10/05/2015
9 mai 2015 : une réconciliation européenne avortée
Le 9 mai est désormais « fête de l’Europe », en souvenir de la déclaration de Robert Schuman en 1950, mais c’est aussi chez nos frères en européanité, les Russes, la fête de la victoire sur l’Allemagne hitlérienne. Il eut été possible d’organiser une cérémonie en l’honneur de la réconciliation de tous les Européens, et notamment entre l’UE et la Russie, en profitant de cette occasion, de cette convergence entre ces deux évènements. Je ne doute pas que le président Poutine aurait préféré une cérémonie commune en présence des chefs d’état et de gouvernement de l’Europe occidentale qu’une cérémonie certes grandiose mais où ils témoignaient de leur absence, au nom des intérêts supérieurs… des Etats-Unis d’Amérique.
Or non seulement les Européens n’ont pas profité de cette date pour souligner la nécessaire amitié avec la Russie voisine, mais ils ont de la même façon boudé leur propre 9 mai. Rien de significatif n’y a été organisé. En revanche, François Hollande a choisi d’honorer le 8 mai, qui est certes la victoire des alliés, mais qui constitue en même temps une défaite pour l’Europe, car si celle-ci a certes réussi à surmonter la barbarie hitlérienne, elle l’a fait à un prix exorbitant, abandonnant toute sa partie orientale à un autre totalitarisme, jugé moins dangereux. Elle l’a fait aussi avec l’aide américaine qui a fini à la longue par devenir un diktat, assujettissant l’Europe occidentale, malgré les tentatives de De Gaulle d’en sortir la France, à leur géopolitique, et ce jusqu’à nos jours.
Le président Giscard d’Estaing avait fait scandale jadis en renonçant au 8 mai mais dans sa logique cette date incarnait une division révolue alors que justement la construction européenne avait pour but de surmonter les conflits et les rancœurs passés et de bâtir autour d’un axe franco-allemand une relation pacifiée entre les Européens. C’était donc bien sûr le 9 mai que la France et l’Allemagne devaient à nouveau renouveler le pacte de l’amitié et quoi de mieux que de l’élargir à la Russie, alors que la crise ukrainienne est loin d’être surmontée, par la faute notamment d’un camp belliciste dominant Kiev.
Au lieu de cela, François Hollande a préféré passer son week-end politique dans les Antilles où il a pu dénoncer le crime de l’esclavage occidental, passant sous silence les autres formes de traite, et notamment la traite orientale menée par les Arabes ou bien la traite « blanche » entre le VIIIème et le XIXème siècles. Cet esprit d’excessive « repentance », toujours à sens unique, mène le pays droit dans le mur. Car comment peut-on demander au peuple d’aimer son pays si on ne cesse de le rabaisser par une histoire à la lecture biaisée et à sens unique ?
Ainsi, alors que la construction européenne est en crise, le résultat des élections britanniques montrant une lassitude face à une « UE » que les britanniques ne comprennent plus, l’Europe est une fois de plus la grande absente. Même à Strasbourg, aucune manifestation d’envergure n’a été organisée. L’europhobie ne règne pas seulement à Londres, comme on pourrait hâtivement le croire. Elle domine aussi à la tête de la France et de l’Allemagne. La question grecque n’y est pour rien, pas plus que la question ukrainienne. La vérité est que nos dirigeants sont des crypto-souverainistes, attachés uniquement à leurs prébendes nationales, en mode subverti je précise, et qu’ils n’ont jamais eu l’intention, pas plus que leurs prédécesseurs, de bâtir cette Europe politique qui nous est si nécessaire. Ils parlent comme des Européens mais pensent comme des Américains. Ce sont des usurpateurs de l’idée européenne, qu’ils ont subvertie dans un sens mondialiste, la rendant odieuse au plus grand nombre. Et nous avons comme représentant de cette construction « européenne » un Juncker qui prône une répartition par quota des migrants clandestins dans les différents pays de l’UE. Quoi de mieux pour faire encore davantage le jeu des souverainistes officiels ? L’UE veut redevenir populaire ? Qu’elle ose braver ses propres tabous et organiser l’éloignement systématique de ceux qui bravent nos lois et veulent s’imposer à nous, sous prétexte de souffrir dans leur pays natal des politiques de leurs dirigeants ou de leur irresponsabilité démographique !
