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26/05/2013

Réflexions sur la lecture chrétienne du geste de Venner

mtr_logo.gifDans un article précédent, j’ai estimé nécessaire de rendre hommage à l’historien Dominique Venner, pour son geste sacrificiel de romain, qui rappelait celui du général P. Decius Mus, évoqué par Tite-Live. Hommage d’un païen à un autre païen, fidèle à la longue mémoire européenne et aux dieux de nos ancêtres.

Nombreuses sont les figures chrétiennes, d’une mouvance à laquelle les media ont voulu associer Venner, qui ont su honorer la mémoire de cet homme, malgré la différence de foi les séparant. En revanche, certains chrétiens n’ont pas pu s’empêcher de crier au sacrilège, et même à la profanation, tolérant pourtant que Notre-Dame soit devenu davantage un lieu touristique qu’un lieu de culte ou d’expression de son patriotisme, comparant Venner à une vulgaire pussy riot, un certain Yves Daoudal allant même à qualifier le mort de « satanique ».

Il y a lieu en effet de s’interroger sur ces convertis « born again », ces nouveaux chrétiens qui, abandonnant leurs convictions premières, ont le zèle de ceux qui veulent se faire pardonner leurs égarements passés. Rappelons à ce propos que « Frigide Barjot », qui n’est pourtant pas une fanatique, a elle-même « découvert la foi », au-delà de son éducation chrétienne, il y a quelques années, en faisant « des caisses » à ce sujet.

Le patriotisme implique qu’on doive faire primer l’amour de son pays, de son peuple, de sa civilisation avant toute conception religieuse. C’est en tout cas ainsi qu’en Europe le phénomène religieux a pris ses traits spécifiques. Un patriote est prêt à risquer l’enfer s’il le fait par dévouement pour le pays de ses pères, et c’est quelque chose d’infiniment respectable. Avant d’être chrétien ou même païen.

L’acte de Venner, qu’on partage les idées qui étaient les siennes ou qu’on les rejette, était indiscutablement un acte patriotique, de cette grande patrie qui pour lui était l’Europe, de cette petite patrie qu’était la France, un sacrifice dans un lieu symbolique pour réveiller les consciences endormies, pour à sa manière sonner le tocsin d’une Europe qui succombe à ce qu’il qualifia de « dormition ». Un chant des Sirènes conduit en effet l’Europe au bord du précipice ou dans les bras d’une Scylla verte.

De nombreux ouvrages ont révélé la réalité bien sombre de la christianisation de l’Europe, qui s’est accompagnée de nombreuses horreurs afin que les païens acceptent de courber l’échine devant une foi étrangère faisant de leurs ancêtres des damnés, punis par le seul crime de ne pas avoir connu un obscur judéen mort quelques siècles auparavant dans une contrée lointaine. Cette réalité est fondamentalement niée ou simplement ignorée de la plupart des européens chrétiens d’aujourd’hui. Elle est pourtant assumée par ces gens qui tentent de salir la mémoire de Dominique Venner au nom de leur foi aveugle que l’écrivain H.P. Lovecraft décrivait comme la « superstition syrienne imposée par Constantin ».

Mais quel est le plus grand reproche que Venner a pu faire à leur religion, et qu’ils n’acceptent pas ? Venner a mis en exergue le caractère universaliste du christianisme, estimant que l’absence d’une religion identitaire en Europe nous a démunis face à l’idéologie mondialiste, alors que par comparaison l’hindouisme, religion ethnique de l’Inde, est d’un grand secours pour un pays qui a su résister et survivre à tous les conquérants. Pour lui, ce qui était le plus proche des Vedas de l’Inde ancienne, de cette sagesse originelle et sacrée de nos ancêtres, c’était l’Iliade et l’Odyssée. C’est chez Homère qu’il a trouvé l’espoir d’une renaissance et compris sans doute que jamais l’Europe ne mourrait.

L’empereur Julien voulait interdire aux chrétiens d’enseigner les textes homériques, estimant qu’ils n’étaient pas capables de les comprendre. Et de même, certains n’ont pas compris quel était le message que l’acte de Venner impliquait. Il a su vaincre ce qui constitue la plus grande force de l’Eglise, la peur de la mort. La mort, il l’a affrontée bien en face, sans sourciller et sans hésiter, et a vaincu cette peur. Cela demande un courage incommensurable lorsqu’on est un esprit sain dans un corps sain. En triomphant d’elle, comme les Européens des anciens temps, c’est en cela qu’il a rejeté la conception chrétienne de la vie.

02/04/2013

De la religion en Europe…

Jupiter-olympien1.jpgEn songeant aux premiers gestes du nouveau pape en ce lundi de Pâques 1er avril, fête des Veneraliae à Rome en l’honneur de la déesse de l’amour, et fête d’Ostara chez les peuples germaniques, je constate une fois de plus que l’Europe souffre d’être une vassale en religion, pour reprendre cette expression d’Ernest Renan. Je songe aussi aux mots de l’historien européen Dominique Venner selon lesquels « face à tout ce qui menace notre identité et notre survie en tant qu’Européens, contrairement à d’autres peuples, nous ne disposons pas du secours d’une religion identitaire ».

Comme premier acte, ce pape argentin d’origine italienne trouve bon de baigner les pieds de douze détenus (chiffre symbolique), dans un geste qui avait peut-être du sens dans la Judée du Ier siècle, mais qui n’en a aucun dans l’Europe du XXIème siècle. Il croit utile aussi d’intensifier le « dialogue avec l’islam ». On aimerait qu’il ait d’abord à cœur de défendre la civilisation européenne, dont il est le dépositaire, non seulement en tant que souverain pontife, héritier des prêtres païens (pontifices maximi) de Rome, dont il arbore les symboles, mais aussi en tant que fils de l’Europe.

A ceux qui s’inquiètent de lendemains qui déchantent, à ceux qui voient s’annoncer les nuages sombres au-dessus de notre noble continent, ce n’est pas vers la religion chrétienne qu’il faut chercher un espoir, mais auprès de ceux qui ont béni notre terre d’Europe, auprès des dieux de l’Olympe et d’Asgard.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

27/01/2013

...When Gjallarhorn Will Sound



(Falkenbach)
`...Morning arose that day long time gone,
two ravens above him showed the way.
He was guided by Odhinn, led by the one
who shelters the fallen every day by day...

...Once blood was shed of countless of men,
in the name of the cross and christian pray...
for hundred of years his heart laid in chains
but hate was growing stronger every day by day...

"Ruler of Asgaard, father of Thorr,
send me your powers divine...
Grant me your wisdom, strengthen my soul,
so revenge of our blood shall be mine...

Allfather Odhinn, I entreat you with awe,
to ride with me side by side,
so avenged shall all be, who had died in the past,
by the power of heathenish pride...

Master of thunder, lighting and rain,
soon your hammer and cross shall collide...
Protector of midgaard's daughters and sons,
in your name christian reign I will fight...

When the hammer will crush, and oppressors will fall,
my sword will be raised to thy hail!
Then the fires shall burn in the name of the Gods
as the sign of the heathen prevail!"

far in the past he saw what has been
his fathers traditions handed down,
but he still kept in heart the will to prevail
as his hate was growing stronger every day by day...

Deep in his heart a shadow had grown
which covered his mind with shades so grey,
but still every morning encouraged his hope
when he sat by the old oak every day by day...

"Strong is my heart, and strong is my will,
soon I will break our chain...
Then the swords shall be raised
and our flag held up high,
the banner of the heathen domain...

Long I've awaited the day of revenge,
the heathenish reign to return...
Now my swordblade is forged,
and my soul will prepared,
by my hands christian crosses shall burn..."

...Evening fell that day long time gone,
the ravens above still showed the way,
they were guided by Odhinn, led by the one,
who shelters the fallen every day by day...

...Blood to be shed of countless of men,
in the name of revenge and heathenpride...
No more withdraw will be on heathenish ground,
no more mercy will be when Gjallarhorn will sound...

23/12/2012

Thomas Ferrier répond à Jean Robin sur les racines païennes de l'Europe


Thomas Ferrier à propos des origines paiennes de... par enquete-debat

Chute de Rome et géopolitique

géopolitique de Rome,Europe,paganisme,christianisme,orient,occident,barbaresPourquoi l’empire romain au sens fort s’est-il effondré au cours du Vème siècle de notre ère, même s’il a survécu sous une forme abâtardie autour de Constantinople ? Son échec est-il contextuel, Rome rencontrant une résistance qui au fur et à mesure du temps s’est étoffée jusqu’à pouvoir déferler sur l’empire même ? Ou bien son effondrement était-il inscrit dans ses gênes ?

A l’heure où on parle encore de la Méditerranée comme d’un espace de prospérité en devenir entre l’Europe et l’Afrique du nord, le président français Hollande rentrant à peine d’Algérie, nous y reviendrons, il est intéressant de s’interroger sur cet empire méditerranéen par excellence qu’a été Rome.

A l’origine, Rome avait vocation à unir autour d’elle les différentes cités et tribus de l’Italie, ce pays d’élevage de bœufs (« Vitalia »), toutes apparentées. Romulus et Numa surent unir Latins et Sabins et petit à peu les peuples italiques rejoignirent l’ensemble, non sans combattre. Picéniens, Mamertins, Ombriens, Sabelliens et Samnites deviendront des Romains. Etrusques et Gaulois de Cisalpine, Grecs des colonies, tribus siciliennes, tous rejoindront cette Italie unifiée bien avant Garibaldi.

Rome fut alors confrontée à deux ennemis qui menaçaient l’intégrité de la péninsule. Ce n’était pas tant les turbulents Gaulois, qui avaient pourtant pillé Rome une première fois, qui inquiétaient les Romains, que la Macédoine et Carthage. Au cours du IIème siècle avant J.C, la Macédoine fut conquise et la Grèce, libérée en apparence, unie à Rome. Les Scipions finiront de leur côté par vaincre la puissante cité phénicienne qu’était Carthage, au bout de trois conflits sanglants. Enfin, les royaumes hellénistiques s’effondreront comme un château de cartes sans combattre. Rome est ainsi à la tête de la Méditerranée orientale, alors même que son cœur est en Europe.

Par la suite, la république puis l’empire élargiront ses frontières, tant en Occident qu’en Orient. César ajoute à Rome la Gaule et la frontière germanique mais aussi l’Egypte. Auguste finalise la conquête de l’Espagne et s’empare de la Thrace. Claude conquiert la Bretagne. Trajan s’empare de la Dacie. L’empire a atteint sa taille maximale, mais est devenu très composite. C’est l’Oronte déferlant sur le Tibre que dénonce Juvénal. Rome n’est plus dans Rome, mais le monde entier est à Rome.

Or cet empire comprend des populations qui n’ont fondamentalement rien en commun et que le hasard historique a intégré à une même structure. La romanisation échoue en Orient là où l’hellénisation semble en revanche avoir percé. La démonstration en est le plus romain des Dieux, Mars lui-même, dont le culte va se répandre dans toute l’Europe mais sera totalement absent en Orient. En Afrique, certes, on l’honore mais parce que ce sont des colons italiens, vétérans des légions, et installés dans cette province, qui pensent à leur dieu tutélaire.

Non seulement les populations africaines et asiatiques de l’empire n’ont aucune affection pour ce conquérant au caractère si européen, même si elles s’installent à Rome même, faisant de la cité d’Auguste une métropole de plus d’un million d’habitants, mais elles réagissent à cette tutelle en affichant leur religiosité orientale puis en s’emparant du christianisme comme d’une arme contre l’Occident romain et européen. Ce n’est pas un hasard si au IIIème siècle de notre ère, quasiment absent en Europe, le christianisme devient un phénomène incontournable à Carthage, à Alexandrie et à Antioche, chez les anciens ennemis du peuple romain. Dans ces cités cosmopolites où une langue grecque dégénérée, un « graecula », domine, les dieux de Rome sont absents.

En outre, les Romains ont bien trop de frontières. Pour avoir échoué à conquérir la Germanie, alors que Germanicus y était presque parvenu mais avait été rappelé à Rome par décision de Tibère, celle-ci était demeurée une zone frontière périlleuse. Les Germains, qui pourtant n’aspiraient qu’à être romains lorsque l’occasion leur était donnée, restèrent en dehors. Leur société guerrière se renforça alors même que la barbarie venue des steppes de la profonde Asie menaçait de s’abattre sur la petite Europe. Les Calédoniens, eux-aussi restés indépendants, malgré l’action de Septime Sévère pour les mâter, représentaient une autre frontière non maîtrisée, et ce malgré la construction de murs de protection. L’exemple chinois et la ligne Maginot démontrent qu’on n’a jamais empêché une invasion en bâtissant une frontière de pierre.

En Afrique, les tribus berbères indépendantes continuaient de menacer aux frontières, alors que le vigoureux empire perse, qui a pris la place des Parthes au début du IIIème siècle, espère reprendre les territoires perdus depuis l’époque de Darius. Pour conserver la Syrie et l’Egypte, pour maintenir la paix aux frontières face aux tribus germaniques et celtes, l’empire romain devait se démultiplier, or il n’en avait pas les moyens.

Du temps de la grandeur, les légions romaines tenaient bons, mais formées de professionnels et non plus de conscrits, elles faisaient et défaisaient les empereurs. Mais si par malheur des attaques simultanées avaient lieu à ses frontières, Rome n’aurait pas les moyens de les enrayer. C’est ce qui finit par arriver au Vème siècle de notre ère. Usée par ses guerres à répétition contre les Perses, Rome fut incapable d’empêcher les Germains de déferler sur sa partie occidentale, poussés par la furie hunnique.

Avec le recul, on comprend que Rome ne pouvait pas géopolitiquement tenir quatre frontières en même temps. Par ailleurs, malgré des richesses indiscutables, la première richesse est l’homme. Celtes et Germains, Daces et Illyriens, mais aussi les Slaves, auraient fait d’excellents romains, et ceux qui étaient déjà dans l’empire l’avaient prouvé. Leurs dieux étaient sous d’autres noms ceux de Rome. Indo-européens comme eux, proches de ce que les Romains avaient été à l’origine, ce que ne manqua pas de signaler un Tacite, ils auraient renforcé l’empire au lieu de contribuer bien malgré eux à sa destruction.

En renonçant à conquérir la Germanie, au profit du puits financier sans fonds qu’était l’orient, Rome commit une erreur géopolitique fatale. Alors qu’Auguste avait défendu l’Europe contre l’Asie, c’était l’Asie qui au final dominait. Constantin abandonna Rome au profit de Byzance, qui restait malgré tout une ville européenne, mais surtout choisit d’adopter le christianisme, vengeance morale de l’Orient afrasien contre l’Occident aryaque qui l’avait dominé. Dernière née des religions orientales, favorisée par les élucubrations de quelques philosophes séduits par la pensée asiatique, préparée moralement par ceux qui sapèrent la religion traditionnelle (Socrate en tête), la religion chrétienne triompha par la trahison de l’empereur. Constantin trouva dans le christianisme les charmes qu’Antoine avait trouvés chez Cléopâtre. Et ainsi trahit-il Rome, comme l’a si bien dit l’historien André Piganiol.

