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10/10/2010

Défendre l’idée européenne.

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On ne s’attend évidemment pas à voir défendre l’idée européenne chez les eurosceptiques assumés, chez les souverainistes de tout bord notamment, comme Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen, même si cette dernière, par exemple, tient un discours moins brutal que le passé de son mouvement le laisserait supposer, si elle admet l’existence de cercles concentriques dont une Europe incluant la Russie ferait partie. On ne s’attend pas non plus à la voir défendre par des mondialistes comme Olivier Besancenot, pour lesquels l’Europe n’existe tout simplement pas.

Aujourd’hui la vision caricaturale donnée des instances européennes par Viviane Reding, Manuel Barroso et quelques autres technocrates conforte singulièrement tous les eurosceptiques affirmés. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de quelques faux-pas ; la position qu’ils affichent correspond très précisément à la vocation de l’Union européenne telle qu’elle a été définie par les membres signataires. On ne peut donc pas s’étonner de voir les eurosceptiques défendre une stratégie de retour en arrière. La seule erreur d’analyse que l’on puisse leur reprocher est de s’attaquer à une Europe qui n’existe pas, derrière la juste condamnation du modèle actuel. Ils ont, en effet, tendance à doter l’Europe de pouvoirs qu’elle n’a pas et lui faire endosser des responsabilités qui sont celles des Etats membres.

Il y a d’autres eurosceptiques, sans doute plus opposés à l’Union européenne que ceux dont on a parlé, mais qui parlent peu et dont on ne perçoit pas immédiatement le jeu. Ce sont tous ceux qui se félicitent de l’Union européenne telle qu’elle est.

C’est, par exemple, un certain Michel Rocard qui avoue très honnêtement ne plus croire à l’idée européenne et qui, en conséquence, voit sans inconvénient l’entrée de la Turquie dans l’union. Ce sont tous ceux qui, principalement au PS, ont accueilli favorablement le rappel à l’ordre de la Commission à propos du démantèlement des camps de Roms. Ce sont tous les mondialistes qui, à gauche et aussi à droite, se félicitent de l’ouverture de l’Europe à toutes les influences extérieures.

C’est du côté des partisans proclamés de l’Union européenne que nous allons chercher à mesurer l’impact d’événements plus ou moins récents sur leur engagement. Pour cela, nous allons examiner leur attitude en la passant au crible de quelques critères simples.


Il y a d’abord l’obsession présidentielle. Il est normal que les souverainistes, qui jouent une stratégie nationale, fassent de l’élection présidentielle française un enjeu privilégié. C’est le cas pour Mélenchon, Dupont-Aignan et Marine Le Pen entre autres. Il est déjà plus étonnant de voir les extrémistes de gauche chercher à y présenter quelqu’un ; ils ne sont pas à une contradiction près, prétendant réguler le commerce et la finance planétaires par des lois votées en France. Il n’est pas surprenant, en revanche, de voir les deux grands partis de gouvernement que sont le PS et l’UMP s’intéresser prioritairement à une élection, laquelle oriente les législatives qui suivent et décide du gouvernement. En revanche, on ne s’attendait pas à voir les autres mouvements à ce point intéressés par l’élection.

Voyons ainsi François Bayrou, ardent défenseur de l’Europe en paroles. Plusieurs fois il a pris un billet pour l’assemblée de Strasbourg, mais sans jamais monter dans le train. Il est vrai qu’il expliquait qu’il faut construire l’Europe parce que « c’est bon pour l’Afrique », sous-entendant que ce n’était sans doute pas bon pour les Européens. Depuis quelques années, il est obnubilé par sa candidature à la présidentielle nationale. Il a même été imaginé un temps qu’il puisse faire alliance avec le pseudo-gaulliste Villepin et le souverainiste Dupont-Aignan.

Pourtant ses compagnons de liste aux dernières européennes montraient davantage d’ouverture que lui. Jean-François Kahn, notamment, défendait des idées nettement moins nationalistes. Quant à Valéry Giscard d’Estaing, qui a inventé le centre en France, son penchant pour l’Europe avait au moins une part d’authenticité. Sa complicité avec Helmut Schmidt, son opposition à l’entrée de la Turquie, son implication puis ses réserves vis-à-vis du projet de traité constitutionnel en témoignent.