Si l’UE osait enfin affronter le péril migratoire, au lieu de laisser ce thème aux europhobes, qui sont eux sur cette question en phase avec l’opinion publique, ce thème ayant dominé la campagne britannique et brisé les ambitions du Labour, elle serait crédible. Mais il faudrait qu’elle soit dirigée par des hommes d’une autre trempe, de vrais européens, capables de convaincre le peuple de les suivre, et que les dirigeants des Etats soient alors contraints de faire silence devant eux. Il faudrait simplement bâtir l’Europe, alors qu’elle n’est qu’un vaste cimetière moral, et la bâtir sur son identité la plus authentique, loin de principes éthérés suicidaires, sur les principes chers aux anciens Grecs et Romains mais aussi à « nos ancêtres les Celtes », à « nos ancêtres les Germains » et enfin à « nos ancêtres les Slaves ». Bâtir l’Europe mais contre les Etats, contre les gouvernements, contre les oligarchies parasitaires qui emmènent le continent à sa ruine, et bien sûr contre l’Union « Européenne » actuelle, caricature impuissante de la véritable Union Européenne dont rêvent les Européens, même s’ils n’osent plus y croire.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
16:59 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : union européenne, russie, 9 mai, réconciliation |
27/04/2015
Union Européenne/Ukraine/Russie. Pour une réconciliation européenne
La guerre est à nouveau au cœur de l’Europe, vingt ans après la guerre civile en ex-Yougoslavie. C’est en Ukraine que meurent des Européens, divisés entre partisans d’un bloc occidental soumis implicitement aux USA et partisans d’une union plus étroite avec la Russie voisine, à l’identité si proche.
La Russie n’a pas d’hostilité de principe à l’égard de l’Union Européenne mais lui reproche, et à raison, de s’aligner sur les intérêts américains au lieu de défendre des intérêts strictement européens. Ceux-ci impliquent de tendre une main fraternelle aux Russes, nos frères en européanité, de bâtir avec eux cette « maison commune » qu’évoquait Gorbatchev mais aussi Poutine en personne en 2005.
L’Ukraine est européenne, et ce n’est pas un objet de débat, mais la Russie l’est tout autant, et cela ne devrait pas l’être non plus.
Cette Russie est sensible à ce qui se passe à ses frontières. Elle craint une stratégie américaine développée par Brzezinski et consistant à étrangler, à « endiguer » (endiguement) la Russie, en l’entourant d’états hostiles, hier la Géorgie et aujourd’hui l’Ukraine. Les USA veulent en effet repousser la Russie en Asie, exactement comme le souhaitait le régime hitlérien, et les doctrinaires russes de l’eurasisme font de ce point de vue leur jeu. Au contraire, nous devons affirmer le caractère européen plein et entier du peuple russe et sa vocation à construire avec nous l’Europe politique de demain.
Nous devons comprendre que la Russie a raison de ne pas vouloir que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et qu’elle a dû défendre ses intérêts en Crimée car sa base navale était menacée par un nouveau pouvoir qui a réussi la maladresse de blesser les Ukrainiens de l’est, russophones, en remettant en cause le statut de la langue russe, avant de revenir en arrière piteusement. L’Union Européenne a encouragé la dérive occidentaliste du nouveau gouvernement, au lieu de prôner une approche mesurée. L’Ukraine devait servir de pont entre l’Union Européenne et la Russie et donc conserver une certaine neutralité, garantissant aux russophones sa protection sans ambigüité.
Même si le mal est fait, il est toujours possible d’y remédier. L’Union Européenne doit refuser les injonctions de Washington et négocier directement avec la Russie afin d’imposer la paix en Ukraine. Elle doit mettre fin aux sanctions provocatrices qu’elle a mises en œuvre contre les intérêts russes, et contre ses propres intérêts par retour de boomerang, et notamment dans le domaine économique. La France doit respecter sa parole donnée en fournissant à la Russie les fameuses frégates que celle-ci a commandées.
En clair, l’Union Européenne doit enfin prendre son destin en main, de manière indépendante, et agir dans le sens d’une Europe plus solidaire, plus puissante, et surtout réconciliée, une Europe unie de Reykjavik à Vladivostok, et non de Washington à Bruxelles.