Rome devait unifier l’Europe, tel était son destin, et voir dans la Mare Nostrum un espace frontière. C’est avec les conquêtes islamiques que la Méditerranée redevint ce qu’elle était au départ, une césure entre deux mondes. Le drame du colonialisme, français notamment, a été de faire la même erreur que les Romains deux millénaires auparavant. Enseigner « nos ancêtres les Gaulois » en Afrique ne pouvait pas davantage réussir que d’enseigner « nos ancêtres les Romains » aux Egyptiens d’Alexandrie.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

Octavien, politicien et stratège européen

augustus.jpgCaius Octavius Thurinus était issu d’une famille de petite noblesse de la cité de Vélitries, les Octavii, célèbres notamment pour avoir sauvé la cité d’une attaque ennemie en ayant réussi à s’attirer les bonnes grâces du dieu Mars en personne. Sous ce noble patronage, Octavien ne pouvait que réussir dans la cité du père de Romulus à faire de son nom un titre de gloire.

Il connaît sa première ascension médiatique dans l’ombre de son protecteur et père adoptif, Caius Iulius Caesar, mais l’occasion historique de devenir un acteur de premier plan de Rome lui fut donnée lorsque César fut assassiné par ceux qui se réclamaient de la République et du nom prestigieux de Brutus, vengeur de l’honneur romain et de celui de Lucrèce, libérateur des Romains du joug des souverains étrusques. Octavien passait alors pour un jeune homme sans envergure, mais plein de potentialités, et dont l’espace politique était étouffé par l’aura du principal lieutenant du dictateur, Antoine.

C’est dans cette époque troublée que le talent d’Octavien va apparaître dans toute sa quintessence. Antoine commettra l’erreur de gravement le sous-estimer, mais cela parce qu’Octavien appliquait à la lettre les principes du général spartiate Lysandros, « savoir quand porter la peau du lion et quand porter la peau du renard », et se faisait tout petit à ses côtés.

C’est ensemble qu’Antoine et Octavien combattront pour écraser, sous l’égide d’un Mars Vengeur, les insoumis autour de Brutus et Cassius. La bataille de Philippes déterminera le sort de Rome, partagé entre une dictature populaire et une république aristocratique. Paradoxalement, en apparence du moins, le plus républicain est Octavien, ami du peuple romain. C’est un homme réaliste, animé par une foi sincère en l’avenir de la cité de ses pères, et qui n’est pas prêt à transiger avec ses valeurs, même s’il sait les dissimuler.

Antoine et Octavien se partagent alors le monde. A Octavien, l’Occident avec Rome. A Antoine, l’Orient avec Alexandrie. Il tombe ainsi sous l’influence de la reine Cléopâtre, égérie de son mentor et professeur, et se rêve en nouvel Alexandre. C’est pour la même raison que César avait été tué car on craignait qu’il n’emmène Rome dans une aventure personnelle en Orient, là où Crassus avait connu un désastre. Octavien n’a pas besoin de manipuler la populace romaine pour obtenir son soutien. Par son attitude, il incarne Rome, alors qu’Antoine cède au charme de l’Egypte. Alors qu’Antoine sert Dionysos, Octavien se range du côté d’Apollon. L’ordre face à l’anarchie s’opposent, mais aussi l’Europe et l’Asie. Les dieux anthropomorphes de Rome et de l’Hellade s’arment pendant que les dieux à tête animale se reposent sous le soleil de l’Asie.

Avec Apollon et Mars à ses côtés, mais aussi Neptune, Octavien est le défenseur du continent européen contre les influences délétères de l’Asie ténébreuse. Actium anéantit les espoirs du couple italo-macédonien et reproduit au sein même de la république romaine la victoire de Scipion sur Carthage. Octavien a vaincu tous les obstacles et ira jusqu’au bout de sa mission. Ce n’est pas un homme avide de pouvoir, comme on le présente généralement, mais un homme de devoir. Ce n’est pas la Rome doucereuse des bacchanales nocturnes qui se présente face à Alexandrie, mais la Rome d’airain de l’Italie des origines. Octavien, nouveau Romulus, et émule de Mars, n’entend pas faire preuve de pitié. Cléopâtre, qui sacrifie son amant aux intérêts de l’Egypte, échouera pourtant à séduire le jeune chef de guerre. Tel un jeune lion, il dévore le fils de César, Césarion, qui aurait pu représenter une menace, mais laisse vivre les enfants d’Antoine et de Cléopâtre.

Octavien est ainsi le maître de Rome, à la fois en tant que dialecticien hors pair, capable de convaincre le peuple de le suivre pour châtier le traître, et en tant que stratège. Son projet pour sa cité peut alors émerger. Sorti vainqueur de plus d’un demi-siècle de guerres civiles, il va inventer un nouveau régime, le Principat, conservant les apparences de la république mais aussi les traditions de la Rome des rois italiques. Il hésite à se faire proclamer nouveau Romulus, et choisit finalement d’être Augustus, celui dont les augures ont été favorables, l’homme choisi par la Fortune pour emmener Rome au sommet.

Alors que César ne rêvait que de dépasser Alexandre, Auguste s’intéresse à son peuple, et s’appuie sur deux piliers, la Paix et la Prospérité, tels Mars et Mercure se faisant face au cœur du temple de la Concorde. Il fait ainsi bâtir l’Autel de Paix (Ara Pacis), signe un accord inédit avec les Parthes, obtenant ainsi la restitution des enseignes de Crassus mais aussi d’Antoine, et le retour des prisonniers de guerre romains. A côté du forum romain, il construit un forum augustéen dédié au dieu Mars Vengeur et à tous les grands noms de l’histoire romaine. Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin, et se voulant le Périclès de Rome, il fait reconstruire ou rénover quatre-vingt temples afin que les dieux ainsi honorés soient du côté des Romains. Vainqueur des Cantabriens, il y ajoutera un temple de Jupiter Tonnant, le dieu de l’orage l’ayant protégé lors d’un combat.

Octavien est maître d’un empire immense, qui va de la Gaule à l’Egypte, mais qui comprend des populations très différentes. Octavien est et reste un romain et un européen. Les cultes égyptiens l’insupportent et il en interdit la pratique sur le pomœrium. Il veut moraliser la société romaine, limite ainsi le droit de divorcer, bannit les pratiques homosexuelles. Son objectif est de faire remonter la natalité romaine qu’il sait très basse. Il entend assurer le relèvement de la Rome éternelle, et lui offrir de nouveaux siècles de prospérité.

Auguste régnera près de quarante-cinq ans, ce qui est considérable. Et pourtant, les dieux ne lui permettront pas de voir son œuvre se perpétuer par des successeurs dignes de son nom. Seul Tibère aura pu survivre au prince et prendre sa place, sans être en mesure de continuer l’œuvre de son beau-père. Tiberius ad Tiberim. La fin de sa gouvernance n’est pas aussi lumineuse qu’après Actium. Varus et ses légions sont écrasés par les rebelles germaniques d’Arminius en 9 après J.C et la maladie assaille Octavien. En 14 après J.C, le fils adoptif de César s’éteint, ironisant sur sa vie, et se demandant s’il a bien joué la comédie du pouvoir. Il refuse les honneurs et surtout qu’on le considère comme un dieu. Son souhait ne sera pas respecté. Un culte au Divus Augustus verra le jour. Le prince aurait détesté. Toujours, durant sa vie, il avait fui l’hybris et honoré les dieux avec respect.

On honore Octavien pour mieux saboter son œuvre. La dynastie des Julio-claudiens sera exécrable et exécrée. Elle prendra fin avec la mort de Néron. Lui qui avait patiemment forgé le caractère de ceux en qui il voyait ses successeurs, Gaius et Lucius, ses petits-fils, morts bien trop jeunes, n’a pas pu les voir régner. Etait-il conscient à sa mort qu’il avait échoué à pérenniser son œuvre ? Mais Rome aura quatre siècles de vie encore, avant de s’effondrer, car le dieu Mars avait promis douze siècles de gloire à la cité de son fils, douze comme le nombre de vautours vus par Romulus dans le ciel bleu de l’Italie.

Romulus, Brutus, Augustus, ainsi était la trinité qui fit de la petite Rome le cœur d’un empire immense, détrônant l’Hellade. Mais le prix de tant de conquêtes se ferait un jour connaître et il dépassera la bourse des Romains.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

18/12/2012

Je suis polythéiste!


Je suis polythéiste - 12 dec. 2012 par PSUNE-NEUSP

12/12/2012

Le génie de la Bastille, un dieu romain et païen

geniebastille506922.jpgUn site fondamentaliste chrétien s’attaque au génie de la Bastille. Ils reconnaissent en lui Lucifer, le « porteur de la lumière » mais l’associe à Satan, la méconnaissance de la mythologie classique, fondement de la civilisation européenne, étant chez eux abyssale.

En premier lieu, dans le monde païen, il y a deux « Lucifer ». Le premier est le dieu romain de l’étoile du matin, fils du dieu Mars et de la déesse Venus, et le frère du dieu de l’étoile du soir, Vesper. Il correspond au dieu grec Phosphoros, « porteur de lumière », appelé également Eosphoros (porteur de l’aurore), né des amours d’Arès et d’Aphrodite. « Lucifer » peut se reconstituer en proto-indo-européen sous la forme de *leuks-bher. Dans la mythologie indo-européenne, la déesse de l’aurore *Ausos, dont Aphrodite et Venus ne sont que des incarnations postérieures, est mère du matin et du soir.

Le second est la traduction en latin d’un dieu cananéen et ougaritique de l’étoile du matin, Helel. La légende raconte que c’est pour avoir voulu s’emparer du trône de Baal sur le mont Zaphon qu’il fut déchu de sa divinité, précipité par le dieu de l’orage jusqu’au royaume des enfers, où régnait le dieu Môt. Helel était le fils du dieu de l’aurore, car le phénomène atmosphérique est masculin chez les peuples sémitiques, Shahar. Cette base a servi à forger le mythe de l’ange déchu, qui devait devenir Sathanaël, « ennemi de Dieu ».

A la cîme de la colonne de la Bastille, on retrouve le Lucifer romain et païen, porteur de flambeau, symbole de joie et de liberté, et qui n’a rien à voir avec un quelconque démon malfaisant, bien au contraire. Il représente l’Europe conquérante, puisqu’il est le fils du dieu père des Européens, Mars en personne, et en même temps l’Europe libre, en tant que fils de Venus.

Petit-fils de Dieu, c'est-à-dire de Jupiter, le très bon et très grand, optimus et maximus, le « porteur de lumière » veille sur Lutèce et annonce le réveil de l’esprit européen.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

02/12/2012

Qui/que sont les dieux ?

paganisme,christianisme,islam,polythéisme,liberté,science,zeus,cosmosLes fondements du « paganisme », c'est-à-dire d’une vision multiple du divin (« polythée »), reposent sur la croyance en l’existence d’êtres supérieurs, de forme humanoïde, qu’on appelle « dieux ». Mais que sont donc ces dieux et quel lien ont-ils avec les êtres humains ?

A la différence du monothéisme qui postule l’existence d’un dieu démiurge, hors du monde, manœuvrant les hommes comme de simples pions sur l’échiquier cosmique, les dieux « païens » s’inscrivent strictement à l’intérieur de ce cadre qu’est le cosmos. Que l’univers naisse d’un œuf cosmique, du sacrifice d’un homme primordial, cela n’a pas d’importance. Il est un fait que si démiurge il y a eu, il était antérieur à l’univers. C’est « Chaos » personnifié qu’on retrouve dans la mythologie grecque, c’est sans doute Janus, le dieu des commencements et des fins dans la mythologie romaine. Mais désormais, au sein du cosmos, son rôle est désormais nul, s’il n’est pas mort en le faisant naître. Cela ne signifie pas que les forces de destruction, et d’involution, cherchant à ramener le monde à avant son existence, n’existent pas. Sa personnification classique est celle d’un serpent ou d’un dragon que combat le dieu de l’orage.

Les dieux sont les piliers de l’univers, ce qu’il faut comprendre dans l’expression indo-européenne *ansus, pour désigner une divinité, les garants de l’ordre. Ils incarnent les forces à l’œuvre au sein du monde pour protéger celui-ci de la destruction.

Ces forces du cosmos, et de la nature, sont en relation avec les différents éléments, à savoir en premier lieu les astres (soleil, lune, terre, étoiles, planètes), les phénomènes atmosphériques (ciel de jour, nuit, aurore, crépuscule, orage, arc en ciel) et les éléments (vent, eau, feu), et enfin les animaux et les végétaux. Si l’évolution des mentalités, et le progrès technique, enrichissent ces dieux primordiaux de fonctions nouvelles, en relation avec les activités humaines (guerre, industrie, science, économie, agriculture) ou même les concepts (amour, intelligence théorique, intelligence pratique) et les innovations (musique, sculpture, écriture), il ne s’agit que de variations sur un même thème.

Ainsi, le dieu de l’orage, du tonnerre et de l’éclair, s’est-il vu enrichi de fonctions supplémentaires, comme le fait de patronner la guerre, de protéger les combattants, de donner la victoire à ceux qui le méritent, et jusqu’à assurer la paix aux frontières. De même, la déesse de l’aurore est-elle devenue déesse de l’intelligence pratique mais aussi de l’amour, du tissage, du mariage et de la famille. La déesse de la terre est devenue déesse de l’agriculture. Le dieu de l’eau est devenu le dieu des lacs et des rivières, puis le dieu de la mer et des océans, et enfin le dieu des marins. Le dieu des bêtes sauvages est devenu le guide des troupeaux, puis le dieu des chemins, le dieu des chemins de l’esprit (science) et même le dieu du commerce. Enfin le dieu du soleil, astre de vie, est devenu le dieu de la justice, car il voit tout, le dieu des arts et de la beauté, le dieu de la médecine car les anciens connaissaient les propriétés bénéfiques des rayons solaires, et le dieu garant des contrats et des serments.

Si le rôle des dieux s’est accru avec le temps, leurs pouvoirs n’ont en rien été diminués, bien au contraire. Ils président même les institutions politiques des tribus, des cités puis des états, et jusqu’aux confréries professionnelles. En Grèce classique, Arès est le dieu des soldats, Aphrodite la déesse des hétaïres, Hermès le dieu des marchands, et des voleurs, Déméter la déesse des paysans, Zeus le dieu des responsables politiques, Héphaistos le dieu des forgerons et des ouvriers, Athéna la déesse des tisseuses mais aussi celle des savants et des sages.

