiert.
La dernière scène du film, vision du futur qui apparaît au jeune Acamas, fils de Thésée, explicite cette réalité, à savoir que le combat des dieux contre les titans, du cosmos contre le chaos, est éternel, et que les héros immortels combattent à côté d’eux pour protéger l’univers. Cette scène, qui rappelle le crépuscule des puissances (Ragnarök) de la mythologie germano-scandinave, évoque le principe cyclique d’éternité du monde. Certains commentateurs ont voulu voir l’affirmation de principes chrétiens, mais le film présente au contraire, même involontairement, même selon une lecture moderne des religions anciennes, une vision assez juste de l’antique paganisme.
Dans un style classique et épuré, où le statuaire grec est globalement respecté, même s’il est quelque peu « brekerisé », Tarsem Singh présente une population grecque essentiellement européenne, même si pour des raisons bien connues, il a été contraint d’introduire un petit pourcentage d’acteurs afro-américains dans son casting, mais toujours dans des rôles très secondaires. On imagine les pressions qui peuvent exister outre-atlantique pour imposer un casting cosmopolite, ce qui aboutit à choisir un afro-américain pour jouer le dieu scandinave Heimdall dans Thor ou une afro-américaine pour jouer l’iranienne Roxane dans le médiocre Alexander d’Oliver Stone. Singh semble se venger lorsqu’il aborde la question de la représentation des dieux. Ceux-ci portent des armures lorsqu’ils combattent et des tenues beaucoup plus légères dans les autres cas. Il a insisté de manière évidente sur le caractère nordique des dieux, même si Zeus reste d’un brun classique et a une barbe légère, conformément à la tradition et au statuaire antiques. Le choix d’une actrice indienne, Freida Pinto, pour jouer la prophétesse Phèdre et qu’il unit au héros Thésée, jouée par Henry Cavill, est surprenant mais semble réussi. Cette union symbolique de l’Occident indo-européen d’avec l’Orient indo-européen est une heureuse trouvaille.
Si Tarsem Singh a été plus prudent que Zach Snyder dans 300, afin d’éviter de bien embarrassantes critiques malgré son origine, il a tenté de réduire la « diversité » à son minimum syndical. La vision qu’il donne des dieux de l’Olympe en est d’ailleurs l’antidote. Appréciable également est le début du film où les oracles parlent a priori en grec (moderne).
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
18:08 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Culture, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immortals, les immortels, zeus, arès, thésée, tarsem singh, freida pinto, thomas ferrier |
14/11/2011
Mythe n°8 : l’ « invasion indo-européenne »
A l’occasion de la sortie de l’ouvrage, au demeurant excellent, de Georges Sokoloff, spécialiste de l’histoire russe, « Nos ancêtres les nomades. L’épopée indo-européenne », chez Fayard, je me propose ici d’évoquer un mythe que reprend l’auteur à propos de l’origine steppique supposée des Indo-Européens, selon la théorie dite « des Kourganes ».
Rappelons en premier lieu les données dont nous disposons. Après l’époque des intuitions selon lesquelles les langues d’Europe, de la Perse et de l’Inde, étaient apparentées, idée pressentie par l’humaniste italien Filippo Sassetti au XVIème siècle, ce qui devait devenir la théorie « scythique » défendue notamment par Leibniz, le XIXème siècle s’ouvre sur des certitudes. Tant dans le domaine linguistique (Franz Bopp après l’anglais William Jones et le français Anquetil-Duperron) que dans le domaine religieux (Max Müller après Friedrich Schlegel), de nombreux auteurs prouvent une parenté linguistique entre la plupart des langues européennes, les langues iraniennes et celles du nord de l’Inde dites langues « indo-aryennes », auxquelles au XXème siècle on pourra ajouter les langues anatoliennes (hittite, louvite…).
Cette parenté témoigne de l’existence d’une langue-mère préhistorique, dont nous n’avons a priori aucune trace écrite, à moins que l’écriture de Vinca n’en soit une des rares expressions, qui a été baptisée par les linguistes proto-indo-européen. De nombreux travaux scientifiques ont permis de reconstituer une grande partie de ce vocabulaire commun, même s’il y a débat sur tel ou tel mot ou verbe, ce qui nous donne de précieux renseignements quant à la géographie de ce peuple ancestral, quant à sa religion, quant à son mode de vie. A partir de ces données, certains archéologues ont tenté de déterminer le foyer originel de ce peuple indo-européen.
