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28/07/2017

La religion des Tchétchènes et Ingouches.

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Vainakhs,Ingouches,Tchétchènes,Dela,SelaLes peuples vaïnakhs (Tchétchènes et Ingouches) du Caucase du nord, ont été christianisés puis tardivement islamisés, et alors qu’un régime actuel impose l’islam orthodoxe à la population tchétchène, l’Ingouchie reste davantage libre. C’est d’ailleurs des Ingouches qui en 1958, au retour de leur déportation en tant que peuple puni par Staline, construisirent un temple (symbolique) dédié au dieu de l’orage Sela (ou Seli).

La religion indigène de ces peuples est bien différente puisqu’elle repose sur une pluralité de divinités, avec les figures majeures du panthéon et des divinités mineures de la vie quotidienne.

Le dieu suprême, dieu du ciel et père des autres divinités, est Dela (ou Diala) qui a servi par la suite à désigner le Dieu des monothéistes. Il a pour épouse ou pour fille la déesse Tusholi, en charge de la fertilité du sol et de la fécondité des femmes. Tusholi n’est qu’un autre nom pour la terre-mère, qui est appelée Nana Latta.

Dela, dieu fondamental du panthéon, n’est pourtant pas le dieu le plus populaire. C’est son fils Sela, dieu de l’orage, guerrier et héros, qui bénéficie d’un culte plus important car il est plus proche des hommes. C’est un peu comme chez les Scandinaves où Odin est le dieu suprême mais où c’est son fils Thor qui est le plus populaire. Sela, tout comme Zeus, aurait également puni le dieu forgeron Pharmat, analogue au grec Prométhée, pour avoir volé le feu aux dieux et l’avoir donné aux hommes, en l’enchaînant à une montagne. Pour toutes ses activités guerrières, Sela est néanmoins associé à Moloz ou Molyz, dieu explicitement de la guerre, dieu accompagné de loups (borz) sur le champ de bataille, et extrêmement populaire jusqu’à une période récente. Enfin Sela a comme épouse la déesse Furki, qui est déesse du mariage et de l’amour, sans doute aussi de l’aurore, et qui tout comme Héra s’oppose aux infidélités de son époux.

Les phénomènes célestes sont également associés à des divinités masculines et féminines de premier plan, comme le dieu du soleil Malkh et le dieu de la lune But (tchétchène Beta), menacés constamment par leur sœur Mozh, déesse de la nuit et des ténèbres. Aza est la mère du soleil tandis que Kintch est celle de la lune, toutes deux ayant été sans doute les maîtresses de Dela. De petites déesses sont enfin préposées à d’autres phénomènes naturels, comme Khi-Nana, déesse des eaux, ou comme Mokh-Nana, déesse des vents.

Parmi les divinités du quotidien qui assistent les hommes se trouvent notamment Elta, dieu de la chasse, mais aussi Sela-Sata, déesse de la sagesse et du métier à tisser, connue dans le Caucase comme Satanaya, et rappelant par bien des aspects l’Athéna grecque, jusque dans son nom.

Le panthéon vaïnakh est donc très comparable aux autres panthéons d’Europe, avec une grande place réservée aux divinités féminines protectrices, dont les femmes modernes auraient bien besoin de leur bienveillante protection face aux forces rétrogrades qui veulent les mettre au second plan. Ce paganisme sain, qui n’est en rien inférieur au noble panthéon des Grecs, qu’il a influencé tout en étant influencé en retour, est sans doute le recours naturel de ces peuples pour renaître. Chez leurs voisins ossètes et abkhazes, la foi native a été ranimée. Elle n’attend qu’une flamme pour faire de même en Ingouchie et en Tchétchénie.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

La religion des Arméniens.

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Garni.JPGL’Arménie est une terre d’Europe qui fut marquée par l’héritage de la Grèce dont le temple parfaitement conservé de Garni (dédié au dieu Mihr puis attribué au dieu Vahagn par la communauté arménienne païenne) atteste de l’influence, comme par l’héritage de la Perse zoroastrienne. Sur le plan de la religion, on peut noter deux époques avec un paganisme arménien originel puis une version davantage iranisée.

Le dieu du ciel des anciens Arméniens est Aramazd, derrière lequel on reconnaît la figure du dieu iranien Ahura Mazda, et qui était associé également au Zeus grec. Le nom originel du dieu arménien du ciel est inconnu, le terme astvats désignant toutefois un dieu et aussi le nom du Dieu chrétien. Ce terme pourrait être rapproché de l’indo-européen *ansus désignant un « esprit divin ».

Les divinités les plus archaïques sont Arev, le dieu du soleil, et Lusin (même racine que le latin luna), la déesse de la lune, ainsi que la déesse de la terre Aretia ou Yergir et le dieu du feu Hrag. On pourrait également citer le dieu de la mer Zaden ou encore le dieu des enfers Dzokh.

Deux divinités principales président aux destinées du peuple arménien et forment un couple divin. Il s’agit en premier lieu du dieu de l’orage et de la guerre Vahagn, dont les aspects guerriers sont parfois associés à un dieu Aray assimilé à l’Arès grec. Il est connu pour combattre un dragon, comme tous les dieux indo-européens de l’orage d’ailleurs. Il s’agit en second lieu de la déesse Astlig, dont le nom est rattaché au nom de l’étoile et qui désigne aussi la déesse de l’aurore et de l’amour. Son rôle de déesse aurorale est parfois incarné par la déesse mineure Arsalowyn.

Enfin, la déesse Nané, associée à l’Athéna grecque, et fille d’Aramazd comme cette dernière est fille de Zeus, est également une déesse importante puisque déesse à la fois de la guerre et de la sagesse, là encore comme son homologue grecque. Le « Dionysos » arménien quant à lui est le dieu Gisané.

Avec l’influence iranienne, l’Arménie étant soumise à sa tutelle jusqu’aux conquêtes d’Alexandre, à laquelle la satrapie arménienne, désormais indépendante, échappe, les divinités zoroastriennes s’imposent à l’Arménie mais en prenant une coloration locale et en conservant leur dimension polythéiste, n’étant pas de simples anges adorables (yazatas) comme dans le mazdéisme orthodoxe.

En plus d’Aramazd déjà évoqué, les divinités Mihr (Mithra) et Anahid (Anahita) sont honorées en Arménie. Mihr est associé à Apollon et Anahid à Artémis par les prêtres arméniens. Mihr notamment prend une dimension très importante et s’impose même à Vahagn pour devenir le dieu principal du panthéon. Le dieu Tir, scribe d’Aramazd et assimilé au dieu grec Hermès, est une adaptation du dieu iranien Tishtrya.

La religion arménienne repose sur des prêtres, les kourms (քրմ), et des prêtresses, les kourmnoyš, autour d’un pontife qui les supervise. Le roi Tiridate, qui choisira le christianisme, s’était opposé à ce corps de prêtres et l’une des raisons de son apostasie sera justement de pouvoir échapper à leur influence, de même que de pouvoir rejeter l’influence iranienne en religion. L’empire sassanide ne s’y trompera pas et tentera à plusieurs reprises jusqu’au cours du Vème siècle de réinstaurer la religion arménienne. Son action contribuera plutôt à l’effet inverse et à l’adhésion de plus en plus massive de la population à la religion nouvelle.

 L’Arménie a été en effet le premier royaume chrétien avant même que l’empereur romain Constantin ne choisisse le christianisme. La Cappadoce voisine, terre de brassage au carrefour entre la Grèce et la Perse, avait également connu au sein de l’empire romain un accroissement fort du christianisme, une façon de choisir une troisième voie. Le paganisme arménien, très nationaliste, connait depuis la chute de l’Union soviétique un renouveau très fort, certains partis et dirigeants s’en réclamant désormais ouvertement.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

La religion des Hongrois.

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turul_badge_by_profee.jpgBeaucoup de mythes contemporains, y compris en Hongrie même, rattachent le peuple magyar aux Turcs par l’association aux Huns, alors qu’il s’agit d’un peuple ouralien ou « finno-ougrien », comme le sont les Estoniens et les Finnois. Il est toutefois possible que, tout comme des Germains, des Magyars aient fait partie de l’armée d’Attila, dont le nom lui-même est germanique et signifie « petit père ». Le nom de Hongrie en français vient bien sûr des Huns (« Hunnonia ») mais le nom hongrois du pays est en réalité Magyarorszag (« le pays magyar »).

Pourtant, la religion ancienne « païenne » des Hongrois n’a aucun lien avec la mythologie turque mais ressemble par bien des aspects aux religions indo-européennes voisines.

Le panthéon et là encore dirigé par un couple divin, comme chez tous les peuples d’Europe. Le ciel-père est incarné par Isten, qui est ensuite devenu le nom donné au dieu chrétien, qui est également appelé Arany Atyacska (« le père doré »), ce qui souligne son aspect de dieu de la lumière. Son épouse est Hajnal Anyacksa, la déesse de l’aurore, mais ce rôle peut aussi bien être dévolu à la terre-mère, Földanya, qui est également appelée Istenanya (« déesse-mère ») ou encore Boldogasszony (« déesse des fleurs »). Elle joue également le rôle de garante de la fertilité des femmes.

Ce couple divin a trois fils qui correspondent aux dieux principaux du panthéon, à savoir Szelkiraly (« le roi vent »), Napkiraly (« le roi soleil ») et Hadur, dieu de la guerre, dont le nom originel était visiblement tabouisé. On peut également penser qu’il existait un dieu du feu et de la forge du nom de Tuzkiraly (« le roi feu »), le terme de volcan, issu du nom du dieu romain du feu Vulcain, étant d’ailleurs tűzhanyo en hongrois. Enfin, la lune est féminine et porte le nom de Holdanya (« mère-lune »).

On retrouve ainsi les personnifications classiques des éléments de la nature, avec un ciel-père qui a également pour fonction d’être dieu de l’orage, tout comme Zeus. Les dieux vivent dans le monde céleste (Felső vilag) et dieux et hommes sont reliés par un arbre cosmique (Világfa) sur lequel est perché l’oiseau céleste Turul, qui informe les dieux de ce qui se passe chez les hommes. L’arbre cosmique relie également le monde des dieux au royaume des morts gardé par le dieu Fanë. On retrouve ainsi le principe des trois mondes de la mythologie slave (Prav, Yav et Nav) mais aussi de la religion grecque originelle (Zeus, Poséidon et Hadès, où Poséidon joue à la fois le rôle de maître des eaux, de dieu de la mer et d’ébranleur du sol).

Cette religion sobre était celle d’Arpad et des conquérants magyars de la Pannonie (depuis le roi Almos), un peuple illyrien celtisé et romanisé, avant que le roi Vajk ne se convertisse au christianisme sous le nom d’Istvan (Stefan en slovaque), un nom qui le relie explicitement à Isten. Il a dû alors rencontrer l’opposition des táltos, les prêtres païens, qui organisèrent deux révoltes, dont celle de Vata en 1046 et celle de 1060-1061 à la fin du règne du roi András.

Le peuple hongrois, qui connaît comme tous les pays d’Europe un renouveau païen sur son sol autour notamment du mouvement Ősmagyar Vallás (« foi native magyare »), n’a pas à rougir de sa mythologie pré-chrétienne qui peut demain servir de base au renouveau national de la Hongrie au sein d’une Europe réconciliée avec sa plus longue mémoire et enfin déterminée à la défendre.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

13:26 Publié dans Analyses, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) |

27/07/2017

La religion des Lituaniens.

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mythologie lituanienne,Perkunas,DievasDe tous les peuples d’Europe, les Lituaniens sont les derniers à avoir abandonné leur religion ancestrale « païenne », issue de la tradition indo-européenne, après deux siècles de résistance acharnée contre les évangélisateurs chrétiens appuyés par les chevaliers teutoniques. C’est en 1386 en effet que le roi Jogaila (« Jagellon ») décide de se convertir et son duché avec lui afin d’être intégré dans l’Europe chrétienne et de mettre ainsi fin aux attaques continuelles contre son pays.

La religion lituanienne, particulièrement bien conservée par le biais des poèmes traditionnels populaires (les « dainos »), s’apparente à un étrange mélange entre le monde gréco-romain et le monde slave, alors que sa langue est proche de l’ancien sanscrit et présente un caractère archaïque prononcé.

Le panthéon lituanien repose sur l’union du ciel-père et de la terre-mère comme chez les autres peuples indo-européens. Le dieu du ciel est Dievas (letton Dievs), qui est l’homologue exact du Jupiter latin et du Zeus grec, mais qui à la différence de ce dernier ne possède pas la fonction de dieu de l’orage. Son épouse est Zemyna (letton Zemes Mate), la déesse de la terre, analogue à la Dêmêtêr grecque, même si une tradition ultérieure fait de Dievas un dieu célibataire dénué de toute sexualité. Comme chez les Romains, ces deux divinités n’ont pas créé le monde, le démiurge étant le dieu Jānis, dont on reconnaîtra aisément la figure du Janus latin.