Thomas FERRIER (PSUNE)
22:11 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : ukraine, union européenne, russie, réconciliation, paix, unité |
Lexique du partisan européen - "Europhobie"
EUROPHOBIE
1. L’europhobie est en premier lieu l’expression de la haine à l’égard des Européens (toutes confessions confondues) popularisée de manière maladroite sous le terme de « racisme anti-blancs ». Cette hostilité de principe est notamment répandue dans les banlieues allogénisées de nombreuses villes d'Europe mais aussi dans les pays d’Afrique et d’Asie, voire même d’Amérique centrale et méridionale. Certains européens expriment également une forme d’auto-racisme à l’encontre de leur propre ethnie, notamment sous l’effet d’une repentance excessive, les amenant à l’adoption de coutumes extra-européennes et jusqu’à la conversion à l’islam. Le soutien de certains hommes politiques, notamment à l’extrême-gauche, à une immigration sans restriction ou à l’apologie du métissage relève également d’une démarche europhobe.
2. L’europhobie est en second lieu la négation de la profonde parenté entre Européens ou en tout cas une relativisation excessive. Cette idéologie est dominante chez les souverainistes, notamment français, allant de Jean-Pierre Chevènement à Marine Le Pen, de François Asselineau à Florian Philippot. Selon eux, les Européens sont trop différents entre eux, l’Europe n’existe simplement pas, et nous serions plus proches de populations aneuropéennes, notamment celles de nos anciennes colonies, que de nos voisins européens. Ils font preuve de réductionnisme linguistique, défendant une francophonie qui dans la plupart des pays africains est en outre totalement superficielle. Ils oublient en revanche que 96% au moins des Européens parlent une langue indo-européenne. Ils défendent les « confetti de l’empire », c'est-à-dire les territoires d’outre-mer conservés par la France à l’issue du processus de décolonisation, y compris une île comme Mayotte, à 99% afro-musulmane, mais refusent en revanche l’idée que les Européens aient un destin commun.
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Il ne faudrait néanmoins pas confondre sous le même terme le refus de principe de toute Europe politique et le scepticisme vis-à-vis de l’idée d’une Europe unie. Est eurosceptique celui qui reconnaît la parenté entre Européens mais considère que bâtir une Europe politique n’est pas possible ou n’est plus possible. Lorsque Jean-Marie Le Pen parle d’ « Europe boréale » tout en refusant l’idée d’une Europe politique unitaire au nom d’une « Europe des nations », il fait preuve d’euroscepticisme. Il reconnaît la réalité européenne mais ne croit pas en une organisation politique prenant appui sur cette réalité. Là est une vraie différence entre le père et la fille. Cette dernière fait de la lutte contre l’euro et du refus de toute Europe politique son principal cheval de bataille, accusant la construction européenne de tous les maux et notamment d’un déclin français que son père attribuait au contraire principalement à l’immigration aneuropéenne. De la même façon, lorsqu’un mouvement comme l’UKip britannique s’oppose à l’immigration issue de l’Europe centrale et orientale alors qu’il ne dit rien contre celle issue du Commonwealth, ce dernier fait preuve d’europhobie et non d’euroscepticisme. Les eurosceptiques peuvent se rallier à l’idée européenne si celle-ci émerge sur une base identitaire crédible. Les europhobes la combattront en revanche sous toutes ses formes, mêmes les plus heureuses et salvatrices.
En conclusion, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, les souverainistes, aussi bien à Debout la France qu’au Front National, et les populations issues des flux migratoires post-coloniaux, partagent le même rejet de l’Europe, les uns en raison de leur origine, les autres en raison de leur idéologie. Quant au PS, il unit en lui ces deux formes d’europhobie, en soutenant simultanément la culpabilisation collective des Européens et une forme de chauvinisme universalisé, à savoir la défense d’une expression française irréductible et en même temps sa négation au nom de valeurs universelles. C’est un « mondialisme à la française ».
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
21:31 Publié dans Analyses, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : europhobie, haine, euroscepticisme, souverainisme |
08/03/2015
La Russie, amie d'une Europe authentique
La guerre civile ukrainienne, l’annexion de la Crimée et le récent assassinat de l’opposant libéral Boris Nemtsov, amènent les media occidentaux à considérer la Russie de Poutine comme une menace pour la paix en Europe. Selon une inversion accusatoire classique, un article du journal Le Monde du 23 février affirme même que la Russie considérerait l’Union Européenne « comme son ennemie ».