Certains, comme l’archéologue allemand Gustav Kossinna, ont imaginé un foyer germano-scandinave, une théorie qui a connu des dérives calamiteuses au cours du XXème siècle, et qui a ensuite été réactivée par Jean Haudry. D’autres ont imaginé un foyer steppique ukrainien, ce qui est la thèse de la lituanienne Marija Gimbutas, du français Bernard Sergent, du franco-ukrainien Yaroslav Lebedynsky, spécialiste des nomades iranophones, thèse que reprend lui aussi le russophile Sokoloff. Certains historiens albanais ont même imaginé, par un nationalisme autant excessif que dévoyé, que c’était de leur pays que provenaient les Indo-européens.
Dans le domaine de la mythologie comparée, Max Müller a ouvert le bal en se basant sur la reconstruction linguistique du nom des anciennes divinités indo-européennes. Georges Dumézil choisit une autre méthode comparatiste, structuraliste, en renonçant au cours des années trente, à la méthode comparatiste classique (« Varuna-Ouranos », « brahmane-flamine », « Mars-Marut »), qui fut fructueuse mais incomplète. C’est Dumézil qui mettra en exergue les trois fonctions indo-européennes (souveraineté, guerre et production), synthétisée dans la vieille triade romaine Jupiter-Mars-Quirinus.
Alors que les travaux indo-européanistes avaient été repris par les saint-simoniens, premiers socialistes, et par toute une tradition de gauche en général, présentant les Indo-européens comme des sortes de républicains romains, soldats-paysans d’une société plutôt égalitaire, inventeurs d’une forme archaïque de démocratie, ils sont par la suite réutilisés par une partie de la droite nationaliste, notamment en Allemagne, les présentant au contraire comme une aristocratie guerrière, nordique ou non, partie de l’Europe de l’Est et conquérant la vieille Europe à partir du Vème millénaire avant notre ère. Cette hypothèse, dans un sens inversé, fut exploitée par Gimbutas pour opposer une artificielle Europe méditerranéenne proto-féministe à des conquérants indo-européens violemment patriarcaux tout aussi artificiels. L’idée, inspirée de Bachofen, est que les Européens préhistoriques honoraient des divinités féminines, chtoniennes et lunaires, alors que les conquérants indo-européens honoraient des divinités masculines, ouraniennes et solaires.
Revenons donc à la source même de ces travaux, la linguistique. Et Sokoloff est ainsi contraint de reconnaître que certaines données ne cadrent pas avec l’hypothèse dont il se fait le relai, même s’il n’ose pas aller au bout du raisonnement. Présenter ainsi les Indo-européens comme un peuple nomade d’éleveurs paraît insolite et nous verrons qu’il n’en est rien.
Le vocabulaire indo-européen commun permet de retrouver un grand nombre de termes liés à l’agriculture, comme le champ, *agros, ou le soc, *wogwhnis, ainsi que le nom de la plupart des animaux fermiers, notamment le bœuf, *gwous, et le porc qui dispose même de deux termes pour le décrire, *sus et *porkos, ainsi que la volaille, *awis. Si le mouton est bien présent, *owis, rien ne permet d’affirmer qu’il était un animal spécialement respecté, au contraire de son ennemi traditionnel, le loup (*wlkwos), qui jouit au contraire d’une image très positive, ce qui ne devrait pas être le cas si les Indo-Européens avaient été essentiellement des éleveurs. En outre, ils connaissaient la plupart des arbres et des animaux sauvages peuplant les forêts de l’Europe occidentale, septentrionale et centrale. Les PIE connaissaient aussi a priori le lion, *singhos, qu’on sait avoir peuplé notre continent avant sa disparition définitive à l’époque de l’empire romain.
Pour résumer, ils connaissaient tous les animaux des forêts, comme le cerf (*elnos), l’ours (*arktos), le sanglier (*eperos), la loutre (*utros), le renard (*loupekos), le castor (*bhebhrus), mais aussi les animaux marins, comme le dauphin (*gwelbhos) et le requin (*skwalos), et disposaient de bateaux (*naus). La maison (*domos) existe, tout comme le village (*woikos), la citadelle (*pelis) et même la ville (*wastu), vocabulaire incompatible avec l’idée d’un peuple nomade. Les institutions indo-européennes qu’on peut reconstituer sont le roi, *regs, garant du droit et sorte de président de l’assemblée, et l’assemblée elle-même, *sebhos, composée des citoyens libres (*keiwos). Il existait des prêtres (*bhlagmen) dont on ne sait pas s’il s’agissait d’une caste sacerdotale comme les druides celtes ou de citoyens disposant d’une charge religieuse comme dans l’ancienne Rome.