La figure principale du panthéon lituanien est néanmoins le dieu de l’orage et de la guerre Perkunas (letton Perkons), ce qui est logique pour une société guerrière, tout comme Mars à Rome était un dieu essentiel. L’animal commun à ces deux dieux était d’ailleurs le loup, animal guide dédié aux implantations nouvelles. Le mythe lituanien du « loup de fer » rappelle celui de Romulus et de Remus. Dans ce mythe, le roi Gediminas a créé la ville de Vilnius après avoir vu un loup en fer sur le haut d’une colline à l’emplacement duquel il décida de bâtir sa capitale.

Une autre figure essentielle de ce panthéon, et sans doute l’épouse de Perkunas, est la déesse de l’aurore et de l’amour Aušrinė (letton Auseklis). Elle est la sœur du dieu de la lune Menulis et de la déesse du soleil Saulė. On notera d’ailleurs à leur propos l’inversion du genre de ces deux divinités, comme chez les Germains voisins (masculin Mani, féminine Sól).

Enfin, figure trouble et assimilée par la suite au Diable chrétien, est le dieu Velnias, qui est à la fois un dieu des morts et un dieu des chemins, analogue à l’Hermès grec. Tout comme ce dernier, Velnias n’est pas un dieu nécessairement positif en toutes circonstances, et n’hésite pas à manipuler les autres dieux pour arriver à ses fins. Son ennemi attitré, bien qu’il soit parfois amené à l’accompagner dans ses quêtes, est Perkunas, leur relation étant proche de celle entre Thor et Loki dans le monde germano-scandinave. S’il guide les morts, Velnias n’est pas le roi des enfers, l’Hadès lituanien étant le dieu Pikulis.

De nombreuses autres divinités « peuplent » le panthéon lituanien, qui présente ainsi des caractéristiques communes troublantes avec le panthéon grec. La déesse de l’arc en ciel Vaivora correspond exactement à la déesse grecque Iris, de même qu’Ausautas et Asclépios sont apparentés en tant que dieux médecins, et enfin Puškaitis et le dieu grec Pan (ainsi que le dieu indien Pushan).

Autrimpas est le Poséidon lituanien, muni d’un trident tout comme son homologue grec. Medeinė est la déesse des forêts alors que Zvoruna est la déesse des bêtes sauvages et de la chasse, tout comme l’Artémis grecque. Une déesse de l’amour spécifique, Milda (de meilė, « amour »), pourrait jouer le rôle d’une version féminine d’Erôs. La déesse du foyer Gabija est la Vesta lituanienne, tandis que Kalvelis est le dieu de la forge et du feu (ugnis). Les Dioscures (Castor et Polydeucès) ont pour équivalent lituanien les Ašvieniai ou dieux cavaliers, fils de Dievas comme eux sont enfants de Zeus. Enfin les Moires lituaniennes, au nombre de trois comme en Grèce et à Rome, ont pour nom les Laimes (forme plurielle de la déesse Laima, « la Moire »).

Enfin, le royaume des dieux lituanien est appelé le Dausos, une montagne céleste avec un jardin de pommiers, à la fois Olympe et Champs Elyséens en un. C’est le lieu où vivent les dieux mais aussi les héros et les vertueux, le « paradis » païen. Ce royaume est gardé par le dieu du vent Vejas (letton Vejopatis), qui joue alors le même rôle qu’Heimdall dans la tradition scandinave.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

26/07/2017

La religion des Géorgiens.

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1024px-Borjgali.pngLes Kartvéliens ou Géorgiens sont un des peuples d’Europe parmi les plus anciens, antérieurs même aux Indo-Européens, et ne peuvent être alors comparés qu’aux Basques. Leur religion native est mal connue, et d’ailleurs il n’existe à ma connaissance aucun mouvement (néo-)païen en Géorgie se proposant d’en ranimer la flamme, à la différence de l’Abkhazie, de l’Ossétie et de l’Arménie, voisins dans lesquels de tels mouvements suscitent un certain engouement.

La religion géorgienne a connu au moins trois phases de développement. La première a consisté en l’émergence de divinités incarnant les forces de la nature et les phénomènes célestes. La seconde a abouti à la mise en place de divinités cosmiques majeures, qui se sont partiellement substituées aux premières. La troisième enfin témoigne de l’influence du zoroastrisme iranien sur le peuple géorgien.

A l’origine, le monde repose sur un couple divin formé du ciel-père Mamatsa (« ciel-père ») et de la terre-mère Dedamista (dont le nom signifie « terre » en géorgien moderne mais qui signifiait terre-mère). Il est à noter que chez les Géorgiens, par une étrange inversion, « mama » signifie « le père » et « deda » signifie « la mère ». Ce couple divin précède la création du royaume des dieux, le Zeskneli ou « monde d’en haut », formé de leurs fils et filles.

Les divinités primordiales qui résultent de leur union sont donc la déesse du soleil Mzekala ou Mze (« le soleil »), le dieu de la lune Mtvare, la déesse de l’aurore Gantiadi (ou Aisi), le dieu du vent Kari et le dieu du feu Ttetskhli. Il existait également une déesse de la chasse et des animaux sauvages, la déesse Dali, qui rappelle la Diane romaine, et un dieu de l’orage et de la guerre, réalisant des actes héroïques, le dieu Kopala. Le monde des morts semble ne pas avoir disposé d’une divinité spécifique. Les dieux Gatsi et Gaïmi, souvent associés, et dont on ne connaît pas les fonctions, ont pu former une paire de jumeaux divins, comme dans les religions indo-européennes voisines.

Parmi les mythes fondateurs se trouve l’enlèvement de la triple déesse Kamar/Lamar/Tamar représentant le feu divin, qui fut enlevée par le titan Amirani pour que celui-ci apporte le feu aux hommes, ce qui rappelle fortement le mythe grec de Prométhée, que la tradition associe au Caucase.

Le roi ibère Pharnavaz (IVème siècle avant J.C) a par la suite réorganisé le panthéon géorgien, en introduisant un dieu suprême du nom de Ghmerti, dieu céleste dont le nom servira aussi à former les termes de dieu (ghmerti) et de déesse (kalghmerti). A la même époque, le dieu lunaire adopte le surnom de Tetri Giorgi (« le blanc Georges) et acquiert une dimension guerrière supplémentaire ainsi que l’image d’un dieu cavalier. Le culte du héros Kopala est également renforcé et devient un dieu des armées.

Enfin, l’influence iranienne dès son règne se fera sentir. Ghmerti sera ainsi appelé du nom d’Armazi, dieu du ciel, et qui n’est autre que le dieu iranien Ahura Mazda (Ohrmazd en moyen-perse). Le dieu solaire Mirsa, qui n’est autre que Mithra, verra son culte croître fortement au détriment de la déesse géorgienne du soleil. Et la déesse Nino ou Anahid, qui n’est autre que la déesse iranienne Anahita, prendra les fonctions de déesse de l’amour et de la fertilité. Il faut noter qu’une sainte Nino sera associée dans la tradition géorgienne à la christianisation du pays à partir du moment où le roi Mirian, dont le nom vient d’ailleurs de Mithra, choisira de renoncer à la religion nationale de ses ancêtres. Le dieu guerrier Verethragna, qu’on retrouve sous les traits de Vahakn en Arménie, ultime avatar du dieu indo-iranien Indra, ne sera pas en revanche adopté, Kopala conservant des fonctions de même ordre.

Au milieu du IVème siècle, officiellement en 337 de notre ère, l’adoption du christianisme s’accompagnera de la destruction des temples et des statues cultuelles. La tradition païenne géorgienne survivra néanmoins dans le folklore et le nom des grandes divinités subsistera, notamment au sein des populations montagnardes de Svanétie.

Il est par ailleurs remarquable de constater l’importance, tout comme chez les Basques, de divinités féminines de premier plan, du moins dans la religion la plus ancienne. Les divinités masculines verront leur rôle se renforcer au fur et à mesure de l’évolution du pays et de son contact avec les Indo-Européens (Arméniens, Iraniens et Grecs notamment). La religion géorgienne finale sera marquée par le culte du feu et l’influence des mages zoroastriens, les grandes figures religieuses de la Perse s’imposant sans néanmoins faire disparaître les dieux locaux. Le choix du christianisme a pu s’expliquer par la volonté de s’émanciper de l’Iran voisin dont l’influence religieuse était de plus en pesante. La même chose peut être dite concernant la christianisation de l’Arménie et de l’Albanie du Caucase.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

29/01/2017

Du christianisme et de la défense identitaire de l’Europe. (2ème partie)

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christianisme,europe,paganisme,identité,immigrationLaurent Dandrieu, dans son ouvrage précédemment cité, explique son désarroi face à une Eglise qui renonce à défendre l’Europe. Cette phrase de son prologue est terrible : « Et pour que l’on ne puisse pas dire que le jour où les Européens auront voulu sauver leur continent du suicide, ils aient trouvé sur le chemin un obstacle insurmontable : l’Église catholique. » Venant d’un chrétien européen, soucieux de défendre son identité, le propos est explicite. Il s’agit pour lui de sauver l’Église malgré elle d’une dérive humanitariste. Là où il se trompe sans doute ou parce qu’il n’ose pas l’écrire, c’est qu’il ne s’agirait pas d’un obstacle insurmontable.

Car si demain les Européens se réveillent et décident enfin de sauver leur continent à la dérive, alors rien ne les arrêtera et certainement pas l’Église. Face à un peuple résolu, elle courbera sans doute l’échine comme à chaque fois qu’elle s’est retrouvée face à une puissance redoutable en face d’elle. Mais pour autant cela ne l’exonérerait pas de ses responsabilités dans la situation actuelle à laquelle nous souhaitons mettre fin. Avoir servi l’Anti-Europe avec zèle ne pourrait rester impuni. Jadis elle avait été sauvée de Garibaldi par les troupes de Napoléon III. Jadis elle avait su triompher du prince humaniste Frédéric II (Hohenstaufen). Et Mussolini lui-même, antichrétien forcené et nietzschéen dans sa jeunesse, avait pérennisé son État par les accords du Latran en 1929. Qui sera là pour la protéger cette fois ?

Quelle peut alors être la réponse identitaire des Européens face à cette église qui non seulement ne se met pas à leurs côtés mais se place face à eux, contre eux même ? Il n’y a que deux réponses possibles, un christianisme de résistance ou un paganisme de combat. Les deux options sont complémentaires et pourraient alors constituer cette alliance européenne « entre le glaive de Mars et la croix du Christ ». Mais cette alliance ne peut exister que si un compromis essentiel entre les deux camps est alors signé.

Première option. Face à l’Église, les chrétiens européens font désertion et lui opposent une Église de résistance, suffisamment forte pour faire céder le Vatican à terme, en lui imposant sa ligne. Cela voudrait dire élire un autre pape dissident, comme cela a pu arriver au moyen-âge, qui nommerait des évêques dissidents, avec ses églises dissidentes. Il s’agirait donc d’une scission mais qui, à la différence de celle de Lefebvre, ne serait motivée que par la volonté explicite de défendre l’Europe. Elle rejetterait donc la lecture humanitariste des évangiles au profit de la tradition pagano-chrétienne, du christianisme européen constantinien. Certains catholiques déjà passent au christianisme orthodoxe, tellement les positions actuelles de l’Église catholique les dégoûtent. Il s’agirait de faire à l’échelle de l’Europe occidentale l’équivalent d’un gallicanisme à l’échelle de la France, un euro-christianisme de rupture avec l’universalisme dominant actuel.

Le point faible du pagano-christianisme, c’est qu’il perd sa magie dès qu’il est révélé. Le paysan médiéval pouvait être pagano-chrétien, car il se pensait ainsi bon chrétien. Il répétait les rites antiques et les prières aux dieux grimés en saints de substitution. Il voyait la terre-mère derrière les traits de Marie mais d’une manière inconsciente. Or aujourd’hui nous connaissons ce pagano-christianisme, et on pourrait presque l’appeler un paganisme christianisé. Nous savons donc que notre bon vieux paganisme a été recouvert à partir de l'empereur Constantin d’un vernis chrétien. Peut-on sciemment y revenir une fois qu’on le sait ?

