Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/05/2013

Hollande, l'homme pour qui les mots n’ont pas de sens

 
pictoroutier_c7.jpgJeudi 16 mai, à l’émission « C’est dans l’air » d’Yves Calvi, le politologue Dominique Reynié, commentant l’annonce faite par Hollande d’instaurer avec les pays de la zone euro un gouvernement économique qui se réunirait tous les mois autour d'un président et qui notamment débattrait des principales décisions de politique économique à prendre par les Etats-membres, harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social, note que c’est un pas important vers le fédéralisme qui allait être opéré. Il se fondait également sur la promesse de réaliser une union politique européenne dans les deux ans.

Bruno Le Maire a trouvé que le discours sonnait faux. Ce n’est pas cela. Précisément, chez Hollande, les mots n’ont pas de sens. N’a-t-il, au début de son discours, expliqué qu’il oeuvrait avec succès depuis un an pour la souveraineté de la France ? Ne continue-t-il pas, en matière économique, de proposer aux Français des propositions aussi mesquines que détaillées, s’éloignant des solutions retenues par tous nos voisins ? Comment cela serait-il compatible avec davantage de fédéralisme ? Au moins son prédécesseur Nicolas Sarkozy osait-il parler de souveraineté partagée, ce qui était à la fois cohérent et honnête, même s’il n’est pas allé assez tôt et assez loin dans ce domaine : il est bien dommage qu’il n’ait pas converti la proposition faite en août 2011, en pleine crise de la zone euro, avec Angela Merkel .

D’ailleurs Hollande voit la France comme un trait d’union entre une Europe du Nord et une Europe du Sud. Or s’il faut un trait d’union, s’il faut jouer les pays du Sud contre les pays du Nord, c’est qu’il n’y a pas d’Europe.

Que faut-il comprendre quand notre président répond, à tout propos, qu’il décidera ? Nous sommes, en théorie, en démocratie, même si notre régime est présidentiel. Le président ne vote pas les lois. Par ailleurs, s’il voulait vraiment ouvrir une perspective européenne, il parlerait au moins de décisions partagées. Peut-être les mots n’ont-ils pas de sens et veut-il dire par là qu’il décidera tout seul pour ne rien décider, qu’il laissera ses ministres se complaire dans la cacophonie pour ensuite s’en féliciter.

Une seule chose est sûre. Le président est heureux dans son job. Il est fier de lui. Mais chacun sait que les heureux au travail sont les incapables.

Il y a quand même un point sur lequel les mots creux qui succèdent aux mots creux finissent par inquiéter. Cette absence de référence à la démocratie dans le discours se retrouve, notamment, quand il parle de l’Europe. Il envisage un gouvernement économique avec un président nommé. Il considère que la France est honorée par son dialogue avec le collège des commissaires. Où est la représentation populaire dans tout cela ?

Mais on peut encore une fois se rassurer car les mots n’ont toujours pas de sens. Il n’y a aucune chance pour que l’Allemagne s’intéresse à des propositions aussi mal formulées, aussi peu empreintes de démocratie. Le journal Ouest-France cite Michael Stübgen, membre de la CDU d’Angela Merkel et porte-parole des affaires européennes au Bundestag, lequel les critique sans ménagement : « il s'agit d'une tentative, avec de grands discours européens, de faire diversion face aux efforts insuffisants de réformes au niveau national ».

En mettant la condition absurde d’une harmonisation sociale par le haut, Hollande sait qu’il apporte une fin de non-recevoir à la main que les autres lui tendent. Paradoxalement, il ne voit dans sa prétendue « gouvernance économique » qu’un moyen pour les états de renforcer leur souveraineté, de se dégager des contraintes communes, celles de la Banque centrale et celles de la commission, ce qui ferait presque passer, par comparaison, Manuel Barroso pour un sage. Ce faisant, il feint d’ignorer que ces contraintes ont été acceptées ou voulues par les états en question. De fait il voit la zone Euro comme une manne dans laquelle chacun pourrait puiser, sans qu’aucune règle ne soit imposée à personne. C’est la raison pour laquelle la zone Euro devrait, selon lui, être dotée d'une capacité budgétaire et pouvoir lever des emprunts.