Il y a donc différents niveaux de lecture de ce que les (anciennes) divinités peuvent représenter. Si le cœur historique et fondamentale d’un dieu est son lien avec une force de la nature spécifique, comme Silvanus protège les forêts, comme Pomona protège les arbres fruitiers, comme Vesuna préside à la production de biens, avec un animal emblématique (le loup pour Mars à Rome, l’ours pour Artémis, l’aigle pour Zeus, le cerf pour Cernunnos, le corbeau pour Apollon, la chouette pour Athéna), il est aussi un acteur de la vie publique, un acteur de la vie économique, de la vie sociale, de la vie culturelle. Le temple exalte le génie des architectes, et des mathématiciens. La nécessité d’une statue cultuelle excite l’imagination et la talent des sculpteurs. La religion inspire aussi le poète.

Les œuvres de Phidias, d’Alcamène, de Scopas, de Praxitèle nous rappellent à quel point l’ancienne religion a suscité la création d’œuvres d’art inestimables. La poésie d’Homère, d’Hésiode, de Pindare, de Virgile, en sont d’autres exemples, comme l’est la philosophie d’Héraclite, de Platon ou d’Aristote. La Renaissance a remis au goût du jour ces arts majeurs, sublimés par la musique, de même que le romantisme, qui au souffle gréco-romain y ajoutera le souffle hyperboréen. Lorsque Ronsard pense à l’amour, la figure d’Aphrodite lui apparaît immédiatement. Lorsque David s’apprête à peindre, il a à l’esprit les mânes de Romulus et de ses hommes face aux Sabins, les Horaces se préparant au combat, Brutus l’ancien levant le glaive vengeur en hommage à Lucrèce outragée.

Les dieux « païens » encouragent les hommes à être meilleurs, à user de leur intelligence, à faire preuve de courage. L’homme a été forgé doué de raison, animé par le doute, qui fonde la science. Son rapport avec les dieux est celui que l’on peut avoir avec un ami puissant et bien disposé à son égard, mais qui peut se fâcher et cesser d’apporter son appui, ou même aider celui qui aura été davantage méritant. Le Dieu monothéiste exige en revanche la soumission absolue à son égard, le rejet de la raison si celle-ci s’oppose à sa volonté, le renoncement à tout ce qui fait un être humain, et même à sa liberté. Les Grecs anciens pouvaient honorer un Zeus qualifié de Eleutherios, « libérateur » mais jamais le Dieu chrétien n’a reçu une telle épithète. Là où le Dieu des païens souhaite que l’homme accomplisse son destin, le Dieu monothéiste veut l’entraver. Si l’homme s’avise de vouloir manger de la pomme de l’immortalité, de l’éternelle jeunesse et de la sagesse suprême, il est puni et mis plus bas que terre. Héraclès au contraire terrasse le gardien du jardin des Hespérides, consomme ses pommes, et accède ainsi, après sa mort dans la souffrance sur le bûcher du Mont Oeta, à l’éternité.

Ce que Nietzsche appelle le surhomme, décrit comme un fil tendu entre l’homme et le dieu, entre l’inhumain et le surhumain, et pour qui à l’époque moderne l’incarnation idéale était Napoléon Ier, les anciens l’appelaient herôs en grec, divus (« divin ») en latin. Le bon empereur était fait divus par le Sénat, mais en revanche le mauvais empereur était maudit, son nom même était effacé, il subissait la damnatio memoriae.

Le dieu païen pouvait ainsi être qualifié de philos, « ami », ou même de comes, « compagnon ». Le jeune Constantin avait ainsi Sol Invictus Comes à ses côtés, tout comme le shah iranien avait Mithra. Et dans certaines traditions, comme dans le zoroastrisme, les héros avaient un rôle bien plus décisif pour l’avenir de l’univers que les dieux eux-mêmes. De même, Wagner ne lie-t-il pas le crépuscule des dieux à la mort de Siegfried ?

Il n’y avait pas d’athées dans l’antiquité « païenne », même si Lucien de Samosate se moque des bigots, même si Evhémère présente les dieux comme des rois et des héros devenus « divins » par leurs actions. Les savants évoquaient les dieux comme un objet de recherche comme un autre. Ils étaient même des « objets philosophiques ». Les dieux d’un paysan du Latium étaient pourtant les mêmes que ceux d’un grand philosophe athénien. Celtes, Romains, Grecs, Germains et Slaves ne s’affrontaient pas au nom de dieux différents. Les Varègues suédois et les Slaves, qui formeront unis la Rus’ de Kiev, considéraient leurs dieux comme identiques sous d’autres noms, ainsi Thor et Perun, Odin et Volos, Balder et Dazbog. A Torsberg, « colline de Thor », au Danemark, on a même retrouvé un bouclier dédié au Mars romain, comme si les deux divinités n’en formaient qu’une.

L’antique religion fut ainsi au service de la science, de la liberté, de la prospérité économique, du courage des combattants, de l’honneur des hommes et des femmes. Elle ne constituait pas un frein au développement mais l’accompagnait avec bienveillance et l’encourageait même. Lorsque le christianisme, puis l’islam, se sont abattus sur le monde « païen », la science recula, le doute céda la place à la foi aveugle, la liberté sombra face à un esclavage d’une nature nouvelle, non plus l’asservissement du seul corps mais aussi celui de l’âme. Même si tout ne fut pas ténèbres, même si la lumière perçait grâce à la ténacité de penseurs, de savants, de chefs et d’aventuriers, même si en plein Occident chrétien et à Byzance des écoles philosophiques de haute tenue existaient, c’était une Europe bridée, une Europe ralentie dans sa marche vers le progrès par le fanatisme. La Renaissance fut le coup le plus dur, et le plus salutaire, porté à cette civilisation obscurcie. Elle n’était que le début d’une remise en cause complète d’une tutelle devenue à nouveau insupportable. C’est ainsi que certains penseurs en vinrent à se souvenir avec émotion de l’époque où on honorait des dieux multiples, de cette époque de liberté où science et religion s’accordaient au service de l’humanité.

Lorsque l’homme accomplit son rôle au sein de la nature qui l’a vu naître, lorsqu’il se place au service de la raison et de l’ordre en toutes choses, lorsqu’il cherche à comprendre le vivant et les lois de l’univers, lorsqu’il fait preuve de raison et de modestie, de mesure et d’amour de la vérité, son être résonne avec le monde. C’est le principe platonicien remis à l’honneur par Léonard de Vinci de l’homme microcosme, reflet à petite échelle de l’harmonie cosmique. C’est ainsi qu’il est au sens strict un écologiste, un défenseur de son environnement, et œuvre aux côtés des dieux à la préservation de ce monde qui est nôtre, de cette richesse et de cette diversité.

Le « paganisme » a su unir science et conscience, progrès technique et respect de la nature. Les religions modernes, même celles dont l’extrémisme a été durablement émoussé par la liberté scientifique, n’ont pas ces vertus. L’athéisme moderne est hémiplégique, il n’a fait que la moitié du trajet. Se détourner du Dieu qui opprime amène à se tourner vers ce Dieu qui libère et non à nier le caractère sacré de la nature. L’Europe retrouvera la maîtrise de son destin lorsqu’elle ira au bout de cette révolution mentale qui lui est si nécessaire, car « l’homme de l’avenir sera celui qui a la mémoire la plus longue » (Nietzsche).

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

04/11/2012

Du dieu de l’orage.

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIERLa civilisation crétoise, avant que les Achéens ne s’implantent dans l’île honorait un dieu du ciel associé à la figure du taureau. Ce dieu, dont le nom est probablement perdu, même s’il est possible que le nom du roi mythique Minos ait été son théonyme, était à la fois le dieu du ciel souverain et le dieu de l’orage. En revanche, les Grecs originels comme tous les peuples indo-européens, avaient séparé le ciel en deux divinités bien différentes, un dieu du ciel souverain d’une part, roi et père des dieux et des hommes, et un dieu de l’orage et de la guerre, le second étant fils du premier, Arès fils de Zeus.

Un dieu indo-européen.

Le nom du dieu indo-européen de l’orage et de la guerre, les deux fonctions étant associées par la synthèse symbolique entre la fureur de la tempête et la mêlée guerrière, est plus difficile à reconstituer que celui du dieu indo-européen du ciel diurne, *dyeus *pater (latin Dius Pater, grec Zeus Patêr), car il bénéficiait dès l’origine de plusieurs épiclèses le caractérisant. A la différence de son père *dyeus, c’était un dieu bien moins distant, davantage présent aux côtés des hommes, participant aux batailles et protégeant le royaume des mortels contre les forces de destruction, géants et dragons.

Ainsi était-il évoqué comme le héros par excellence, le *ner (qui a donné le dieu Indra en Inde), ou encore comme le brave, le noble, *aryos (qui a donné le dieu Arês en Grèce), mais sa fonction orageuse primait avant tout. Il était le dieu « tonnant », *tenros ou *tonaros, comme chez les Celtes (Taran), les Germains (Thor) et les Hittites (Tahruntas), mais aussi le « frappeur », sous le nom de *perkwunos, à la fois dieu du chêne (*perkwus) et dieu de la foudre qui l’abat (racine *perk-), et c’est sous cette forme que les Baltes (lituanien Perkunas, letton Perkons) et les Slaves (russe Perun) choisirent de l’appeler.

Pendant longtemps, les spécialistes des mythologies indo-européennes considéraient que *perkwunos était le nom de ce dieu de l’orage ou n’était qu’un aspect du dieu du ciel. Son nom originel semblait perdu pour toujours, et ce même si de bonne heure Georges Dumézil avait eu une intuition prometteuse en associant le dieu romain Mars avec les divinités de l’orage et de la tempête de l’Inde védique, les Maruts, avant d’invalider son hypothèse quelques années après.

La forme originelle du nom du dieu Mars romain, dont les fonctions orageuses avaient été considérablement diminuées par l’influence grecque, chez qui Zeus s’était complètement substitué à Arès dans ce rôle, était Mavors. On pouvait en déduire l’existence d’un dieu plus ancien du nom de *Maworts (génitif *Mawrtos), qui semble bien correspondre à ces Maruts de l’Inde ancienne. A ces deux exemples, il faudrait sans doute rajouter un exemple letton avec le dieu mineur Martins, frère d’Usins, en qui on reconnaît le nom de l’aurore, Martins ayant un rôle de défenseur du pays. Cela rappelle l’image d’un dieu Mars patronnant les champs de bataille aussi bien que protégeant les champs du paysan du Latium.

Tout porte à croire que *Maworts était le nom du dieu indo-européen de l’orage, et par extension de la guerre.

Le dieu de la virilité.

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIERCette figure divine se voit associée de nombreuses figures animales, à la différence des autres divinités, et chaque animal représente une fonction bien précise du dieu orageux et guerrier.

Il y a en premier lieu tous les animaux liés symboliquement à l’orage, ceux qui portent le foudre céleste. On retrouve ainsi le taureau, dont le son produit par ses sabots sur le sol résonne comme le tonnerre, mais aussi le pivert, dont on prête la capacité à abattre des arbres, tout comme la foudre, ou encore l’aigle, animal porteur de foudres bien connu, et associé dans notre imaginaire moderne, comme chez les Romains de la république et de l’empire, à Jupiter mais non à Mars.

En second lieu, il s’agit des animaux liés à la virilité et au pouvoir fécondant de l’homme. En ce sens, tous les animaux liés à la sexualité masculine relèvent du dieu orageux. C’est bien sûr le cas de l’ours, à qui au moyen-âge on prêtait des aventures avec des femmes, mais aussi des mâles des animaux d’élevage, le bélier, le taureau là encore, le bouc, comme ceux tirant le char de Thor en Scandinavie.

Enfin, tous les animaux liés spécifiquement au combat et au champ de bataille lui sont naturellement associés. C’est bien sûr le cas du cheval, animal d’une grande noblesse associé aux aristocraties guerrières, ainsi à Rome le noble était un equites, un « chevalier », et pas un homme du rang. C’est aussi le cas du corbeau et du vautour, fossoyeurs des morts à la guerre laissés sans sépulture. D’une manière générale, tous les animaux belliqueux, mais qui sont aussi bien souvent liés à la virilité préalablement évoquée, relèvent de ce dieu. C’est surtout le cas du loup, animal martial par excellence, dont les vertus de la meute inspiraient les troupes guerrières indo-européennes dans les temps les plus archaïques. Le char de Mars était ainsi, à l’origine, tiré par deux loups gigantesques.

Le tueur de dragons.

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIERUn des actes les plus héroïques accompli par le dieu de l’orage est son combat et sa victoire contre le serpent du monde, dragon monstrueux entourant la terre de ses anneaux, et créature primitive du chaos. Dans le cas grec, Arès est privé de cette victoire décisive au profit d’autres dieux ophioctones comme Apollon, vainqueur du dragon Python, Zeus qui triomphe du démon ophidien Typhon, ou Héraclès.

C’est bien sûr au dieu Thor dans toute sa splendeur que l’on pense, avec son marteau écrasant le crâne de Jormungandr, même si son combat final est un match nul, l’un et l’autre s’entretuant. J’ai par ailleurs analysé cette fin étrange comme la marque du poète chrétien pour donner d’un dieu ancestral fort respectable une mort héroïque, sans que son culte doive perdurer. Mais c’est aussi le combat céleste entre le dieu Indra et le serpent Vritra, comme celui entre Tarhuntas et le dragon Illuyankas chez les Hittites. Dans la version indienne, Indra est pris de terreur face à une créature extrêmement puissante au point où il est contraint de se réfugier dans les profondeurs. De même, face aux géants Aloades, le dieu Arès est impuissant, enfermé par les deux frères dans un tonneau. Dans les deux cas, c’est par l’intervention d’un autre dieu, le dieu du feu Agni dans le cas indien, le dieu Hermès dans le cas grec, que le dieu guerrier retrouve sa puissance et parvient à vaincre son ou ses ennemis.

Le dieu celte Taran est représenté en cavalier terrassant un démon anguipède qui correspond grosso modo au Typhon grec. Le dieu slave Perun n’est pas en reste, vainqueur de Zmiya, le « serpent », écrasé par sa hache. Ce mythe le plus ancien a été conservé après la christianisation sous la forme de différents saints, comme Elie en Russie, Michel et Georges en Europe occidentale. Pire, le serpent, ennemi des dieux, devint la figure du paganisme, à l’instar du Graouilly de Metz. On ne pouvait pas inventer d’inversion accusatoire aussi subtile.

Une généalogie complexe.

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIER*Maworts, comme tous les dieux antiques héritiers de ses fonctions, était un dieu particulièrement estimé de nos plus lointains ancêtres. Il le devait à son lignage autant qu’à son image. En tant que dieu de l’espace céleste intermédiaire, ciel rouge de l’aurore et du crépuscule mais aussi ciel noir de l’orage, sa puissance était entre le ciel et la terre, entre *dyeus *pater et *dhghom *mater, entre son père et sa mère.