Seconde option, la rupture. A partir de la Renaissance notamment, certains penseurs ont théorisé le retour au paganisme européen, ce dernier étant de mieux en mieux connu par deux siècles d’études historiques à son propos, jusqu’à en découvrir la matrice indo-européenne avec notamment Georges Dumézil. Des organisations païennes émergent ainsi dans toute l’Europe, se revendiquant des traditions locales, que ce soit du druidisme (Draoicht), du paganisme germano-scandinave (Asatru), du paganisme slave (Rodnoverie), du paganisme grec (Hellenismos) ou de la religion romaine (Religio Romana). L’Eglise est bien consciente d’ailleurs que la réponse identitaire des Européens pourrait être la résurrection de l’antique paganisme. Au bord du tombeau, comme l’avait annoncé Nietzsche, l’Europe se ressaisira et se relèvera dans un sursaut salvateur. Je suspecte les actuelles autorités catholiques de comprendre qu’un tel mouvement peut arriver, va arriver, et qu’il s’agit de s’en prémunir en sacrifiant l’Europe, prévoyant déjà son avenir en Afrique, en Amérique méridionale et en Asie. Cela voudrait dire que par peur du paganisme, le Vatican s’allierait implicitement avec d’autres forces et ferait ainsi les yeux de Chimène au second monothéisme universel dont la présence en Europe ne cesse d’inquiéter.

Qu’on choisisse le retour au paganisme (indo-)européen ou qu’on choisisse le retour au christianisme européen constantinien est affaire de choix personnel, de conviction et même de croyance. Dans les deux cas, la même volonté de protéger l’identité de l’Europe et des Européens est présente, même si elle se manifeste autrement. Mais ces deux choix doivent être complémentaires. Le païen européen moderne doit traiter le chrétien européen en frère et réciproquement. Le premier ne doit pas voir dans le second un « oriental en religion » et le second ne doit pas voir dans le premier un « suppôt de Satan ». L’intolérance chrétienne vis-à-vis du paganisme doit donc cesser, et cessera ainsi en retour le mépris païen vis-à-vis du christianisme européen.

Le seul obstacle que je vois à cette nécessaire réconciliation identitaire, euro-chrétienne et euro-païenne, qui existe déjà de fait en Russie, est la soumission aux injonctions du pape d’encore bien trop d’Européens, et aussi le manque de sérieux de trop nombreuses organisations païennes actuellement, à qui il manque l’équivalent d’un souverain pontife pour coordonner leurs actions.

Autre obstacle enfin, et non des moindres. La vérité historique. Beaucoup d’Européens catholiques, surtout parmi les plus identitaires, ont du mal à accepter que la christianisation de l’Europe n’ait pas été le roman mensonger qui leur a été vendu. Elle n’a été ni rapide ni pacifique. Elle a duré des siècles et à chaque fois a été matérialisée par des lois liberticides et des persécutions contre les Européens indigènes souhaitant conserver leur foi polythée. Pour quelqu’un comme moi, qui a étudié très précisément les conditions de l’émergence du christianisme dans l’empire romain et les conditions réelles de son succès, voilà quelque chose dont je n’accepte pas le déni.

Ces obstacles devront être surmontés. Tous les Européens ont vocation à combattre unis par un même drapeau identitaire, celui de l’Europe, et alors chrétiens et païens européens seront côte à côte, avec aussi les européens musulmans des Balkans et du Caucase et tous les européens israélites aussi attachés à leur patrie européenne qu’à leur patrie proche-orientale.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

Du christianisme et de la défense identitaire de l’Europe. (1ère partie)

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christianisme,identité,vatican,maurras,pape françoisDeux ouvrages à la ligne opposée, « Identitaire, le mauvais génie du christianisme » d’Erwan Le Morhedec (Les éditions Cerf) et « Eglise et immigration, le grand malaise » de Laurent Dandrieu, ont relancé le débat sur la compatibilité ou l’incompatibilité entre le combat identitaire et l’affirmation chrétienne, et notamment catholique.

Le premier refuse toute affirmation identitaire englobant le christianisme dans sa réflexion, refusant toute alliance entre « le marteau de Thor et la croix » pour le citer. Son christianisme est celui de l’antiquité pré-constantinienne lorsque la nouvelle religion était à peine sortie de sa matrice proche-orientale. C’est le discours de Saül de Tarse sur l’ouverture à l’Autre et la conversion des gentils. Le second au contraire veut réaffirmer l’identité européenne associée au christianisme, mais se rend parfaitement compte que ce qu’il propose est à l’opposé de l’idéologie promue par le pape et la plupart des évêques et prêtres depuis Vatican II.

Indiscutablement, le christianisme qui s’identifie à l’Europe n’est pas celui de l’antiquité, puisqu’il faudra attendre Constantin pour que le christianisme s’implante réellement en Europe, sachant qu’en 313, date supposée de sa conversion suite à sa victoire du Pont Milvius (sur Maxence), il n’y avait qu’1% de chrétiens parmi la population de l’Europe romaine. Le christianisme représentait une forte minorité en Cappadoce et surtout à Antioche, Alexandrie et Carthage, chez les anciens ennemis de Rome qui n’avaient été vaincus qu’en apparence et reprenaient ainsi leur revanche.

Or le christianisme de Constantin n’est pas celui des premiers chrétiens fait de pardon aux offenses, de martyrat et d’attente messianique de la parousie, une « fin des temps » qui devait être imminente. C’est un « christianisme solaire », expression qui insupporte Erwan Le Morhedec, à savoir la fusion du dieu païen du soleil, Apollon (pour simplifier), et de Jésus, prêtant à ce dernier des traits nordiques qu’on retrouve sur le Christ d’Amiens par exemple. Une représentation au Latran montre ainsi Jésus en train de conduire le char du soleil. Pour faire accepter aux païens le christianisme, Constantin paganise ce dernier, le confondant avec l’Un de Plotin, avec le Soleil Invincible (Sol Invictus) et/ou avec Jupiter en personne. Il attribue à Jésus les fêtes du soleil, équinoxe de printemps (« Pâques ») et solstice d’hiver (« Noël), et le dimanche, jour du soleil (soldi).

Même si ce christianisme solaire amène au fur et à mesure à la persécution massive des Européens païens jusqu’à la conversion totale du continent, qui ne sera accomplie qu’en 1386 après J.C, lorsque le roi lituanien Jogaila (Jagellon) adoptera le catholicisme, c’est la religion qui a reforgé l’Europe après l’abandon forcé de son paganisme national, qui est resté néanmoins vivant dans le cœur de tous les hommes de lettres et de tous les artistes. Le « christianisme des catacombes » n’est pas celui des Européens, qui est au contraire celui de la Reconquista (en Espagne puis dans les Balkans) et des croisades. Ce christianisme que prône le pape François n’est pas le nôtre.

Or le christianisme constantinien, qui a survécu dans l’Europe orthodoxe, a été abandonné en deux phases par l’Europe catholique. En effet, le protestantisme qui est un retour aux évangiles, a justement reproché à l’Eglise d’être encore bien trop païenne. Il faut lire la haine de Luther contre Rome pour se rendre compte de ce qui est visé. Pour contrer la Réforme, par le biais du concile de Trente, l’Eglise décide alors d’engager une « nouvelle évangélisation » de l’Europe restée catholique. Elle consiste à dépaganiser le catholicisme, à mettre fin à ce pagano-christianisme médiéval qu’on nomme en russe la « double foi » (dvoeverie).

La conséquence immédiate et imprévue de cette dépaganisation a été une déchristianisation, notamment en France. Coupée des racines païennes sur lesquelles le christianisme de Constantin s’était apposée comme un vernis sur un ongle, le catholicisme dépérissait et cela a été le cas jusqu’à aujourd’hui. Dans ce conflit, le protestantisme a donc vaincu, même là où on pensait qu’il avait échoué. Le protestantisme s’est même emparé du Vatican. Seule l’Europe orthodoxe, plus païenne de fait, y a échappé pour le moment.

Que dit désormais le pape François, qui est censé incarner la ligne officielle de l’Eglise ? Qu’il faut accueillir les migrants, même musulmans, et il a montré l’exemple. Qu’il faut même les défendre davantage que les chrétiens d’orient qui eux sont des victimes privilégiées de l’islamisme. Qu’il faut que les Européens ne cherchent surtout pas un « sauveur qui nous rende notre identité », un tel sauveur étant naturellement assimilé par le pape à Hitler. Qu’il faut dialoguer et non se protéger avec des murs. Ce discours masochiste qui consisterait pour l’Europe, au nom de son christianisme, à se dépouiller, à s’humilier, est odieux.

Tout comme la plupart des partis politiques, surtout de gauche, comme la plupart des syndicats et des loges maçonniques, le discours des Eglises est anti-européen. L’association chrétienne Caritas agit systématiquement en faveur des migrants, alors que les sans-logis européens sont largement ignorés. L’Européen indigène n’est vu que comme un coupable qui doit expier. Il lui est interdit de s’affirmer fier de ce qu’il est, de la grande civilisation dont il est issu. Il doit demander pardon. Non seulement le protestantisme s’est imposé au niveau du dogme, mais l’égalitarisme marxiste est venu en renfort.

Depuis longtemps, l’Eglise a toujours su céder devant les forts et mépriser les faibles. Alors qu’elle a pactisé avec le fascisme et le national-socialisme, par peur du communisme mais aussi par peur du fascisme européen en général, qui était déterminé à terme sans doute à lui régler son compte, elle a condamné l’Action Française de Maurras en 1926, qui était fort peu dangereuse et bien loin du pouvoir en France, une AF qui défendait la tradition catholique contre le retour aux évangiles, définis comme un « venin ». Maurras condamnait d’ailleurs notamment le protestantisme au nom de la tradition latine et du pagano-christianisme.

Nous constatons donc que, contrairement à la tradition chrétienne européenne, qui naît avec Constantin et commence sa marche vers le tombeau à partir de la Renaissance, sous les coups du protestantisme et aussi du retour de l’antiquité païenne dans les esprits, le christianisme contemporain, sauf l’orthodoxie, a décidé de renier l’Europe à laquelle il doit tout pour non seulement accepter la disparition de l’Europe mais pour soutenir ce processus. Cette trahison de l’Eglise pose la question de l’attitude que la résistance identitaire européenne doit adopter à son égard. Nous analyserons ce point dans une seconde partie.

29/10/2016

Zeus et Europe, une hiérogamie cachée et l'annonce d'un destin européen

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95620996.pngZeus est qualifié d’Eurôpos, c'est-à-dire « au large regard », chez Homère. En sanscrit, dans le Rig-Veda, le dieu suprême Varuna est décrit comme Urucaksas, forme parallèle de sens exactement identique. De longue date, non sans raison, Varuna et le grec ont été comparés, l’un et l’autre venant alors de la forme originelle indo-européenne *Werunos, au sens de « dieu de l’espace » (c'est-à-dire le dieu vaste). En Inde comme en Grèce, ce surnom du dieu céleste *Dyeus est devenu une divinité en tant que telle.

Les Grecs, sous l’influence probable de la théogonie hourrite ou hatti, influence indirecte due vraisemblablement aux Hittites, ont multiplié les divinités jouant le même rôle. On peut ainsi souligner qu’Hypérion, Hélios et Apollon sont redondants, de même que Phébé, Séléné et Artémis (sans oublier Hécate). C’est aussi le cas du dieu suprême qui est ainsi divisé en trois dieux séparés que sont Ouranos, Cronos et Zeus. En réalité, tout porte à croire que Zeus est le seul et unique dieu du ciel, malgré Hésiode, et qu’Ouranos n’a jamais été à l’origine qu’une simple épiclèse de Zeus. De même, Varuna a sans doute été un des aspects de Dyaus Pitar, avant de se substituer à lui, et de ne plus laisser à son nom d’origine qu’un rôle très effacé dans la mythologie védique.

Ce Zeus Eurôpos, ce « Dyaus Urucaksas », a selon la tradition grecque de nombreuses épouses. Or une déesse est qualifiée d’Eurôpê à Lébadée en Béotie et à Sicyone dans le Péloponnèse. Ce nom d’Eurôpê, dont le rattachement à une racine phénicienne ‘rb est purement idéologique, et ne tient pas une seconde d’un point de vue étymologique, est nécessairement la forme féminine d’Eurôpos. Or ce n’est pas n’importe quelle déesse qui est ainsi qualifiée, elle et uniquement elle, de ce nom d’Eurôpê, indépendamment de la princesse phénicienne, crétoise ou thrace qu’on appelle ainsi, et qui n’est alors qu’une vulgaire hypostase. C’est Dêmêtêr, mot à mot la « Terre-mère », version en mode olympien de Gaia (ou Gê) et peut-être déesse d’origine illyrienne, même si non nom apparaît vraisemblablement dès l’époque mycénienne.

Il existe en effet en Albanie moderne une déesse de la terre, qui est qualifiée de Dhé Motë, ce qui veut dire la « tante Terre » car le sens de motë, qui désignait bien sûr la mère, a pris ensuite le sens de tante. De même, le nom albanais originel de la tante, nënë, a pris celui de la mère. Cela donne aussi une déesse Votrë Nënë, déesse du foyer analogue à la déesse latine Vesta et à la grecque.