Le journal Die Welt l’a bien compris : « Hollande continue à ne pas montrer le moindre appétit pour la réduction des dépenses de l'État». De son côté, le site du Spiegel ironise, quand il entend Hollande «se féliciter de quelques uns de ses succès … en grande pompe monarchique». Les Anglais ne sont pas plus tendres avec lui. Le Guardian, qui compare sa prestation au célèbre « En attendant Godot » de Beckett, retient qu’ « il existe de forts doutes sur sa capacité à nager contre les courants qui le tirent vers le fond ».

Quand Hollande parle d’offensive, d’initiative européenne, de sortir l’Europe de sa langueur, cela ne veut simplement rien dire.
 
Peter Eisner (PSUNE/LBTF)

09/05/2013

Réponse à Pierre Cassen

france.jpgAvant de développer les arguments de la réponse, expliquons pourquoi il convient de savoir s’adresser à Pierre Cassen, comme à Eric Zemmour et à quelques autres amoureux sincères de la France. Tout simplement, parmi ceux qui dressent un diagnostic de décadence pour la partie du monde qui nous entoure et qui tentent de s’y opposer quand on leur en donne l’occasion, neuf sur dix pensent à peu près comme les observateurs cités. A l’inverse, la presque totalité de ceux qui se revendiquent de l’Europe nient cette décadence, tout en s’y complaisant. C’est aux premiers que le véritable Européen devra donc s’adresser et sa tâche ne sera pas facile. Il ne devra pas moquer la nostalgie qui les anime sans doute, car le modernisme n’est pas plus intelligent que le passéisme. Mais il devra montrer que, dans leur combat légitime, ils font fausse route.

Né pendant la dernière guerre, je suis à peu près de la génération de Pierre Cassen. J’ai connu, comme lui, l’époque où trouver du travail en France ne posait pas de problème, où les ouvriers étaient en position de défendre leurs intérêts face aux patrons. Dans ces années, ceux qui sortaient du peuple savaient qu‘ils auraient une vie plus facile que leurs parents ; l’école remplissait son rôle et l’ascenseur social fonctionnait.

Comme Pierre Cassen, je pense que non seulement nous devrions vivre aussi bien aujourd’hui, mais encore que nous devrions même vivre mieux, le progrès technologique aidant. Or c’est tout le contraire. Les jeunes ont bien du mal à entrer dans le monde du travail et ils ne peuvent même pas envisager la perspective d’une retraite décente. Les ouvriers sont à la merci des actionnaires ; dans le meilleur des cas, ils doivent se résigner à consentir d’énormes sacrifices pour garder leur travail. L’école est en ruines ; les inégalités sociales se creusent.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Il y a un élément soulevé par Pierre Cassen que je reprends volontiers. C’est l’immigration, voulue d’abord par les patrons pour casser les revendications sociales et sacralisée ensuite par les bourgeois bohèmes au nom de principes égalitaristes qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Je n’en reparlerai pas directement, puisque nous ne divergeons pas sur ce point.

L’autre élément avancé par Pierre Cassen, sur lequel je suis en revanche en total désaccord, est la responsabilité de la construction européenne. Je lui concède volontiers que la façon dont cette construction a été envisagée, aussi technocratique que mondialiste, n’est pas à donner en exemple. Pour autant, il se trompe radicalement lorsqu’il croit pouvoir retrouver une situation semblable à celle qu’il a connue dans sa jeunesse en revenant à la souveraineté nationale.

On pourrait lui objecter que cette souveraineté n’a été remise en cause qu’en apparence, l’Union européenne d’aujourd’hui n’étant qu’un club de dirigeants nationaux, lesquels se servent de l’Union pour faire accepter des mesures qu’ils ont décidées ensemble, mais qu’ils ne veulent pas assumer. Il restera que le fonctionnement de l’Union est un facteur de dissolution de la démocratie. N’insistons donc pas.

