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15/08/2012

De la déesse de l’aurore.

Aurora.jpgEn ce 15 août, il me paraissait intéressant de consacrer un article à une déesse fondamentale au sein des mythologies indo-européennes, déité vierge uniquement lorsqu’elle adopte une dimension guerrière, à l’instar de Pallas Athênê en Grèce.

A l’origine, les divinités indo-européennes patronnent les éléments de la nature, et en particulier le ciel, la terre et les astres, mais aussi les phénomènes atmosphériques. Jean Haudry a notamment démontré que le système trifonctionnel indo-européen était appliqué aux cieux, ceux-ci se partageant entre le ciel de nuit, correspondant aux forces telluriques et infernales, le ciel de jour, correspondant à la lumière des divinités souveraines, et enfin le ciel intermédiaire, le *regwos (ou « érèbe »), ciel auroral et crépusculaire, lié à la couleur rouge, mais aussi ciel d’orage. Les trois couleurs sont donc le blanc de la souveraineté, le rouge de la guerre et le noir de la fonction de production. Dans ce schéma, le ciel nocturne, domaine du dieu *Werunos (« le vaste »), qui donnera Ouranos en grec et Varuna en sanskrit, peut être remplacé par la terre, domaine de la déesse *Dhghom (« Dêmêter »), épouse du dieu céleste *Dyeus (« Zeus ») et en ce sens surnommée *Diwona (« celle de Dyeus »), qu’on retrouve dans le nom de la divinité romaine Dea Dia, probablement aussi dans celui de Diane, et dans la grecque Dionè, mère d’Aphrodite, respectant ainsi ce code de couleurs.

Le ciel intermédiaire est patronné par deux divinités fondamentales des panthéons indo-européens, à savoir le dieu de l’orage, *Maworts (génitif *Mawrtos), et la déesse de l’aurore *Ausōs (génitif *Ausosos), l’un et l’autre formant réunis probablement à l’origine un couple divin, couple qui sous la forme de Mars et de Venus inspirera les artistes depuis Homère. *Ausōs portait plusieurs épiclèses importantes, *bherghenti (« celle qui est élevée ») et *Diwos *dhughater (« fille de Zeus »), mais était également liée à la racine *men-, relative à tout ce qui relève de l’intelligence.

La triple aurore grecque.

Le déesse grecque de l’aurore est Eôs, une déesse mineure du panthéon hellénique, qu’Homère qualifie d’ « aux doigts de rose », et pour laquelle peu de mythes sont associés, à savoir celui des amours d’Arès et d’Eôs d’une part et celui de Tithon d’autre part, amant troyen dont elle avait demandé à Zeus de lui accorder l’immortalité, mais en oubliant de lui faire accorder également la jeunesse éternelle, ce qui en fit de fait le premier zombie de la mythologie.

Si Eôs, déesse pourtant fondamentale des panthéons indo-européens, est si mineure, c’est en fait parce que son rôle a été repris par deux nouvelles divinités, qui étaient probablement à l’origine de simples épiclèses de l’Aurore, à savoir Athéna et Aphrodite. Même si leur étymologie est obscure, on peut émettre quelques hypothèses sérieuses. Athéna est formée de la racine *-nos/a qui désigne une divinité (exemple : Neptu-nus à Rome, Ðiro-na chez les Celtes) et de la base athê[- qui pourrait être liée à l’idée de hauteur. Athéna serait ainsi la déesse protectrice des citadelles, comme l’acropole d’Athènes. Elle incarne l’Aurore guerrière, casquée et armée. Quant à Aphrodite, son nom a été rapproché de celui de la déesse ouest-sémitique Ashtoreth (« Astarté »), déesse tout comme elle honorée à Chypre. S’il est probable que les deux déesses ont été associées dans l’esprit des chypriotes grecs, cela ne signifie pas pour autant qu’Aphrodite serait d’origine sémitique. En fait, son étymologie classique de « née de l’écume des mers » pourrait bien être la bonne, car on peut la comparer avec le nom de petites divinités féminines indiennes, les Apsaras, nymphes érotiques peuplant le Svarga (« paradis indien ») du dieu Indra dans la tradition védique, et elles aussi nées sorties des eaux. Elle incarne l’Aurore amoureuse, symbolisée par la rose.