Que reproche-t-on réellement à Poutine ? De braver les interdits de la police de la pensée. De remettre en cause les dogmes d’un Occident sur le déclin. D’avoir redonné à la Russie ses lettres de noblesse, alors qu’elle était affaiblie et même avilie du temps d’Eltsine. Poutine en effet n’est pas un partisan déclaré d’une « gay pride » moscovite mais il préfère relancer la natalité du peuple russe, qui était auparavant au plus bas. S’il n’est pas nationaliste, désavouant les excès de la droite radicale, il est néanmoins patriote.
Gorbatchev a été abusé. S’il a eu raison de redonner leur liberté aux pays d’Europe centrale et orientale, s’il a été utile pour libérer la Russie d’une dictature nocive, les USA en revanche n’ont pas joué le jeu. Ils n’ont jamais traité la (nouvelle) Russie comme un partenaire respectable, à traiter avec correction. Pendant qu’Eltsine assistait impuissant ou complice au démantèlement du pays, engraissant les oligarques comme d’autres engraissent les oies, un par un, les pays d’Europe centrale adhéraient à l’OTAN, une organisation née pour enrayer le communisme et qui n’avait donc plus lieu d’exister après 1991.
Poutine a été choisi en 1999 par Eltsine mais sans avoir encore révélé qui il était. Il a tenu sa parole, protégeant la famille de l’ancien président de poursuites sans doute justifiées. En revanche, il a démantelé le système Eltsine, traquant sans répit les « marchands du temple ». Berezovski dut s’exiler et Khodorkovski finit en prison. Poutine a eu le temps d’analyser les causes du déclin de son pays et nommer les coupables. Au pouvoir, il va donc les combattre sans ménagement. D’un point de vue russe, ces gens ont trahi leur patrie.
Poutine a parfaitement compris que la Russie était une nation d’Europe et a maintenu la ligne de la « maison commune européenne » au moins jusqu’à 2005. Il a tendu la main à l’Union Européenne qui jamais n’a eu le courage de la saisir, préférant être la vassale des USA. S’il a obtenu difficilement l’abandon de la mise en place de bases américaines anti-missiles aux frontières du pays, il n’a pas pu enrayer la stratégie américaine contre son pays et n’a pas réussi à convaincre les autres Européens de se désolidariser de cette puissance qui a mis le continent sous diktat.
La stratégie russe consiste donc à neutraliser les vassaux de l’Amérique qui vivent à ses frontières, y compris par des actions militaires. La Transnistrie, l’Ossétie du nord et l’Abkhazie et maintenant le Donbass ukrainien, empêchent Moldavie, Géorgie ou Ukraine de rejoindre l’OTAN. L’adhésion à l’Union Européenne, dans la mesure où cette dernière ne se place pas en adversaire, ne le dérange pas. C’est une réponse impopulaire aux yeux de la communauté internationale et cause de conflits gelés. Il est trop facile d’en accuser la Russie. C’est bien parce qu’elle est victime d’une stratégie russophobe d’encerclement, pensée par les technocrates de Washington, républicains comme démocrates, qu’elle est contrainte de répondre comme elle le peut et sans bénéficier des appuis nécessaires pour éviter de jouer un « mauvais rôle ».
La balle est clairement dans le camp de l’Union Européenne. C’est à celle de décider si elle veut continuer à payer les pots cassés d’une stratégie atlantiste ou si elle est prête à prendre son destin en mains. La politique qu’elle mène est contraire à ses intérêts et surtout à ceux des peuples. Elle est vectrice de mondialisme lorsqu’elle devrait au contraire être un rempart.
Les USA n’ont peur que d’une chose, que l’Union Européenne et la Russie convergent et travaillent de concert pour l’intérêt des Européens. Ils favorisent donc en son sein tous les germes de décadence, promouvant toutes formes de communautarisme, et sont un soutien sans réserve d’une immigration massive indigeste et mettant en danger les valeurs les plus ancestrales de la civilisation européenne.
Or la Russie semble renoncer à cette espérance d’une Europe se libérant de ce joug et préfère se tourner par défaut vers l’Asie. Elle commet là une erreur majeure. Son avenir est européen et ne peut qu’être européen. Son salut est en elle et en nous, comme le nôtre d’ailleurs. Elle choisit d’encourager les passions centrifuges de l’Union Européenne au lieu d’encourager son unité, de peur que cette unité se fasse contre elle.