En matière de religion, l’hypothèse de Gimbutas ne tient pas. Si les PIE possèdent en effet des divinités célestes importantes, à l’instar du dieu du ciel (*dyeus), du dieu de l’orage (*maworts ou *perkwunos) et du dieu du soleil (*sawel), ils possèdent également des divinités féminines de premier plan, comme la déesse de l’aurore (*ausos) et plus encore comme la déesse de la terre (*dhghom). Or l’existence d’une terre-mère était selon Gimbutas la caractéristique des populations proto-européennes et non-indo-européennes, ce qui est erroné. En fait, les Indo-Européens avaient les divinités classiques des peuples polythéistes, à savoir les forces de la nature incarnées et divinisées, et aussi quelques divinités conceptuelles (« le foyer », « les chemins »… etc). Le dieu cornu, que certains mythologues avaient considéré comme non-indo-européen, préhistorique, est lui-même une divinité d’origine indo-européenne, *kernunos (de l’indo-européen *kernu, « corne ») n’étant qu’un aspect d’un dieu des chemins et de la connaissance, *pauson (équivalent de l’Hermès grec, bien que son nom se retrouve dans celui du dieu Pan, fils du précédent).
L’homme indo-européen était donc à la fois citoyen, soldat et paysan, assurant ainsi les trois fonctions indo-européennes mises en exergue par Dumézil, mais qui n’étaient probablement pas séparées. Il vivait dans des villes ou des villages, comme les Européens modernes. Il maîtrisait l’agriculture et l’élevage en ferme des animaux domestiques, même si certains étaient bergers (*poimen). Il connaissait la roue et l’utilisation du cheval (*ekwos), dont la domestication est probablement ancienne, et du chien (*kwon). Enfin, il était également marin et/ou pêcheur à l’occasion. En revanche, on ignore s’il connaissait déjà le chat, même si on reconstitue péniblement un *katos, dont le nom pourrait ceci dit avoir été emprunté aux Egyptiens de très bonne heure.
Son foyer originel n’était donc pas spécialement l’Europe septentrionale, tout nom du renne par exemple étant inconnu, et encore moins l’Europe orientale, la région des steppes étant exclue pour les nombreuses raisons linguistiques évoquées. En outre, une école archéologique menée par l’italien Mario Alinei tend à démontrer qu’il n’y a eu aucune rupture civilisationnelle en Europe, invalidant l’idée d’invasion « indo-européenne », selon l’hypothèse de la continuité paléolithique européenne, qui est séduisante malgré certaines faiblesses, car on ignore comment le proto-indo-européen a pu demeurer intact pendant plusieurs millénaires sur une grande partie de notre continent et comment de nouveaux termes, désignant des découvertes technologiques, ont pu enrichir ce même vocabulaire.
Il faut donc admettre que, au contraire de cette théorie faisant des Indo-Européens de nomades de l’est de l’Europe envahissant le reste du continent en plusieurs vagues, et imposant leur langue, théorie qui a servi hier à justifier tous les extrémismes et aujourd’hui à rejeter l’héritage indo-européen pour les mêmes raisons, les Indo-Européens ont inventé la démocratie, la république (à la romaine) et une forme archaïque de socialisme. Ainsi les vieux Romains de la république, les Athéniens du temps de Périclès, les sociétés paysannes balto-slaves, les islandais du Xème siècle de notre ère, sont certainement restés les plus proches du modèle ancestral indo-européen que j’ai décrit. Les présenter comme une aristocratie guerrière venue de l’étranger ne tient donc plus.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
15:49 Publié dans Anti-mythes, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : indo-européens, proto-indo-européen, thomas ferrier, paganisme, romains, gimbutas, lebedynsky, georges sokoloff, sergent, haudry, vocabulaire commun, *dyeus, *maworts, démocratie, république, socialisme |
31/10/2011
Le fondateur de la République !
250 ans environ après la fondation de Rome par Romulus, le roi mythique et fils du dieu Mars en personne, Rome vit sous la tutelle d’un souverain étranger, un prince du nom de Tarquin, Tarchon en étrusque, dont le nom rappelle une ancienne divinité hittite de l’orage, Tahrun[tas], étayant l’hypothèse d’une origine anatolienne du peuple étrusque et base peut-être du mythe des origines troyennes de Rome.