Enfin, Athéna est la fille de la déesse de la sagesse, Mêtis (p.i.e *Men-tis) dont le nom rappelle très précisément celui de la déesse Minerve, son équivalente latine.

Cela nous amène à constater l’existence de trois déesses de l’aurore, celle du phénomène atmosphérique (Eôs), celle de la guerre défensive (Athêna) et celle du désir amoureux (Aphrodite), déesses par ailleurs toutes liées au dieu de la guerre Arês. Eôs et Aphrodite ont en effet été l’une et l’autre la maîtresse du dieu, alors qu’Athéna est présentée comme sa rivale sur les champs de bataille par Homère mais était souvent honorée aux côtés du dieu, comme dans le temple d’Arès à Athènes. En outre, même s’il existe par ailleurs un Zeus Areios, une version guerrière du dieu suprême, parmi toutes les déesses, seules Athéna et Aphrodite sont qualifiées d’Areia. Arês joue ici son rôle originel, celui de dieu de l’orage et de la guerre, même si, sous l’influence crétoise, les Grecs ont préféré conférer désormais à Zeus cette fonction de dieu foudroyant, qu’en revanche son homologue germano-scandinave Thor conservera.

Déesse de l’amour et de la guerre.

*Ausōs est donc une déesse plutôt complexe, liant deux aspects qui peuvent paraître contradictoires. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène propre aux divinités indo-européennes, puisque la déesse proto-sémitique *Ațtartu associait ces deux rôles, tout comme la déesse sumérienne Inanna, même si en revanche elle n’était pas aurorale. Par ailleurs, comme dans le cas grec, la déesse de l’aurore sous son nom propre a bien souvent perdu de sa superbe au profit de divinités nouvelles. Ce n’est toutefois pas le cas partout.

Dans le monde indo-iranien, la déesse Ushas (sanskrit) ou Ushah (vieux-perse) a conservé ses traits originels, même si elle partage désormais son rôle de déesse de l’amour avec la Venus indienne, la déesse Rati, « le Désir », mère du dieu de l’amour Kama comme Aphrodite est celle d’Erôs. Chez les Lituaniens, la déesse lituanienne Aushrinè reste au premier plan, alors que chez les Lettons, pour une raison inexpliquée, elle a changé de sexe et est devenu le dieu Auseklis et personnifie par ailleurs la planète Venus.

En revanche, chez les Romains, même si Aurora a conservé des éléments de culte plus solides, elle connaîtra une évolution parallèle à celle qu’elle a connue chez les Grecs. Si Aurora est Mater Matuta, « la déesse des matins », attestant de son rôle atmosphérique, elle n’est plus une déesse guerrière, son rôle étant repris par Minerve, et plus non plus déesse de l’amour, car Venus a pris le relai.

Dans le rôle de déesse aurorale guerrière, on trouve les Zoryas slaves (au nombre de trois), les Valkyries germano-scandinaves, toutes casquées et armées comme Athéna. Dans le rôle de déesse aurorale de l’amour, c’est en revanche Lada chez les Slaves et Freya chez les Germano-scandinaves. Cela explique pourquoi une partie des guerriers morts ne va pas au Valhalla pour rejoindre Odin mais au paradis de la déesse Freya, illustrant à l’état de vestige un rôle guerrier plus ancien. Freya, dont le nom signifie sans doute « chérie » (p.i.e *priya), est la Venus scandinave, alors qu’Ostara, déesse de l’aurore fêtée au moment de la Pâques germanique, est restreinte aux questions de fécondité de la nature.

La déesse albanaise Premtë, épouse du dieu de l’orage Perëndi, remplace Agim, « l’aurore », de même que la celte Epona, « celle du cheval », car une des représentations les plus anciennes est celle d’une Aurore cavalière. La Brighid celte, déesse vierge comme Athéna, et qui était appelée Brigantia par les Gaulois, patronnait les affaires guerrières, et apparaissait sous son aspect le plus cruel sous les traits de Morrigain.

Déesse de la planète Venus.