Le nom de Dêmêtêr, qu’il soit purement grec ou illyrien, a le sens explicite de « Terre-mère » et remonte aux temps indo-européens indivis, où elle portait alors le nom de *Đγom (Dhghom) *Mater. Ce n’était pas alors n’importe quelle divinité mais sous le nom de *Diwni [celle de *Dyeus], elle était ni plus ni moins l’épouse officielle du dit *Dyeus (le « Zeus » indo-européen). L’union du ciel et de la terre, de Zeus Patêr et de Dêô (Δηώ) Matêr donc, remonte ainsi à une époque antérieure même aux Grecs mycéniens.

Il est donc logique qu’à un Zeus Eurôpôs soit unie une Dêmêtêr Eurôpê, l’un et l’autre étant des divinités « au large regard », l’un englobant l’ensemble du ciel et la seconde l’ensemble de la terre, à une époque où celle-ci était encore considérée comme large et plate, d’où ses deux noms divins en sanscrit, à savoir Pŗthivi (« la plate »), c'est-à-dire Plataia en grec et Litavis en gaulois, et Urvi (« la large »).

L’union de Zeus sous la forme d’un taureau avec Europe est donc une hiérogamie, une union sacrée entre le ciel et la terre, union féconde donnant naissance à trois enfants, Minos, Eaque et Rhadamanthe, chacun incarnant l’une des trois fonctions analysées par Georges Dumézil. La tradition grecque évoque d’autres unions de même nature, ainsi celle de Poséidon en cheval avec Dêmêtêr en jument, cette déesse ayant cherché à lui échapper en prenant la forme de cet animal. Dans le cas d’Europe, on devine qu’elle aura elle-même pris la forme d’une vache.

Le nom d’Europe qui désigne le continent qui porte son nom indique qu’elle est la Terre par excellence, mère nourricière du peuple grec vivant sur un continent béni par Zeus lui-même. Lui donner une origine phénicienne, à part pour des raisons poétiques bien étranges, est donc un contre-sens auquel même certains mythographes antiques se firent prendre.

Et que son premier fils se soit nommé Minôs, là encore, ne doit rien au hasard. Bien loin d’être en vérité un ancien roi de Crète, il était surtout un juge infernal et le plus important. Or Minôs n’est en réalité que le premier homme, celui que les Indiens appellent Manu, d’où les fameuses lois qui lui sont attribuées, et les Germains Manus. L’idée que le premier homme devienne à sa mort le roi des Enfers n’est pas nouvelle. Le dieu infernal Yama et son épouse Yami ayant été par exemple le premier couple mortel. Minôs est le « Manus » des Grecs, bien avant qu’Hésiode invente Deucalion. Et s’il juge les hommes au royaume d’Hadès, la seule raison en est qu’il est celui qui a établi les anciennes lois.

Ainsi l’Europe est-elle non seulement la Terre par excellence, l’épouse de Zeus en personne, dont Héra n’est qu’un aspect, celui de la « belle saison » et de la « nouvelle année » (sens de son nom latin Junon), mais elle est la mère des hommes, la matrice de la lignée des éphémères, ou du moins d’une partie d’entre eux.

Europa est ainsi la mère de Gallia et de Germania, de Britannia et d’Italia, d’Hispania et d’Hellas et désormais mère aussi de nouvelles nations comme la Polonia, la Suecia et la Ruthenia (Russie), depuis les fjords de Thulé jusqu’à Prométhée sur sa montagne, depuis la Lusitania jusqu’aux steppes profondes de Sarmatia.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

21/05/2016

Des fêtes de l’Europe de demain. Du malentendu païen/chrétien

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fêtes,Europe,Le Parti des EuropéensLe Parti des Européens, a consacré au sein de son programme un chapitre (VII) aux fêtes nationales de l’Europe (articles 7 et 8). Certains m’ont fait part d’une surévaluation de la dimension païenne de l’Europe au détriment notamment des christianismes européens, s’inquiétant d’un parti pris défavorable à une action collective utile de tous les Européens au salut de leur civilisation. Dans cet article, je vais évoquer ces deux sujets, à savoir les fêtes unitaires et la place du christianisme au sein du parti comme du continent.

Fêtes de l’Europe et subsidiarité identitaire.

Nous avons choisi de reconnaître comme jours fériés et chômés deux jours chrétiens emblématiques liés à Noël, à savoir le 25 décembre (Noël catholique et protestant) et le 6 janvier (Noël orthodoxe). Noël est la fête pagano-chrétienne par excellence, synthèse entre le culte solaire et le culte christique.

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Nous avons également retenu les fêtes suivantes, qui ont une dimension pan-européenne forte, à savoir le 1er janvier, jour de l’an dans toute l’Europe, le 21 avril qui correspond à l’équinoxe de printemps et à la fondation de Rome, le 1er mai, fête du travail et fête celte de Beltaine, le 21 juin pour le solstice d’été et la Saint-Jean, le 1er novembre (Toussaint et Samhain celte), et le 21 décembre, pour le solstice d’hiver. Equinoxes et solstices sont des dates clé du calendrier européen, tant païen que christianisé, et ce dans toute l’Europe.

Deux fêtes laïques seront également instituées et auront vocation à réconcilier les Européens. Ce sera le cas du 9 mai, qui est déjà la fête de l’Europe, qui est aussi la fête de la victoire en Russie, au détriment d’un 8 mai qui rappelle une période sombre avec une Europe divisée et surtout une Europe avilie par les crimes commis sur son sol. Le 11 novembre sera consacré à un hommage rendu à tous les combattants européens et symbolisera la réconciliation de tous au-delà des conflits du passé qui les ont divisés.

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Christianisme et paganisme.

Le Parti des Européens défend tous les Européens, que ceux-ci soient chrétiens, athées ou païens, juifs ou musulmans européens (ces derniers étant présents dans les Balkans ou dans le Caucase). Il n’a pas une approche confessionnelle de la politique. Il est toutefois un fait que le paganisme, en tant que religion indigène de l’Europe, y est fort estimé. Cela ne doit pas être compris comme la marque d’un mépris à l’égard de la religion majoritaire de l’Europe, et nous respectons totalement nos compatriotes chrétiens, qui partagent pleinement notre combat pour une Europe à nouveau européenne, enracinée et identitaire.

Nous attachons également une grande importance au respect de l’histoire, par exemple sur les conditions de la christianisation de l’Europe. Que celle-ci ne se soit pas faite par une adhésion libre mais par la coercition relève de faits historiques avérés, qu’on le déplore (ce qui est mon cas) ou qu’on s’en réjouisse. Rappeler cette vérité n’est pas une marque d’irrespect à l’égard des convictions de nos compatriotes. Il ne s’agit pas du tout de régler les comptes du passé, et un païen n’a pas plus à être anti-chrétien qu’un chrétien n’a à être anti-païen. C’est entre Européens réconciliés que nous devons agir.

Le Parti des Européens, qui prône la réconciliation entre tous les Européens, entre les Albanais et les Serbes par exemple ou entre les Ukrainiens et les Russes, prône aussi bien sûr la réconciliation en religion, à partir du moment où c’est l’intérêt de l’Europe qui domine l’esprit de chacun.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

08/05/2016

Du sultan Recep Ier et du calife François.

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Ch7R3rHXAAA78kF.jpgLa commission de Bruxelles a officiellement indiqué son souhait de supprimer les visas pour les Turcs qui souhaiteraient visiter l’Union Européenne. Elle ne fait que transposer la décision des principaux chefs d’état et de gouvernement, Angela Merkel en tête, en échange de la pleine collaboration des autorités turques au plan établi de gestion des migrants « syriens » (beaucoup n’étant pas syriens du tout, ceci dit).

Le négociateur turc va néanmoins changer en cours de route. Le premier ministre Davutoglu, coupable d’avoir été encore trop accommodant avec les dirigeants européens, est démis par la volonté du président Recep Erdogan. Celui-ci a ainsi fait savoir que la suppression des visas qu’il exige ne souffrirait d’aucune contrepartie. Pas question pour lui de généraliser le passeport biométrique ou d’adapter sa politique anti-terroriste, dédiée aux Kurdes, pas à Daech bien sûr.

Erdogan continue sa politique de renforcement de son autorité en vue d’établir une crypto-autocratie à peine cachée en vérité. Personne ne doit lui faire de l’ombre. Après avoir réduit l’armée au silence, avec la bénédiction naïve de l’Union Européenne, après avoir réintroduit le voile islamique, Erdogan veut désormais tous les pouvoirs pour mener à bien la réislamisation du pays. Pour avoir négligé sa volonté, Davutoglu est débarqué. Le prochain premier ministre devra être un personnage effacé, vassal soumis de son sultan.

Alors que la Russie de Poutine est victime de sanctions économiques, dont la droite parlementaire en France a demandé sans succès l’arrêt, la Turquie d’Erdogan est l’objet d’une indécente flatterie. Merkel a même livré à la justice allemande un humoriste qui avait osé se moquer du tyranneau. Il faut ménager ce dernier, connu pour ses colères noires, et ce à tout prix. Il a en effet le doigt appuyé sur la manette ouvrant le barrage migratoire.

Il aurait suffit pourtant que les Européens changent leurs lois afin de rendre leurs pays moins attractifs aux migrants. Mais nos dirigeants semblent incapables d’oser montrer les crocs et de faire preuve d’une force morale même minimale. Au contraire, toute l’eurocratie est allée à Canossa offrir au pape François le prix Charlemagne. Il est vrai qu’il aurait été difficile de lui remettre le prix Charles Martel.

Le pape se permet (voir mon article précédent) depuis des mois de culpabiliser les Européens en les invitant à faire preuve d’un « nouvel humanisme » qui consisterait à accueillir tous les migrants sur son sol. Il déclare même rêver d’une Europe « où être migrant ne soit pas un délit ». Il prône lui aussi le multiculturalisme au lieu de ranger la chrétienté derrière la défense de l’européanité. François a ainsi mis fin au compromis romano-chrétien, et donc euro-chrétien, établi par l’empereur Constantin. En échange de la protection terrestre de l’Empire, l’Eglise devait lui assurer une protection céleste.

En flattant Erdogan et en se soumettant aux injonctions morales suicidaires de François, les dirigeants de l’Union Européenne trahissent gravement les intérêts des Européens. Une toute autre politique serait au contraire nécessaire, associant cohérence et fermeté, défense du véritable humanisme européen, celui hérité des Grecs et des Romains, et refus d’un multiculturalisme mortifère auquel les mondialistes, dont ce pape est, voudraient nous soumettre.

Le discours à tenir au pape, c’est de s’en tenir à la défense de son Église, et à s’abstenir de toute position publique de nature politique, en particulier invitant les Européens à faire preuve de faiblesse. Le discours à tenir au président turc, c’est de lui rappeler que son pays occupe illégalement Chypre-Nord et qu’il a existé en 1920 un traité de Sèvres qu’on pourrait avoir envie de ressusciter.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

01/05/2016

« Habebamus papam ». Bergoglio contre l’Europe.

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image4.jpgL’Europe est victime d’une grave crise migratoire. Des milliers de migrants, syriens ou non syriens, parfois chrétiens mais bien plus souvent musulmans, se massent chaque jour à nos portes afin de gagner nos rives pour y bénéficier de tous les droits de nos concitoyens, sans qu’on exige d’eux l’accomplissement des mêmes devoirs.

Nous serions en devoir de leur refuser l’entrée, parce que nos ancêtres ne se sont pas battus pour que notre continent cède à une mauvaise conscience attisée par des faussaires moraux. On peut d’ailleurs constater que les pays arabo-musulmans se gardent bien d’accueillir chez eux ces migrants pourtant de même origine qu’eux. Les pétromonarchies du Golfe, qu’on présente abusivement comme des alliés, s’y refusent et les migrants eux-mêmes savent qu’il vaut mieux éviter de tester leurs frontières.

L’Europe paie d’ailleurs l’alignement de sa politique sur celle des États-Unis, avec parfois un zèle troublant, comme cet entêtement du gouvernement français à faire tomber Bachar-El-Assad à tout prix, permettant au cancer « Daesh » de naître.

Dans un tel contexte, les provocations répétées du « pape » François, alors que les opinions publiques européennes expriment une légitime inquiétude et alors que les États semblent moralement désarmés pour faire respecter les frontières de notre continent, sont inacceptables.

Il est normal de déplorer que des gens quittent leur pays parfois au péril de leur vie, même si c’est souvent pour de mauvaises raisons, et si les « réfugiés » sont souvent en fait des migrants économiques profitant de l’occasion pour s’installer dans une Europe bien trop généreuse à leur endroit. Il est également parfaitement légitime de porter assistance à des naufragés, car c’est un devoir moral élémentaire.