Voyons encore Eva Joly, qui sera la candidate d’Europe-écologie. Sous cette bannière, sa liste aux élections européennes a connu un vrai succès. Que vient-elle faire dans des élections françaises ? Au moins Daniel Cohn-Bendit a su éviter le piège. Il est vrai que Madame Joly, pourtant franco-norvégienne, a très peu la fibre européenne. Pour elle, l’Europe se définit par des valeurs universelles, ce qui signifie qu’elle ne fait pas de différence entre l’Europe et le Monde, qu’elle nie l’Europe tout simplement.

Même certains identitaires, jusqu’ici plus européens que tous les autres comme ceux du Bloc identitaire ou de la Nouvelle droite populaire, en viennent à envisager une candidature à ces élections. Même si c’est peut-être pour assouvir quelques rancunes, c’est étrange.

Il y a aussi la confusion des niveaux. Nous avons vu que Marine Le Pen la pratiquait à la marge. Sur ce point Mélenchon et Dupont-Aignan sont plus souverainistes qu’elle, puisqu’ils ne connaissent que la France et le Monde. Pour l’extrême gauche il n’y a qu’un niveau, qui est mondial.

Peut-être dans l’espoir vain de ratisser plus large, certains partisans déclarés de l’Europe tiennent aujourd’hui un discours mêlant les trois niveaux : régional, national et européen. Une telle ambiguïté est de la poudre aux yeux. Il ne peut y avoir qu’un niveau principal, les autres recevant une part de souveraineté par délégation, vers le bas, ce qui est sain, comme pour la gestion des régions et des villes, ou vers le haut, ce qui est plus acrobatique, comme pour l’Union européenne actuelle. On noterait que le principe de subsidiarité devrait concerner une délégation vers le bas alors qu’on utilise le terme entre l’Union et les Etats.

Le niveau principal est celui auquel est rattachée la fonction régalienne de l’Etat : l’armée, la police, la justice par exemple. C’est à ce niveau qu’on trouve une constitution. C’est donc là que se situe l’exercice de la démocratie. Aujourd’hui il est celui des Etats. Le fait que le niveau européen comporte une part de démocratie avec l’assemblée élue ne contredit pas cette évidence. C’est ainsi que, malgré la présence d’un scrutin proportionnel qui fait que cette assemblée représente mieux les Européens que les assemblées des Etats représentent leurs nationaux, le niveau européen a aujourd’hui une légitimité démocratique moindre. D’ailleurs on y vote très largement avec des intentions étrangères au véritable enjeu des élections européennes, pour sanctionner les gouvernements nationaux notamment.
Ainsi la confusion est-elle une façon de prôner le statu quo, c’est-à-dire une excuse pour ne pas construire l’Europe.

A la confusion des niveaux on peut associer le flou de la vision européenne, de la part de ceux qui prétendent en avoir une. Ceux qui jouent cette carte, pour ratisser large probablement aussi, rejoignent très précisément les positons des souverainistes qui ont édulcoré de leur côté leur discours, pour ne pas choquer certains électeurs. C’est ainsi qu’on entend parler depuis longtemps d’« Europe des nations » et un peu plus récemment d’ « Europe puissance ». Cela ne veut strictement rien dire, sauf que l’on préconise en vérité une « non Europe ».

Il y a encore la quête d’un prétendu électorat populaire « national », hexagonal, franchouillard, en ce qui nous concerne. Cette quête ne se limite pas aux partis dits « nationaux ». Elle concerne aussi l’extrême gauche, celle qu’Arlette Laguiller interpellait par son appel aux « françaises, français ». Elle concerne évidemment Mélenchon et tous les nostalgiques d’une Révolution bien « française ».

Il est vrai que le Front national a souvent fait de bons scores dans les milieux populaires, reprenant le rôle tenu par le Parti communiste jadis. Marine Le Pen a ainsi obtenu de bons résultats dans le Nord ouvrier et désindustrialisé. Peut-on cependant imaginer que ses électeurs, souvent issus de l’immigration polonaise ou italienne, soient opposés à l’idée européenne ? Certainement pas. Les gens choisissent le vote extrême pour protester, simplement parce que la classe politique installée les a trahis.

A l’UMP, les pseudo-gaillistes comme Villepin savent faire vibrer la fibre « nationale », fiers de la qualité de membre permanent de la France à l’ONU, où elle est le « vieux pays » d’une « vieille Europe ». Au PS, en revanche, on ne s’intéresse plus, depuis longtemps, à l’électorat populaire. Seuls quelques réformateurs, comme Manuel Valls, y pensent de temps en temps.