Ce que je veux montrer est plus radical. Dès lors que nous respecterons le cadre national français, même sans reprendre des stratégies dictées par la nostalgie et en s’adaptant au contraire à la modernité, nous n’aurons aucune chance de retrouver l’âge d’or escompté et serons condamnés à poursuivre la descente aux enfers que nous vivons. Il y a eu, en effet, des changements radicaux depuis un demi-siècle, contre lesquels aucune politique nationale ne pourra jamais lutter.

Le premier point concerne les biens. Nous avons assisté à un essor sans précédent des technologies. La nouveauté est que la production de certains objets de consommation demande des investissements désormais colossaux, donc un marché à une échelle largement supérieure à celle d’une nation comme la France. Les premiers téléviseurs ont pu être entièrement fabriqués chez nous ; aujourd’hui lancer, sans concertation à un niveau plus élevé, la fabrication d’écrans plats en France est impensable. C’est encore moins possible pour un ordinateur : nous ne pourrions décider de faire ni écran, ni processeur, ni disque dur. Ne parlons pas du repérage par satellites ; d’ailleurs il n’y en a toujours qu‘un pour la planète.

L’exemple de l’aéronautique, où Airbus a connu le succès, ne contredit en rien ce qui vient d’être dit. La société productrice n’est pas française. Elle échappe au champ d’exercice de la démocratie nationale. D’ailleurs les sociétés dites encore françaises ne produisent plus majoritairement en France.

Dans le même temps, les distances se sont raccourcies ; les marchandises voyagent dans des navires aux dimensions gigantesques.

Nous n’avons plus le choix qu’entre un marché plus vaste ou directement le marché mondial. Faute d’avoir su choisir pleinement la première alternative, nous sommes condamnés à la seconde.

Le second point concerne les hommes. Pour eux aussi, les distances se sont raccourcies. On voyage dans des avions toujours plus gros et plus nombreux. On communique par le réseau. Nous ne pouvons plus envisager notre modèle social indépendamment de celui des autres. Or les conditions du travail dans certains pays sont encore loin de ce que restent les nôtres.

Vouloir préserver notre modèle suppose donc que nous nous isolions, comme nous n’avions pas besoin de le faire dans le passé. Or nous nous le sommes interdit, en signant des chartes et des accords internationaux, dont nous ne voyions pas les conséquences. Il faudrait revenir là-dessus aussi. A défaut, il ne servira à rien de se plaindre d’une immigration non maîtrisée.

Hélas, dans l’intervalle, le poids que représente la France dans le monde s’est réduit considérablement. Economiquement, nous ne sommes rien face à la Chine. Militairement, nous ne pouvons mener de guerre que contre de petits groupes, comme au Mali. Tous seuls, nous ne pouvons pas nous soustraire aux règles dans lesquelles nous nous sommes laissés enfermer.

Nous n’avons plus le choix qu’entre un ordre politique plus vaste ou directement l’ordre mondial. Faute d’avoir su choisir pleinement la première alternative, nous sommes condamnés à la seconde.

Ainsi, en se plaçant dans le cadre national, Pierre Cassen ne peut-il rien nous proposer d’autre que ce que nous connaissons déjà. Il a raison de critiquer l’Union européenne, mais il a oublié de noter qu’elle n’est ni unie ni européenne. C’est en devenant l’une et l’autre qu’elle pourra nous sauver, car elle est seule capable de reproduire à l’échelle pertinente ce qu’a connu la France il y a quelques décennies ou plutôt la vision idéalisée que nous en avons conservée.

Peter Eisner (PSUNE/LBTF)

22/09/2012

Provocations...

 
peter eisner,psune,laïcité,islam,charlie hebdo,marine le penLa publication par Charlie Hebdo de caricatures touchant à l’Islam a suscité, en France, beaucoup de réactions de la part de nos élites. Certaines intelligentes, comme celle de Christophe Barbier, interrogé dans l’émission C’est Dans l’Air, et d’autres hypocrites, comme celle d’Olivier Mazerolle débattant avec Ruth Elkrief.