Mais ce n’est acceptable que si on associe ces actions de mesures d’une grande fermeté, en indiquant explicitement aux migrants que ce voyage aller sera suivi immédiatement d’un voyage retour. Ainsi l’argent dépensé pour payer les passeurs sera perdu, et les risques pris auront été bien inutiles.

Le pape devrait appeler ces migrants à demeurer chez eux et à se battre sur leur propre sol, comme le font ces courageux combattants kurdes, contre la barbarie islamique qui les menace, si c’est bien elle qu’ils prétendent fuir. Car on peut parfois en douter. Il devrait inviter l’Europe à avoir le courage de savoir dire « non » et ne pas détourner les règles de l’hospitalité en des règles d’assistanat.

La véritable hospitalité, c’est celle des Phéaciens envers Ulysse. Après lui avoir porté assistance, après qu’il fait naufrage, les Phéaciens armèrent un bateau et permirent au héros de retrouver Ithaque, son île natale. Aujourd’hui, elle consiste à pacifier la situation sur place, comme la Russie y a contribué, et à permettre à ces migrants de retourner chez eux. Elle ne consiste pas à leur donner chez nous des droits pour lesquels nos ancêtres se sont battus.

C’est là qu’il faut comprendre que le « pape » François sort de la réserve propre à sa charge pour empiéter sur un terrain politique pour lequel il n’est pas légitime. Il donne des leçons de morale et en vérité de culpabilisation aux Européens, les incitant au laxisme migratoire et donc à la lâcheté identitaire. Ce faisant, il ne rend service à personne.

Son action d’accueillir à Rome même plusieurs familles de migrants, par ailleurs tous musulmans, est symboliquement un appel d’air parfaitement nocif. Il va encourager d’autres personnes à prendre des risques insensés et en même temps exacerber les Européens qui en ont assez de subir des flux indésirables alors qu’ils ne sont en rien responsables des causes.

Il agit ainsi en militant de la « théologie de la libération », ce christiano-marxisme qui domine une partie de l’Amérique du Sud d’où le pape est originaire, oubliant par ailleurs qu’il est lui-même de souche européenne. Au lieu d’agir au service de l’Europe et des Européens en encourageant ces derniers à la résistance, comme Nicolas V apportant son soutien à Constantinople en 1453, il veut nous désarmer. C’est irresponsable.

Depuis Constantin, en Europe, le compromis entre le pouvoir politique et L’Église a reposé sur une assistance mutuelle. Le pape actuel rompt cet équilibre pour prôner une forme d’évangélisme post-colonial pleurnichard. Et pour ce faire, il est prêt à trahir une Europe en danger de mort pour la simple et bonne raison que sa religion y est affaiblie, sans se demander pourquoi. De la religion on demande assistance et non leçon de morale, appui et non culpabilisation. Le pape se croit au Ier siècle de l’empire romain alors que nous sommes dans la situation du Vème siècle, celui des invasions barbares.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

14/02/2016

La tribu des *Aryōs. Nos ancêtres indo-européens.

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IE.gifA l’origine des Européens, il y avait un peuple préhistorique. Il n’a laissé aucune trace tangible, aucune écriture aisément reconnaissable, à part quelques symboles solaires abandonnés sur quelques pierres, depuis l’Irlande jusqu’à la Russie. Les linguistes du XIXème siècle, qui en ont découvert l’existence en comparant entre elles les langues de l’Europe moderne avec celles de plusieurs peuples d’Asie, ont appelé ce peuple les Indo-Européens car leurs héritiers ont peuplé un espace allant de l’Europe entière jusqu’à l’Iran et au nord de l’Inde.

Max Müller, père de la mythologie comparée, tout comme Friedrich Schlegel, pensa avoir retrouvé le nom de ce peuple en se basant sur celui que se donnaient Perses et Indiens. Les premiers se nommaient Airya, et le nom même d’Iran désignait leur pays (farsi Erenvaj), et les seconds Arya. Ce terme signifiait « noble ». Pensant le retrouvant chez les Irlandais où on retrouvait le terme de Aire, Müller et plusieurs autres décidèrent de nommer ce peuple à partir de ce nom ancestral, et les Indo-Européens devinrent les « Aryens ». Ce nom finit par devenir odieux lorsqu’il fut instrumentalisé jusqu’à l’extrême par un régime de sinistre mémoire. Après 1945, le terme de « aryen » devint tabou, réservé à l’usage de nostalgiques du dit régime. Et « Indo-Européens » réapparut. Georges Dumézil, le brillant savant et spécialiste de nos vieilles mythologies d’Europe de l’époque d’avant Constantin, donna à ce dernier terme ses lettres de noblesse.

Mais cela ne nous éclairait pas davantage sur le nom originel, sur l’auto-ethnonyme, pour user d’un terme plus savant, de ce peuple. C’est alors qu’on se rendit compte que la comparaison entre l’Inde et l’Irlande n’était pas si incongrue. Si l’irlandais « aire » et le sanscrit « arya » n’avaient aucun rapport, tel n’était pas le cas de deux figures marquantes de leur mythologie respective. Le dieu indien Aryaman, garant des valeurs « arya », qu’on retrouve aussi sous le nom de l’ange zoroastrien Airyaman (Erman), existait en Irlande. Il s’y nommait Eremon. Et le si mystérieux dieu germanique Irmin était sans doute son homologue. Le lien était fait. Si un dieu *Aryomen avait existé à l’époque indo-européenne indivis, alors c’est que les Indo-Européens se nommaient tout simplement les *Aryōs, leur nom provenant sans doute d’une racine *ar- signifiant « être en forme ». Ils étaient donc les « bien formés », les « bien nés », les « nobles ».

Et c’est ainsi qu’une hypothèse de travail dans l’esprit de quelques brillants cerveaux de l’Europe du XIXème siècle devait se révéler féconde, un siècle et demi après. La tribu des *Aryōs était sortie de la préhistoire d’où elle avait disparu pour retrouver une étonnante place au cœur de l’Europe moderne. Une fois écartés les faussaires qui en avaient fait un si odieux usage, leur nom pouvait réapparaître. Ainsi en a-t’il été de ce peuple ancestral.

Une fois que ces *Aryōs furent redécouverts, la comparaison du vocabulaire commun et de la mythologie entre les langues-filles de leur langue-mère permit de reconstituer leur société, leurs valeurs, leurs coutumes et traditions, leur niveau de technologie, leurs institutions.

Les *Aryōs avaient inventé une forme de proto-démocratie, l’assemblée du peuple *sebhos (voir la Seimas lituanienne) se réunissait régulièrement et décidait des choses de la tribu. Ce n’est donc pas Sparte qui était la plus fidèle à cette tradition mais bien Athènes. C’était l’Ecclesia avant l’Ecclesia. Bien sûr il existait ce qu’on nommera un roi, le *regs, qui était le président élu de cette assemblée, le garant du droit, le prêtre suprême et le chef des armées. Ce *regs n’était pas un monarque oriental, mais une sorte de président. Le traduire par « roi », même si ce terme vient du sien, est une traduction inappropriée. Il existait peut-être un second chef, le *deuks ou « meneur », lui aussi élu. Cette idée aurait été conservée par Rome avec ses deux consuls et par Sparte avec ses deux rois, l’un devant rester à Sparte et l’autre menant son armée.

Le citoyen (*keiwos) participait donc dès le départ à la vie de la tribu, puis de la cité, et était l’égal de son voisin. Il n’existait probablement pas des castes comme en Inde, contrairement à une idée souvent reçue. Le schéma trifonctionnel indo-européen démontré par Dumézil (souveraineté, guerre, production) n’avait pas de transposition réelle. L’existence d’un clergé ou collège sacerdotal de « très sachant » (le sens du mot celtique « druide ») est controversée, même si le prêtre indo-européen ou *bhlagmen (latin flamen, sanscrit brahman) existait bel et bien. Difficile de savoir si cette fonction était sacerdotale comme chez les Celtes et les Slaves, ou élective comme les godar germaniques et les prêtres du Latium et de Grèce.

Ce citoyen était un soldat et un paysan. Il alternait l’épée et la charrue selon les périodes de l’année. Le vieux romain du temps de la république se serait certainement reconnu dans son ancêtre indo-européen. Les Indo-Européens avaient domestiqué le cheval, qui leur donnait l’ascendant au combat, et tous les animaux d’élevage traditionnel. Le porc (*sus) avait notamment un rôle important, et sa possession était un signe de richesse. Des troupeaux de bœufs (*gwous) ou d’ovins (*owis) étaient conduits de pâturage en pâturage par les ancêtres indo-européens des cow-boys, les *poymenês ou « bergers ».

Les *Aryōs étaient probablement installés en cités (*wastu) autour d’une colline où était établie une citadelle (*pelis). Ils n’étaient pas des nomades, encore moins une aristocratie guerrière imposant sa domination à des peuples étrangers. Sans la technologie moderne, sans l’écriture certes, ils ne différaient pourtant guère de nous. Européens avant que le mot même n’existe.

Leur religion était celle d’hommes libres. Les dieux étaient honorés autour de sanctuaires de bois,  avec des « idoles » de bois pour les personnifier et servant d’objet intermédiaire pour les contacter. Tous savaient que les dieux vivaient au ciel (*akmon, un « ciel de pierre ») et pas dans des sculptures. Ils possédaient sans doute des temples de bois (*temenom) réservés aux prêtres. Les figures divines étaient aussi bien masculines que féminines, sans que les unes aient un ascendant sur les autres, à l’exception du ciel-père (*dyeus) et de la terre-mère (*dhghōm), son épouse. Le rapport entre l’homme et le dieu n’était pas celui entre un esclave et son maître, mais entre amis, même si l’un était mortel et l’autre immortel. Les dieux se mêlaient aux mortels et parfois s’unissaient à certains d’entre eux, faisant naître des héros et des protecteurs. Ils n’avaient pas besoin de créer un mot comme « laïcité » car ils l’étaient par nature.

Les *Aryōs se méfiaient en effet de la magie et de toutes les spéculations métaphysiques. Leur bon sens les faisait préférer une religion simple avec de grandes figures divines préposées à des fonctions spécifiques. Il aurait été aberrant d’honorer la déesse de la terre avant d’aller au combat ou le dieu du ciel pendant qu’on ramassait les récoltes. Le rite avait au moins autant d’importance que la foi. Le contrat signé entre les dieux et les hommes devait être renouvelé. Et si les dieux étaient courroucés, comme lorsqu’un protecteur puissant vous fait défaut, il fallait les apaiser en sacrifiant des animaux d’élevage, tout en conservant les bons morceaux pour les hommes. Les dieux devaient se contenter d’humer l’odeur de la viande brûlant sur l’autel du haut de leur royaume céleste. Ils étaient modernes dans une époque qui ne l’était pas. Et c’est ainsi qu’ils purent être à la source de trois grandes civilisations (Europe, Perse, Inde) qui rayonnent encore aujourd’hui. Les mots « démocratie », « république », « laïcité » ou « égalité » leur étaient inconnus. Mais ils les vivaient.

Thomas FERRIER (LBTF, Le Parti des Européens)

Soleil et lune / mâle et femelle.

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soleil,lune,masculin,féminin,inversionLes mythologies anciennes évoquent deux figures majeures, deux déités parmi les plus importantes, à savoir le Soleil et la Lune. En français, langue héritière du latin, il n’y a aucun doute. Soleil masculin, Lune féminine. Comme le Sol et la Luna romains. Pourtant ces deux astres, selon les peuples, ne sont pas associés au même sexe et c’est ce que je vais m’efforcer d’analyser dans cet article.

Chez les Indo-Européens indivis, la tribu des *Aryōs que j’évoquerai dans un prochain article, les choses sont assez simples. Le Soleil,*Sawel ou *Sawelyos), comme l’indique la forme finale en –os, est masculin, tandis que la lune, sous ses deux noms, *mens et *louksna (« la lumineuse »), est féminine. Le dieu du soleil est le fils du dieu du ciel et forme avec ses deux frères, le feu du ciel intermédiaire (foudre) et le feu terrestre, une triade. Ainsi en Grèce Apollon (substitut d’Hélios), Arès et Héphaïstos sont les trois fils de Zeus.

En Grèce, le soleil est représenté par au moins trois divinités, toutes masculines, à savoir Hélios lui-même, le Soleil personnifié, mais aussi son père, le titan Hypérion (« le très haut ») et Apollon, seul olympien au sens strict, surnommé Phoebos. De la même façon, la lune est associée à plusieurs déesses comme Selênê (*louksna) ou Mênê (*mens), mais aussi l’olympienne Artémis, déesse-ourse de la chasse, et la sombre magicienne Hécate. La lune est un astre mystérieux et inquiétant pour les anciens Grecs, à la différence du soleil souverain, dont la puissance est généralement bienfaitrice, même si parfois les rayons du soleil, qu’Apollon envoie grâce à son arc, sèment aussi la mort. En revanche, à Rome même, Sol et Luna sont des divinités très marginales, rapidement remplacées dans leur rôle céleste par Apollon et Diane.