Les fils de *dyeus, les « fils du ciel », étaient intimement liés à la lumière dont leur père était l’incarnation même. C’est parce qu’il a vaincu les ténèbres du chaos que *dyeus a forgé l’univers, dont il est le garant de l’ordre, *artus. *Maworts est le dieu du feu intermédiaire, celui de l’éclair, qui tombant du ciel sur la terre enflamme le sol. Il partage ce rôle igné avec ses frères, *Sawelyos, le dieu du soleil, astre flamboyant réchauffant notre planète, et *Wlkanos, le dieu du feu terrestre et de la forge. C’est ce dernier qui lui fabrique ses armes, son armure et son casque mais qui à l’occasion l’accompagne sur le champ de bataille, au même titre que le dieu du vent, *Weyus, dont Hermès est par certains aspects le digne descendant.

Mais *Maworts n’était pas un dieu célibataire, son rôle d’ancêtre des hommes impliquant qu’il ait eu une descendance nombreuse. Ses relations avec les mortelles se retrouvent dans les nombreux mythes où Zeus ou Jupiter s’unit à une humaine pour engendrer des héros et des rois. Mais son épouse est, on l’a vu précédemment, la déesse de l’aurore, *Ausos.

Au dieu Arès, on prête ainsi une relation amoureuse avec deux divinités spécifiques, que l’on peut associer aisément, à savoir Eôs, l’Aurore incarnée, et Aphrodite, l’Aurore amoureuse, mère d’Erôs. Le couple *Maworts/*Ausos remonte ainsi à l’aube des temps.

Lorsque l’on voulait insister sur la dimension juvénile et filiale de *Maworts, il était représenté comme un jeune guerrier imberbe. C’est l’Arès classique. En revanche, si son rôle paternel et protecteur primait, le dieu apparaissait comme un guerrier dans la force de l’âge et barbu. C’est le Mars Vengeur d’Auguste, à la barbe jovienne, mais aussi l’Arès archaïque et le dieu Thor à la barbe rousse, comme la couleur du sang que le combattant verse au combat.

Le dieu rouge.

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIERSurnommé Rudianos chez les Celtes, le « rouge », le dieu guerrier est associé de manière classique à la couleur rouge. Il est probable que le dieu indien Rudra, qui servira de base à Shiva, avait également ce sens et présentait alors la dimension la plus sombre d’Indra, qu’il remplacera à l’époque du brahmanisme. La cape du général romain était rouge, tout comme la barbe du dieu germano-scandinave Thor. Le rouge était la couleur du ciel intermédiaire, et aussi de l’amour, mais elle était tout autant associée à la guerre et à la deuxième fonction indo-européenne, le blanc et le noir étant les couleurs symboliques des deux autres fonctions.

Devenu le drapeau de la révolution puis de l’idéologie socialiste, le drapeau rouge remonte à une très longue histoire et ce n’est pas un hasard s’il a été brandi la première fois sur le Champ de Mars. Le rouge était déjà la couleur du drapeau de la république romaine (SPQR) et du royaume antique de Macédoine.

De cette symbolique vient l’expression « rouge de colère », à savoir que le dieu guerrier répand une aura de cette couleur lorsqu’il est courroucé. C’est aussi l’image de la lune de sang, du combat céleste contre les forces de destruction. Rouge sang. Sang principe de vie, lorsque l’enfant naît par l’action bienfaitrice de Venus, mais sang symbole de mort, lorsqu’il résulte de la victoire de Mars sur ses ennemis. Rouge symbole d’amour comme la pomme rouge que l’homme romain offrait à la femme qu’il aimait pour lui déclarer sa flamme. Rouge symbole du sang répandu sur le champ de bataille et offert aux animaux de proie.

Mars ou l’Europe incarnée.

Le dieu de l’orage a de manière évidente un lien étroit avec l’homme européen, et ce n’est pas un hasard si au moyen-âge, les Européens sont faits descendants de Japhet, fils de Noé, qui n’est autre selon l’interprétation de l’époque que le titan Japet, qui correspond fonctionnellement à l’olympien Arès. Les Européens sont alors les fils de Japet c'est-à-dire fils d’Arès, « japhétides » donc « aryens ».

Autre hasard qui n’en est pas un, le dieu guerrier est associé à la planète qui porte en Europe son nom, Mars, la planète rouge. La tradition veut que ce soit les Babyloniens qui aient associé cette planète à une sorte de dieu de la guerre et de la peste, Erra, dont certains ont voulu faire la base de l’Arès grec. En réalité, l’homologue sumérien de *Maworts n’était autre que le dieu de l’orage Ishkur, qui correspond au dieu amoréen Martu, dont le nom fut peut-être emprunté à des tribus indo-européennes venus s’installer en Orient.

Or la planète Mars est non seulement rouge, comme la couleur du dieu indo-européen de l’orage, mais possède deux satellites, tout comme Arès a deux fils jumeaux, Deimos et Phobos, tout comme Thor a aussi deux fils, Modi et Magni, et tout comme Mars a deux rejetons, Romulus et Rémus. On sait aujourd’hui que la connaissance astronomique dans l’Europe ancienne était loin d’être rudimentaire, et Stonehenge apparaît autant comme un télescope que comme un temple solaire, tout comme le disque de Nebra illustre la recherche de la connaissance du cosmos.

Ce désir de Mars, cette idée typiquement européenne d’une planète terraformée et colonisée par l’homme, se retrouve dans la science-fiction contemporaine. Les « martiens » sont nécessairement belliqueux, ce que découvre John Carter selon les romans d’Edgar Rice Burrough, et souhaitent envahir la terre, comme chez H.G. Wells. On dit que les hommes descendent de Mars, comme les femmes descendraient de Venus. Et Robert Kagan, géopoliticien américain, place l’Amérique sous le signe de Mars, de ce dieu fondateur de Rome, la cité conquérante par excellence, d’un dieu Mars qu’on retrouve sur la porte de Brandebourg à Berlin mais aussi au Capitole de Washington et même tout en haut de la porte Héré sur la place Stanislas à Nancy.

Mars et Christus, « dieu rouge » contre « dieu blanc ».

Arès,Mars,Thor,Perun,Martin,Indo-européens,paganisme,dieu de l'orage,dieu de la guerre,Thomas FERRIERLorsque le christianisme voulut s’implanter en Europe, il trouve naturellement le dieu de l’orage et de la guerre sur sa route. Le dieu rouge, comme le Raudhr Thorr de la Scandinavie du Xème siècle, s’oppose au dieu blanc qu’est Christus (Hvati Krist), qui a repris les traits d’Apollon et de Balder. Les valeurs héroïques s’opposent aux valeurs mielleuses d’une religion de l’après-monde.

Face à la croix, ce talisman magique qui enchaîne l’esprit européen, comme l’a expliqué à sa manière le poète Heinrich Heine, les anciens païens décidèrent de porter leur croix, à savoir le marteau de Thor (Þórshamar), l’épée de Mars, parfois remplacée par la massue d’Hercule, ou encore la hache de Perun (Cекира Перуна). Mais de ce conflit entre deux visions du monde si antagonistes, c’est le Christ blanc qui fut (momentanément ?) vainqueur.

Le christianisme n’a pas pu se séparer d’une figure aussi éminente mais à chercher à limer les dents de ce loup guerrier. Martin de Tours, dont le prénom signifie « petit Mars, Martinus, était un soldat de la légion qui déserte, jette sa toge au sol, pour se consacrer à christianiser la population. Le guerrier jette ses armes au sol, comme Vercingétorix vaincu face à César. Martin remplacera Mars lors de la fête guerrière, d’origine germanique mais romanisée, du 11 novembre, fête des Einherjars ou héros morts au combat et siégeant aux côtés de Wotan au Walhalla en l’attente de la bataille céleste décisive. Martin remplacera aussi le dieu letton Martins, tout comme Jean remplacera le dieu balte Jaanis, homologie du Janus romain.

Dans ce XXIème siècle où montent les périls, Mars le « rempart de l’Olympe » (Hymne homérique à Arès) fera son devoir pour protéger l’Europe. Et nous, fidèles au père de Romulus, nous serons présents à ses côtés. Son épée sera le bouclier de notre civilisation.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

07/10/2012

De la laïcité en politique...

flamines.jpgLe débat sur la laïcité est redevenu d’actualité depuis que Marine Le Pen s’en est emparé, ce qui lui est contesté notamment par la gauche. Lorsque « Marine » déclare que « nos valeurs républicaines sont issues de notre culture chrétienne », alors même qu’elle peut déclarer par ailleurs que la laïcité est une neutralité vis-à-vis des religions, exigeants des français de confession juive qu’ils renoncent à porter la kippa pour qu’elle puisse faire interdire le voile islamique, on lui reproche de « déguiser sa xénophobie en défense de la laïcité » (Renaud Dely). En liant laïcité et christianisme, Marine Le Pen défend implicitement le christianisme face à l’islam en s’appuyant sur la « République ».

En réalité, la laïcité n’est pas et n’a jamais été un traitement neutre et équitable entre toutes les religions. Ce n’est pas un hasard si Maurice Allard, député socialiste, et l’un des partisans les plus durs de la loi de 1905 sur l’Eglise et l’Etat, ne cachait pas son apologie implicite du paganisme issu de la tradition indo-européenne et rendait hommage à l’empereur Julien. La laïcité est la défense du peuple contre les clercs, mais surtout la défense des valeurs populaires contre les dogmes religieux. Le « laos » est en grec « le peuple », et la laïcité est stricto sensu « la chose du peuple », comme la république d’ailleurs (« res publica »).

La laïcité est donc la défense de la religion populaire, qui en Europe est un mélange de paganisme et de christianisme (fonds païen, forme chrétienne), une « double foi » (une dvoeverie en russe, terme désignant la synthèse de ces deux spiritualités). Il s’agit ni plus ni moins que d’affirmer les valeurs traditionnelles européennes, dans lesquelles la femme est considérée comme l’égale de l’homme (depuis Pénélope attendant le retour de son époux à Ithaque), dans lesquelles la nudité n’insulte pas la divinité, dans lesquelles les plaisirs de la vie ne sont pas diabolisés, dans lesquelles le sexe n’est pas synonyme d’impureté et dans lesquelles représenter la divinité n’est pas un blasphème mais un acte de piété.

En liant la laïcité au christianisme, Marine Le Pen se trompe complètement dans le sens qu’on peut accorder à cette notion positive. Mais elle se trompe encore davantage en reprenant le sens courant donné à ce terme par la fausse « gauche ». L’Etat n’a pas à être neutre et à traiter équitablement toutes les religions. L’Etat a comme mission de défendre le peuple, les valeurs et les conceptions du peuple.

Ce n’est pas à une laïcité chrétienne, augustinienne (« rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »), qu’il faut faire référence, pas plus qu’à une « laïcité » égalitariste moderne, mais bien à la laïcité européenne dans son authenticité, la laïcité antique, gréco-romaine. A Rome, les Juifs pouvaient porter la kippa et pratiquer la circoncision, par dérogation de la loi générale, afin de respecter les coutumes ancestrales de ce peuple, à partir du moment où celui-ci ne cherchait pas les imposer aux Romains. En revanche, ceux qui s’opposaient à la loi commune au nom des principes de leur religion, et qui ne pouvaient se prévaloir d’une clause d’exception, étaient condamnés.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

22/09/2012

Provocations...

 
peter eisner,psune,laïcité,islam,charlie hebdo,marine le penLa publication par Charlie Hebdo de caricatures touchant à l’Islam a suscité, en France, beaucoup de réactions de la part de nos élites. Certaines intelligentes, comme celle de Christophe Barbier, interrogé dans l’émission C’est Dans l’Air, et d’autres hypocrites, comme celle d’Olivier Mazerolle débattant avec Ruth Elkrief.

La première erreur généralement commise est de penser que cette publication était adressée aux musulmans. Un représentant du journal s’est même trompé en disant qu’il voulait attaquer les intégristes. En réalité, c’est la population française dans son ensemble, sa classe politique et médiatique en particulier, qui en était le destinataire. Charlie Hebdo, que je n’ai jamais lu ni feuilleté car je n’ai aucune raison de l’apprécier, a fait pour une fois œuvre utile. Il a posé, sans le savoir, la question suivante aux Français : tenez-vous réellement aux principes fondamentaux qui font notre civilisation et nos modes de vie ? Ou alors êtes-vous prêts à toutes les compromissions ?

Là au moins, Christophe Barbier a été clair. Nous devons être intransigeants sur le liberté d’expression, même si cela nous fait prendre des risques. Notre liberté vaut bien de les prendre. Il a répondu « oui » à la question.

De son côté, Olivier Mazerolle, parmi beaucoup d’autres mais peut-être plus que d’autres, a répondu « non » en essayant de nous faire prendre ce « non » pour un « oui ». Selon lui, l’hebdomadaire n’aurait pas dû publier : c’était irresponsable. En revanche il faudrait, toujours selon lui, se montrer très ferme sur le respect de nos règles, refusant, par exemple, la pression sur les médecins hommes amenés à examiner des femmes. Il est vrai que nos dirigeants ne sont pas très clairs sur les sujets de ce genre. On a interdit la burqa dans l’espace public, mais on ne fait pas de zèle pour l’empêcher. On n’a rien fait contre l’abattage hallal généralisé. On ne parle plus des horaires séparés dans les piscines. On a accepté des exceptions dans les sports etc. Cependant Mazerolle croit-il nous duper en nous laissant imaginer que la fermeté qu’il préconise sera plus facile à installer que la liberté d’expression ? Mettons-nous à la place du musulman qui veut respecter les préceptes religieux qu’on lui a appris. Il n’est pas obligé de lire Charlie Hebdo ; de plus les insultes contre sa religion ne sont pas de son fait. En revanche, s’il permet qu’un homme examine sa femme, c’est lui qui commet l’offense. N’est-ce pas plus douloureux pour lui ?

En fait, tout est lié. Le respect de la place de la femme dans la société et la liberté d’expression ne sont pas séparables. Si l’on capitule sur l’un, on capitulera sur l’autre.

Marine Le Pen a lancé un autre pavé dans la mare, en proposant d’interdire les signes religieux dans la rue. La classe politique a réagi négativement dans sa quasi totalité. En revanche, comme un sondage de BFM semble le montrer, les Français y seraient favorables. Elle ajoute ceci : il faut interdire le voile, donc aussi la kippa. Elle fait ainsi œuvre utile en lançant le débat, même si elle n’a pas étudié sérieusement la question et y apporte une réponse inadaptée.

La seconde erreur généralement, qu'elle commet par ailleurs, est de placer sur le même pied les religions juive et musulmane. Cette erreur dérive d’une autre, celle qui consiste à interpréter la laïcité sous un angle exclusivement universaliste : soit une laïcité de combat qui s’oppose à toutes les religions, soit une laïcité d’empathie qui est ouverte à toutes, celle qui est choisie aujourd’hui par les anciens laïcards.