Indo-européens et Sémites ont, pour une raison mystérieuse, sans doute liée à la couleur de l’astre, associé l’Aurore et la planète Venus. En revanche, les Sumériens avaient lié la planète Venus à la déesse Inanna, aucune déesse spécifique de l’aurore n’apparaissant dans leur mythologie. Si les Akkadiens ont simplement remplacé Inanna par leur Ishtar, les peuples ouest-sémitiques ont en revanche associé l’astre à leur propre dieu de l’aurore, Shahar.

Une des particularités du dieu Shahar c’est d’avoir engendré deux frères jumeaux, qui sont Helel, dieu de l’étoile du matin, et Shalem, dieu de l’étoile du soir. On retrouve un phénomène comparable chez Aphrodite, Venus et le dieu letton Auseklis. Il est difficile de savoir si c’est un emprunt des Indo-Européens aux Sémites, ou bien des Sémites aux Indo-Européens, et à quelle époque. Chez les Arabes païens également, deux dieux jumeaux patronnent le matin et le soir, à savoir Aziz et Ruda.

Aphrodite est la mère de Phosphoros, également appelé Eosphoros, « porteur d’aurore », ce qui est significatif, et de son frère Hesperos. De la même façon, probablement par imitation de la déesse grecque, Venus est la mère de Lucifer et de Vesper, l’un et l’autre pouvant s’expliquer par le proto-indo-européen (*leuks-bher, « porteur de lumière » et *wesperos, « soir »). Enfin, les jumeaux divins de la mythologie lettone, fils du dieu du ciel Dievs, à savoir Usins (« Aurore ») et Martins (« Mars ») sont également associés au matin et au soir.

Si la planète Venus semble associée dès l’époque proto-indo-européenne à la déesse *Ausōs, l’introduction de deux fils patronnant le matin et le soir, un dieu du matin et un dieu du soir, semblent résulter d’une influence extérieure, sumérienne ou sémitique. Ainsi, chez les Celtes, les Germains, les Slaves par exemple, mais aussi en Inde et en Lituanie, on ne retrouve pas de « fils de l’aurore » patronnant le matin et le soir. Ce n’est le cas concrètement qu’en Grèce et à Rome, cette dernière ayant été en outre considérablement influencée par son aînée en Méditerranée. En outre, les jumeaux divins ne sont pas non plus « fils de l’Aurore », mais fils du dieu du ciel (Zeus en Grèce, Dievas en Lituanie, Dyaus en Inde), rôle repris à Rome par le dieu de la guerre (Romulus et Rémus sont fils de Mars et non de Jupiter).

Le mythe de la déesse-vierge guerrière.

On a pu constater que lorsqu’une déesse a remplacé l’Aurore dans son rôle guerrier, elle y a pris les traits d’une déesse virginale. C’est notamment le cas d’Athéna et de Minerve, comme si une sexualité accomplie était incompatible avec ce rôle plutôt masculin. Et c’est en raison d’une histoire d’amour que la valkyrie Brynhildr, amoureuse de Siegfried, connaîtra bien des tourments. Cette virginité est aussi l’apanage d’Artémis, déesse de la chasse et de la nature sauvage inviolée.

La déesse-vierge a été remplacée dans la mythologie européenne par la Vierge Marie, privée pourtant de tout rôle militaire. L’ « amazone » est devenue une sorcière, promise à la mort, et d’ailleurs Diane est considérée au moyen-âge comme la déesse par excellence du sabbat. La femme européenne pouvait apparaître comme une guerrière, ou en tout cas avait un rôle pour galvaniser les guerriers, même si elle ne participait pas directement au combat. Ce mythe se retrouve pleinement dans celui de Jeanne d’Arc, mais aussi dans les différentes incarnations patriotiques de la nation. Britannia est totalement calquée sur la Minerve romaine, et Germania ressemble à une valkyrie. La république française, incapable de rompre totalement avec le christianisme, a préféré une déesse-mère, Marianne, « petite Marie ». Elle a aussi choisi toutefois de se représenter en Cérès, déesse du blé, la fameuse semeuse, et non en divinité guerrière. On notera enfin que les Sans Culottes, et notamment Hébert, préféraient la déesse Raison, qui n’était autre que Minerve elle-même.

Venus sans Mars, Mars sans Venus.