Chez les Indo-Européens d’orient, et ce sans doute sous l’influence de la religion mésopotamienne, soleil et lune sont deux divinités masculines, ainsi Hvare et Mah en Iran ou encore Surya et Chandra Mas (*louksna *mens, pour la première fois associée). Les Arméniens par contre respectent bien le schéma indo-européen, avec le viril Arev, selon une variante du nom du soleil qu’on retrouve dans le sanscrit Ravi, et la douce Lusin (*louksna). Enfin, en Albanie aussi, on retrouve un soleil masculin (Dielli) et une lune féminine (Hëna).

En revanche, chez les peuples du nord de l’Europe, étrangement, le sexe de l’un et de l’autre s’est inversé, sauf chez les Celtes où ces deux divinités ont une place de toute façon si marginale qu’il est presque impossible de les identifier, remplacés par le dieu Belenos et sans doute la déesse Đirona. Chez les Germains, si Balder est l’Apollon scandinave, le soleil est une déesse (germanique Sunna, nordique Sol) alors que la lune est son frère (nordique Mani). De même, les Baltes possèdent une déesse solaire puissante (lituanienne Saulè) et un dieu lunaire aux accents guerriers (lituanien Menulis, letton Menuo). Cette étrange inversion s’explique peut-être par l’idée que le soleil du nord était davantage doux pour les hommes, mais on verra par la suite que cette hypothèse est douteuse.

Les Slaves quant à eux préfèrent maintenir une certaine ambiguïté. Si le soleil est clairement masculin, sous la forme du Khors (Хорс) d’origine sarmatique ou du Dazbog slave, alors que son nom neutre « solntse » ne désigne que l’astre et aucunement une divinité, la lune n’est pas nécessairement féminine. Messiats (Месяц) est une divinité qui peut apparaître aussi bien comme un dieu guerrier que comme une déesse pacifique.

La mythologie indo-européenne, malgré une inversion localisée dans le Nord-est de l’Europe, et une influence mésopotamienne évidente en Orient, a donc conservé l’idée d’un couple de jumeaux, le dieu du soleil et la déesse de la lune, tous deux nés de l’amour du ciel de jour et de la nuit (la Léto grecque, qui est aussi la Ratri indienne, déesse de la nuit).

En Egypte et à Sumer, pays où la chaleur du soleil pouvait être écrasante, le soleil est clairement une divinité mâle, mais la lune n’est pas davantage envisagée comme son opposé. L’Egypte dispose ainsi de plusieurs dieux solaires de première importance, comme Râ et Horus (Heru), et aussi de leurs multiples avatars, comme Ammon, le soleil caché, et Aton, le soleil visible. Le Soleil a même une épouse et parèdre, Rât. Il est le dieu suprême, alors que le ciel est féminin (Nout) et la terre est masculine (Geb), inversion étrange qu’on ne retrouvera pas ailleurs. La Lune est elle aussi masculine. C’est le dieu Chonsu, au rôle religieux des plus limités. De même les Sumériens disposent de deux divinités masculines, en la personne d’Utu, le Soleil comme astre de justice, et Nannar, la Lune.

Lorsque les peuples sémitiques quittèrent leur foyer d’Afrique de l’Est ou de la pointe sud-ouest de l’Arabie, leur mythologie rencontra celle des Mésopotamiens. A l’origine, le Soleil chez les Sémites est une déesse du nom de *Śamšu alors que la Lune est masculine, *Warihu. Chez un peuple qu’on associe à un environnement semi-désertique, c’est assez surprenant. Lorsque les Sémites envahirent Sumer, ils adaptèrent leur panthéon à celui des indigènes. Si la lune resta masculine sous la forme du dieu Sîn, dont l’actuel Sinaï porte le nom, le soleil devint également masculin. A l’Utu sumérien succéda le Shamash babylonien, dans son rôle identique de dieu qui voit tout et juge les hommes. Mais en Canaan et chez les Arabes, « la » Soleil survécut. Shapash était la déesse ouest-sémitique du soleil, présente aussi bien chez les anciens Judéens que dans le reste de Canaan et jusqu’à Ugarit, et Shams la déesse sud-sémitique, présente encore à l’époque de Muhammad dans tout le Yémen.

Un dieu soleil et une déesse lune chez les Indo-Européens, une déesse soleil et un dieu lune chez les Sémites, comme d’ailleurs chez les peuples Turcs et Finno-ougriens, et sans doute chez les peuples nomades en général, un soleil et une lune tous deux masculins en Egypte et à Sumer, voilà une situation bien complexe. Pourquoi attribuer à l’un ou à l’autre un genre en particulier ?

On comprend bien que la lune, liée à des cycles, puisse être associée à la femme, elle-même soumise à un cycle menstruel, terme qui rappelle d’ailleurs justement le nom indo-européen de la lune (*mens). Et de même le soleil, astre ardent qui brûle la peau de celui qui ne s’en protège pas, qui voit tout et qui sait tout, est logiquement masculin. Mais ce raisonnement ne vaut que pour les Indo-Européens. L’idée d’une lune féminine leur est propre, alors qu’elle est masculine partout ailleurs, de l’Egypte jusqu’à l’Inde.

Thomas FERRIER (LBTF/Le Parti des Européens)

07/02/2016

Les animaux sacrés et leur nom tabou chez les Indo-Européens

religion.pngbears.jpgLes Indo-Européens associaient généralement les grands prédateurs, qu’ils admiraient, à leur dieu de la guerre (*Maworts). Deux espèces parmi toutes étaient particulièrement honorées, à savoir l’ours (*ərktos) et le loup (*wlkwos), reconnus pour leur esprit combatif. Les guerriers sacrés du monde germanique se partageaient d’ailleurs entre les Berserkir (guerriers-ours) et les Ulfhednar (guerriers-loups).

Ces animaux étant admirés et en même temps pour les mêmes raisons très craints, les peuples indo-européens connurent une étrange pratique, à savoir tabouiser le nom originel de l’animal, de peur que de l’appeler par son nom véritable ne l’attire. C’est notamment le cas de l’ours.

Son nom indo-européen *ərktos a été conservé au sein de peuples qui n’étaient pas amenés à le côtoyer régulièrement. C’est ainsi que les Grecs continuèrent de l’appeler αρκτος, même si en grec moderne son nom devint féminin (αρκουδα), de même que les Latins l’appelèrent ursus et les anciens Indiens ṛksas (et aussi arménien arj, vieux-perse arša, farsi xers). Plus surprenant encore, les Basques s’approprièrent le nom indo-européen de cet animal sans doute de bonne heure en le nommant hartz.

Le monde celte pour qui l’ours symbolisait la royauté conserva également son nom, en gaulois *artos, en gallois moderne arth, en breton arzh. Le roi Arthur était ainsi un grand roi (ardri) ours alors que Merlin l’enchanteur apparaissait dans le rôle du druide suprême (ardrui).

Mais progressivement le nom de l’animal devint un secret. Ainsi les Ecossais l’appelèrent math « le bon » pour atténuer son légendaire courroux, et les Irlandais modernes le nomment en gaélique béar, qui n’est autre qu’un emprunt à l’anglais bear.

Ce dernier terme est un emprunt aux langues germaniques (anglais bear, allemand Bär, suédois björn) et signifie « le brun ». Les peuples germano-scandinaves en effet craignaient davantage le loup, tout comme en général les peuples du nord, à l’exception des Celtes. En le surnommant par sa couleur, les Germains évitaient ainsi sa rencontre. Ce raisonnement fut exactement le même dans le monde slave, où l’ours devient le « mangeur de miel » (russe медведь), et dans le monde balte où il fut appelé locys en lituanien (lācis en letton), « le lècheur ».

Alors que les Celtes ne semblaient donc pas craindre l’ours, il en fut différemment du loup, plutôt associé au monde des morts. C’est lui qu’ils choisirent de tabouiser. Si le nom gaulois originel du loup fut sans doute *volcos, très vite ce dernier terme fut remplacé par bledos, « le gris ». C’est ainsi qu’en breton le loup est bleiz (cornique bleydh, gallois blaidd, gaélique faol).

Les autres peuples indo-européens en revanche conservèrent tous son nom traditionnel *wlkwos (grec λυκος, latin lupus, scandinave ulfr, sanscrit vṛkas, russe волк, lituanien vilkas, arménien gayl).

Le « brun » et le « gris », associés pourtant défavorablement par exemple dans le Roman de Renart, étaient donc des animaux consacrés à la royauté et à la guerre chez les Indo-Européens. Le Mars romain, dieu des loups, rappelle que les anciennes confréries guerrières (Männerbund) aimaient se comparer à une meute. Le loup, tout comme l’ours, est également un animal-guide. C’est un loup d’acier (gelezinis vilkas) qui guida le roi lituanien Gediminas vers la colline où il devait construire Vilnius, sa future capitale. Quant au mythe de Romulus et Rémus nourris par une louve, cela rappelle l’enfant-loup de la tradition indienne (« Mowgli »).

Songeons aussi à la déesse-ourse, divinité vierge gardienne des forêts et chasseresse, l'Artio celte mais aussi l'Ar(c)témis grecque. Les jeunes filles se déguisaient en ourses au moment du passage à l'adolescence dans la Grèce classique.

Enfin, ce mythe selon lequel Arthur reviendrait d’Avallon ramener la paix sur la Bretagne est évidemment une comparaison avec l’ours qui hiberne dans sa grotte. C’est le thème du « retour du roi » qu’on retrouve aussi dans le monde germanique associé à l’empereur Frédéric.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens/LBTF)

23:20 Publié dans Analyses, Religion | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : loup, ours, tabou |

29/01/2016

Du mot proto-indo-européen *deywos.

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zeus.pngQu’est-ce qu’un *deywos, mot qui a abouti au latin deus et au français « dieu » ? D’autres termes pour désigner les divinités ont été employés par les Indo-Européens indivis, à l’instar de *ansus, « esprit divin » [scandinave Ass, indien Asura) ou de *dhesos, « celui qui est placé (dans le temple) » [grec theos] et bien sûr le terme germanique *gutaz désignait « celui qu’on invoque », mais *deywos aura été le plus courant et le mieux conservé puisqu’on le retrouve à peu près partout (gaulois devos, germano-scandinave tyr, balte dievas, sanskrit devas, latin deus, iranien daeva).

La racine de *deywos est bien connue, et on la retrouve dans le nom de *dyeus, le « ciel diurne », à la fois phénomène physique et divinité souveraine. On peut la traduire par « céleste » aussi bien que par « diurne » mais aussi par « émanation de *dyeus ».

La divinité suprême *Dyeus *Pater est en effet l’époux d’une parèdre du nom de *Diwni (« celle de *dyeus ») qui est le nom marital de la déesse de la terre, son épouse naturelle, formant le couple fusionnel dyavaprithivi dans l’Inde védique. Les *Deywôs sont donc les fils de *Dyeus, tout comme les *Deywiyês (ou *Deywâs) sont ses filles.  C’est leur façon de porter le nom patronymique de leur divin géniteur.

Les *Deywôs sont donc par leur nom même les enfants du ciel, ce qui place leur existence sur un plan astral, l’ « enclos des dieux » (le sens même du mot *gherdhos qu’on retrouve dans Asgard, le royaume divin des Scandinaves) étant situé sur un autre plan que le monde des hommes mais placé systématiquement en hauteur, généralement à la cime de la plus haute montagne ou de l’arbre cosmique, ou au-delà de l’océan, dont la couleur est le reflet du ciel bleu, dans des îles de lumière (Avallon, Îles des Bienheureux…).

Mais ils forment aussi une sainte famille, autour du père céleste et de la mère terrestre, l’un et l’autre régnant dans un royaume de lumière invisible aux yeux des hommes. 

Toutefois, le ciel diurne ne s’oppose au ciel de nuit que dans une certaine mesure. Sous l’épiclèse de *werunos, le dieu « du vaste monde » [grec Ouranos, sanscrit Varuna], *Dyeus est aussi le dieu du ciel en général, les étoiles étant depuis toujours les mânes des héros morts, souvenir que les Grecs lièrent au mythe d’Astrée, déesse des étoiles et de la justice, qui abandonna le monde en raison des pêchés des hommes. Astrée elle-même n’était autre que la déesse *Stirona indo-européenne que les Celtes conservèrent sous le nom de Đirona (prononcer « Tsirona ») et que les Romains associèrent à Diane.