Or la laïcité, prise dans son sens authentique, est ce qui vient du peuple, par opposition à ce que prêchent les clercs. En Europe, la démonstration publique d’un christianisme populaire est laïque ; à l’intérieur du christianisme, les réminiscences de paganisme chez les gens du peuple sont des signes de laïcité. Comme un nombre important de Juifs a partagé la vie des Européens pendant des siècles et contribué à la culture européenne, leur pratique religieuse ne contredit pas la laïcité. Sachant, toutefois, que le port de signes extérieurs est surtout le fait de gens récemment arrivés.
 
L’Islam européen, celui des Albanais par exemple, n’a jamais posé de problèmes, mais il est très minoritaire. C’est au contraire un Islam d’importation, étranger au peuple européen, qui est en cause. Il ne peut pas se prévaloir des excuses que l’on accordera au Judaïsme.

Cette seconde provocation nous ramène à la première. La différence majeure, chez nous, entre le Judaïsme et l’Islam est que le second est prosélyte quand le premier ne l’est pas. Un article de Thomas Ferrier en a fait récemment la démonstraton. Ainsi la notion de « terre d’Islam », qui désigne toute terre sur laquelle un musulman a posé le pied, n’a-t-elle rien en commun avec la « terre d’Abraham ». En fait, la question posée par Charlie Hebdo se résume ainsi : la France, et par extension l’Europe, est-elle terre d’Islam ?
 
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)

22/08/2012

Brèves européennes… dossier spécial « religions »

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Trois membres féminins composant le groupe musical provocateur « Pussy Riot », qui pourrait se traduire en français par « émeute de minou », un nom très « poétique », ont finalement été condamnés par le tribunal de Moscou pour leur dernière manifestation au sein d’une église orthodoxe à deux ans de détention dans un centre pénitentiaire. A partir du moment où la machine judiciaire était lancée, où les faits étaient incontestables et même revendiqués, et où les accusées n’ont manifesté aucun remords, elles ne pouvaient pas être condamnées à moins, la législation russe ne prévoyant pas de peine inférieure. Le seul autre choix aurait été de les reconnaître innocentes contre les faits, et ce n’était évidemment pas imaginable.

Il est toutefois intéressant de noter le contenu idéologique de la fameuse « prière punk » qui leur vaut aujourd’hui une condamnation. Il s’agit d’une démarche strictement politique, puisqu’elles appelaient à chasser le président élu en exercice du pouvoir et dénonçaient la collusion entre l’église orthodoxe et le Kremlin. Au-delà de cette revendication classique au sein de l’opposition, elles dénoncent l’interdiction de la gay-pride et prônent le féminisme tout en dénonçant la politique nataliste, pourtant indispensable, du régime. Même si elles usent de l’expression « chiasse de Dieu », le discours n’est pas complètement anti-chrétien puisqu’il présente la vierge Marie comme une figure émancipatrice.

Même si on peut légitimement penser que la peine est lourde, d’autant plus que leur propos n’est pas si anti-chrétien qu’on pourrait le croire en apparence, mais relevant davantage du christianisme première version, celui que certains auteurs ont pu qualifier de « bolchevisme de l’antiquité », elle était logique. En revanche, si ces jeunes femmes avaient demandé à bénéficier de la grâce présidentielle, il est certain que Vladimir Poutine leur aurait accordée. Elles souhaitaient donc être punies et ainsi témoigner (dans le sens originel du mot « martyr ») qu’elles étaient porteuses d’une vérité politique. Or elles auraient pu éviter de subir cette peine et ainsi ne pas être privées de leur famille.

On sait désormais, si on creuse un peu derrière la propagande russophobe des media occidentaux dans cette affaire, que « Pussy Riot » fait partie d’une mouvance d’extrême-gauche, le groupe « Voïna » (russe « guerre »), spécialiste des actions provocatrices en tous genres, souvent pornographiques. D’ailleurs, parmi les manifestants venus les soutenir devant le tribunal, il y avait les dirigeants et les militants du « Front de gauche » russe (Левый Фронт), une organisation gauchiste.

Soutien à l’homosexualité, apologie d’un féminisme anti-nataliste, attaque contre la religion établie et les institutions politiques, et demain soutien aux immigrés clandestins ?, le groupe « Voïna » représente une idéologie extrême qui déplait foncièrement aux russes. Il leur suffit de se souvenir des émeutes parisiennes de 2005, largement retransmises par les medias russes, pour voir à quelle situation ce genre de discours pouvait mener.

Il existe en outre une autre façon de remettre en cause la religion chrétienne, et notamment en Russie, c’est de rejoindre les différents mouvements relevant de la rodnoverie, « foi native slave », qui sont actuellement en plein essor dans les grandes villes du pays. Mais ce n’était pas l’intention de ces « punkettes ». Elles souhaitent certainement que la Russie de demain ressemble à la France d’aujourd’hui, où on débat désormais du mariage gay tout en cédant aux revendications des émeutiers d’Amiens et d’ailleurs. La Russie se défend. La cause de « pussy riot » reste heureusement très minoritaire, et tous les partis politiques ont condamné leur geste, y compris le KPFR (communistes) de Ziouganov.

Deux ans, c’est lourd et cher pour une provocation en elle-même mineure, mais l’absence de repentir, le fait de vouloir assumer une action politique, et le fait que ce n’est pas le premier acte de ce groupuscule, et que le tribunal a voulu marquer le coup, expliquent cette sanction. Il est vrai qu’elle paraît inhabituelle dans la France « PS » où on n’applique plus les petites peines, ou dans la Belgique voisine où l’ex-épouse du psychopathe pédophile, Dutroux, pourrait être très bientôt libérée.

FRANCE

La « gauche » s’offusque, approuvée par une partie du centre-droit, avec en tête Roselyne Bachelot, parce que l’église catholique a voulu, le 15 août, organiser une prière contre le projet de « mariage homosexuel » que veut instituer la « gauche ». A moins qu’il ne soit obligé d’en passer par une réforme constitutionnelle, ce qui est possible, et à la convocation du congrès ou d’un référendum, le gouvernement ne devrait avoir aucun mal à l’instituer, puisque toute la « gauche » est unanime et qu’une partie de la droite est prête à la soutenir.

Rappelons tout de même quelques éléments de contexte. En premier lieu, la revendication d’un mariage « gay » n’est que le fait d’une petite minorité, quasi exclusivement masculine, et n’est motivée que par le droit à l’adoption, qui est en vérité l'exigence prioritaire cachée derrière ce projet. C’est pourquoi les personnalités de droite qui, comme Nadine Morano, sont pour le mariage gay et contre l’adoption agissent en idiots utiles. Ce sera les deux ou aucun. Et nous souhaitons en conséquence que cela ne soit ni l’un ni l’autre.

Un député UMP, issu du clan de Boutin, Franck Margain, a évoqué en particulier cette problématique dans Le Monde daté du 17 août, où il dénonce la volonté du gouvernement de céder aux demandes de quelques milliers de « couples » homosexuels (les guillemets sont de ce député) et rappelle le caractère social du mariage. Il estime en effet que le droit d’adopter engendrera un « marché de l’enfant », mais c’est véritablement d’un risque d’une nouvelle « traite » qu’il faudrait dénoncer, car aujourd’hui 80% des enfants adoptés en France viennent d’Afrique ou d’Asie, et en conséquence il s’agit de fait d’un surplus d’immigration, dans un pays qui n’arrive plus du tout à la réguler et qui connait une crise identitaire profonde.

Margain a été immédiatement mis en cause, par exemple par le juriste Pierre Cassan, qui suggère que ce député chrétien démocrate est « homophobe », mot qui comme celui de « raciste » permet de tuer le débat dans l’œuf. Il est vrai que si un chrétien, ou l’église, se permet de refuser le « mariage gay », c’est forcément en raison de sa religion, et pas pour des raisons d’utilité publique. En fait, l’Eglise catholique a bien joué puisqu’elle n’a pas mis en avant des arguments théologiques, mais l’intérêt général et le bien des enfants.

Toutefois, ne nous le cachons pas, Christine Boutin, avec sa fameuse bible, avait fait beaucoup de mal à l’opposition au PACS et que l’Eglise s’empare de ce thème même si, pour cette fois, elle a agi avec discernement, ne va pas rendre service à ceux qui ont de très bonnes raisons de refuser ce type de mariage et l’adoption induite. Or, il s’agit bien d’une revendication communautaire, une communauté fondée sur l’orientation sexuelle, primant sur son identité nationale ou européenne par exemple. Il ne me viendrait pas à l’esprit de me définir prioritairement comme « hétérosexuel » mais d’abord comme un homme européen, ensuite comme un païen, enfin comme un socialiste, faisant primer mon identité civilisationnelle avant ma spiritualité et ma spiritualité avant mon opinion politique. Je ne suis donc pas convaincu que ce soit une bonne chose que l’Eglise catholique soit en première ligne.

Enfin, profitons de ce fil pour rappeler quelques vérités sexologiques dans ce monde médiatique où règne l’indifférenciation, c'est-à-dire la négation du débat. En premier lieu, au-delà du fait qu’elle se pratique entre gens de même sexe, ce qui est la définition de base de l’homosexualité, sa forme masculine et sa forme féminine n’ont rien en commun. Chez les autres mammifères, à ma connaissance, seule l’homosexualité masculine existe, et elle relève toujours d’un principe de domination, par exemple au sein d’une meute de loups. Cette homosexualité repose donc sur le principe dominant/dominé, exactement comme chez l’homme lorsqu’elle a lieu dans un milieu exclusivement masculin, prison ou école unisexe, et aussi dans les sociétés antiques. On croit savoir que la Grèce et Rome étaient particulièrement tolérantes à cet égard. C’est faux. L’homosexualité masculine moderne existait peut-être de manière marginale dans l’antiquité grecque, où elle était condamnée. En Grèce, le dominant était nécessairement un homme adulte, et à Rome un homme libre, et à l’un comme à l’autre, il était interdit sous peine de mort d’être en position de « dominé ».

L’homosexualité féminine, relevant davantage en fait de la bisexualité, est une spécificité humaine et ne repose pas sur un rapport de violence ou de hiérarchie. Sappho elle-même était bisexuelle, et le tribadisme (le mot antique pour « lesbianisme ») était connu dans l’antiquité gréco-romaine. Même les régimes totalitaires, hostiles à l’homosexualité masculine, semblent avoir été en revanche globalement indifférents à cette pratique, qui ne semblait pas avoir influencé négativement la natalité. On sait que les lesbiennes, au sein des lobbies pro-gays, sont en outre marginalisées face à une domination masculine écrasante, par gynophobie sans doute.

Juvénal dans ses Satires évoque de manière détaillée les pratiques homosexuelles dans la Rome du début du IIème siècle. Toutefois, il soulignait que jamais personne n’aura eu l’idée d’organiser un mariage homosexuel, même s’il me semble qu’un empereur romain avait en revanche voulu épouser son cheval (Caligula). Le « mariage gay » est une idée proprement moderne qui aurait paru insensée aux anciens Grecs et Romains. Il faut d’ailleurs savoir que l’interdiction de la pratique homosexuelle est apparue avant que le christianisme ne devienne religion de l’empire ; elle est ainsi prônée par le médecin Galien pour des raisons hygiénistes.

Ainsi, l’église catholique a pris position contre le « mariage gay ». Les hindous polythéistes partagent le même avis, comme les zoroastriens, comme les autorités religieuses juives et musulmanes. Et je ne doute pas que les païens hellènes rappelleront qu’Arès n’a pas épousé Apollon et Aphrodite ne s’est pas unie à Artémis.

ALLEMAGNE

Faut-il interdire la circoncision, assimilée par un tribunal allemand à des « coups et blessures volontaires » ? Le rabbin israélien Yona Metzger a expliqué que non. Il évoque « la racine de l’âme juive », c'est-à-dire le caractère identitaire de cette pratique. Les grands partis politiques, à l’exception notable de Die Linke, s’accordent à penser que l’interdiction de la circoncision donne une très mauvaise image de l’Allemagne, pour laquelle tout ce qui touche au judaïsme est évidemment extrêmement sensible. Rappelons que la circoncision existe aussi dans l’islam.

Mais c’est en vérité en raison de son caractère identitaire que la circoncision devait continuer d’être autorisée. Il s’agit d’une pratique probablement proto-sémitique, même si on ignore si les Akkadiens, le premier peuple sémitique historiquement attesté, la connaissaient, donc très ancienne. Même si les Romains l’assimilaient à une « mutilation volontaire », ils l’ont permise par dérogation pour les Juifs, sauf pendant la fin du règne d’Hadrien, où celui-ci a interdit la circoncision, mais c’était dans le contexte d’une grande révolte juive.

Toutefois, dès l’antiquité, certains juifs trouvaient cette pratique peu compatible avec les valeurs grecques et romaines à l’époque dominantes. La mode fut pour eux de se faire fabriquer un « faux prépuce », lorsqu’ils étaient amenés à apparaître nus, par exemple dans le cadre de l’éphébie ou de pratiques sportives. C’est donc un très vieux débat.

Il me semble que la sagesse romaine en l’occurrence est préférable à toute interdiction. Mais il y a toutefois questionnement, car qu’est-ce qui empêcherait demain une communauté africaine d’exiger la légalisation de l’excision s’ils peuvent prouver qu’il s’agit d’une pratique ancestrale ?

15/08/2012

De la déesse de l’aurore.

Aurora.jpgEn ce 15 août, il me paraissait intéressant de consacrer un article à une déesse fondamentale au sein des mythologies indo-européennes, déité vierge uniquement lorsqu’elle adopte une dimension guerrière, à l’instar de Pallas Athênê en Grèce.

A l’origine, les divinités indo-européennes patronnent les éléments de la nature, et en particulier le ciel, la terre et les astres, mais aussi les phénomènes atmosphériques. Jean Haudry a notamment démontré que le système trifonctionnel indo-européen était appliqué aux cieux, ceux-ci se partageant entre le ciel de nuit, correspondant aux forces telluriques et infernales, le ciel de jour, correspondant à la lumière des divinités souveraines, et enfin le ciel intermédiaire, le *regwos (ou « érèbe »), ciel auroral et crépusculaire, lié à la couleur rouge, mais aussi ciel d’orage. Les trois couleurs sont donc le blanc de la souveraineté, le rouge de la guerre et le noir de la fonction de production. Dans ce schéma, le ciel nocturne, domaine du dieu *Werunos (« le vaste »), qui donnera Ouranos en grec et Varuna en sanskrit, peut être remplacé par la terre, domaine de la déesse *Dhghom (« Dêmêter »), épouse du dieu céleste *Dyeus (« Zeus ») et en ce sens surnommée *Diwona (« celle de Dyeus »), qu’on retrouve dans le nom de la divinité romaine Dea Dia, probablement aussi dans celui de Diane, et dans la grecque Dionè, mère d’Aphrodite, respectant ainsi ce code de couleurs.