Contrairement à son ancêtre Tarquin l’ancien, qui avait conservé dans le cœur des Romains une image plutôt positive et avait su se faire accepter, ce Tarquin se montre irrespectueux des institutions anciennes de la cité, et la tradition le qualifie de tyran. Il est qualifié tout particulièrement de l’adjectif superbus, qu’il convient de traduire dans son sens strictement latin, « orgueilleux ». La superbia latine correspond très exactement à l’hybris grecque, « la démesure » consistant à se prendre pour un dieu. La religion grecque estimait qu’il n’y avait pas de plus grande impiété, et même les héros n’étaient pas à l’abri d’une sanction divine, à l’instar de Bellérophon qui voulait rejoindre l’Olympe, monté sur le cheval Pégase, ou encore d’Icare qui voulait aller aussi haut que le soleil. La déesse Némésis, la « vengeance divine », se chargeait d’exécuter la sentence contre les fautifs, si ce n’était pas Zeus en personne, foudroyant le mortel imprudent.
Lucius Junius Brutus, frère de la belle Lucrèce, serait donc l’instrument de la colère des dieux. Rappelons les faits qui mirent le feu aux poudres et amenèrent les romains à fonder la première république de l’histoire, à la même époque à peu près où les structures de la démocratie athénienne voyaient le jour. Lucrèce, épouse fidèle et digne, contre-modèle féminin de Tarpeia, est violée par Sextus, fils du roi Tarquin, en l’absence de ce dernier parti guerroyer. Souillée, bien que contrainte, Lucrèce met fin à ses jours en se poignardant.
A la découverte du drame, Brutus s’empare du poignard recouvert de sang avec lequel sa sœur s’est tuée, et levant le poignard vers le ciel, en appelle au dieu Mars, le père des Romains, mais aussi un dieu réputé comme son homologue grec Arès pour sa férocité, afin que ce dernier par son intermédiaire venge son honneur et chasse de Rome les tyrans étrangers. Il s’appuie sur les Comices, l’équivalent de l’assemblée des citoyens, bien davantage que sur le sénat, au sein duquel demeurent des soutiens au souverain déchu. C’est donc bel et bien une révolution populaire afin de rendre à Rome sa liberté mais c’est aussi un choix politique nouveau, en rupture avec la royauté traditionnelle indigène, celle des quatre premiers rois de Rome. Ainsi naît la Res Publica, c'est-à-dire « l’Intérêt Général » incarné, qu’on pourrait traduire en grec par Demokratia, en 509 avant notre ère.
Cette révolution amène les Romains à combattre les Etrusques, alors maîtres du nord de la péninsule italique, que Tarquin ramène avec lui pour reprendre le pouvoir. Cela nous rappelle les royalistes en 1789 partis chercher du secours au sein des monarchies voisines et la tentative avortée de Louis XVI de s’y réfugier. Tarquin ne reverra pas Rome et les Romains sauront conserver leur indépendance les armes à la main. Ses biens seront saisis, et notamment sa propriété foncière, qui sera donnée au peuple romain. Cette dernière deviendra le Champ de Mars (Campus Martius) où se rassemblent les armées citoyennes à l’ouverture de la période militaire, prêtes à conquérir au nom de Rome de nouvelles terres et à soumettre les peuples voisins.
C’est donc au dieu Mars, en remerciement de son secours, et pour avoir permis à Brutus d’accomplir son serment, que ce domaine sera consacré. Mais le blé récolté, frappé d’impureté, sera offert à la divinité du fleuve Tibre et ne sera pas consommé. Le temple de Jupiter sur le Capitole, dont Tarquin avait commencé la réalisation, ne fut pas abandonné mais c’est désormais à un Jupiter Liberator, en plus d’être « très bon et très grand » (optimus et maximus) qu’il sera consacré, correspondant assez bien au Zeus Eleutherios des Grecs.
Comme l’avaient annoncé les augures à Romulus, Rome avait douze siècles devant elle. Deux siècles passés, Rome était libre et prête à conquérir le monde. Elle devrait subir l’humiliation de la victoire gauloise de Brennus, certes vengée immédiatement par Camille, et Hannibal à ses portes, mais au nom de la liberté de ses citoyens, qui avaient cessé d’être des sujets, au nom d’une conception sociale et héroïque de l’homme, tant que ses dieux seraient honorés, Rome rayonnerait. Le poète italien Carducci au début du XXème siècle, se souvenant avec nostalgie de cette Rome virile et païenne, osa déclarer que Rome cessa d’être victorieuse « le jour où un galiléen roux monta les marches du capitole ».
