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21/02/2016

Le projet européen et le Brexit

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brexit1.jpgNous allons découvrir un paradoxe. Il ne s'agit pas de donner du crédit aux délires des souverainistes britanniques qui ne sont jamais que des souverainistes parmi d'autres. Il s'agit d'une simple constatation ; si l'on avait mis en place une Europe intégrée digne de ce nom, bien des exigences de David Cameron se seraient trouvées sans objet.

Le reproche fondamental fait au projet actuel par beaucoup de citoyens britanniques est qu'il comporte une fuite en avant, l'adhésion à "toujours plus d'Europe". Quand on regarde de près, on s'aperçoit que c'est surtout jusqu'ici un "toujours plus de n'importe quoi". De fait c'est avant tout un élargissement sans précaution qui s'opère, au détriment d'une plus grande intégration, ce qui va d'ailleurs dans le sens souhaité par les dirigeants britanniques eux-mêmes.

Mais, quoi qu'il en soit, il n'est pas décent de demander de monter dans un bus dont on ne connait pas la destination, de s'inscrire dans un processus dont on ne connait pas la finalité. Un projet de construction européenne décent aurait dû dire d'emblée où l'on voulait aller et avec qui. Or on fait toujours semblant d'intégrer la Turquie en même temps qu'on évoque un gouvernement économique à la carte. Peut-être envisager comme but ultime une république fédérale étendue au continent européen --- et à lui seul --- n'aurait pas eu la faveur de certains états de l'Union, mais cela aurait permis d'avancer résolument et, in fine, tous les états auraient rejoint un tel projet.

La première demande formulée par David Cameron concernait la restriction des aides sociales aux migrants. Il lui a bien été donné satisfaction, mais au prix d'un système complexe qui ne résout que partiellement le problème. Dans une Europe fédérale intégrée, un même principe devrait s'appliquer partout avec, dans un premier temps, des réglages un peu différents suivant les régions de certains paramètres, comme les niveaux de TVA, de salaire minimum, ou encore de soutien aux familles. Après tout la très jacobine République française avait instauré pour les fonctionnaires une indemnité de résidence variable suivant les localités. Mais le soutien aux familles serait apporté là où sont les familles, indépendamment du lieu de l'emploi d'un de ses membres. Par ailleurs, lorsque l'harmonisation serait atteinte, il ne faudrait pas pour autant créer des incitations aux migrations internes. Ainsi ce premier point serait-il sans objet.

La seconde demande était la supériorité de la loi anglaise sur la loi européenne. Un système de "carton rouge" a été accordé aux britanniques, mais sous la forme d'une usine à gaz qui déconsidère l'Union en même temps qu'elle ne démontre pas une faisabilité évidente. De quoi les citoyens britanniques ont-ils peur ? De perdre avec l'Europe une indépendance diplomatique qu'ils ont abdiquée depuis longtemps au bénéfice des Etats-unis ? De perdre une indépendance militaire qu'ils ont cédé à l'OTAN ? Non, ils ont juste peur de perdre certaines coutumes auxquelles ils tiennent. Si le projet européen allait dans le sens d'une véritable Europe fédérale, il se concentrerait sur les questions régaliennes, laissant les autres sujets à l'appréciation des régions. Autrement dit le second point serait aussi sans objet.

Sur les autres demandes, comme la protection vis-à-vis des crises de l'Euro, David Cameron n'a obtenu que des réponses symboliques. En fait les exigences britanniques sont exclusivement calibrées par rapport à une Union dont le fonctionnement est chaotique. Elles ne s'adressent pas à ce qui peut concerner un projet européen. Si d'aventure le Royaume uni quittait l'Europe, avec le risque de se réduire à la seule Angleterre, et que les européens continentaux en profitaient pour bâtir un état fédéral, alors la question se poserait de son adhésion ou plutôt de son intégration. Mais ce seraient bien d'autres aspects, plus sérieux, qu'il faudrait alors peser. Surtout le fait de ne pas avoir pu participer à l'élaboration des structures de cet état serait cruellement ressenti.

Par exemple, pour parler d'un sujet régalien autrement plus délicat que le nom de la monnaie voire que la protection sociale pour laquelle les britanniques ont tout changé chez eux, quel système judiciaire faudra-t-il donner demain à l'Europe? Le système anglais n'est pas si mauvais. Ne peut-on pas s'en inspirer un peu? Faut-il lui tourner résolument le dos? Il serait absurde de penser que chaque état actuel dispose du système convenant le mieux à sa propre nature. La comparaison ne peut qu'être bénéfique.