Le ciel intermédiaire est patronné par deux divinités fondamentales des panthéons indo-européens, à savoir le dieu de l’orage, *Maworts (génitif *Mawrtos), et la déesse de l’aurore *Ausōs (génitif *Ausosos), l’un et l’autre formant réunis probablement à l’origine un couple divin, couple qui sous la forme de Mars et de Venus inspirera les artistes depuis Homère. *Ausōs portait plusieurs épiclèses importantes, *bherghenti (« celle qui est élevée ») et *Diwos *dhughater (« fille de Zeus »), mais était également liée à la racine *men-, relative à tout ce qui relève de l’intelligence.

La triple aurore grecque.

Le déesse grecque de l’aurore est Eôs, une déesse mineure du panthéon hellénique, qu’Homère qualifie d’ « aux doigts de rose », et pour laquelle peu de mythes sont associés, à savoir celui des amours d’Arès et d’Eôs d’une part et celui de Tithon d’autre part, amant troyen dont elle avait demandé à Zeus de lui accorder l’immortalité, mais en oubliant de lui faire accorder également la jeunesse éternelle, ce qui en fit de fait le premier zombie de la mythologie.

Si Eôs, déesse pourtant fondamentale des panthéons indo-européens, est si mineure, c’est en fait parce que son rôle a été repris par deux nouvelles divinités, qui étaient probablement à l’origine de simples épiclèses de l’Aurore, à savoir Athéna et Aphrodite. Même si leur étymologie est obscure, on peut émettre quelques hypothèses sérieuses. Athéna est formée de la racine *-nos/a qui désigne une divinité (exemple : Neptu-nus à Rome, Ðiro-na chez les Celtes) et de la base athê[- qui pourrait être liée à l’idée de hauteur. Athéna serait ainsi la déesse protectrice des citadelles, comme l’acropole d’Athènes. Elle incarne l’Aurore guerrière, casquée et armée. Quant à Aphrodite, son nom a été rapproché de celui de la déesse ouest-sémitique Ashtoreth (« Astarté »), déesse tout comme elle honorée à Chypre. S’il est probable que les deux déesses ont été associées dans l’esprit des chypriotes grecs, cela ne signifie pas pour autant qu’Aphrodite serait d’origine sémitique. En fait, son étymologie classique de « née de l’écume des mers » pourrait bien être la bonne, car on peut la comparer avec le nom de petites divinités féminines indiennes, les Apsaras, nymphes érotiques peuplant le Svarga (« paradis indien ») du dieu Indra dans la tradition védique, et elles aussi nées sorties des eaux. Elle incarne l’Aurore amoureuse, symbolisée par la rose.

Enfin, Athéna est la fille de la déesse de la sagesse, Mêtis (p.i.e *Men-tis) dont le nom rappelle très précisément celui de la déesse Minerve, son équivalente latine.

Cela nous amène à constater l’existence de trois déesses de l’aurore, celle du phénomène atmosphérique (Eôs), celle de la guerre défensive (Athêna) et celle du désir amoureux (Aphrodite), déesses par ailleurs toutes liées au dieu de la guerre Arês. Eôs et Aphrodite ont en effet été l’une et l’autre la maîtresse du dieu, alors qu’Athéna est présentée comme sa rivale sur les champs de bataille par Homère mais était souvent honorée aux côtés du dieu, comme dans le temple d’Arès à Athènes. En outre, même s’il existe par ailleurs un Zeus Areios, une version guerrière du dieu suprême, parmi toutes les déesses, seules Athéna et Aphrodite sont qualifiées d’Areia. Arês joue ici son rôle originel, celui de dieu de l’orage et de la guerre, même si, sous l’influence crétoise, les Grecs ont préféré conférer désormais à Zeus cette fonction de dieu foudroyant, qu’en revanche son homologue germano-scandinave Thor conservera.

Déesse de l’amour et de la guerre.

*Ausōs est donc une déesse plutôt complexe, liant deux aspects qui peuvent paraître contradictoires. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène propre aux divinités indo-européennes, puisque la déesse proto-sémitique *Ațtartu associait ces deux rôles, tout comme la déesse sumérienne Inanna, même si en revanche elle n’était pas aurorale. Par ailleurs, comme dans le cas grec, la déesse de l’aurore sous son nom propre a bien souvent perdu de sa superbe au profit de divinités nouvelles. Ce n’est toutefois pas le cas partout.

Dans le monde indo-iranien, la déesse Ushas (sanskrit) ou Ushah (vieux-perse) a conservé ses traits originels, même si elle partage désormais son rôle de déesse de l’amour avec la Venus indienne, la déesse Rati, « le Désir », mère du dieu de l’amour Kama comme Aphrodite est celle d’Erôs. Chez les Lituaniens, la déesse lituanienne Aushrinè reste au premier plan, alors que chez les Lettons, pour une raison inexpliquée, elle a changé de sexe et est devenu le dieu Auseklis et personnifie par ailleurs la planète Venus.

En revanche, chez les Romains, même si Aurora a conservé des éléments de culte plus solides, elle connaîtra une évolution parallèle à celle qu’elle a connue chez les Grecs. Si Aurora est Mater Matuta, « la déesse des matins », attestant de son rôle atmosphérique, elle n’est plus une déesse guerrière, son rôle étant repris par Minerve, et plus non plus déesse de l’amour, car Venus a pris le relai.

Dans le rôle de déesse aurorale guerrière, on trouve les Zoryas slaves (au nombre de trois), les Valkyries germano-scandinaves, toutes casquées et armées comme Athéna. Dans le rôle de déesse aurorale de l’amour, c’est en revanche Lada chez les Slaves et Freya chez les Germano-scandinaves. Cela explique pourquoi une partie des guerriers morts ne va pas au Valhalla pour rejoindre Odin mais au paradis de la déesse Freya, illustrant à l’état de vestige un rôle guerrier plus ancien. Freya, dont le nom signifie sans doute « chérie » (p.i.e *priya), est la Venus scandinave, alors qu’Ostara, déesse de l’aurore fêtée au moment de la Pâques germanique, est restreinte aux questions de fécondité de la nature.

La déesse albanaise Premtë, épouse du dieu de l’orage Perëndi, remplace Agim, « l’aurore », de même que la celte Epona, « celle du cheval », car une des représentations les plus anciennes est celle d’une Aurore cavalière. La Brighid celte, déesse vierge comme Athéna, et qui était appelée Brigantia par les Gaulois, patronnait les affaires guerrières, et apparaissait sous son aspect le plus cruel sous les traits de Morrigain.

Déesse de la planète Venus.

Indo-européens et Sémites ont, pour une raison mystérieuse, sans doute liée à la couleur de l’astre, associé l’Aurore et la planète Venus. En revanche, les Sumériens avaient lié la planète Venus à la déesse Inanna, aucune déesse spécifique de l’aurore n’apparaissant dans leur mythologie. Si les Akkadiens ont simplement remplacé Inanna par leur Ishtar, les peuples ouest-sémitiques ont en revanche associé l’astre à leur propre dieu de l’aurore, Shahar.

Une des particularités du dieu Shahar c’est d’avoir engendré deux frères jumeaux, qui sont Helel, dieu de l’étoile du matin, et Shalem, dieu de l’étoile du soir. On retrouve un phénomène comparable chez Aphrodite, Venus et le dieu letton Auseklis. Il est difficile de savoir si c’est un emprunt des Indo-Européens aux Sémites, ou bien des Sémites aux Indo-Européens, et à quelle époque. Chez les Arabes païens également, deux dieux jumeaux patronnent le matin et le soir, à savoir Aziz et Ruda.

Aphrodite est la mère de Phosphoros, également appelé Eosphoros, « porteur d’aurore », ce qui est significatif, et de son frère Hesperos. De la même façon, probablement par imitation de la déesse grecque, Venus est la mère de Lucifer et de Vesper, l’un et l’autre pouvant s’expliquer par le proto-indo-européen (*leuks-bher, « porteur de lumière » et *wesperos, « soir »). Enfin, les jumeaux divins de la mythologie lettone, fils du dieu du ciel Dievs, à savoir Usins (« Aurore ») et Martins (« Mars ») sont également associés au matin et au soir.

Si la planète Venus semble associée dès l’époque proto-indo-européenne à la déesse *Ausōs, l’introduction de deux fils patronnant le matin et le soir, un dieu du matin et un dieu du soir, semblent résulter d’une influence extérieure, sumérienne ou sémitique. Ainsi, chez les Celtes, les Germains, les Slaves par exemple, mais aussi en Inde et en Lituanie, on ne retrouve pas de « fils de l’aurore » patronnant le matin et le soir. Ce n’est le cas concrètement qu’en Grèce et à Rome, cette dernière ayant été en outre considérablement influencée par son aînée en Méditerranée. En outre, les jumeaux divins ne sont pas non plus « fils de l’Aurore », mais fils du dieu du ciel (Zeus en Grèce, Dievas en Lituanie, Dyaus en Inde), rôle repris à Rome par le dieu de la guerre (Romulus et Rémus sont fils de Mars et non de Jupiter).

Le mythe de la déesse-vierge guerrière.

On a pu constater que lorsqu’une déesse a remplacé l’Aurore dans son rôle guerrier, elle y a pris les traits d’une déesse virginale. C’est notamment le cas d’Athéna et de Minerve, comme si une sexualité accomplie était incompatible avec ce rôle plutôt masculin. Et c’est en raison d’une histoire d’amour que la valkyrie Brynhildr, amoureuse de Siegfried, connaîtra bien des tourments. Cette virginité est aussi l’apanage d’Artémis, déesse de la chasse et de la nature sauvage inviolée.

La déesse-vierge a été remplacée dans la mythologie européenne par la Vierge Marie, privée pourtant de tout rôle militaire. L’ « amazone » est devenue une sorcière, promise à la mort, et d’ailleurs Diane est considérée au moyen-âge comme la déesse par excellence du sabbat. La femme européenne pouvait apparaître comme une guerrière, ou en tout cas avait un rôle pour galvaniser les guerriers, même si elle ne participait pas directement au combat. Ce mythe se retrouve pleinement dans celui de Jeanne d’Arc, mais aussi dans les différentes incarnations patriotiques de la nation. Britannia est totalement calquée sur la Minerve romaine, et Germania ressemble à une valkyrie. La république française, incapable de rompre totalement avec le christianisme, a préféré une déesse-mère, Marianne, « petite Marie ». Elle a aussi choisi toutefois de se représenter en Cérès, déesse du blé, la fameuse semeuse, et non en divinité guerrière. On notera enfin que les Sans Culottes, et notamment Hébert, préféraient la déesse Raison, qui n’était autre que Minerve elle-même.

Venus sans Mars, Mars sans Venus.

De l’Athêna Potnia mycénienne à la déesse Raison, on retrouve une filiation que le christianisme même n’a pas réussi à rompre. Et face au puritanisme, la déesse Aphrodite a vaincu elle aussi. C’est dire si la déesse de l’aurore, en tant qu’Athéna comme en tant qu’Aphrodite, a joué et joue un rôle fondamental dans la psychê européenne. C’est elle qui raisonne Mars lorsqu’il est courroucé et l’occupe aux jeux de l’amour, délaissant alors le champ de bataille. Si Rome connut douze siècles de puissance, c’est parce qu’elle était la cité de Mars et de Venus, l’un et l’autre s’équilibrant, comme le souligna le poète Rutilius Namatianus. Et lorsque le politologue américain Robert Kagan définit l’Europe comme le continent de Venus, il nous rappelle que la puissance résulte de l’union des deux divinités, mais le dieu Mars est mal vu depuis un peu plus d’un demi-siècle en Europe. Lorsque Mars triompha, Venus était encore prisonnière des geôles vaticanes. Lorsque Venus triomphe, aujourd’hui, c’est Mars qui est sous les chaînes. Le déchaîner sauvera l’Europe. Car il n’y a pas de paix sans conflit (Venus sans Mars), et pas de science sans puissance (Minerve sans Mars).

Thomas Ferrier (LBTF/PSUNE)

29/07/2012

Restaurer des Jeux Olympiques authentiques

 
discobole.jpgEn 394 après J.C, l’empereur Théodose, revenu vainqueur d’Italie après avoir écrasé l’armée romaine occidentale d’Eugène, avec l’appui de ses nombreux mercenaires orientaux et huns, décide de mettre fin aux Jeux Olympiques, une des plus estimables traditions millénaires du peuple grec, un moment de paix et de saine concurrence entre les athlètes, un symbole de ce panhellénisme vanté par Isocrate mais qui avait échoué à se réaliser politiquement. Les autorités chrétiennes sous lesquelles l’empereur s’était de son plein gré placé ne supportaient plus ces cérémonies païennes en l’honneur de Zeus Olympien.

Il est vrai que si la tradition place la naissance des Jeux Olympiques en 776 avant J.C, date qui servira d’année zéro selon le calendrier hellénique, il s’agissait déjà de nouveaux jeux olympiques, réinstaurés notamment par l’intervention du spartiate Lycurgue. Les premiers jeux olympiques eurent en effet lieu à Olympie mais avec des athlètes un peu particuliers, à savoir les dieux eux-mêmes, autour du fils de Zeus, le héros et demi-dieu Héraclès en personne. C’est ainsi que la mythologie évoque les victoires d’Apollon, qui surpasse Hermès à la course et triomphe d’Arès au pugilat. Que ce soit l’initiative de Zeus en personne, d’Héraclès ou encore du père fondateur Pélops, dont le Pélopponèse porte le nom, leur dimension sacrée a toujours été affirmée. C’est en l’honneur de Zeus Olympien, dont la statue chryséléphantine ornait un temple considéré comme l’une des sept merveilles du monde, que les athlètes venus de toutes les cités de la Grèce s’affrontaient dans des joutes. Le vainqueur, démontrant ainsi qu’il avait la faveur des dieux, avait droit à sa statue personnelle, et même si sa cité était flattée de sa victoire, c’était l’athlète et lui seul qu’on honorait. Isocrate voit dans ces Jeux la base même de l’idée panhellénique, et la trève sacrée qui obligeait toutes les cités à cesser leurs opérations militaires durant les Jeux, était une belle manière de souligner la parenté profonde entre tous les citoyens grecs.

Bien sûr, les autres divinités du panthéon grec étaient aussi à l’honneur, et notamment les divinités hippioi par paire (« équines »), liées notamment aux combats, à savoir d’une part Arès Hippios et Athéna Hippia, et d’autre part Poséidon Hippios et Héra Hippia, mais aussi la Terre-Mère en personne, Déméter Chamynè (« la déesse qui dort à même le sol »).

Lorsque le baron de Coubertin entreprend avant 1896 de restaurer les antiques Jeux Olympiques, animé par une profonde foi en l’esprit européen et en une nostalgie sincère pour l’ancienne tradition hellénique, il cherche explicitement à s’extraire du cadre chrétien et bourgeois du sport. C’est naturellement qu’il songe à Athènes comme lieu des premières Olympiades modernes, et c’est ainsi qu’en 1896, un millénaire et demi après le décret infâme de Théodose, que les jeux en l’honneur de Zeus, mais sans que la référence aux dieux ancestraux soit explicite, voient à nouveau le jour.