Brutus, dont le nom soulignait son caractère brutal ou son intelligence limitée, portait un nom fondamentalement lié au dieu de la guerre, que la mythologie ne présente pas toujours, comme son cousin du nord Thor, comme un esprit éclairé, à la différence de sa sœur Minerve. Héritier de ce fait du noble lignage de Romulus, son devoir était tout tracé. Il alla même jusqu’à regarder en face deux de ses fils, qui avaient trahi les intérêts de Rome, alors qu’ils étaient exécutés. Symbole du devoir et du dévouement à sa patrie, c’est son image qui dans l’esprit de Brutus le Jeune l’amena à l’irréparable.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que César, héros du peuple, et qui n’aspirait probablement pas à se faire roi, se souvenant de cette haine des tyrans que Brutus avait enseignée, était lui-même protégé par Mars. Le dieu, qui avait apporté son soutien à Brutus l’Ancien et aussi à la fin du IIème siècle à Brutus Callaicus, ce en quoi le dieu en avait été remercié par la construction d’un temple en son honneur, avec une magnifique statue réalisée par le sculpteur Scopas, le représentant apaisé, son fils Cupidon jouant avec ses armes à ses pieds, se mit du côté d’Octavien et d’Antoine, vengeant le conquérant de la Gaule.
Beaucoup de nos jours se disent « républicains », en particulier en France, mais ne savent pas pourquoi. Alors qu’ils se rangent au service d’intérêts étrangers et d’une domination tarquinienne, celle du capitalisme international et de la finance mondialisée, et qu’ils trahissent le peuple, ils se revendiquent tout comme le jeune Brutus d’une tradition qu’ils méprisent ou simplement ne comprennent plus. Brutus l’Ancien nous rappelle qu’un vrai républicain soumet tout aux intérêts sacrés de sa patrie. Qui seront les « Bruti » qui libéreront les Européens de tous ces jougs ? Ceux qui établiront la République Européenne, forte et prospère, réconciliant Mars et Mercure sous le patronage d’un nouveau Jupiter Libérateur, l’époux taurin d’Europa.
Aux Tarquins du Système, nous répondrons donc « souvenons nous de Lucius Junius Brutus, qui donna jusqu’à sa vie pour sa patrie ». Nous combattrons jusqu’à ce que l’Europe renaisse, jusqu’à ce que, nouveaux romains, les Européens soient à nouveau maîtres chez eux, souverains de leur sol, gardiens de leur lignage. L’Europe souillée, c’est Lucrèce violée. Lucrèce vengée, c’est l’Europe libérée.
Thomas Ferrier
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20/06/2011
De iure sanguinis. L’authentique conception française de la citoyenneté
Samedi soir, dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché », Nathalie Kocziusko-Morizet, opposée à Eric Zemmour, a affirmé que la tradition française était le « droit du sol » (ius soli). Il n’est pas rare en effet que de manière péremptoire de nombreux politiciens rappellent cette « évidence », par exemple des souverainistes expliquant que le « droit du sang » relève de la conception allemande de la citoyenneté, ou des responsables politiques de gauche comme de droite pour évoquer une prétendue tradition d’ouverture à la française, un universalisme qu’on ne retrouverait pas dans les autres pays européens.
Y a-t-il eu une exception française de la citoyenneté, ce fameux « droit du sol », qui s’est ensuite répandue ces dernières années en Allemagne, en Grèce et demain en Italie si le Parti Démocrate accédait au pouvoir ?
En réalité, ce qui est choquant, et on peut regretter qu’Eric Zemmour n’est pas réagi immédiatement à ce propos, mais il est vrai que le cadre de l’émission ne s’y prêtait guère, le présentateur vedette s’évertuant à limiter le plus possible la parole à son chroniqueur, c’est qu’une responsable politique importante connaisse si peu l’histoire de son pays et se permette d’énoncer des contre-vérités en dogmes.
Le droit du sang (dikaion tou aimatos en grec, Abstammungsprinzip en allemand) remonte à l’antiquité grecque, où il était en vigueur dans la plupart des cités grecques et notamment à Athènes. Alors que sous ses prédécesseurs, des étrangers (bien que grecs) avaient été naturalisés, Périclès en 451 avant J.C prend la décision de proposer au vote des citoyens une loi instaurant de manière exclusive le principe d’accès à la citoyenneté par droit du sang. Ainsi, pour être citoyen athénien, il faudrait être né de père et de mère citoyens, mariés conformément aux lois de la cité. Périclès fit d’ailleurs réviser les listes de citoyens afin de rayer les noms d’étrangers naturalisés notamment sous la tyrannie des Pisistratides. On retrouvera ensuite ce principe aux premiers temps de la république romaine, l’appartenance à chacune des tribus romaines étant héréditaire.