De l’Athêna Potnia mycénienne à la déesse Raison, on retrouve une filiation que le christianisme même n’a pas réussi à rompre. Et face au puritanisme, la déesse Aphrodite a vaincu elle aussi. C’est dire si la déesse de l’aurore, en tant qu’Athéna comme en tant qu’Aphrodite, a joué et joue un rôle fondamental dans la psychê européenne. C’est elle qui raisonne Mars lorsqu’il est courroucé et l’occupe aux jeux de l’amour, délaissant alors le champ de bataille. Si Rome connut douze siècles de puissance, c’est parce qu’elle était la cité de Mars et de Venus, l’un et l’autre s’équilibrant, comme le souligna le poète Rutilius Namatianus. Et lorsque le politologue américain Robert Kagan définit l’Europe comme le continent de Venus, il nous rappelle que la puissance résulte de l’union des deux divinités, mais le dieu Mars est mal vu depuis un peu plus d’un demi-siècle en Europe. Lorsque Mars triompha, Venus était encore prisonnière des geôles vaticanes. Lorsque Venus triomphe, aujourd’hui, c’est Mars qui est sous les chaînes. Le déchaîner sauvera l’Europe. Car il n’y a pas de paix sans conflit (Venus sans Mars), et pas de science sans puissance (Minerve sans Mars).

Thomas Ferrier (LBTF/PSUNE)

07/01/2012

Jeanne d’Arc ou le fétiche nationaliste

Jeanne d'Arc,Nicolas Sarkozy,Front National,Europa,Athéna,nationaliste,européiste,Thomas FERRIER,PSUNEDominique de Villepin se fait poète pour chanter la geste johannique, alors que Nicolas Sarkozy vient de lui rendre hommage comme symbole de la France, suivi par Jean-Marie Le Pen qui la fête depuis maintenant près de trente ans chaque premier mai. Pour les 600 ans d’anniversaire de sa naissance, la droite encense la pucelle de Domrémy. Elle est un odieux symbole ultra-nationaliste selon Eva Joly, toujours mal à l’aise vis-à-vis de l’histoire nationale, et qui devrait s’intéresser aussi au saint patron de la Norvège, le roi Olaf, honni à juste titre par les Asatruar (néo-païens scandinaves) pour avoir voulu imposer de force la religion chrétienne à ses compatriotes.

A la différence de l’actuel président français, je ne me réveille pas européiste le matin pour me faire nationaliste le soir. Je suis européiste du soir au matin, au lever et au coucher. Croire, comme doivent le penser ses conseillers issus de l’extrême-droite, que la récupération du mythe johannique amènerait les électeurs nationaux à voter UMP au premier ou au second tour des élections présidentielles, est d’une naïveté confondante. Si MLP capitalise malheureusement, de plus en plus, les voix populaires, c’est parce que l’immigration n’est pas maîtrisée et que l’insécurité explose. Les paroles comptent moins que les actes, et Nicolas Sarkozy a certes beaucoup parlé mais n’a guère agi. Qu’il explique aux français ce qui l’a enchaîné serait la seule façon de se justifier. Mais cela l’obligerait à remettre en question tout le cadre constitutionnel français et institutionnel européen.

Aussi Jeanne d’Arc n’est-elle pas une figure semi-historique qui m’intéresse beaucoup, à vrai dire. Je n’oublie pas qu’à la cour du roi d’Angleterre on parlait français, que Richard Cœur de Lion, qui était suzerain dans tout l’ouest de la France, parlait donc la même langue que son complice des croisades et ennemi mortel Philippe Auguste. L’image d’une Jeanne libératrice de la France est elle aussi lorraine, d’Epinal pour être précis. Et d’ailleurs, ce ne sont pas des « anglais » qui l’ont mise à mort, même s’ils ont intrigué en ce sens, mais des « français ». Ici l’usage des guillemets est indispensable, car ces notions n’étaient pas si popularisées à l’époque, et le mythe de Jeanne prend tout son sens au XIXème siècle.