En 1896, à l’exception de l’Ethiopie et du Japon, et des colonies européennes de peuplement en Amérique, les nations olympiques sont les nations d’Europe car le reste du monde est colonisé, en cours de colonisation ou simplement soumis à une tutelle européenne, comme la Chine. Lorsque le baron de Coubertin invente l’olympisme moderne, il le crée en européen décidé à éclairer les autres européens et à créer une solidarité de fait entre les peuples du continent. Malheureusement, son initiative n’empêchera pas la première guerre mondiale, qui se résume là encore à une guerre civile européenne.

Le drame c’est que le principe d’une représentation nationale était un facteur de concurrence détestable, de fierté nationaliste mal placée, et non l’hommage rendu à la civilisation européenne et aux athlètes. L’Allemagne nazie en 1936 s’emparera de son flambeau pour glorifier son idéologie mortifère, détournant ainsi la matrice hellénique pour magnifier ses objectifs conquérants, mais elle sera imité par les Etats-Unis et l’Union Soviétique au cours de la guerre froide, et désormais par la Chine (2008). A Moscou, à Los Angeles puis à Pékin, chaque régime, chaque modèle politique et économique, essaie d’avoir la suprématie. C’est d’ailleurs pourquoi les media donnent tant d’importance au classement des médailles par pays.

En outre, le capitalisme mondialisé a tout envahi, les droits télévisuels créant une manne financière artificielle considérable. Et le fait que le lieu où se déroulent les Jeux change à chaque fois a des conséquences en matière d’environnement particulièrement désastreuses, amenant à construire des infrastructures qui ne serviront plus jamais, mais aussi de graves conséquences économiques. La crise de la Grèce est ainsi intimement liée aux Jeux Olympiques de 2004 qui s’y sont déroulés.

Refonder les Jeux Olympiques, dans un esprit de rupture total avec la mondialisation libérale qui s’en est emparée, mais aussi dans celui d’un retour à la matrice grecque et à la volonté originelle de Coubertin de ranimer cette flamme sacrée, c’est mettre à bas le pseudo-olympisme contemporain, et dont on voit une nouvelle manifestation à Londres en cette année 2012.

La première mesure forte serait de décider que les Jeux Olympiques se dérouleront systématiquement tous les quatre ans à Athènes. Cela permettrait d’aider les Grecs à sortir de leur marasme économique en rentabilisant des installations coûteuses qui ne servent plus à rien.

La seconde mesure serait de décider de briser le caractère international des Jeux Olympiques modernes et d’en affirmer en revanche le caractère strictement européen. Cela implique de restreindre les JO aux seuls athlètes européens et d’en exclure également les sports étrangers ou non traditionnels. Les JO se substitueront ainsi par exemple au Championnat d’Europe d’athlétisme.

La troisième mesure serait d’affirmer le caractère amateur des JO, en clair revaloriser le sport amateur au détriment du sport professionnel. Ce sera privilégier l’importance de la victoire plutôt que celle du temps de référence, du record, chose inconnue des Grecs anciens. En particulier, l’athlétisme en Europe cesserait d’être professionnel. On peut imaginer l’organisation de pré-olympiades dans chaque ville, dans chaque euro-région, mettant en concurrence des sportifs européens amateurs, tout en supprimant l’idée de représentation nationale. Un athlète gagnera en tant que citoyen européen et non en tant que représentant de telle nation, de telle région. Dans l’antiquité, les vainqueurs d’Olympie étaient honorés de la même manière, qu’ils viennent d’Athènes, de Sparte ou de Thèbes, non en tant qu’athéniens, spartiates ou thébains, mais en tant que grecs.

Le vainqueur d’une compétition ne gagnera pas d’argent, ne bénéficiera d’aucun sponsoring, n’aura pas le droit de participer à des compétitions internationales rétribuées, mais se verra doté d’une couronne de feuilles de chêne dorées.

Par ailleurs, le principal problème c’est l’argent corrupteur du sport, lié aux droits de retransmission. Les nouveaux Jeux Olympiques devront alors voir leur système de diffusion totalement modifié, à savoir l’existence d’une seule retransmission officielle, identique au niveau européen, selon un format unique diffusé exclusivement par les chaînes publiques en Europe. La publicité sera totalement bannie aussi bien des retransmissions qu’au sein des lieux de compétition sportive ou sur les maillots. Tout gain éventuel généré par ces Jeux Olympiques servira à l’entretien des installations et éventuellement sera reversé aux caisses du futur Etat européen.

zeus.jpgEnfin, la dernière réforme, sans doute la plus provocatrice, sera de restaurer la dimension sacrée des Jeux Olympiques, allant au-delà de la cérémonie « néo-païenne » actuelle consistant à allumer la flamme olympique par les rayons du soleil. Mikis Theodorakis, lorsqu’il composa pour les JO son « Hymne à Zeus », avait déjà introduit implicitement cette dimension jovienne. Des cérémonies traditionnelles, conformes au rite antique, pourraient être introduites, afin que les Jeux Olympiques retrouvent leur sens vraiment « olympique », en l’honneur des Olympioi, et premiers vainqueurs des Jeux.

Les compétitions de natation ou de sports nautiques seraient exclues des Jeux Olympiques mais se dérouleraient lors des Jeux Isthmiques (en l’honneur de Poséidon, dans l’antiquité) et ce la même année. Les Jeux Olympiques d’hiver seraient parallèlement maintenus, avec deux modifications principales, leur dimension strictement européenne et leur caractère amateur. On peut enfin imaginer réintroduire les Jeux Pythiens (concours de poésie, de théâtre et pourquoi pas de cinéma) et les Jeux Néméens, afin que les quatre fêtes sportives de l’antique Hellade soient réintroduites, et pas seulement celle d’Olympie.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

08/07/2012

De Soler, d’Onfray et de leurs détracteurs. Sur le monothéisme.

moses.jpgJean Soler est un remarquable historien spécialisé dans l’étude des origines du monothéisme. Acteur engagé de la société civile, dans ses deux derniers ouvrages, « La violence monothéiste » et « Qui est Dieu ? », il s’attaque aux trois monothéismes abrahamiques, en insistant sur la violence et l’exclusion qui leur seraient naturellement associées. Sa thèse n’est pas nouvelle et s’inscrit dans la plus pure tradition voltairienne, puis « néo-droitière », mais dans une version mise à jour à la suite des travaux novateurs d’archéologues israéliens (les auteurs de « La Bible dévoilée »). Ce n’est pourtant pas Soler qui crée le scandale mais l’éloge que Michel Onfray a prononcé dans Le Point à propos de son dernier ouvrage, reprenant en les vulgarisant les principales thèses de l’auteur dans son dernier opus.

Onfray nous a habitués à son combat contre l’obscurantisme religieux, lui-même professant un athéisme explicite et revendiqué, ce que nous ne partageons pas avec lui, partisans que nous sommes d’une vision bien au contraire ouvertement polythée. Il n’est pas étonnant que Soler lui ouvre de nouvelles perspectives, lui qui prend modèle sur le philosophe à coups de marteau, le démolisseur des idoles « galiléennes », pour reprendre l’expression de l’empereur Julien.

Depuis plusieurs jours, de nombreux intellectuels, notamment issus de la communauté juive, dénoncent Onfray comme un antisémite. Rien ne permet dans la pensée d’Onfray de le qualifier de tel puisque, très bon connaisseur de Nietzsche, il partage avec lui le refus absolu de l’antisémitisme, considéré comme d’essence chrétienne. Et son choix de privilégier Athènes à Jérusalem ne saurait en aucune manière être considéré comme une démarche d’hostilité mais comme un souci naturel de se relier à une tradition antique issue du génie européen propre.

Jean Soler, dans la conclusion de son pénultième ouvrage, annonce un retour à l’héritage grec, un peu comme Pléthon prédisant que la religion de l’avenir ne différerait guère de la religion grecque antique, déclarant qu’ « ils arriveront à cette conclusion, qu’en abandonnant le modèle gréco-romain pour le modèle judéo-chrétien, l’ère monothéiste aura été, avec ses ombres et ses lumières, ses ombres surtout, une erreur de parcours dans l’histoire de l’humanité ». Mais il ne pousse pas son raisonnement jusqu’au bout, évitant le choix courageux d’un Louis Ménard ou d’un marquis de Sade, celui de retrouver la matrice antique en renouant avec le polythéisme hellénique, avec l’olympisme. Et alors que dans quelques jours auront lieu de nouvelles olympiades, selon le vœu du baron de Coubertin de ramener à la vie ces jeux en l’honneur de Zeus, cela aurait été la cerise sur le gâteau. Car c’est un vœu pieux de croire qu’on pourrait retrouver la liberté de pensée des Grecs si on ne remet pas en cause et de manière absolue la marque que le monothéisme a laissée sur le visage lumineux d’Europê, si on ne renoue pas avec les dieux immortels qu’honoraient les philosophes grecs, au même titre que les simples citoyens.

Et pourtant Soler et Onfray commettent dès le départ une erreur de méthode, à savoir qu’ils se refusent à séparer le judaïsme du christianisme et de l’islam, et qu’ils ne perçoivent pas l’impact de l’universalisme comme vecteur de violence, contestant l’ethnocentrisme qu’ils prêtent aux Juifs, et s’indignant des lois hostiles à la mixité ethnique contenus dans les textes sacrés juifs, mais qu’on retrouve aussi bien dans l’Avesta iranien et dans les Lois de Manu en Inde. En effet, c’est bien l’universalisme, chrétien ou musulman, annoncée aussi à leur manière par Socrate et par l’empire romain, qui est la principale cause de violence, puisque l’autre n’est plus respecté en tant qu’autre mais se voit contraint de cesser de l’être et de se rallier à la nouvelle religion. Le caractère non-prosélyte (au sens moderne) du judaïsme, comme du zoroastrisme et de l’hindouisme, ce dernier étant une religion par ailleurs polythéiste et apparentée à l’hellénisme, change complètement la donne. Et Onfray, en ne renonçant pas à l’universalisme, se montre malgré lui disciple de Paul de Tarse pour qui il n’y a plus « ni juif, ni grec », déclarant ainsi la guerre religieuse tant à l’olympisme qu’au yahvisme.

Il y a eu certes, indéniablement, aux origines du yahvisme, une part de violence et de persécution. Mais c’est se méprendre que de prendre en compte le récit du VIIème siècle avant J.C selon lequel les Hébreux seraient venus d’Egypte et auraient décimé les Cananéens avant de s’installer dans une nouvelle terre promise. En vérité, non seulement nous savons aujourd’hui que ces récits de destruction des cités cananéennes n’ont aucune réalité historique, mais cela témoigne en réalité d’un conflit religieux au sein des Cananéens eux-mêmes.

C’est en effet au sein du peuple cananéen que va naître la scission yahviste, la mise en place d’un culte rendu à un dieu ethnarque reprenant les fonctions d’El Elyon, le dieu suprême du ciel, dieu honoré sur l’acropole de Jérusalem, et de Baal Adad, le maître de l’orage. Le panthéon cananéen était très riche en divinités masculines et féminines, parmi lesquelles des dieux souverains, ceux que je viens d’évoquer, mais aussi de grandes déesses, comme Elat Asherah, épouse d’El puis de Yahweh dans les premiers temps du judaïsme, la guerrière Anat, sœur et amante de Baal, et la merveilleuse Ashtoreth, celle-là même honorée à Babylone sous le nom d’Ishtar, toutes divinités remontant à au moins 6000 avant J.C, du temps où l’on parlait encore le proto-sémitique en Arabie.

Pendant des siècles, chaque souverain alternant philo-paganisme ou yahvisme intransigeant, prêtres de Yahweh et prêtres de Baal s’affronteront afin de convaincre les uns d’adopter la nouvelle religion, les autres de maintenir l’antique tradition. C’est en 620 avant J.C que le roi de Judée, Josias, prend position en faveur des yahvistes, ceux-ci se définissant comme hébreux et réservant désormais le terme tribal « cananéen » aux seuls païens. Lorsque la Bible dénonce les cananéens, elle dénonce uniquement les païens, de même qu’avec la christianisation de l’empire romain le nom ethnique d’ « hellènes » servit à désigner les fidèles des dieux de l’Olympe. Ainsi, le peuple juif n’est autre que le peuple cananéen devenu monothéiste et adepte du seul Yahweh, les autres dieux ayant été abandonnés et jusqu’à l’épouse même de Yahweh. Le mythe de la disparition des Cananéens doit se comprendre comme la conversion accomplie de l’ensemble de ce peuple.

Une fois que les cananéens sont devenus les judéens (yehudim), l’expansion du yahvisme s’arrête totalement, et à cette phase de prosélytisme violent succède une phase d’ethnocentrisme modéré, d’indépendance affirmée, jusqu’à ce que les empires voisins, aux appétits conquérants, s’intéressent à leur terre. Ce sera la domination des Assyriens, des Perses, des royaumes hellénistiques et de Rome. A aucun moment, les Judéens ne déclareront la guerre mais ils subiront ces jougs étrangers, rêvant d’un nouveau David libérateur, certains réussissant comme Judas Macchabée, et d’autres échouant lamentablement comme Simon Bar Koshba.

Si l’empire romain, à la différence d’un empire perse plus complaisant, s’oppose aux judéens, c’est parce que la Judée est une province romaine turbulente et révoltée. Du jour où la rébellion est totalement vaincue, avec la destruction de Jérusalem par Hadrien, cité transformée en une ville païenne, Aelia Capitolina, dédiée à Jupiter Capitolin et Zeus Olympien, le site du temple d’El Elyon puis de Yahweh étant désormais doté d’un temple de Zeus, la judéophobie des autorités romaines cessa rapidement. Les vexations sont supprimées par Antonin le Pieux. Et face au christianisme des Constantinides, païens et juifs combattront ensemble, au point où l’empereur Julien entamera la reconstruction du Temple, se révélant le premier sioniste.

Ainsi, si la phase de conversion des cananéens polythéistes a été de nature violente, comparable à la christianisation de l’Europe ou à l’islamisation du Moyen-Orient, le judaïsme cesse de l’être une fois ce processus accompli. Bien au contraire, au même titre que le paganisme, le judaïsme est persécuté, et notamment par les chrétiens et les musulmans, et ce n’est pas un hasard si le seul havre de paix dans l’Occident médiéval pour les juifs d’Europe a été la Lituanie païenne. Onfray et Soler, tout comme Voltaire, pensent qu’en s’attaquant aux racines juives du christianisme, et de l’islam, ils pourront triompher du monothéisme. Ils se trompent. C’est en renonçant à tout universalisme, en se recentrant sur l’Europe, qu’ils pourront redécouvrir les charmes de l’antiquité.