La première erreur généralement commise est de penser que cette publication était adressée aux musulmans. Un représentant du journal s’est même trompé en disant qu’il voulait attaquer les intégristes. En réalité, c’est la population française dans son ensemble, sa classe politique et médiatique en particulier, qui en était le destinataire. Charlie Hebdo, que je n’ai jamais lu ni feuilleté car je n’ai aucune raison de l’apprécier, a fait pour une fois œuvre utile. Il a posé, sans le savoir, la question suivante aux Français : tenez-vous réellement aux principes fondamentaux qui font notre civilisation et nos modes de vie ? Ou alors êtes-vous prêts à toutes les compromissions ?

Là au moins, Christophe Barbier a été clair. Nous devons être intransigeants sur le liberté d’expression, même si cela nous fait prendre des risques. Notre liberté vaut bien de les prendre. Il a répondu « oui » à la question.

De son côté, Olivier Mazerolle, parmi beaucoup d’autres mais peut-être plus que d’autres, a répondu « non » en essayant de nous faire prendre ce « non » pour un « oui ». Selon lui, l’hebdomadaire n’aurait pas dû publier : c’était irresponsable. En revanche il faudrait, toujours selon lui, se montrer très ferme sur le respect de nos règles, refusant, par exemple, la pression sur les médecins hommes amenés à examiner des femmes. Il est vrai que nos dirigeants ne sont pas très clairs sur les sujets de ce genre. On a interdit la burqa dans l’espace public, mais on ne fait pas de zèle pour l’empêcher. On n’a rien fait contre l’abattage hallal généralisé. On ne parle plus des horaires séparés dans les piscines. On a accepté des exceptions dans les sports etc. Cependant Mazerolle croit-il nous duper en nous laissant imaginer que la fermeté qu’il préconise sera plus facile à installer que la liberté d’expression ? Mettons-nous à la place du musulman qui veut respecter les préceptes religieux qu’on lui a appris. Il n’est pas obligé de lire Charlie Hebdo ; de plus les insultes contre sa religion ne sont pas de son fait. En revanche, s’il permet qu’un homme examine sa femme, c’est lui qui commet l’offense. N’est-ce pas plus douloureux pour lui ?

En fait, tout est lié. Le respect de la place de la femme dans la société et la liberté d’expression ne sont pas séparables. Si l’on capitule sur l’un, on capitulera sur l’autre.

Marine Le Pen a lancé un autre pavé dans la mare, en proposant d’interdire les signes religieux dans la rue. La classe politique a réagi négativement dans sa quasi totalité. En revanche, comme un sondage de BFM semble le montrer, les Français y seraient favorables. Elle ajoute ceci : il faut interdire le voile, donc aussi la kippa. Elle fait ainsi œuvre utile en lançant le débat, même si elle n’a pas étudié sérieusement la question et y apporte une réponse inadaptée.

La seconde erreur généralement, qu'elle commet par ailleurs, est de placer sur le même pied les religions juive et musulmane. Cette erreur dérive d’une autre, celle qui consiste à interpréter la laïcité sous un angle exclusivement universaliste : soit une laïcité de combat qui s’oppose à toutes les religions, soit une laïcité d’empathie qui est ouverte à toutes, celle qui est choisie aujourd’hui par les anciens laïcards.

Or la laïcité, prise dans son sens authentique, est ce qui vient du peuple, par opposition à ce que prêchent les clercs. En Europe, la démonstration publique d’un christianisme populaire est laïque ; à l’intérieur du christianisme, les réminiscences de paganisme chez les gens du peuple sont des signes de laïcité. Comme un nombre important de Juifs a partagé la vie des Européens pendant des siècles et contribué à la culture européenne, leur pratique religieuse ne contredit pas la laïcité. Sachant, toutefois, que le port de signes extérieurs est surtout le fait de gens récemment arrivés.
 