En fait, lorsqu’on connaît bien les mythologies indo-européennes, on repère immédiatement derrière Marianne et Jeanne des figures bien connues. Symbole de la république, Marianne n’est que Cérès, la fameuse semeuse de la pièce de 1 Franc, et son nom, certes issu de Marie, devrait au contraire être rapproché du mot « mère ». C’est Déméter qui nourrit et protège le peuple, et qui est la mère de tous les citoyens. La déesse Raison mise en avant par les hébertistes n’était-elle pas Minerve/Athéna. Et Jeanne la pucelle rappelle la version guerrière de la déesse indo-européenne de l’aurore. C’est Artémis la déesse vierge, chasseresse et sauvage, l’amazone par excellence. C’est surtout Athéna Parthenos, c'est-à-dire « Pucelle », avec son casque, sa lance et son bouclier, déesse de la guerre galvanisant les guerriers. C’est la Morrigan celte accompagnée de ses corbeaux, ou la Valkyrie envoyée sur le champ de bataille par Odhinn.

Jeanne n’est donc de fait qu’un énième avatar de la déesse Athéna, et de ses homologues modernes, à l’instar de Britannia et de Germania. C’est ainsi que Jeanne est Francia, de même que Francus, tout comme Enée, aurait amené en Gaule la statue de la déesse, le fameux Palladion de Troie, selon une version médiévale tardive de l’origine de la nation, reprise par Ronsard. A l’époque des nationalismes d’Europe du XIXème siècle, la nation devient une sorte de déité païenne à laquelle il faut rendre un culte. Jeanne n’est donc en aucune manière un symbole catholique, les « anglais » de l’époque étant d’ailleurs autant catholiques que les « français » et on pourrait en faire une sorte de prêtresse guerrière païenne ayant entendu sous un chêne le dieu Taranis en personne lui demander de défendre les Gaulois contre l’envahisseur (grand-)breton.

Mais le symbole de Jeanne aujourd’hui est nécessairement europhobe, et c’est en ce sens qu’il est exploité par le Front National. Elle est celle qui a chassé des frères européens, dont les élites parlaient français, de notre sol, au service d’un souverain qui ne valait pas plus qu'un autre. C’est de cette guerre de cent ans que naît d’ailleurs l’animosité entre anglais et français, et que l’Angleterre commence à se détourner du continent pour devenir la thalassocratie qu’on connaît.

Jeanne d'Arc,Nicolas Sarkozy,Front National,Europa,Athéna,nationaliste,européiste,Thomas FERRIER,PSUNENotre symbole c’est Europa, qui est à la fois mère et guerrière, en tant que Déméter nourricière fécondée par le génie créateur de Zeus apparu sous forme taurine, et en même temps Athéna, guerrière en armes, incarnation de la suprême sagesse, protectrice des fils d’Arès que nous sommes, nous Européens, gardienne souveraine de la démocratie, qui fait de notre continent la terre de la liberté par excellence, conformément à notre nature, comme l’avait bien compris le premier européiste, Hippocrate. Et le 9 mai de chaque année, nous défilerons pour elle et pour personne d’autre.

Nicolas Sarkozy a commis une erreur majeure en voulant se jouer plus nationaliste que les nationalistes, alors même qu’il prétend défendre l’Union Européenne dans cette crise des dettes souveraines qui nous touche de plein fouet. Français, encore un effort pour (re)devenir vraiment européens ! Car c’est au niveau de l’Europe que pourra venir le salut et nulle part ailleurs. Il n’y gagnera aucun électeur supplémentaire, mais contribuera au contraire à l’europhobie ambiante.

Ni la France ouverte sur le monde entier des prétendus « socialistes » ni la France fermée de la droite ne doivent devenir notre avenir. C’est à la « France européenne » que nous nous adressons, c’est à l’Europe toute entière.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

01/01/2012

ZEUS/ΖΕΥΣ (et son ancêtre indo-européen *dyeus)

zeus_cc03.jpgZeus Patêr, « père des dieux et des hommes », était le dieu suprême du panthéon grec, et il peut être intéressant de retrouver la vision originelle que les anciens Grecs avaient de lui. La méthode comparative a permis de le relier au dieu romain Jupiter, dans sa forme originelle Diespiter, et au dieu indien Dyaus Pitar, reconstituant un ancien *dyeus pəter (*dieŭs pəter), qui est mot à mot « le ciel diurne père ». En tant que dieu du ciel lumineux, il s’oppose en théorie à un dieu du ciel étoilé, qui serait *werunos, et qu’on retrouve sous le nom grec d’Ouranos et sous le nom indien Varuna, dont le sens signifierait « le dieu vaste », même si certains spécialistes pensent que *werunos n’était au final qu’un aspect de *dyeus.

