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24/10/2010

La guerre des europhobes (partie I)

EU%20flag.gifSortir de l’Union Européenne ?

Si l’européanisme a toujours transcendé les clivages classiques, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, en passant par la sociale-démocratie et la démocratie chrétienne, du MSEUE d’André Philip (socialiste) au MSE de Per Engdahl (néo-fasciste) dans les années 50, il apparaît qu’en ce début du XXIème siècle, l’européanisme a été abandonné progressivement par les différentes familles politiques. Le Mouvement Démocrate de Bayrou ne se référe que fort peu à l’Europe, nationalisant les débats, tandis qu’un Mélenchon pour le Front de Gauche tombe quant à lui dans l’europhobie de gauche, rejoignant dans son hostilité à l’Union Européenne le NPA de Besancenot ou le PT de Schivardi, et PS et UMP préfèrent une approche plutôt euro-tiède, Nicolas Sarkozy privilégiant les gouvernements nationaux aux institutions de l’Union Européenne, que celles-ci aillent dans le bon ou le mauvais sens. Il est en ce sens indéniable que les propos de Vivianne Reding ont fait le jeu des europhobes de toutes tendances.

Nous avions dans un précédent article évoqué le cas du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, que nous avions qualifié d’europhobe, au grand dam de certains de ses partisans. Dans cet article en deux parties, nous allons évoquer le cas spécifique de la droite nationale, car l’extrême-gauche, qui nous paraît aussi europhobe que son adversaire-miroir, sauf cas particulier du PT, ne prône pas (encore) que la France quitte l’Union Européenne, en traitant d’abord du cas des mouvements prétendûment européanisants, qui se rallient à l’europhobie ambiante, et en évoquant par la suite le conflit interne au Front National, principale structure europhobe en France. Cette europhobie que nous dénonçons, à la différence de l’europhobie évoquée dans notre précédent article consacré à la criminalité ciblée dont sont victimes des européens en Europe et des descendants d’européens dans le monde, est de nature strictement politique.


De l’ « européanisme » national à l’europhobie.

Le 28 septembre 2010, l’initiative d’un mouvement de droite radicale, la « Nouvelle Droite Populaire », a défrayé la chronique. Il s’agissait ni plus ni moins d’un « appel national à la sécession », en clair une pétition prônant la rupture de la France d’avec l’Union Européenne actuelle. Selon l’argumentaire comme quoi l’UE ne nous protégerait pas, incapable d’assurer une diplomatie et une défense indépendantes des Etats-Unis, ce mouvement souhaite qu’on retourne au cadre national, qui ne nous a en rien protégés depuis des décennies, bien au contraire. Voyant dans l’UE un organisme politique fort, capable de dicter sa politique aux Etats, alors que c’est un nain et de la faute de ces mêmes Etats, ils accusent ainsi une organisation sans pouvoir de tous les maux. Qu’ils s’en prennent plutôt aux Etats et aux gouvernements à leur tête, dont l’UE n’est que la vassale soumise.

Que des europhobes, monarchistes, catholiques traditionnalistes, nationalistes obtus, souverainistes têtus, soutiennent une telle initiative, est bien naturel. On s’étonne d’ailleurs que ni Bruno Gollnisch ni Marine Le Pen n’aient eu l’idée d’organiser une proposition comparable, cette dernière ayant clairement proclamé son intention d’organiser une telle rupture dans l’hypothèse où elle serait élue présidente de la république en 2012. Mais qu’elle provienne de gens comme Robert Spieler, voilà qui est véritablement incompréhensible. Il est vrai que cette pétition propose de réunir deux camps qu’on aurait pu penser opposés, les partisans de l’ « Europe Puissance » à ceux de l’ « Europe des Nations ».