L’Islam européen, celui des Albanais par exemple, n’a jamais posé de problèmes, mais il est très minoritaire. C’est au contraire un Islam d’importation, étranger au peuple européen, qui est en cause. Il ne peut pas se prévaloir des excuses que l’on accordera au Judaïsme.

Cette seconde provocation nous ramène à la première. La différence majeure, chez nous, entre le Judaïsme et l’Islam est que le second est prosélyte quand le premier ne l’est pas. Un article de Thomas Ferrier en a fait récemment la démonstraton. Ainsi la notion de « terre d’Islam », qui désigne toute terre sur laquelle un musulman a posé le pied, n’a-t-elle rien en commun avec la « terre d’Abraham ». En fait, la question posée par Charlie Hebdo se résume ainsi : la France, et par extension l’Europe, est-elle terre d’Islam ?
 
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)

06/11/2011

Lettre ouverte à Eric Zemmour

bandeaubillets2 - eisn.png

logo4c.pngCe 5 novembre, sur la chaîne I-télé, un nouveau « ça se dispute » oppose Eric Zemmour et Nicolas Domenach sur la façon dont l’Europe a traité « le peuple Grec ».

Au moins Zemmour est-il cohérent. Il ne croit pas à la notion de peuple européen. Il faut lui concéder que la construction européenne s’est faite, dès le départ, contre « les peuples » ; ces derniers étaient suspectés, non sans quelque raison, de vouloir se faire la guerre. La construction se fait toujours contre « les peuples ». D’ailleurs on présente l’échec éventuel du processus comme un risque de guerre. Pourtant, comme il l’affirme, ce n’est pas ce processus qui a apporté la paix. C’est la lassitude des vieilles nations, l’hégémonie américaine et bien d’autres raisons. Quand Charles De Gaulle a été accueilli par les Allemands, c’était bien une réconciliation des peuples.

Domenach campe sur une position qui se prétend plus européenne. En réalité, si l’on creuse un peu, on s’aperçoit qu’il se contente de manifester son politiquement correct hypocrite, en cette circonstance comme dans d’autres. Il comprend les Grecs qui voulaient un référendum et reconnait qu’on les aurait mal traités. Il en conclut qu’il faut davantage associer « les peuples » aux affaires européennes. Le point de départ est donc celui de Zemmour : il y a « des peuples ». Cependant il ne veut pas dire qu’il est pour les élites contre les peuples. Ou alors il assimile un peu vite au « peuple » un ensemble de manifestants, comme ceux qui ont défilé contre la réforme des retraites. Il peut donc faire l’hypothèse absurde que ceux qui détestent les peuples peuvent s’accorder avec ces mêmes peuples.

Pour le PSUNE, les choses sont claires. En Europe il y a un « peuple ». On n’a pas à consulter une région à part pour décider de l’avenir de la République européenne.

ERIC-ZEMMOUR.jpgMaintenant la question se pose de savoir de qui le PSUNE est le moins éloigné. La réponse est paradoxale : c’est de Zemmour. Car Zemmour est eurosceptique quand Domenach est europhobe. D’ailleurs lorsque Zemmour nous parle de notre culture, de nos mœurs, ses références sont européennes. Quand il explique que l’islam, tout respectable qu’il soit, n’est pas compatible avec notre culture démocratique, quand il cite Voltaire, et c’est au Voltaire européen qu’il pense. Les références de Domenach sont au contraire mondialistes, universelles. Parfois même d’esprit colonialiste, suprématiste ; il ne doute pas que l’islam se pliera à nos coutumes. Dans ces conditions, pourquoi Zemmour, qui pense culturellement en Européen, ne raisonne-t-il politiquement en Européen ? On a envie de lui dire : nous sommes tous Allemands, tous Grecs, voire tous Juifs européens. Ce discours heurterait certainement les mondialistes. Heurterait-il Zemmour ?