Quant à la parèdre de *Dyeus, on la retrouve sous les noms de Diane et de Dea Dia à Rome, de Dziewona en Pologne pré-chrétienne et de Dionê en Grèce classique, celle-là même qu’on donne pour mère d’Aphrodite. De même la déesse de l’aurore (*Ausos) est dite « fille de *Dyeus » [*dhughater *Diwos], terme qu’on retrouve associé à Athéna mais aussi plus rarement à Aphrodite.

*Diwni, l’épouse du jour, devient *Nokwts, la nuit personnifiée. Le *Dyeus de jour cède alors la place au *Werunos de nuit. Tandis que les autres *Deywôs dorment, *Dyeus reste éveillé. L’idée d’un dieu du jour et de la nuit, donc aux deux visages, est à rapprocher du Janus romain, dieu des commencements, époux alors de la déesse de l’année *Yera (Héra) ou de la nouvelle année (Iuno).

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

17/01/2016

Sol Invictus et le monothéisme solaire.

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Racines.

sol invictus,monothéisme,paganisme,empire romain,mondialisme,christianismeDans la tradition égyptienne ancienne, le dieu le plus important du panthéon était le Soleil, qui était honoré sous différents noms selon les cités, mais qui portait dans toute l’Egypte le nom de Rê. En tant qu’Atoum-Rê, il apparaissait comme le dieu créateur du monde et sous les traits d’Amon-Rê comme un dieu souverain. Rê était également appelé Horus (Heru), sous la forme d’Horus l’ancien comme sous celle du fils d’Osiris et d’Isis. Le dieu Horus, son avatar sur la terre, aurait même guidé le peuple égyptien, à l’époque où ses ancêtres venaient d’Afrique du nord, sur cette nouvelle terre noire (Kemet) qui finit par porter son nom.

C’est la barque de Rê qui garantissait chaque jour l’ordre cosmique contre les forces de destruction et de chaos incarnées par le serpent Apep (« Apophis »). A sa proue, le dieu orageux Set combattait le dit serpent, avant que la tradition populaire tardive ne finisse par le confondre avec lui et n’en fasse plus que le meurtrier d’Osiris.

L’importance du culte solaire fut telle que le roi Amenhotep IV, plus connu sous celui d’Akhenaton, en fit son culte unique et fut le premier à créer un monothéisme solaire lié à sa personne, honorant le disque solaire divinisé (Aton). Les seuls prêtres et intercesseurs d’Aton vis-à-vis des hommes étaient le pharaon lui-même et son épouse Nefertiti. Son culte s’effondra à sa mort et les prêtres d’Amon veillèrent à ce que son nom disparaisse des inscriptions.

Mais en revanche dans la tradition indo-européenne, dont Grecs et Romains (notamment) seront les héritiers, le dieu du soleil est un dieu parmi d’autres et jamais le premier. Aux temps de l’indo-européanité indivise, ce dieu se nommait *Sawelyos et monté sur un char tiré par des chevaux blancs, il tournait autour de l’astre portant son nom. Le dieu suprême était son père *Dyeus, le dieu du ciel et de la lumière. Parmi les fils de *Dyeus qu’on nommait les *Deywôs (les « dieux »), trois étaient liés au feu, en conformité avec le schéma dumézilien des trois fonctions et sa version cosmique analysée par Haudry. Il y avait en effet le feu céleste (Soleil), le feu du ciel intermédiaire (Foudre) et le feu terrestre (Feu). De tous les fils de *Dyeus, le plus important était celui de l’orage et de la guerre (*Maworts), qui parfois devint le dieu suprême chez certains peuples indo-européens (chez les Celtes avec Taranis, chez les Slaves avec Perun, chez les Indiens avec Indra). Le dieu du soleil était davantage lié aux propriétés associées à l’astre, donc apparaissait comme un dieu de la beauté et aussi de la médecine. Ce n’était pas un dieu guerrier.

A Rome même, le dieu Sol surnommé Indiges (« Indigène ») était une divinité mineure du panthéon latin. Il était né le 25 décembre, à proximité du solstice d’hiver. Dans ce rôle solaire, il était concurrencé par le dieu de l’impulsion solaire, Saturne, dont le nom est à rapprocher du dieu indien Savitar, avant d’être abusivement associé au Cronos grec.

En Grèce enfin, selon un processus complexe, les divinités du soleil, de la lune et de l’aurore se sont multipliées. L’Aurore était donc à la fois Eôs, l’Aurore personnifiée, mais aussi Athéna dans son rôle de déesse de l’intelligence guerrière et Aphrodite dans celui de déesse de l’amour. Et en ce qui concerne le Soleil, il était à la fois Hêlios, le fils d’Hypérion (qui n’était autre que lui-même), et Apollon, le dieu de la lumière, des arts et de la médecine. Cette confusion entre ces deux dieux fut constamment maintenue durant toute l’antiquité.

Evolution.

sol invictus,monothéisme,paganisme,empire romain,mondialisme,christianismeIIIème siècle après J.C. L’empire romain est en crise. A l’est, les Sassanides, une Perse en pleine renaissance qui rêve de reconstituer l’empire de Darius. Au nord, les peuples européens « barbares » poussés à l’arrière par des vagues asiatiques et qui rêvent d’une place au soleil italique et/ou balkanique.

Le principat, qui respectait encore les apparences de la république, tout en ayant tous les traits d’un despotisme éclairé, a explosé. Place au dominat. Victoire de la conception orientale du pouvoir sur la vision démocratique indo-européenne des temps anciens. L’empereur n’est plus un héros en devenir (divus) mais un dieu incarné (deus). Il est le médiateur de la puissance céleste et des hommes, à la fois roi de fait et grand pontife. Le polythéisme romain était pleinement compatible avec une conception républicaine du monde, comme l’a montré Louis Ménard. Empereur unique, dieu unique.
Si le christianisme comme religion du pouvoir d’un seul était encore trop marginal pour devenir la religion de l’empereur, un monothéisme universaliste s’imposait naturellement dans les têtes. Quoi de plus logique que de représenter l’Un Incréé de Plotin par le dieu du soleil, un dieu présent dans l’ensemble du bassin méditerranéen et donc apte à unir sous sa bannière des peuples si différents. Mondialisme avant la lettre. Cosmopolitisme d’Alexandre. Revanche des Graeculi sur les vrais Romani, d’Antoine sur Octavien.

C’est ainsi que naquit un monothéisme solaire autour du nom de Sol Invictus, le « Soleil Invaincu » et/ou le « Soleil invincible ». Le dieu syrien El Gabal, les dieux solaires égyptiens et l’iranien Mithra, enfin le pâle Sol Indiges, le froid Belenos et Apollon en un seul. Le monothéisme solaire d’Elagabale, mort pour avoir eu raison trop tôt, de Sévère Alexandre, qui ouvrit même son panthéon à Jésus, puis d’Aurélien, s’imposa. Certes Sol n’était pas l’unique « deus invictus ». Jupiter et Mars furent aussi qualifiés de tels, et il est vrai que de tous les dieux romains, Mars était le seul légitime en tant que déité de la guerre à pouvoir porter ce nom.

En réalité, « Sol Invictus » fut l’innovation qui facilita considérablement au final la victoire du christianisme. Constantin, qui était un dévot de ce dieu, accepta de considérer Jésus Christ, que des auteurs chrétiens habiles désignèrent comme un « soleil de justice » (sol iustitiae) comme une autre expression de ce même dieu. Le monothéisme « païen » et solaire de Constantin, épuré de tout polythéisme, comme sous Akhenaton, et le monothéisme chrétien fusionnèrent donc naturellement. Le jour du soleil fut dédié à Jésus, tout comme celui-ci désormais fut natif du 25 décembre. Jésus se vit représenté sous les traits d’un nouvel Apollon, aux cheveux blonds, à la fois Dieu incarné et homme sacrifié pour le salut de tous.

Au lieu de s’appuyer sur le polythéisme de leurs ancêtres, les empereurs romains, qui étaient tous des despotes orientaux, à l’instar d’un Dioclétien qui exigeait qu’on s’agenouille devant lui, à l’instar d’un shah iranien, voulurent faire du christianisme contre le christianisme. Dioclétien élabora une théologie complexe autour de Jupiter et d’Hercule. Le héros à la massue devint une sorte de Christ païen, de médiateur, qui s’était sacrifié sur le mont Oeta après avoir vaincu les monstres qui terrifiaient l’humanité et avait ainsi accédé à l’immortalité.

Et l’empereur Julien lui-même se fit un dévot du Soleil Invincible, sans se rendre compte un instant qu’il faisait alors le plus beau compliment au monothéisme oriental qu’il pensait combattre. Il osa dans ses écrits attribuer la naissance de Rome non au dieu Mars mais à Hélios apparu dans un rôle fonctionnel guerrier. Le monothéisme solaire a pourtant permis au christianisme de s’imposer, à partir du moment où l’empereur a compris que l’antique polythéisme était un obstacle moral à l’autocratie. Constantin alla simplement plus loin qu’Aurélien dans sa volonté d’unir religieusement l’empire. Jesus Invictus devint le dieu de l’empire romain.

Le monothéisme autour de Sol Invictus, loin d’être la manifestation d’une résistance païenne, était au contraire la preuve de la victoire des valeurs orientales sur une Rome ayant trop négligé son héritage indo-européen en raison d’un universalisme suicidaire. Cela nous rappelle étrangement la situation de l’Europe contemporaine.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

Note: Mithra à l’origine n’est pas un dieu solaire. C’était la fonction de l’ange « adorable » zoroastrien Hvar (Khorsid en moyen-perse). Il incarnait au contraire le dieu des contrats, de la parole donnée et de la vérité, à l’instar du Mitra indien. Par la suite, il récupéra des fonctions guerrières aux dépens d’Indra désormais satanisé (mais réapparu sous les traits de l’ange de la victoire, Verethragna). Enfin il finit par incarner le Soleil en tant qu’astre de justice. Le Mithras « irano-romain », évolution syncrétique ultérieure, conserva les traits solaires du Mithra iranien tardif. Il fut également associé au tétrascèle solaire (qualifiée de roue de Mithra, Garduneh-e Mehr, ou de roue du Soleil, Garduneh-e Khorsid) qui fut repris dans l’imagerie christique avant d’être utilisé deux millénaires plus tard par un régime totalitaire.

16/05/2015

Le dieu cornu des Indo-Européens

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pan,faunus,hermès,cernunnos,cornu,commerce,chemins,psychopompeDe toutes les figures divines du panthéon proto-indo-européen, celle du dieu « cornu » est la plus complexe et la moins analysée. Elle est pourtant essentielle, même si son importance n’est pas comparable à celle du dieu de l’orage, dont il est souvent le compagnon de lutte mais parfois aussi l’adversaire. On le retrouve chez presque tous les peuples indo-européens, à l’exception notable des Germains même si, on le verra, il est possible d’y retrouver sa trace. Son nom originel était sans doute *Pauson, « celui qui guide ». Représenté avec deux cornes, il fut alors surnommé chez certains peuples le dieu « cornu ».

Chez les Grecs, l’équivalent en toutes choses de *Pauson était le dieu Pan. Son nom, qui ne signifiait pas « tout », comme une étymologie populaire le proposait, dérive directement de son ancêtre indo-européen. Pan est justement représenté cornu avec des pieds de bouc. Il était le dieu des troupeaux, qu’il protégeait contre les loups. C’est là un de ses rôles les plus anciens. On le dit natif d’Arcadie, une région de collines où il était très sollicité par les bergers du Péloponnèse. Son nom a également donné celui de « panique », car on dotait Pan de la capacité d’effrayer les ennemis.

Pan n’était pas le fils de n’importe quel dieu. Il était celui d’Hermès avec lequel il se confond. Comme souvent chez les Grecs, un même dieu indo-européen pouvait prendre plusieurs formes. On confondait ainsi Eôs et Aphrodite ou encore Hélios et Apollon. Le premier portait le nom originel, le second celui d’une épiclèse devenue indépendante. Pan et Hermès étaient dans le même cas de figure. Hermès disposait de la plupart des rôles auparavant dévolus à celui dont les Grecs feront paradoxalement le fils. Il était le dieu des chemins et lui aussi conducteur des troupeaux. On raconte que dans ses premières années il déroba le troupeau dont Apollon avait la garde. C’était le dieu des voleurs et le dieu qui protégeait en même temps contre le vol. Il était aussi le gardien des frontières, d’où sa représentation sous forme d’une borne, tout comme le dieu latin Terminus. Il était également le dieu du commerce et de l’échange, le protecteur des marchands. Enfin, Hermès était un dieu psychopompe, conduisant les âmes des morts aux Champs Elyséens ou dans le sombre royaume d’Hadès.

En Inde, l’homologue de Pan était le dieu Pusan. A la différence de Pan, Pusan avait conservé l’intégralité de ses prérogatives. Il était dieu psychopompe, emmenant les âmes chez Yama. Il protégeait les voyageurs contre les brigands et les animaux sauvages. Ce dieu offrait à ceux qu’il appréciait sa protection et la richesse symbolisée par la possession de troupeaux. Son chariot était conduit par des boucs, là encore un animal associé au Pan grec.