Du temps de la monarchie capétienne, comme dans l’Angleterre voisine, les sujets du royaume l’étaient en fonction de leur lieu de naissance. En clair, « tout sujet né sur les terres d’un seigneur est sujet du dit seigneur ». Le droit du sol était donc à l’origine le droit féodal. Mais, en 1789, éclate la révolution française. Les révolutionnaires, avant le virage patriotique de 1792, espèrent répandre l’esprit de la révolution chez les autres peuples européens, au nom d’une France universelle des droits de l’homme se substituant à l’universalisme chrétien de la « fille aînée de l’église ». En réalité, juristes de droit romain et juristes révolutionnaires/républicains réfléchissent à la mise en place d’une nouvelle définition de la citoyenneté se basant sur le modèle antique.
Le travail commun de ces juristes sera de proposer comme condition d’accès à la citoyenneté le droit du sang patrilinéaire. A une époque où les mariages étaient entre européens, le paterfamilias conférait à son épouse et à ses enfants sa citoyenneté. Pour être français, il fallait donc être de père français. Le consul Napoléon Bonaparte validera cette proposition. L’armée républicaine puis impériale se chargera de répandre la nouvelle règle en Europe, au gré des conquêtes de l’empereur. C’est ainsi que l’Allemagne adoptera le droit du sang, en émule de la France, qu’elle renforcera en 1913, et y restera fidèle jusqu’en 2000, de même que l’Italie, qui l’a conservé jusqu’à aujourd’hui.
Alors d’où vient le nouveau « droit du sol » dont NKM a cru qu’il était consubstantiel à notre pays, contre les faits historiques ? De 1889. A cette époque, la France vaincue il y a dix-neuf ans par la Prusse cherche à rivaliser avec sa voisine tant sur le plan militaire que démographique. De nombreux européens de souche vivent en France, où ils sont parfois nés, mais ne remplissent pas les devoirs réservés aux citoyens. Ceux-ci doivent fournir un service militaire de plusieurs années. En 1889, le législateur prend donc la décision de favoriser la naturalisation des étrangers installés ou nés en France, tous européens, en ajoutant au droit du sang un droit du sol complémentaire. On oublie bien souvent que beaucoup de français, aujourd’hui encore, le sont par le droit du sang, qu’importe leur lieu de naissance. Celui-ci n’a donc pas été aboli mais affaibli par l’ajout de conditions nouvelles d’accès à la citoyenneté. Ainsi, la mesure de 1889 était destinée à gonfler les effectifs de l’armée et à permettre une mobilisation générale plus importante en cas de nouvelle guerre avec l’empire allemand. C’était une décision destinée à gonfler artificiellement le nombre de français, à une époque où l’immigration était exclusivement européenne et ne posait aucun problème.
En conclusion, le ius sanguinis est donc le droit démocratique par excellence, instaurée par le père de la démocratie athénienne, Périclès lui-même, restaurée par la révolution française après quelques années d’ambiguïté et répandue en Europe par le premier consul. Jusqu’en 2010, il était en vigueur de manière exclusive en Grèce, les fondateurs de la nation grecque en 1830 n’ayant pas oublié l’Athènes du Vème siècle. Dans les années 80, l’ancêtre de l’UMP, le RPR de Jacques Chirac et Charles Pasqua, prônait son rétablissement. Car à notre époque c’est bel et bien la « gauche » qui sabote ce principe démocratique en favorisant la règle oligarchique du ius soli. Schröder en 2000, Prodi en 2005 et Papandreou en 2010 ont ainsi cherché à mettre fin au règne sans partage du ius sanguinis. Seul Prodi a échoué, étant chassé du pouvoir par un retour fracassant de Berlusconi. Mais le Parti Démocrate italien, alors que le cavaliere a été battu aux dernières élections locales et lors de quatre referenda, s’il devait arriver au pouvoir après 2013, reprendrait certainement cette réforme, ce qui serait suicidaire, alors que l’Italie subit actuellement des flux migratoires massifs en provenance d’Afrique.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
00:04 Publié dans Anti-mythes, Billets, Histoire, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droit du sang, thomas ferrier, ius sanguinis, nkm, périclès, athènes, bonaparte, 451, 1889, abstammungsprinzip |