Il est vrai qu’à la sortie de la guerre, pour donner un exemple parmi d’autres, la germanophilie n’était pas très à la mode en France. On a souvent parlé de réconciliation, mais, en même temps, les élites et les médias ont beaucoup fait pour aiguiser les rivalités entre Européens. Le discours impérialiste français, la nostalgie de l’époque coloniale, ne sont pas l’apanage de l’extrême-droite. Il y a une responsabilité insoupçonnée des dirigeants de tous les pays du continent dans la persistance de ce scepticisme envers l’idée de nation européenne.

Peut-être Zemmour est-il simplement trop prudent. Peut-être se sent-il redevable envers une France qui l’a sorti d’un monde qui ne lui convenait pas. Sans doute s’est-il senti d’abord Français pour construire sa liberté. En quoi cela l’empêche-t-il de se sentir aujourd’hui Européen ? La France à laquelle il pense, celle qui est sortie du monde latino-celto-germanique, des invasions barbares, des lumières et des Etats généraux, n’a jamais été qu’une Europe en réduction, et ce n’est malheureusement plus celle d’aujourd’hui. S’il veut la retrouver, il ne peut le faire qu’avec l’Europe.
En attendant, il devrait avoir conscience qu’il fait le jeu du politiquement correct, des ennemis du peuple, quel que soit ce peuple. En entretenant l’idée que « les peuples européens » ne pourront rien construire ensemble parce qu’ils ne pourront pas se fondre en un seul peuple, comme leur nature devrait au contraire les y conduire, il apporte une pierre aux technocrates mondialistes.

Peter Eisner (PSUNE)

26/06/2011

Laurent Joffrin : un europhobe aboyant face à une souverainiste

bandeaubillets2 - eisn.png

marine le pen,psune,peter eisner,thomas ferrier,europe,joffrin,france 2,pujadasLaurent Joffrin revient dans son journal, le Nouvel observateur, sur le « débat » qui l’a opposé jeudi soir à Marine Le Pen. Du moins c’est ainsi qu’il présente sa prestation. Car, dans une émission politique, seuls peuvent débattre des candidats entre eux ou des journalistes entre eux. Un journaliste n’a pas à débattre avec un candidat, a fortiori à s’opposer à lui. Il doit seulement permettre aux auditeurs de se faire l’idée la plus précise possible. Cela ne veut pas dire qu’il doive se montrer « onctueux » et « suave », pour reprendre les termes de Laurent Joffrin dans son journal. Faut-il comprendre, comme il le laisse entendre, qu’il sera onctueux et suave avec tous les autres candidats ?

De plus, dans l’émission de jeudi, les deux derniers intervenants devaient faire une synthèse critique des réponses de l’invitée. Ils ne devaient pas soulever de point nouveau, a fortiori sur un mode agressif, inquisitoire.

Ainsi, avant même toute remarque sur le contenu, leur intervention ne respectait ni les principes généraux d’une émission politique, ni les règles fixées par l’animateur pour l’émission en question. Sans doute l’excuse est-elle que, contre le Front national, tout est permis, qu’aucune loyauté n’a de mise. A ce moment-là, pourquoi ce parti n’est-il pas interdit, pourquoi invite-t-on ses représentants à la télévision? Laurent Joffrin a eu bien de la chance que la candidate n’ait pas eu la présence d’esprit de le lui faire remarquer. En même temps, en laissant à la candidate le monopole de la tranquillité et d’une certaine politesse, Laurent Joffrin a servi ses desseins.

Par ailleurs, Laurent Joffrin a fait preuve d’une extraordinaire malhonnêteté. Il a sorti la question des charges sociales, que le programme de la candidate voudrait plus fortes pour les étrangers que pour les nationaux. Passons sur le fait qu’il n’en avait pas été question auparavant. Il a rageusement affirmé que le monde du travail n’accepterait pas cette discrimination. Or il n’y avait aucune discrimination, c’est tout le contraire de « l’apartheid » sur lequel il revient dans son journal : les travailleurs auraient les mêmes salaires, les mêmes charges, les mêmes droits. Seuls les patrons embauchant des étrangers seraient pénalisés. Là encore, il a eu bien de la chance que la candidate n’ait pas mieux su s’expliquer, qu’elle ne l’ait fait qu’à moitié, qu’elle n’ait pas mieux maîtrisé son propre programme.