Alors que l’image classique d’un Zeus foudroyant nous vient naturellement à l’esprit, comme pour son homologue latin Jupiter, Zeus était au départ, on l’a vu, un dieu du ciel lumineux, privé ainsi de la fonction orageuse qu’on lui connaîtra. Ainsi, son homologue indien Dyaus, mais aussi le hittite Sius, le lituanien Dievas, et enfin le dieu germano-scandinave Tius/Tyr, sont des dieux purement célestes, alors que la foudre relève du dieu de deuxième fonction, dieu à la fois de l’orage et de la guerre, à l’instar de l’indien Indra, du hittite Tahrunt, du lituanien Perkunas ou encore du dieu germano-scandinave Donar/Thor. En revanche, ni l’Arès grec ni le Mars romain ne semblent disposer d’une telle fonction, même si certains mythes italiques dédiés au second relient bien ce dernier, de manière discrète, à ce rôle.

La religion proto-indo-européenne témoigne ainsi d’une opposition entre le dieu du ciel lumineux et le dieu du ciel orageux, entre *dyeus et *maworts, opposition qui sur un plan symbolique distingue le père et le fils. En tant que dieu d’un ciel intermédiaire, *maworts est lié à la déesse aurorale *ausos et s’il a pour père le maître des cieux, il a pour mère la déesse de la terre, parfois représentée dans ce rôle par l’épouse officielle du dieu souverain, à l’instar d’Héra. Thorr est ainsi le fils d’Odhinn, qui a repris une partie des rôles de Tyr, et de Jörd, la Terre personnifiée. Indra apparaît aussi comme le fils du couple ciel/ terre, c'est-à-dire Dyaus/Pŗthivi.

Une explication possible est de considérer cette évolution de *dyeus par l’influence des populations pré-indo-européennes de la région, et en particulier des Crétois. En effet, il ne semble pas que chez ces derniers le dieu du ciel et le dieu de l’orage aient été deux divinités identiques, et qu’un dieu guerrier ait existé privé de ce rôle. Cela pourrait expliquer pourquoi Zeus possède la foudre mais qu’Arès est cantonné à un rôle strictement militaire. Une autre explication serait qu’Héraclès, dont le nom signifie « gloire d’Héra », peut-être épiclèse à l’origine d’Arès, et dont l’héroïsme et l’usage d’une massue le rapprochent du Thor scandinave, ait fait concurrence au dieu guerrier. Mais, à aucun moment, et dans aucun mythe, Héraclès n’apparaît lançant la foudre.

Dans la mythologie grecque, Zeus a eu plusieurs épouses successives, sans parler de nombreuses maîtresses parmi les déesses et les mortelles. En premier lieu, il a épousé Thémis, la Justice, puis Mêtis, la Sagesse, correspondant ainsi aux principales valeurs incarnées par Zeus, à savoir la sagesse infinie, « Ahura Mazda » en vieil iranien, et la justice divine. Parmi ses maîtresses, Léda et Léto ont eu du dieu des jumeaux, les Dioscures (Castor et Polydeucès) de la première, Apollon et Artémis de la seconde. Léda et Léto semblent correspondre linguistiquement à deux divinités indiennes, à savoir Rati, déesse de l’amour, et Ratri, déesse de la nuit.

Les autres épouses et maîtresses apparaissent comme autant d’incarnations de la déesse-mère par excellence, la Terre. C’est bien sûr le cas de Déméter, de l’indo-européen *dhghōm məter, « terre-mère », mais aussi de Maia (la « Mère »), et probablement d’Héra, si on relie cette dernière à la racine *er(t)a qui désigne également la Terre. Les Indo-Européens pouvaient nommer l’épouse de *dyeus par du nom de *diwnī, « celle de *dyeus », désignant cette déesse dans son rôle de parèdre du dieu. On la retrouve sous les traits de la grecque Dioné, mère d’Aphrodite, alors que Danaé en revanche provient du nom de la déesse indo-européenne des eaux, *Danu.