Notons que le Bloc Identitaire, prétendûment plus pro-européen, et qui n’est pas signataire de cette pétition,  quant à lui, réunit dans sa charte programmatique ces deux termes en évoquant lui aussi une « Europe Puissance », notion qui en vérité ne signifie strictement rien, car une Europe non-unitaire ne serait pas une Europe puissante, bien au contraire, et quelques lignes plus bas une « Europe des Nations », mais il est vrai que ce mouvement a une démarche contradictoire, renonçant à la fois au nationalisme classique et défilant parallèlement avec des nationalistes europhobes.

Dans une video de 2008, lorsqu’il était candidat aux élections municipales à Strasbourg, Robert Spieler, alors membre du mouvement régionaliste Alsace d’Abord, parlait d’une « nation européenne » au singulier s’il vous plaît, et Pierre Vial, autre signataire de cette pétition anti-UE, défendait sous la forme d’une Eurosibérie unitaire les idées de Guillaume Faye de « nation européenne » (« Nouveau discours à la nation européenne », 1999). En promouvant l’idée délirante de mettre fin à l’Union Européenne, en étant prêts à s’allier avec les plus europhobes des europhobes dans une alliance contre-nature, ces politiciens de la droite nationale et radicale se renient. Notons enfin qu’un autre promoteur de la nation européenne, en la personne du nationaliste révolutionnaire Christian Bouchet, qui en 1990 défendait « l’indépendance et l’unité de l’Europe » et entendait œuvrer à la construction du « parti révolutionnaire de l’Europe unitaire », apportant depuis plusieurs mois un soutien appuyé à la célèbre europhobe Marine Le Pen, déclare désormais que, je cite, « j’ai espéré (…) que le diable porterait pierre et qu’une Europe Puissance pourrait naître de l’Union Européenne ».

Ainsi, sous prétexte que l’Union Européenne ne répondrait pas à leurs souhaits, ces ex-européanistes préfèrent-ils rejoindre les opposants les plus déterminés à toute idée européenne, abandonnant ainsi l’idée même d’une Europe unie. Le 3 octobre 2010, en campagne interne, à La Chapelle-sur-Erdre, Marine Le Pen déclarait de manière explicite son hostilité à la construction européenne, même sur d’autres bases que celles existant aujourd’hui. Il faut bien comprendre que la droite nationale n’est pas hostile à l’Union Européenne parce que cette dernière se révélerait décevante ou servirait des intérêts anti-européens, mais simplement parce qu’elle part de la volonté d’unifier politiquement le continent européen.

Il est normal et souvent justifié de critiquer l’Union Européenne telle qu’elle est, avant tout parce qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être, c'est-à-dire une Europe unitaire et indépendante, mais ce qui est sûr, c’est que jamais l’Europe unitaire n’émergera d’une alliance avec des structures europhobes. L’UE doit être défendue pour la potentialité qu’elle a de devenir, volontairement ou de manière incitative, l’antichambre de l’Europe Nation, car si l’UE venait à disparaître, il est bien certain qu’aucune alter-UE ne verrait le jour.

Ce ralliement d’ex-européanistes à l’europhobie ne devrait pourtant pas nous surprendre et ne fait que démontrer le crypto-euro-scepticisme de structures incapables de rompre avec la radicalité stérile et surtout incapables d’affirmer un oui total et franc à l’idée européenne. Les extrêmes abandonnent toute europhilie ? Tant mieux, car ainsi elles cesseront de faire croire, sous prétexte qu’elles prétendent s’opposer à l’immigration extra-européenne et à l’adhésion de la Turquie à l’UE, qu’elles seraient pro-européennes. Cette hypocrisie consciente ou inconsciente s’estompe.

En politique, il n’y a rien de mieux que la franchise, et l’abandon de l’idée européenne par ceux qui n’en sont pas dignes est un motif de grande satisfaction. Il reste maintenant à forger véritablement l’Europe unitaire, à partir de l’Union Européenne ou pas, en regroupant tous ceux qui veulent que la civilisation européenne retrouve sa splendeur passée dans une unité politique forte, loin des extrêmes, nostalgiques d’un passé collectiviste ou d’un passé nationaliste qui tous deux n’ont amené qu’à l’échec et à la ruine de notre continent.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

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