Le dieu latin Faunus, qui fut associé par la suite non sans raison avec Pan, se limitait à protéger les troupeaux contre les loups, d’où son surnom de Lupercus (sans doute « tueur de loup »), alors que Mars était au contraire le protecteur de ces prédateurs. Son rôle était donc mineur. Le dieu des chemins était Terminus et le dieu du commerce, lorsque les Romains s’y adonnèrent, fut Mercure, un néologisme à base de la racine *merk-. Faunus était également le dieu des animaux sauvages auprès de Silvanus, dieu des forêts.

Enfin, le dieu lituanien Pus(k)aitis était le dieu protecteur du pays et le roi des créatures souterraines, avatar déchu d’une grande divinité indo-européenne mais qui avait conservé son rôle de gardien des routes et donc des frontières.

Les autres peuples indo-européens, tout en conservant la fonction de ce dieu, oublièrent en revanche son nom. Les Celtes ne le désignèrent plus que par le nom de Cernunnos, le dieu « cornu ». En tant que tel, il était le dieu de la richesse de la nature, le maître des animaux sauvages comme d’élevage, le dieu conducteur des morts et un dieu magicien. Il avait enseigné aux druides son art sacré, d’où son abondante représentation en Gaule notamment. Sous le nom d’Hernè, il a pu s’imposer également chez les Germains voisins. Représenté avec des bois de cerf et non des cornes au sens strict, il était le dieu le plus important après Taranis et Lugus. En revanche, en Bretagne et en Irlande, il était absent. Son culte n’a pas pu traverser la Manche. Chez les Hittites, le dieu cornu Kahruhas était son strict équivalent mais notre connaissance à son sujet est des plus limités.

Dans le panthéon slave, les deux divinités les plus fondamentales était Perun, maître de l’orage et dieu de la guerre, et Volos, dieu des troupeaux. Même si Volos est absent du panthéon officiel de Kiev établi par Vladimir en 980, son rôle demeura sous les traits de Saint Basile (Vlasios) lorsque la Rous passa au christianisme. Il était notamment le dieu honoré sur les marchés, un lieu central de la vie collective, d’où le fait que la Place Rouge de Moscou est jusqu’à nos jours dédiée à Basile. Volos n’était pas que le dieu des troupeaux. Il était le dieu des morts, ne se contentant pas de les conduire en Nav, le royaume des morts, même si la tradition slave évoque éventuellement un dieu infernal du nom de Viy. Il apportait la richesse et la prospérité en même temps que la fertilité aux femmes. Dieu magicien, il était le dieu spécifique des prêtres slaves, les Volkhvy, même si ces derniers avaient charge d’honorer tous les dieux. Perun et Volos s’opposaient souvent, le dieu du tonnerre n’hésitant pas à le foudroyer car Volos n’était pas nécessairement un dieu bon, et la tradition l’accusait d’avoir volé le troupeau de Perun. Une certaine confusion fit qu’on vit en lui un avatar du serpent maléfique retenant les eaux célestes, qui était Zmiya dans le monde slave, un dragon vaincu par la hache de Perun, tout comme Jormungandr fut terrassé par Thor dans la mythologie scandinave.

Dans le monde germanique, aucun dieu ne correspond vraiment au *Pauson indo-européen. La société germano-scandinave n’était pas une civilisation de l’élevage, et les fonctions commerciales relevaient du dieu Odin. Wotan-Odhinn, le grand dieu germanique, s’était en effet emparé de fonctions relevant de Tiu-Tyr (en tant que dieu du ciel et roi des dieux), de Donar-Thor (en tant que dieu de la guerre). Il existait certes un Hermod, dont le nom est à rapprocher de celui d’Hermès, mais qui avait comme seul et unique rôle celui de messager des dieux. Mais c’est sans doute Freyr, dont l’animal sacré était le sanglier, qui peut être considéré comme le moins éloigné de *Pauson. Frère jumeau de Freyja, la déesse de l’amour, il incarnait la fertilité sous toutes ses formes mais était aussi un dieu magicien. On ne le connaît néanmoins pas psychopompe, pas spécialement dédié non plus au commerce, ni à conduire des troupeaux. Wotan-Odhinn là encore était sans doute le conducteur des morts, soit en Helheimr, pour les hommes du commun, soit au Valhöll, pour les héros morts au combat. Le *Pauson proto-germanique a probablement disparu de bonne date, remplacé dans tous ses rôles par plusieurs divinités.

*Pauson était donc un dieu polyvalent. En tant que dieu des chemins, dieu « guide », ce que son nom semble signifier, il patronnait toutes les formes de déplacement, les routes mais aussi les frontières et les échanges. Il était en outre le dieu des animaux sauvages et des troupeaux, qu’il conduisait dans les verts pâturages. Il conduisait même les âmes morts aux Enfers et délivrait aux hommes les messages des dieux, même si ce rôle de dieu messager était partagé avec la déesse de l’arc-en-ciel *Wiris (lituanienne Vaivora, grecque Iris). C’était un dieu qui maîtrisait parfaitement les chemins de la pensée humaine. Les Grecs firent ainsi d’Hermès un dieu créateur et même celui de l’intelligence théorique aux côtés d’Athéna et d’Héphaïstos. Ils lui attribuèrent l’invention de l’écriture et même de la musique. Il est logique d’en avoir fait un magicien, capable de tous les tours et de tous les plans, y compris de s’introduire chez Typhon pour récupérer les chevilles divines de Zeus ou de libérer Arès, prisonnier d’un tonneau gardé par les deux géants Aloades. Sous les traits du romain Mercure, main dans la main avec Mars, il finit par incarner la puissance générée par le commerce, facteur de paix et de prospérité pour la cité autant que les légions à ses frontières.

Son importance était telle que les chrétiens annoncèrent sa mort, « le grand Pan est mort », pour signifier que le temps du paganisme était révolu. Pourtant il ne disparut pas, alors ils en firent leur Diable cornu et aux pieds de bouc. Il conserva ainsi son rôle de dieu des morts mais uniquement pour les pêcheurs, les vertueux accédant au paradis de Dieu.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

08/03/2015

Lexique du partisan européen - "Paganisme"

PAGANISME

paganisme,europe,renaissance,olympe,asgard,polythéismeNom donné aux religions polythéistes, et notamment d’Europe, aux IVème et Vème siècle, par les partisans de la religion chrétienne. Le paganus ou « païen » signifie stricto sensu « homme du pays », « national ». Il s’oppose à l’alienus, « étranger ». En religion, le païen est tenant de la religion native, alors que le chrétien défend une religion certes à vocation universaliste mais néanmoins importée du Proche-Orient, le monothéisme étant apparu dans un contexte spécifique (fin du VIIème siècle avant notre ère, sous le règne du roi judéen Josias) au sein d’un peuple spécifique (les habitants des royaumes de Juda et d’Israël).

En Europe, le « paganisme » relève pour l’essentiel de la tradition polythéiste indo-européenne, reposant sur l’existence d’un couple divin formé du dieu du ciel diurne et de la lumière et de la déesse de la terre et de la fertilité. Ce dieu est *Dyeus *Pater, qui a donné en grec Zeus Patêr et en latin Dius Pater (devenu Jupiter). Son épouse est surnommé *Diwni (grec Dionê), celle de *Dyeŭs, bien que son nom soit en réalité*Dhghōm *Mater (Dêmêtêr, la « Terre Mère »). Ce couple a engendré les *Deywōs ou « dieux », dont le sens est « célestes » ou plus précisément (« ceux [nés] de Dyeŭs »), qui ont en charge des domaines bien spécifiques, notamment le patronage des astres, des éléments de la nature ou des phénomènes atmosphériques mais aussi, par association d’idées, des fonctions humaines. Ainsi sont intimement liés aurore et amour, feu et forge, ou encore orage et guerre. Ce sont des associations symboliques, la couleur rouge par exemple, ou l’image que la guerre est sur terre ce que la tempête est au ciel.

Le « paganisme » a été la religion d’une grande partie du monde. Il existait dès les premières expressions de religiosité par l’humanité, donc au moins dès le paléolithique. C’est la religion originelle de l’humanité, qu’on admette une origine unique ou plurielle de cette dernière. Il est aussi la religion des anciens Judéens (« Cananéens ») avant qu’ils ne passent au monothéisme.

Les caractéristiques du « paganisme » sont de porter un sentiment identitaire naturel, donc un attachement « national » aux dieux ancestraux, de développer une vision du monde plurielle via un « polythéisme des valeurs ». Mais il s’agit avant tout d’une vraie religion avec ses principes, ses rites et ses croyances. Paul Veyne devait reconnaître que « les Grecs croyaient à leurs dieux », que le « paganisme » n’était pas la simple expression poétisée d’une vision athée du monde. Le mot « païen » a souvent le sens d’incroyance. Il n’en était rien. Il rappelle que le polythéisme des anciens n’était pas universaliste mais identitaire, enraciné sur une terre et un peuple.

Avec la conversion au christianisme de l’empereur Constantin puis les décrets liberticides anti-païens de ses successeurs, une fois les réactions païennes (Julien 363, Eugène 394, Anthème 472, Illus 488) jugulées, les Européens furent contraints d’abandonner leurs dieux ancestraux même s’ils résistèrent pendant plusieurs siècles. Cette résistance amena les autorités chrétiennes, le pape Grégoire Ier en tête, à imaginer paganiser le christianisme afin de le rendre moins insupportable aux Européens, afin d’en atténuer les traits les plus exogènes. Il fit ainsi récupérer les fêtes païennes, un processus que Constantin avait entamé, et même les lieux de culte. La cathédrale de Chartres fut ainsi construite sur la forêt des Carnutes où se réunissaient les druides.

Mais au XVème siècle, face à la réforme qui prônait un retour aux « saintes écritures », l’Eglise a voulu réévangéliser l’Europe, la couper définitivement de ses racines païennes. Au lieu de dépaganiser le christianisme, elle n’a réussi qu’à déchristianiser l’Europe occidentale. L’orthodoxie, confrontée à l’islam, n’a pas en revanche tenté de se dépaganiser et c’est pourquoi elle a mieux résisté. Dès le Vème siècle, époque où le christianisme fut imposé par la violence à nos ancêtres, des penseurs se mirent à imaginer une restauration de l’antique religion sous sa forme originelle ou sous sa forme rénovée. De Rutilius Namatianus (Vème siècle) à Louis Ménard (XIXème siècle), en passant par Gémiste Pléthon (XVème, Grèce) et Pompilius Laetus (XVème, Italie), Frédéric II Hohenstaufen et Erasme, Voltaire et Sade, Hölderlin et Nietzsche, ils furent nombreux à œuvrer en ce sens.

Mais ce n’est qu’au XXème siècle que ces pionniers virent leurs efforts récompensés avec une nouvelle génération d’Européens renouant avec la foi ancestrale, alors que les églises se vident et que les périls s’annoncent aux frontières de notre civilisation. Sous les noms de Druidecht (« druidisme »), Asatru (« foi envers les dieux d’Asgard »), Rodnoverie (« religion ancestrale » slave) ou Religio Romana (« religion romaine »), des mouvements ont essaimé en Europe. Et même s’ils sont minoritaires, même s’ils n’ont pas toujours su rompre avec l’idéologie universaliste dominante, ils ont permis au paganisme de ressortir du tombeau où l’Eglise avait cru définitivement l’enterrer, oubliant que l’oiseau de feu, qu’on nomme aussi phénix, est immortel.

C’est en Inde et en Iran que des chercheurs européens (Filippo Sassetti, William Jones, Anquetil-Duperron, Thomas Young, Friedrich Schlegel) ont pu reconstituer l’antique tradition. Qu’ils ont pu retrouver en Asie ce que l’Europe croyait avoir perdu sur son propre sol. Les dieux de l’Olympe et d’Asgard avaient trouvé refuge en Inde, comme l’exprima à sa manière le poète Evariste Parny, parent de Leconte de Lisle, dans sa « Guerre des dieux » (1807). Et désormais ils sont de retour et cette fois ce sera pour toujours.

En 2015, après un millénaire de rupture, l’Islande se dotera à nouveau d’un temple en l’honneur des dieux d’Asgard et de Vanaheimr, tandis que résonnent sur le mont Olympe les chants de Grecs ayant renoué avec leur auguste mémoire.

Et les Européens, alors que les ténèbres obscurcissent le ciel de leur avenir, sauront retrouver dans leurs Dieux la force morale qui leur manque. L’épée de Mars et le marteau de Thor, enfin réconciliés, sauront offrir à l’Occident fatigué une nouvelle aurore !

Thomas FERRIER