En réalité l'Union actuelle est une mise en commun de tous les défauts des états qui la composent : atlantisme aveugle chez les Anglais, atlantisme et russophobie chez les Polonais, repentance perpétuelle chez les Allemands, tropisme colonial chez les Anglais et les Français … Et ce que veulent fondamentalement les souverainistes, c'est garder leurs vilains défauts pour eux seuls. Certes ce n'est pas pire que de contaminer les autres, comme on le fait aujourd'hui, mais c'est affligeant tout de même. En conclusion, tout le monde est dans une impasse. Les tenants de l'Union qui ont capitulé, comme les souverainistes qui ne se posent pas les bonnes questions. La vérité est ailleurs, chez les vrais partisans de l'Europe.

Pierre EISNER (Le Parti des Européens)

12/08/2014

Pour une géopolitique de l’Europe unie. Prospectives européistes

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Le géopoliticien Aymeric Chauprade a proposé sur son site Realpolitik un texte d’orientations sur la politique qu’il faudrait selon lui que la France mène. Je me concentrerai sur un défaut de principe que je lui reproche, en outre de ne pas avoir su rompre avec une vision christianocentrée, néo-colonialiste (à sa manière) et exclusivement « hexagonaliste », à savoir le refus par postulat de départ de penser la géopolitique au niveau européen. Le ralliement au souverainisme néo-frontiste de ce penseur, qui a toujours été par ailleurs un opposant déclaré à ce qu’il appelle les « pan-ismes », et au premier rang duquel on trouve le pan-européanisme, pour opportuniste qu’il soit, n’est pas une surprise puisqu’il était auparavant un partisan de Philippe de Villiers. Le camp souverainiste est désormais phagocyté par Marine Le Pen depuis son abandon de toutes les thématiques « identitaires », ne laissant plus comme alternative que Nicolas Dupont-Aignan, mais dont les résultats électoraux beaucoup plus faibles interdisent toute attractivité décisive.

Yves Lacoste a en revanche tenté parmi tous les géopoliticiens de penser à une géopolitique grande-européenne dont il n’a tracé que l’ébauche. Visionnaire, il a compris qu’un des avenirs possibles pour l’Europe était de réussir son unité continentale, mais cela impliquerait une libération européenne de la tutelle outre-atlantique, une remise en cause des dogmes multiculturalistes au profit d’un strict eurocentrisme, et une ouverture à la Russie comme jamais elle n’aura été tentée.

Ce que je propose est d’établir la base d’une véritable géopolitique européenne appliquée dans une démarche prospective. L’idée n’est pas de décrire la géopolitique de l’Europe contemporaine, qui se limiterait alors à la somme des géopolitiques centrifuges des différents états membres, avec une polarisation françafricaine pour la France, un centre-européisme pour l’Allemagne, ce vieux schéma de Friedrich Naumann, ou un eurasisme à la sauce russe. La géopolitique « souverainiste » est d’ailleurs d’une grande pauvreté, bourrée d’incohérences, et se complaisant dans un nombrilisme chauvin des plus primaires.

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En clair, il s’agit ni plus ni moins de réfléchir à la géopolitique d’une entité politique appelée Europe et qui irait de l’Islande à la Russie, cette fameuse union « de l’Islande à la Russie et par extension jusqu’à Vladivostok » dont parlait Vladimir Poutine en 2005 avant de se lasser de tendre la main et de finir par se tourner vers les thèses eurasistes qu’un Douguine aura mises à la mode.

Cette géopolitique de l’Europe unie envisagera les conséquences de l’émergence d’un bloc continental européen reposant sur l’unité de pilotage, en clair un gouvernement européen, et la mutualisation des moyens, se substituant aux (anciens) états tout en veillant à en préserver les identités. L’objectif, qui n’est pas innocent, est de démontrer qu’une Europe unie réussira là où les Etats européens pris séparément ne peuvent qu’échouer, quelle que soit la coloration politique de chaque gouvernement. Elle choquera certes les puristes qui ne veulent voir que ce qui est et pas ce qui pourrait ou pourra être.

Cette analyse sera détaillée de manière thématique, avec un premier article sur la mise en place imaginaire de cette Europe politique unifiée, dans un contexte propice. Ce sera la base de travail. Il restera ensuite à proposer une simulation de ce que serait la géopolitique de cette nouvelle entité continentale.

