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23/09/2012

Entre euroscepticisme et eurofuturisme…

sondage,IFOP,Le Figaro,euroscepticisme,européisme,opinion,Union Européenne,euroAlors que 76% des membres du conseil fédéral d’ « Europe » Ecologie – Les Verts ont voté contre le traité budgétaire européen promu par François Hollande et Angela Merkel, au grand dam d’un Cohn-Bendit qui en profite pour prendre ses distances avec ce mouvement, le thème européen n’apparaît décidément plus comme un élément fédérateur.

Un sondage IFOP, commandé par Le Figaro et consacré à la question européenne, de septembre 2012, matérialise ce désaveu dont l’idée européenne semble souffrir de la part du peuple français.

En premier lieu, le sentiment d’européanité, qui est ainsi confondu avec celui d’appartenance à l’Union Européenne, est au plus bas, puisque 7% seulement des personnes interrogées se considèrent comme européennes avant tout, et 9% de plus se considèrent comme européens parmi d’autres référents identitaires. Néanmoins, le fait d’être membre de l’UE reste intéressant pour 49% des français, contre 27% qui pensent le contraire. Cela ne signifie pas que pour autant l’UE reste crédible puisque sa gestion de la crise économique ne convient qu’à 24% des sondés, contre 76% qui l’estiment peu ou pas efficace. L’€, principal élément tangible de la construction européenne, n’est plus un atout que pour 23% des gens, 45% estimant au contraire qu’elle est un élément de handicap. Il l’est selon la majorité des sondés en matière de compétitivité de l’économie française (négatif pour 61% d’entre eux), de chômage (63%) et surtout en matière de niveau des prix, ce vieux mythe eurosceptique, l’€uro étant négatif à 89%. Néanmoins, aussi négatif soit l’€uro à leurs yeux, ils ne sont que 35% pour penser qu’il faudrait revenir au franc (l’expression adaptée aurait dû être de « retrouver une monnaie nationale ») contre 65% qui estiment le contraire. L’€-phobie reste néanmoins à un niveau assez haut, même s’il est inférieur à septembre 2011 et plus encore à mai 2010, mais elle n’a pas progressé d’une manière déterminante pour autant.

Le manque de solidarité européenne s’exprime nettement lorsque le cas grec est évoqué, l’idée d’une exclusion d’Athènes si elle ne parvient pas à réduire sa dette et son déficit, étant soutenue par 65% des personnes interrogées.

Enfin, en interrogeant les seules personnes en âge de voter en 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, le non aurait été de 64% (contre 49% dans la réalité) et le oui aurait été largement dominé avec seulement 36% des voix (contre 51% dans la réalité). Ce résultat témoigne que parmi les partisans de l’Europe politique en 1992, beaucoup sont désabusés et regrettent l’introduction de l’€uro, même si les partisans d’un retour au franc demeurent minoritaires.

Toutefois, même si ces résultats ne sont pas encourageants, les citoyens ne sont néanmoins pas nécessairement cohérents. Le fédéralisme européen séduit encore 40% des sondés, contre 60% qui souhaitent au contraire moins d’intégration européenne. C’est le score le plus bas pour cette question, mais cela reste une option crédible. L’idée d’une politique économique et budgétaire unique n’est pas repoussée, même si elle est minoritaire. Et on peut même parler d’ « eurofuturisme » pour 44% des français, qui estiment probable la mise en place d’un état européen unique, tel que le prône par exemple le PSUNE. Et c’est même le cas pour 46% des sympathisants du Front National, alors que 40% de ceux du Front de Gauche partagent leur avis.

Quant à la question de l’appartenance de la Turquie à l’Union Européenne, le rejet des citoyens n’a jamais été aussi fort. 84% des personnes interrogées sont opposées à l’adhésion turque. La politique intérieure turque, avec la réislamisation de plus en plus évidente de la rue turque, mais aussi avec l’autoritarisme accru de Recep Erdogan, rentre sans doute en ligne de compte. Mais c’est au moins une bonne nouvelle car toute initiative du gouvernement « socialiste » en faveur de cette option ne peut qu’être refroidie par cette opinion si hostile. Néanmoins 37% des sympathisants du Front de Gauche restent favorables à cette adhésion, sans doute et on le verra dans d’autres sondages, parce qu’il a en son sein le plus grand nombre d’islamotropes.

Ce sondage n’illustre pas seulement un clivage entre eurosceptiques et européistes, mais divise les familles politiques et même les genres. Ainsi, les hommes sont les plus favorables à l’Europe politique. 10% se sentent d’abord européens, 54% estiment que l’appartenance à l’UE est intéressante, 31% que l’€ est un atout, 40% auraient voté oui à Maastricht (contre 33% des femmes), 47% souhaiteraient une Europe plus intégrée (mais seulement 33% des femmes) et ils sont même 54% à croire à un état européen unique pour l’avenir.
Le sentiment d’européanité est le plus fort au MODEM et à Europe-Ecologie, en revanche il est inexistant au FN, preuve que la propagande europhobe de Marine Le Pen en a écarté les éléments pro-européens (Nouvelle Droite et autres), et faible au Front de Gauche (4%). En revanche, le Front de Gauche reste moins défavorable à l’UE (47% sont pour) alors que le FN y est très hostile (21% seulement des sympathisants FN considèrent l’UE d’une manière favorable).