L’électorat viscéralement europhobe existe, mais il est réduit. Il est surtout dirigé contre les Allemands. On y trouve encore des personnes âgées hantées par le souvenir de la dernière guerre, des gens influencés par le dénigrement d’une Allemagne dont le devoir de mémoire rappelle en toute occasion le nazisme, des nostalgiques de l’Empire colonial français, anciens colons aussi bien qu’enfants d’anciens colonisés. Ces gens ne votent pas pour des partis « populistes », mais plutôt pour les partis « du système ».

Il y a, dans le même ordre d’idées, le positionnement comme concurrent du Front national. C’est d’autant plus étrange que ce dernier est toujours diabolisé, même si son nouveau porte-drapeau l’est moins que son prédécesseur.

Cependant, avec les maladresses des représentants de l’Union, cette formation a le vent en poupe. L’accès aux media lui est ainsi largement ouvert, malgré la diabolisation officielle.

On comprend certainement la peur du Président actuel, futur candidat de l’UMP, qui voit avec Marine Le Pen un premier tour difficile et un éventuel second tour qui ne le sera pas moins. Il a essayé de rejouer la carte de l’insécurité, mais il en connaît les limites, sachant très bien qu’il n’obtiendra pas de résultats probants. Aussi s’est-il montré très dur pour critiquer l’Union européenne à propos du démantèlement des campements illégaux. On comprend moins la gauche de la gauche, avec Jean-Luc Mélenchon, qui semble faire de la surenchère, sur d’autres sujets il est vrai mais qui sont aussi ceux du Front national. On ne comprend pas du tout certains mouvements prétendument favorables à la construction européenne et qui se posent en concurrents de Marine Le Pen.

Enfin et surtout, il y a le positionnement par rapport à l’Europe actuelle. De la part de Mélenchon, de Dupont-Aignan ou de Marine Le Pen, on entend un discours de renégociation de l’Union européenne. Certains pseudo-européistes ont même lancé une pétition demandant le retrait de la France, que le traité de Lisbonne permet désormais d’envisager.

Les dirigeants de l’actuelle Union nous ont conduits à la faillite, trahissant l’idée européenne. Ce n’est pas une raison pour renoncer au projet européen, bien au contraire. Ce sont les hommes et femmes qui sont en place qu’il faut changer. Si les Européens le veulent, ils le peuvent. Les pouvoirs du Parlement ont été élargis et le permettent.

La solution n’est pas de revenir à la situation antérieure au traité de Rome. Peut-on imaginer qu’une autre Europe naîtrait de la dissolution de celle d’aujourd’hui ?

Les souverainistes de droite ont tenté une alliance des partis europhobes au sein du Parlement européen. Elle n’a pas tenu longtemps. Les Italiens ont dénoncé une criminalité Rom qu’ils ont présentée comme roumaine, provoquant immédiatement l’éclatement de la structure. Si demain les Allemands quittaient la zone Euro pour créer, avec quelques autres pays, une monnaie forte, croit-on que l’on pourrait refaire un jour une monnaie commune avec eux? Les Français seraient-ils prêts aux sacrifices nécessaires pour s’aligner sur les exigences de cette nouvelle monnaie ? Certainement pas. Où serait alors la puissance de cette autre Europe ? Si l’on prétend mettre à bas un édifice, pour en construire un autre, il faut disposer du plan de la nouvelle construction. Or, pour la construction européenne, il n’y a pas à ce jour de plan B.

Le PSUNE, de son côté, a adopté une double attitude :

- dénoncer l’Union européenne quand elle trahit l’idée qu’elle est censée porter au nom du mondialisme,
- la défendre quand elle est attaquée pour de mauvaises raisons, comme le font souvent les souverainistes.

Aujourd’hui, vis-à-vis de l’idée européenne, on ne peut pas être tiède. On est pour ou on est contre. Apparemment tous ont choisi d’être contre, y compris ceux qu’on ne pouvait pas imaginer sur cette ligne. Le PSUNE tient à cette idée et il est le seul. Il a un plan clair et il suffit que des Européens en nombre suffisant le rejoignent pour que ce plan soit appliqué.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
Peter Eisner (PSUNE/LBTF)

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