Thomas FERRIER

06/11/2011

Lettre ouverte à Eric Zemmour

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logo4c.pngCe 5 novembre, sur la chaîne I-télé, un nouveau « ça se dispute » oppose Eric Zemmour et Nicolas Domenach sur la façon dont l’Europe a traité « le peuple Grec ».

Au moins Zemmour est-il cohérent. Il ne croit pas à la notion de peuple européen. Il faut lui concéder que la construction européenne s’est faite, dès le départ, contre « les peuples » ; ces derniers étaient suspectés, non sans quelque raison, de vouloir se faire la guerre. La construction se fait toujours contre « les peuples ». D’ailleurs on présente l’échec éventuel du processus comme un risque de guerre. Pourtant, comme il l’affirme, ce n’est pas ce processus qui a apporté la paix. C’est la lassitude des vieilles nations, l’hégémonie américaine et bien d’autres raisons. Quand Charles De Gaulle a été accueilli par les Allemands, c’était bien une réconciliation des peuples.

Domenach campe sur une position qui se prétend plus européenne. En réalité, si l’on creuse un peu, on s’aperçoit qu’il se contente de manifester son politiquement correct hypocrite, en cette circonstance comme dans d’autres. Il comprend les Grecs qui voulaient un référendum et reconnait qu’on les aurait mal traités. Il en conclut qu’il faut davantage associer « les peuples » aux affaires européennes. Le point de départ est donc celui de Zemmour : il y a « des peuples ». Cependant il ne veut pas dire qu’il est pour les élites contre les peuples. Ou alors il assimile un peu vite au « peuple » un ensemble de manifestants, comme ceux qui ont défilé contre la réforme des retraites. Il peut donc faire l’hypothèse absurde que ceux qui détestent les peuples peuvent s’accorder avec ces mêmes peuples.

Pour le PSUNE, les choses sont claires. En Europe il y a un « peuple ». On n’a pas à consulter une région à part pour décider de l’avenir de la République européenne.

ERIC-ZEMMOUR.jpgMaintenant la question se pose de savoir de qui le PSUNE est le moins éloigné. La réponse est paradoxale : c’est de Zemmour. Car Zemmour est eurosceptique quand Domenach est europhobe. D’ailleurs lorsque Zemmour nous parle de notre culture, de nos mœurs, ses références sont européennes. Quand il explique que l’islam, tout respectable qu’il soit, n’est pas compatible avec notre culture démocratique, quand il cite Voltaire, et c’est au Voltaire européen qu’il pense. Les références de Domenach sont au contraire mondialistes, universelles. Parfois même d’esprit colonialiste, suprématiste ; il ne doute pas que l’islam se pliera à nos coutumes. Dans ces conditions, pourquoi Zemmour, qui pense culturellement en Européen, ne raisonne-t-il politiquement en Européen ? On a envie de lui dire : nous sommes tous Allemands, tous Grecs, voire tous Juifs européens. Ce discours heurterait certainement les mondialistes. Heurterait-il Zemmour ?

Il est vrai qu’à la sortie de la guerre, pour donner un exemple parmi d’autres, la germanophilie n’était pas très à la mode en France. On a souvent parlé de réconciliation, mais, en même temps, les élites et les médias ont beaucoup fait pour aiguiser les rivalités entre Européens. Le discours impérialiste français, la nostalgie de l’époque coloniale, ne sont pas l’apanage de l’extrême-droite. Il y a une responsabilité insoupçonnée des dirigeants de tous les pays du continent dans la persistance de ce scepticisme envers l’idée de nation européenne.

Peut-être Zemmour est-il simplement trop prudent. Peut-être se sent-il redevable envers une France qui l’a sorti d’un monde qui ne lui convenait pas. Sans doute s’est-il senti d’abord Français pour construire sa liberté. En quoi cela l’empêche-t-il de se sentir aujourd’hui Européen ? La France à laquelle il pense, celle qui est sortie du monde latino-celto-germanique, des invasions barbares, des lumières et des Etats généraux, n’a jamais été qu’une Europe en réduction, et ce n’est malheureusement plus celle d’aujourd’hui. S’il veut la retrouver, il ne peut le faire qu’avec l’Europe.
En attendant, il devrait avoir conscience qu’il fait le jeu du politiquement correct, des ennemis du peuple, quel que soit ce peuple. En entretenant l’idée que « les peuples européens » ne pourront rien construire ensemble parce qu’ils ne pourront pas se fondre en un seul peuple, comme leur nature devrait au contraire les y conduire, il apporte une pierre aux technocrates mondialistes.