Mais il ne faut pas simplement choisir le camp d’Athènes, mais aussi celui de la Rome de Romulus, de Tara (sanctuaire druidique renommé), d’Uppsala (haut lieu de culte des dieux d’Asgard) et d’Arkona (sanctuaire slave). C’est en (re)devenant païens que cette haine stupide qui a pour nom « antisémitisme » cessera simplement d’exister. Elle était inconnue de nos ancêtres d’avant le christianisme, car ceux-ci ne se sentaient pas en religion des vassaux. Le judaïsme, lorsqu’ils étaient amenés, rarement, à le connaître, leur paraissait sans doute bien étrange, avec son absence de représentation de la divinité, comme Pompée entrant dans le saint des saints s’en étonnera, et les troupes romaines occupant la Judée, dans un contexte difficile, n’étaient pas nécessairement très judéophiles, à l’instar de Ponce Pilate. Il est vrai que, face aux nationalistes judéens, ils jouaient leur vie. Et si Jésus, à supposer qu’il ait réellement existé, a été exécuté par les autorités romaines, c’est parce qu’ils voyaient en lui, par sa revendication de « roi des Juifs » et de descendant de David, revendication qui avait aussi été celle de Judas Macchabée, un nationaliste rebelle, un indépendantiste menaçant la paix romaine dans la région. Ce n’est alors pas un hasard qu’il ait connu le sort des compagnons de Spartacus, ce dernier étant toutefois mort au combat et non sur la croix, contrairement à la légende.

C’est par le retour à ses (anciens) dieux que l’Europe, renouant ainsi avec sa plus longue mémoire, et Israël pourront renforcer leur amitié, malgré un passé douloureux difficile à faire passer. L’occupation romaine de la Judée puis le christianisme nous ont séparés, alors qu’Alexandre, César et Auguste étaient des amis du peuple juif, considérés comme tels, et étaient en même temps de solides polythéistes. Le judaïsme, parce que c’est une religion nationale, celle d’un peuple, n’est pas comparable au christianisme et à l’islam, même si ces derniers se sont appuyés sur le monothéisme israélite pour se bâtir. Les Juifs ne sont pas responsables de ce que leurs prétendus héritiers, qui les ont persécutés par ailleurs, ont pu commettre.

Par ailleurs, un courant idéologique original n’a jamais cessé d’animer le mouvement sioniste, au sein même de la Haganah par exemple, celui des « Cananéens », c'est-à-dire des Judéo-païens. Inspiré par l’œuvre du poète israélien Adyah Gurevitch (1907-1975), ceux-ci souhaitent le retour au polythéisme des anciens Hébreux, du temps où ils étaient encore des Cananéens. Il s’agit du sionisme le plus accompli, puisqu’il vise à un réenracinement total dans la terre de leurs ancêtres, jusqu’à retrouver les dieux des pères de leurs pères. Car, on oublie bien souvent que le judaïsme est l’héritier d’un polythéisme, et que les principales fêtes du calendrier juif remontent à une époque antérieure au yahvisme, même si ces fêtes ont été recouvertes, tout comme les fêtes « païennes » en Europe, d’un voile monothéiste.

La violence monothéiste nécessite une logique universaliste, celle du principe de conversion. Le païen, le kafîr, doit adopter la nouvelle religion ou périr s’il conserve son attachement aux dieux de ses ancêtres. Le christianisme, synthèse d’une dérive universaliste du yahvisme (celle de Paul) et de l’universalisme de l’imperium romanum, et l’islam, ne supportent pas l’altérité en religion. Et cette dimension semble échapper à l’analyse, habituellement brillante, d’Onfray, tout simplement parce que ce dernier n’a pas renoncé à tout universalisme et a du mal à concevoir qu’on puisse sérieusement revenir au polythéisme, tout comme le « païen » Alain de Benoist considère qu’il est « ridicule de croire en Jupiter ». Au cœur de tourments identitaires profonds, et alors que tout laisse à penser que l’Europe approche en ce XXIème siècle d’un abîme dans lequel elle risque d’être précipitée, et qu’Onfray fait tout pour ne pas voir, il suffit de songer à ses engagements politiques à l’extrême-« gauche », la religion européenne de l’avenir ne sera plus le christianisme, qui ne l’aura pas protégée, et ne sera pas non plus l’athéisme dont Onfray espère le succès. Mais le culte de ceux que les super-héros ont remplacé dans l’imaginaire contemporain, le culte des dieux immortels, qu’ils soient descendus de l’Olympe ou d’Asgard.

Thomas FERRIER

09/04/2012

La Hellfest sous le feu de la critique chrétienne

gundestrup.jpgComme chaque année, ce festival français de musique metal est attaqué par des organisations manifestement chrétiennes, comme le collectif « Provocs Hellfest, ça suffit ». Par le passé, j’avais déjà réagi à ce sujet, expliquant qu’il ne fallait pas confondre par exemple Pagan metal et « Satanic » metal. Il y a plusieurs années, j’avais en outre écrit « sur la toile » un article de fond dénonçant explicitement le satanisme.

Toutefois, je ne suis pas dupe des manœuvres qui se cachent derrière des appels à censure qui cachent leur nom. Je n’ai aucune envie de défendre des groupes musicaux provocateurs, même si je leur reconnais le droit à l’expression, dans la mesure où aucun préjudice n’est à déplorer. Or, à ma connaissance, aucun chrétien n’est obligé d’assister à ce festival, n’est obligé de se procurer les CD des groupes qui vont y jouer. On pourrait certes me rétorquer que ce festival reçoit des financements publics et que les chrétiens n’ont pas envie de le payer dans leurs impôts, ce qui est compréhensible. Mais les païens payent bien, comme tous les citoyens responsables, leurs impôts, qui servent aussi à financer la réfection des églises.

Au moment où j’écris ces lignes, je suis d’ailleurs en train d’écouter l’excellent album Helvetios du groupe suisse de pagan metal Eluveitie, album portant sur le récit de la Guerre des Gaules et écrit en collaboration avec des historiens. Il symbolise bien toutes les qualités artistiques et intellectuelles de ce courant musical original. Il n’y a pas un mot sur le christianisme, ni en positif ni en négatif, dans cet opus. C’est pourquoi je ne peux que déplorer et dénoncer les amalgames.

Si je boycotte personnellement les groupes d’inspiration satane, qui musicalement me paraissent en outre assez pauvres, je sais aussi que les amalgames ont lieu dans tous les sens. Ainsi, sur le site du collectif chrétien, le 24 mars 2012, je découvre un article attaquant le paganisme et le reliant explicitement à la Nouvelle Droite et au GRECE d’Alain de Benoist (écrit chez eux Benoît). On comprend bien la manœuvre, qui relève d’une double reductio ad hitlerum. On fascise le GRECE, qui sert ensuite à fasciser le paganisme. Or les groupes païens n’attaquent jamais le christianisme, ou alors se limitent à dénoncer les effets objectivement désastreux de la christianisation du continent. Le récapitulatif des destructions dues au christianisme sous l’empire romain est fourni par l’historien grec Vlassis Rassias dans son ouvrage de 2000 intitulé « Ες Έδαφος Φέρειν… » (mot à mot « détruisez les… »).

L’auteur chrétien de cet article relie donc le paganisme à la Nouvelle Droite, et s’il est vrai que ce courant de pensée a jadis fait promotion d’un paganisme intellectualisé, il n’est absolument pas lié au courant de paganisme reconstructionniste qui émerge depuis plusieurs décennies, reconnu comme religion dans plusieurs pays européens, à commencer par l’Islande en 1973, date de la reconnaissance par les autorités du paganisme germano-scandinave reconstitué, Asatru (« foi envers les dieux Ases »). Je rappelle qu’il y a quelques années Benoist lui-même avait déclaré qu’il était ridicule « de croire en Jupiter ». L’auteur évoque ensuite la revue du GRECE, Eléments, pour n’en retenir que la promotion supposée du dieu Cronos – ce qui ne repose objectivement sur rien – et des allusions à Drieu La Rochelle et à Gripari.

Tant que ces pétitionnaires dénonçaient une atteinte à leur foi, ils étaient cohérents. Désormais, ils chassent aussi l’islamophobie, ce qui est nouveau. Et surtout, ils dévoilent désormais leurs objectifs, en s’en prenant aux païens. Pour dénoncer les excès de la Hellfest, il ne faut pas être juge et partie. Et sous couvert de les critiquer à juste titre, ils en profitent pour régler leurs comptes avec les païens. Cela invalide il me semble l’ensemble de leur démarche.

Thomas Ferrier (PSUNE)

La Colère des Titans ou l’athéisme militant

wrathofthetitans03.jpgLa suite du Choc des Titans était attendue ; malheureusement, le changement de réalisateur a modifié en profondeur de nombreux aspects du premier film, au point tel que la jonction entre les deux n’est pas des plus aisées, et en premier lieu, la vision donnée des dieux olympiens n’est plus du tout la même.

Dans le premier film, à l’exception des scènes coupées où les dieux sont omniprésents, les olympiens en armures divines apparaissent inspirées en partie de l’univers de Saint Seiya, mais leur divinité n’est en aucune manière niée, même si leur puissance semble dépendre de la foi des mortels à leur égard. Dans le second film, la plupart des dieux ont disparu ou sont déchus. Et surtout l’étrange principe de dieux mortels est affirmé. Cela va même beaucoup plus loin. Si les mortels ont une âme immortelle, les dieux n’auraient qu’une âme éphémère. Une fois morts, ils disparaissent purement et simplement. Or, dans la religion grecque, c’est la mortalité et uniquement elle qui distingue dieux et hommes, les dieux étant éternellement jeunes, et de corps comme d’âme, immortels. Non seulement les dieux peuvent vieillir et s’affaiblir, mais dans le film ils meurent et se transforment en poussière.

La négation de la divinité des dieux est la principale caractéristique d’un film qui est réussi sur un plan graphique, et aussi sur l’utilisation de la 3D, et qui offre de belles scènes d’action. Revenons sur les principaux aspects de ce thème dans le film. En premier lieu, Zeus est trahi par son propre fils, Arès, le dieu de la guerre, trahison qui ne s’explique pas par la nature même du dieu mais par le fait qu’il est un fils mal aimé, jaloux de l’amour qu’a Zeus pour son autre fils, le héros Persée. Des autres fils de Zeus il n’est plus fait question, ni d’Apollon ni d’Athéna, que l’on voit dans le premier film. Il est également trahi par son frère Hadès, qui se venge ainsi de s’être vu reléguer aux enfers, ceux-ci étant d’ailleurs d’esprit fort chrétien, à la fois sombres et rougeoyant de lave incandescente. L’objectif des deux comploteurs est de libérer Cronos, père de Zeus, d’Hadès et de Poséidon. Il faudrait d’ailleurs m’expliquer comment une forme de géant de lave a pu donner naissance à des dieux anthropomorphes ayant la même taille et apparence que les mortels.

Au final, Arès est tué par Persée en combat singulier, et Zeus et Hadès combattent ensemble leur père une dernière fois, même si c’est là encore Persée muni d’un trident de combat synthétisant les trois sceptres des trois dieux principaux (Zeus, Hadès et Poséidon), idée tout à fait originale d’ailleurs. Héphaïstos quant à lui apparaît comme un vieillard un peu fou mais courageux, tué au final par Arès. Les dieux apparaissent donc davantage comme de puissants êtres, mais fondamentalement mortels, rappelant ainsi l’évhémérisme antique, ce courant de pensée repris par les chrétiens et présentant les dieux comme des anciens rois et héros divinisés. C’est la vision exactement contraire de celle du film « Les immortels », où les héros rejoignent les dieux en accédant ainsi à l’immortalité par le fait de mourir au combat. Le directeur de la Colère, Jonathan Liebesman, n’a pas choisi d’adopter la même approche que celui des Immortels, l’indien Tarsem Singh. Le fait que ce dernier soit un indien, certes sikh, a certainement joué de manière déterminante dans la vision qu’il offre des dieux, dont la divinité n’est pas remise en question.

A la fin du film, le père (Zeus) et le fils (Persée) se réconcilient avant que le dieu suprême ne meure dans ses bras. De mémoire, c’est la première fois dans un film que le dieu du ciel meure. Il y a toutefois une allusion christique qui est faite à plusieurs reprises. Au début du film, Zeus est ainsi attaché à une forme d’arbre au cœur du Tartare et voit ses forces littéralement absorbées par Cronos. L’image rappelle étrangement la crucifixion. En outre, à plusieurs reprises, Zeus apparaît comme un vieillard à la barbe blanche, image classique qu’on utilise pour représenter Dieu dans la tradition chrétienne, à rebours du premier film où il apparaît sous une forme majestueuse.
titans.jpgLa Colère des Titans se révèle donc un film profondément athée et dans lequel le héros agit sans noblesse et en ne s’affirmant tel qu’à l’extrême fin, où il accepte enfin son destin. Il paraît vraiment de plus en plus difficile aux Etats-Unis de proposer un film, ou une série télévisée, dans lequel on prend les dieux vraiment au sérieux, et on les présente conformément à leur nature telle que présentée dans la tradition gréco-romaine, ou même germano-scandinave. Le film de Leterrier n’était pas tombé dans ses travers, mais les annonçait par ce lien fait entre la foi des mortels et la puissance des dieux. Liebesman pousse le raisonnement jusqu’au bout, les mortels n’ayant plus besoin des dieux. Le seul cas de prière, une femme priant Arès de la secourir, n’est d’ailleurs pas récompensé, puisque Arès intervient mais dans le sens exactement contraire, exécutant cette fidèle de son épée. Ceci dit, l’image selon laquelle prier une divinité lui permet de venir à vous immédiatement et en personne est assez innovante.

Il faut enfin souligner que dans la vision donnée des dieux olympiens, le film original « La Colère des Titans », avec notamment Ursula Andress dans le rôle d’Aphrodite et Laurence Olivier dans celui de Zeus, restait conforme à la tradition antique quant à la vision qu’il proposait des dieux. On aurait pu moderniser cette image sans pour autant remettre en question le caractère divin des Olympiens. Il est dommage qu’en la matière il y ait eu régression. De tous les péplums modernes, Gladiator reste un film inégalé, par les manifestations de piété religieuse de base qui s’y trouvent. La scène où le chef des gladiateurs prie Mars en touchant le pied d’une statue du dieu en l’appelant « vieux camarade » est mémorable. Maximus honorant les dieux lares, c'est-à-dire ses ancêtres morts, à plusieurs reprises, en est une autre. Dans la version originelle, Scott avait su également ne pas du tout évoquer le christianisme. Dans la version longue en revanche, les poncifs classiques sur les persécutions réapparaissent, avec notamment une scène coupée puis réintroduite où un enfant chrétien est dévoré par un lion. Il est plus que probable que Scott ait au final voulu céder au lobby chrétien.

Thomas Ferrier (PSUNE)