Concernant le « retour au Franc », 37% des partisans du Front de Gauche le souhaitent, ce qui est à peine plus élevé que la moyenne, alors que 78% des partisans du FN y sont favorables. L’€uro est d’ailleurs un point de clivage entre l’UMP (20% d’anti-€) et le FN (80% d’anti-€).

Alors que les sympathisants FN semblent les plus opposés à l’UE, ils souhaitent pourtant l’exclusion de la Grèce de la zone €uro, à laquelle ils disent ne pas croire, à 81% et même à 85% si on ne compte que les électeurs FN. Le Front de Gauche est en revanche solidaire des Grecs à 54%.

Parmi ceux qui souhaitent une intégration européenne accrue, 15% des partisans du FN et 28% des partisans du FG s’y montrent favorables, ce qui monte que même au sein d’une mouvance europhobe, comme le FN, il reste malgré tout des partisans de l’idée européenne. 55% des partisans de l’UMP comme du PS sont également favorables à cette intégration. Enfin, parmi les 44% des français pronostiquant un état européen unique à terme, on retrouve ce pourcentage aussi bien à gauche qu’à droite, au Front de Gauche comme au Front National, mais c’est une idée surtout masculine.

La tradition politologique classique a toujours considéré l’électorat féminin comme davantage conservateur, et c’est pourquoi la République n’a instauré le vote des femmes qu’en 1946, ce qui est très tardif. Elle avait craint un temps que les femmes favorisent la victoire des monarchistes ou des cléricaux. Force est de constater que ce sondage IFOP renforce cette idée, même si demeure un socle solide de citoyennes favorables à l’Europe politique. Toutefois, l’exclusion de la Grèce si nécessaire est soutenue majoritairement par des hommes (à 69%), les femmes étant légèrement plus modérées (62%), et surtout par ceux pour qui l’esprit de solidarité aurait dû être le plus fort, ouvriers (72%), employés (69%) et professions intermédiaires (70%).

Un autre sondage IFOP pour Atlantico, consacré à la question du vote des étrangers aux élections locales est également intéressant à analyser. Rappelons que les citoyens des états membres de l’Union Européenne disposent déjà du droit de vote aux élections municipales et européennes en France. 61% des français s’opposent à l’attribution de ce vote aux étrangers « non européens », l’expression « non européens » pouvant d’ailleurs être comprise par certains sondés comme un synonyme d’« allogènes ». 41% sont même farouchement opposés à cette idée. Ils n’étaient que 45% en décembre 2011 à le refuser. De quoi faire réfléchir le PS alors que plus de soixante-dix de ses députés poussent le gouvernement à instaurer ce droit de vote.

Sur cette question, hommes et femmes sont à égalité dans leur refus d’un tel vote, le clivage étant essentiellement entre la gauche et la droite. 72% des électeurs de gauche souhaitent une telle innovation mais seulement 31% y sont très favorables. En revanche, 89% des électeurs de droite refusent cet élargissement du droit de vote, dont 89% des électeurs UMP et 92% des électeurs FN. Enfin, le MD de Bayrou est favorable au droit de vote des étrangers extra-communautaires à 53%, alors qu’une telle mesure, mettant citoyens de l’UE et étrangers hors UE à égalité est fondamentalement la négation de l’idée européenne. Autre clivage, l’âge. 45% des moins de 35 ans sont pour le vote des étrangers contre 37% des plus de 35 ans. Cela illustre aussi la montée en puissance du vote d’origine immigrée. Gauchistes et écologistes sont en pointe dans ce combat (à 76%), le PS étant légèrement plus prudent (71%), mais les plus acharnés sont clairement les Verts (41% de très favorable).

En conclusion, ces sondages montrent que si l’opinion majoritaire est plutôt dans le camp des eurosceptiques à court terme, cela ne va pas jusqu’à remettre en cause majoritairement la monnaie unique et cela n’implique pas véritablement un refus d’une Europe politique pour l’avenir, en tout cas un refus définitif. Même au sein de la formation la plus europhobe, on constate qu’entre 15 et 20% de ses partisans ne sont pas opposés à l’idée européenne, même si le sentiment d’européanité semble pourtant absent.

Si l’Union Européenne telle qu’elle est actuellement gouvernée déplaît et nuit fondamentalement à l’idée européenne, l’idée qu’une autre Europe est possible, et même l’idée qu’une autre Europe verra nécessairement le jour, avec un état européen unitaire à la tête du continent. L’esprit prométhéen des Européens n’est pas encore mort. En revanche, les français sont déterminés, et de plus en plus, à préserver leur identité, en disant non à la Turquie et non au vote des « étrangers non-européens » et c’est plutôt rassurant. Il reste à leur faire comprendre que c’est dans une Europe politique forte que cette identité sera la mieux préservée et que l’Etat français est leur principal adversaire en vérité, alors que les eurosceptiques leur font croire qu’il est leur protecteur. Confondre un bourreau avec un protecteur, voilà le mensonge naïf que Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen en tête voudraient nous faire avaler.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)