Dans la tradition grecque, Zeus est bien géniteur de plusieurs dieux de seconde génération (Arès, Héphaistos, Apollon, Hermès, Aphrodite) mais partage le pouvoir avec ses frères (Poséidon et Hadès) et ses sœurs (Héra, Hestia et Dêmêtêr) et par ailleurs n’est pour rien dans l’existence des dieux célestes (Hélios, Séléné et Eôs) qui semblent même préexister à sa naissance.

En fait, la mythologie grecque aime à dédoubler ces trois divinités en autant de versions. Le Soleil est ainsi Hypérion sous sa forme titanienne, Apollon sous sa forme olympienne, et Hélios en général. La Lune est Phébé sous cette première forme, Artémis sous la seconde, et simplement Séléné. Quant à l’Aurore, Eôs, elle apparaît sous une forme olympienne à la fois sous les traits de la déesse guerrière Athéna et de la déesse amoureuse Aphrodite. En effet, la déesse indo-européenne de l’aurore, *ausos, possède ces deux dimensions simultanément. Le lien entre la déesse aurorale et le dieu orageux est assuré par l’existence culturelle d’une Athéna Areia et d’une Aphrodite Areia, toutes deux en relation avec Arès, et par un mythe faisant d’Arès l’amant d’Eôs, comme il l’a été selon cette fameuse version odysséenne, d’Aphrodite elle-même.

Sous l’influence anatolienne en effet, Zeus lui-même n’est pas le premier dieu, même si la tradition indo-européenne évoque certes un dieu des commencements, qui serait *yanos, d’où viendrait le nom du Janus latin, dieu antérieur à *dyeus mais sans filiation avec ce dernier, et qu’on pourrait retrouver avec Chaos en grec. Le premier dieu du ciel est ainsi Ouranos, suivi de son fils Cronos et enfin de son petit-fils Zeus. Cela ne correspond pas à la tradition indo-européenne où *dyeus est bien *pəter au sens fort, la seule exception étant alors l’existence d’une épouse, parce qu’elle-même *məter, et engendre tous les autres dieux et déesses composant le panthéon. Maître de la lumière, c’est sous la forme de ses trois fils principaux que se partage la chaleur divine, entre le feu céleste (*sawel, « l’astre solaire »), l’éclair ou feu de l’espace intermédiaire (*maworts) et le feu terrestre (*egnis, « le feu »). Ainsi Zeus est-il bien père d’Apollon, d’Arès et d’Héphaistos, qui correspondent à l’origine à ces trois dimensions ignées.

Enfin, de toutes les filles de *dyeus, la plus estimée est celle qui est qualifiée de *dhughətêr *diwos (fille de *dyeus), à savoir la déesse de l’aurore *ausos. On retrouve cette dimension chez les Grecs puisque Athéna, déesse la plus estimée par son père, est qualifiée elle aussi de « Fille de Zeus ».

Thomas Ferrier

Addendum:

Certains affirment que "Dieu" viendrait du nom de Zeus, alors que c'est plus complexe. On l'a vu, Zeus vient du nom indo-européen du dieu du ciel, *Dyeus. Ce dernier nom a servi pour former le terme générique en usage pour désigner un dieu ou une déesse, *deywos et *deywi (ou *deywa). Le *deywos est une émanation de *Dyeus. Alors que le nom de *Dyeus a donné le grec Zeus et le latin Dies (nominatif de Ju-piter), le mot *deywos a donné le latin deus, le celte devos, le sanscrit devas, le mot *deywi/*deywa ayant de son côté abouti au latin dea, au celte deva, au sanscrit devi. Sous l'empire romain, le mot Dieu (avec d majuscule), latin Deus (en grec Theos, bâti sur un autre terme indo-européen pour désigner une divinité, *dhesos), a été employé par les "païens" pour désigner le dieu suprême, Zeus/Jupiter, parfois remplacé par Hélios Anikêtos/Sol Invictus par certains païens de l'antiquité tardive, et a aussi été repris par les chrétiens pour désigner leur dieu unique.