Laurent Joffrin a aussi fait preuve d’une incroyable cécité. Il a dénoncé l’exagération de la part de responsabilité que la candidate attribue à l’immigration dans la crise, revenant là-dessus dans son journal. Elle a oublié « la crise écologique, la crise industrielle, la crise du commerce extérieur, la crise de l’Euro ». Certes la position de la candidate est manichéenne, mais la sienne l’est tout autant, l’un et l’autre s’abreuvant d’idées reçues. Il a eu la chance que la candidate n’ait pas été plus lucide que lui. Car l’incidence de l’immigration est complexe. Elle laisse une empreinte écologique multiple. De plus elle est inséparable des importations massives, qui déséquilibrent notre balance commerciale, comme des délocalisations, qui détruisent notre industrie. Ici et là, c’est le même mondialisme qui sévit.

Il était plus facile à Laurent Joffrin de critiquer la sortie de l‘Euro. Cela dit, la candidate avait opéré un repli tactique intéressant : la sortie ne s’imposerait pas avec un euro plus faible et ce ne serait qu’une façon de prévenir une situation inéluctable. Bien sûr la candidate n’a pas su exploiter sa nouvelle stratégie. Simplement parce que, par pure idéologie, elle ne veut pas entendre parler d’un Euro qui est le symbole de l’unité européenne. Cependant Laurent Joffrin est sur une ligne mondialiste tout aussi éloignée de l’idée européenne. D’ailleurs c’est « l’économie mondiale » qu’il cherche à sauver. Il ne peut donc pas prendre l’avantage son adversaire, lui non plus. Il est vrai que l’économiste qui l’a précédé n’a pas su interroger la candidate sur ce qu’elle aurait pensé d’une solution vraiment européenne qu’il lui aurait présenté pour résoudre la crise de l’Euro. Pourquoi personne ne mentionne-t-il qu’il y a d’autres solutions que sortir de l’Euro pour redonner de la compétitivité à la France vis-à-vis de son voisin allemand, solutions douloureuses mais bien moins que le laisser-aller ?

Dans le relevé publié dans son journal, la conclusion de Laurent Joffrin est fort intéressante. Il accuse d’abord la candidate d’être « intolérante envers les étrangers ». Parce qu’elle fait une différence entre nationaux et étrangers ? Mais c’est le fondement de la république. Ne votent aux élections nationales que les nationaux, comme cela vaut pour tous les pays. C’est donc Laurent Joffrin qui « piétine les principes républicains », qui ne sont pas les siens. On noterait que la restriction du droit de vote est discriminatoire, probablement en contradiction avec certaines règles intégrées dans la constitution, ce qui fait que la constitution elle-même piétine les principes républicains. Mieux vaudrait ne pas trop agiter ces principes, quand on se veut politiquement correct.

Il accuse aussi la candidate d’être « hostile à tout projet européen ». C’est parfaitement exact. Mais Laurent Joffrin est-il européen lui-même ? Nous avons vu que non. Pourquoi va-t-il chercher, soutenant Caroline Fourest, l’exemple d’Africains ayant combattu contre les Allemands à Monte Cassino, épisode qui ne dit plus rien aux générations actuelles, à l’heure où l’amitié franco-allemande et la construction de l’Europe devraient être son credo. Quand la candidate condamne des interventions extérieures à notre continent, comme celle en Afghanistan, elle est plus européenne que lui, ce qui est un comble. Évidemment, la candidate ne pouvait pas le contrer là-dessus.

Bref, un europhobe mondialiste, comme presque tous les membres de la « caste » politico médiatique, ne pourra jamais que servir la soupe à un souverainiste.

Peter Eisner (PSUNE/LBTF)