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09/04/2012

La Colère des Titans ou l’athéisme militant

wrathofthetitans03.jpgLa suite du Choc des Titans était attendue ; malheureusement, le changement de réalisateur a modifié en profondeur de nombreux aspects du premier film, au point tel que la jonction entre les deux n’est pas des plus aisées, et en premier lieu, la vision donnée des dieux olympiens n’est plus du tout la même.

Dans le premier film, à l’exception des scènes coupées où les dieux sont omniprésents, les olympiens en armures divines apparaissent inspirées en partie de l’univers de Saint Seiya, mais leur divinité n’est en aucune manière niée, même si leur puissance semble dépendre de la foi des mortels à leur égard. Dans le second film, la plupart des dieux ont disparu ou sont déchus. Et surtout l’étrange principe de dieux mortels est affirmé. Cela va même beaucoup plus loin. Si les mortels ont une âme immortelle, les dieux n’auraient qu’une âme éphémère. Une fois morts, ils disparaissent purement et simplement. Or, dans la religion grecque, c’est la mortalité et uniquement elle qui distingue dieux et hommes, les dieux étant éternellement jeunes, et de corps comme d’âme, immortels. Non seulement les dieux peuvent vieillir et s’affaiblir, mais dans le film ils meurent et se transforment en poussière.

La négation de la divinité des dieux est la principale caractéristique d’un film qui est réussi sur un plan graphique, et aussi sur l’utilisation de la 3D, et qui offre de belles scènes d’action. Revenons sur les principaux aspects de ce thème dans le film. En premier lieu, Zeus est trahi par son propre fils, Arès, le dieu de la guerre, trahison qui ne s’explique pas par la nature même du dieu mais par le fait qu’il est un fils mal aimé, jaloux de l’amour qu’a Zeus pour son autre fils, le héros Persée. Des autres fils de Zeus il n’est plus fait question, ni d’Apollon ni d’Athéna, que l’on voit dans le premier film. Il est également trahi par son frère Hadès, qui se venge ainsi de s’être vu reléguer aux enfers, ceux-ci étant d’ailleurs d’esprit fort chrétien, à la fois sombres et rougeoyant de lave incandescente. L’objectif des deux comploteurs est de libérer Cronos, père de Zeus, d’Hadès et de Poséidon. Il faudrait d’ailleurs m’expliquer comment une forme de géant de lave a pu donner naissance à des dieux anthropomorphes ayant la même taille et apparence que les mortels.

Au final, Arès est tué par Persée en combat singulier, et Zeus et Hadès combattent ensemble leur père une dernière fois, même si c’est là encore Persée muni d’un trident de combat synthétisant les trois sceptres des trois dieux principaux (Zeus, Hadès et Poséidon), idée tout à fait originale d’ailleurs. Héphaïstos quant à lui apparaît comme un vieillard un peu fou mais courageux, tué au final par Arès. Les dieux apparaissent donc davantage comme de puissants êtres, mais fondamentalement mortels, rappelant ainsi l’évhémérisme antique, ce courant de pensée repris par les chrétiens et présentant les dieux comme des anciens rois et héros divinisés. C’est la vision exactement contraire de celle du film « Les immortels », où les héros rejoignent les dieux en accédant ainsi à l’immortalité par le fait de mourir au combat. Le directeur de la Colère, Jonathan Liebesman, n’a pas choisi d’adopter la même approche que celui des Immortels, l’indien Tarsem Singh. Le fait que ce dernier soit un indien, certes sikh, a certainement joué de manière déterminante dans la vision qu’il offre des dieux, dont la divinité n’est pas remise en question.

A la fin du film, le père (Zeus) et le fils (Persée) se réconcilient avant que le dieu suprême ne meure dans ses bras. De mémoire, c’est la première fois dans un film que le dieu du ciel meure. Il y a toutefois une allusion christique qui est faite à plusieurs reprises. Au début du film, Zeus est ainsi attaché à une forme d’arbre au cœur du Tartare et voit ses forces littéralement absorbées par Cronos. L’image rappelle étrangement la crucifixion. En outre, à plusieurs reprises, Zeus apparaît comme un vieillard à la barbe blanche, image classique qu’on utilise pour représenter Dieu dans la tradition chrétienne, à rebours du premier film où il apparaît sous une forme majestueuse.
titans.jpgLa Colère des Titans se révèle donc un film profondément athée et dans lequel le héros agit sans noblesse et en ne s’affirmant tel qu’à l’extrême fin, où il accepte enfin son destin. Il paraît vraiment de plus en plus difficile aux Etats-Unis de proposer un film, ou une série télévisée, dans lequel on prend les dieux vraiment au sérieux, et on les présente conformément à leur nature telle que présentée dans la tradition gréco-romaine, ou même germano-scandinave. Le film de Leterrier n’était pas tombé dans ses travers, mais les annonçait par ce lien fait entre la foi des mortels et la puissance des dieux. Liebesman pousse le raisonnement jusqu’au bout, les mortels n’ayant plus besoin des dieux. Le seul cas de prière, une femme priant Arès de la secourir, n’est d’ailleurs pas récompensé, puisque Arès intervient mais dans le sens exactement contraire, exécutant cette fidèle de son épée. Ceci dit, l’image selon laquelle prier une divinité lui permet de venir à vous immédiatement et en personne est assez innovante.