Peter Eisner (PSUNE)

24/10/2010

La guerre des europhobes (partie I)

EU%20flag.gifSortir de l’Union Européenne ?

Si l’européanisme a toujours transcendé les clivages classiques, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, en passant par la sociale-démocratie et la démocratie chrétienne, du MSEUE d’André Philip (socialiste) au MSE de Per Engdahl (néo-fasciste) dans les années 50, il apparaît qu’en ce début du XXIème siècle, l’européanisme a été abandonné progressivement par les différentes familles politiques. Le Mouvement Démocrate de Bayrou ne se référe que fort peu à l’Europe, nationalisant les débats, tandis qu’un Mélenchon pour le Front de Gauche tombe quant à lui dans l’europhobie de gauche, rejoignant dans son hostilité à l’Union Européenne le NPA de Besancenot ou le PT de Schivardi, et PS et UMP préfèrent une approche plutôt euro-tiède, Nicolas Sarkozy privilégiant les gouvernements nationaux aux institutions de l’Union Européenne, que celles-ci aillent dans le bon ou le mauvais sens. Il est en ce sens indéniable que les propos de Vivianne Reding ont fait le jeu des europhobes de toutes tendances.

Nous avions dans un précédent article évoqué le cas du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, que nous avions qualifié d’europhobe, au grand dam de certains de ses partisans. Dans cet article en deux parties, nous allons évoquer le cas spécifique de la droite nationale, car l’extrême-gauche, qui nous paraît aussi europhobe que son adversaire-miroir, sauf cas particulier du PT, ne prône pas (encore) que la France quitte l’Union Européenne, en traitant d’abord du cas des mouvements prétendûment européanisants, qui se rallient à l’europhobie ambiante, et en évoquant par la suite le conflit interne au Front National, principale structure europhobe en France. Cette europhobie que nous dénonçons, à la différence de l’europhobie évoquée dans notre précédent article consacré à la criminalité ciblée dont sont victimes des européens en Europe et des descendants d’européens dans le monde, est de nature strictement politique.

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10/10/2010

Défendre l’idée européenne.

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On ne s’attend évidemment pas à voir défendre l’idée européenne chez les eurosceptiques assumés, chez les souverainistes de tout bord notamment, comme Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen, même si cette dernière, par exemple, tient un discours moins brutal que le passé de son mouvement le laisserait supposer, si elle admet l’existence de cercles concentriques dont une Europe incluant la Russie ferait partie. On ne s’attend pas non plus à la voir défendre par des mondialistes comme Olivier Besancenot, pour lesquels l’Europe n’existe tout simplement pas.

Aujourd’hui la vision caricaturale donnée des instances européennes par Viviane Reding, Manuel Barroso et quelques autres technocrates conforte singulièrement tous les eurosceptiques affirmés. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de quelques faux-pas ; la position qu’ils affichent correspond très précisément à la vocation de l’Union européenne telle qu’elle a été définie par les membres signataires. On ne peut donc pas s’étonner de voir les eurosceptiques défendre une stratégie de retour en arrière. La seule erreur d’analyse que l’on puisse leur reprocher est de s’attaquer à une Europe qui n’existe pas, derrière la juste condamnation du modèle actuel. Ils ont, en effet, tendance à doter l’Europe de pouvoirs qu’elle n’a pas et lui faire endosser des responsabilités qui sont celles des Etats membres.

Il y a d’autres eurosceptiques, sans doute plus opposés à l’Union européenne que ceux dont on a parlé, mais qui parlent peu et dont on ne perçoit pas immédiatement le jeu. Ce sont tous ceux qui se félicitent de l’Union européenne telle qu’elle est.

C’est, par exemple, un certain Michel Rocard qui avoue très honnêtement ne plus croire à l’idée européenne et qui, en conséquence, voit sans inconvénient l’entrée de la Turquie dans l’union. Ce sont tous ceux qui, principalement au PS, ont accueilli favorablement le rappel à l’ordre de la Commission à propos du démantèlement des camps de Roms. Ce sont tous les mondialistes qui, à gauche et aussi à droite, se félicitent de l’ouverture de l’Europe à toutes les influences extérieures.

C’est du côté des partisans proclamés de l’Union européenne que nous allons chercher à mesurer l’impact d’événements plus ou moins récents sur leur engagement. Pour cela, nous allons examiner leur attitude en la passant au crible de quelques critères simples.

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