Il faut enfin souligner que dans la vision donnée des dieux olympiens, le film original « La Colère des Titans », avec notamment Ursula Andress dans le rôle d’Aphrodite et Laurence Olivier dans celui de Zeus, restait conforme à la tradition antique quant à la vision qu’il proposait des dieux. On aurait pu moderniser cette image sans pour autant remettre en question le caractère divin des Olympiens. Il est dommage qu’en la matière il y ait eu régression. De tous les péplums modernes, Gladiator reste un film inégalé, par les manifestations de piété religieuse de base qui s’y trouvent. La scène où le chef des gladiateurs prie Mars en touchant le pied d’une statue du dieu en l’appelant « vieux camarade » est mémorable. Maximus honorant les dieux lares, c'est-à-dire ses ancêtres morts, à plusieurs reprises, en est une autre. Dans la version originelle, Scott avait su également ne pas du tout évoquer le christianisme. Dans la version longue en revanche, les poncifs classiques sur les persécutions réapparaissent, avec notamment une scène coupée puis réintroduite où un enfant chrétien est dévoré par un lion. Il est plus que probable que Scott ait au final voulu céder au lobby chrétien.

Thomas Ferrier (PSUNE)

05/09/2010

Le Choc des Titans : dieux contre mortels (partie I)

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Clash_of_the_titans_zeus_poster_thumb-thumb-550x296-36182.jpgLa sortie en blu-ray du Choc des Titans, dans une version rallongée de près d’une demi-heure de scènes coupées et dotée d’une fin alternative, permet d’analyser de manière exhaustive le film de Louis Leterrier, déjà réalisateur de « L’incroyable Hulk ».

La représentation des dieux.

L’assemblée des dieux, réunie dans l’une des scènes coupées, permet de retrouver l’ensemble des douze olympiens sous leur forme a priori traditionnelle. Les dieux portent des armures brillantes qui s’inspirent, de l’aveu même du réalisateur, de l’univers du manga japonais Saint Seiya [en français « les Chevaliers du Zodiaque »], qui fut un succès en France mais un échec aux Etats-Unis, en raison de l’opposition vigoureuse des ligues chrétiennes de vertu. Les déesses en revanche présentent des tenues plus conformes à la tradition classique. Parmi les divinités, outre Zeus et Hadès, on retrouve au premier plan Poséidon, en tant que troisième frère, Apollon et Athéna, les autres dieux n’ayant qu’un rôle marginal dans le film.

Le plus surprenant est le rapport établi entre les dieux et les hommes, qui est inversé par rapport à la mythologie classique. L’immortalité des premiers semble conditionnée au respect et à l’amour dont les mortels leur témoignent. Seul Hadès se remplit de force par la peur qu’il suscite. Alors qu’il est affirmé que les humains sont une création de Zeus et que le dieu du ciel semble animé par l’amour qu’il éprouve pour les mortels, ce qui rapproche Zeus du dieu chrétien, il apparaît au final plutôt faible. Cette idée que le salut des dieux passe par le biais d’un mortel, le héros Persée, paraît étrangère à la tradition hellénique. La rivalité entre Zeus et Hadès, présentant ce dernier sous une forme démoniaque, est un thème classique du cinéma et du manga. Dans Percy Jackson, Hadès est également assimilé au diable, de même qu’il est un dieu maléfique dans Saint Seiya. De plus son royaume est particulièrement sombre, ce qui fait oublier Elysion, le paradis païen. Dans ce conflit dans lequel Hadès apparaît comme un dieu abusé par Zeus, alors que les grecs n’hésitaient pas à surnommer Hadès « Zeus Aidoneus » ou « Zeus du monde d’en bas », dieu qu’ils qualifiaient également de riche, « ploutôn », les hommes semblent l’enjeu principal.

Les dieux semblent également plus grands que les mortels, tels qu'ils apparaissent dans la scène alternative finale, ce qui est conforme à la tradition classique, par exemple chez Homère, et disposent bien sûr de pouvoirs spécifiques, bien que la foudre de Zeus apparaît bien tiède. On peut considérer que dans ce film, destiné en particulier à un public américain, donner aux dieux païens une réelle majesté divine semble poser problème. Enfin, Persée ose menacer Zeus lui-même et affirme qu’il le surveillera, ce qui est une inversion complète des valeurs et le triomphe de l’humanité sur la divinité, la victoire de l’hybris tant honnie par les anciens.

Les altérations du mythe grec.

Bien que fils du dieu le plus puissant, le Persée du film entend du début jusqu’à la fin s’élever contre sa condition de mortel tout en rejetant la part divine qui est en lui. Pourtant, il est amené à accepter un certain nombre de présents offerts par les dieux, comme une épée de lumière ou encore une pièce d’or destinée à payer le nocher Charon. Il bénéficie également de l’assistance du cheval Pégase, don des dieux là encore, et outil essentiel de sa victoire finale sur une bête de la mythologie scandinave, le Kraken, élément repris du premier film de 1981.

Pour des raisons mystérieuses, la mythologie grecque est maltraitée par une série de petits détails, comme la couleur noire attribuée à Pégase, habituellement blanc, ou comme le fait qu’à la fin il n’épouse pas Andromède mais obtient de Zeus que son amie Io lui soit restituée. Dans la version alternative en revanche, il embrasse Andromède, ce qui tend à indiquer qu’il s’inscrit à nouveau dans le mythe originel. Comme autres exemples, on peut penser à l’aigle de Zeus, qui est un gypaède américain et non un aigle royal européen, à une représentation très peu hellénique de l’Olympe, très différente de celle donnée dans Percy Jackson, avec ses temples de type parfaitement classique. En revanche, la représentation de la ville d’Argos est classique, même si le héros Persée date de la période mycénienne et n’est pas de la génération des combattants de la guerre de Troie. On aurait pu s’attendre à une Argos plus proche de la Mycènes du film Troie. Le réalisateur a choisi de représenter une ville beaucoup plus somptueuse, placée ceci dit au bord de la mer, ce qui n’était a priori pas le cas de l’Argos historique.