Mais les vrais européistes savent que la Russie a toujours été le rempart de l’Europe face à l’Asie avide de ses richesses. Et ils savent désormais que la Russie est aussi le rempart de l’Europe contre une Amérique qui nie ses racines européennes et se retourne contre la maison-mère, trahissant dans le même temps le peuple américain fondateur, de souche européenne, minoritaire sur son propre sol dans quelques décennies.
Les libéraux-atlantistes, dans et en dehors de la Russie, sont des ennemis déclarés de notre civilisation et de leur propre peuple. Les gouvernements d’Europe orientale qui tapent sur la Russie se trompent d’ennemis. Et les nationalistes ukrainiens, passéistes, bafouent les principes mêmes qu’ils devraient chérir, oubliant qu’ils sont des Slaves et (donc) des Européens et pas des Occidentaux. La Russie n’est pas l’ennemie de l’Europe, elle est une composante de l’Europe. Les Russes sont nos frères, comme le sont pour eux et pour nous les Ukrainiens. Mais la Russie attend que les Européens envoient à leur tour les bons signaux et redeviennent maîtres chez eux, dans tous les sens du terme.
L’alliance euro-russe, le ralliement de la Russie au projet d’unification politique du continent européen, voilà la seule ligne que devraient défendre de véritables Européens, d’âme et de sang, de cœur et de raison. En n’oubliant pas que les spéculateurs qui ont attaqué la Grèce et par ce biais la zone euro ne roulaient pas pour Moscou mais pour Washington. En n’oubliant pas qu’une Europe unie de l’Islande à la Russie sera et de loin la première puissance mondiale, détrônant les USA. En n’oubliant pas que la grande Europe sera capable de faire entendre sa voix, et ainsi de protéger concrètement son identité contre toutes les agressions, internes et externes, du mondialisme.
Si l’avenir de la Russie est européen, l’avenir de l’Europe est dans l’amitié avec la Russie, même « poutinienne ». Nous pourrons donner des leçons à Vladimir Poutine quand nous aurons su nous doter de vrais dirigeants et entreprendre les réformes indispensables pour notre salut. Et je ne doute pas qu’alors les Russes sauront nous encourager. Mais n’attendons pas d’eux qu’ils fassent le travail pour nous.
L’Europe avec la Russie, la Russie dans l’Europe !
Thomas FERRIER (PSUNE)
15:23 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : russie, europe, alliance, décadence |
26/01/2015
Elections législatives en Grèce – Victoire de Syzira ou la démagogie triomphante.
Les derniers sondages indiquaient une forte poussée de Syriza, la formation de gauche radicale d’Alexis Tsipras, ces derniers jours. Ce dimanche, elle est confirmée. A 89% du dépouillement, les grandes tendances sont connues et ne devraient évoluer qu’à la marge.
Syriza obtient près de 36.4% des voix et 149 sièges, manquant de peu la majorité absolue à 151 sièges. Le parti pourrait néanmoins l’obtenir dans les prochaines heures si la tendance générale se poursuit. C’est une nette victoire pour ce mouvement considéré comme l’équivalent du Front de Gauche de Mélenchon en France. Ce dernier s’est d’ailleurs plus ou moins attribué ce résultat, sans qu’il ait participé de quelque manière que ce soit à la campagne électorale.
La Nouvelle Démocratie du premier ministre sortant Antonis Samaras a connu en revanche une sévère déconvenue, avec moins de 27.9% des voix et 76 sièges, ce qui malgré tout n’est une chute que de deux points par rapport à 2012. Syriza en revanche a obtenu près de dix points de plus. Ce résultat peut s’expliquer aisément, on le verra.
Le PASOK, la gauche sociale-démocrate historique, avec 4.7% des voix environ, sauve de justesse sa tête et conserve 13 députés. Mais il continue sa descente aux enfers, puisqu’en 2012 il obtenait encore 12.3% des voix. Il a été littéralement avalé par Syriza, ce qui implique néanmoins un recentrage de ce dernier, car il n’y a pas eu 35% de vote gauchiste en Grèce.
L’Aube Dorée (Hrysi Afgi), qui avait été quasiment démantelé par le gouvernement, avec ses principaux dirigeants arrêtés sous de graves accusations, obtient 6.3% des voix et 17 sièges. C’est moins que ce que certains sondages annonçaient et moins que les 6.9% obtenus en 2012. Dans un contexte où les électeurs ont voulu donner leur chance à Syriza, le résultat n’est pas calamiteux. Les Grecs Indépendants, souverainistes de droite, perdent en revanche beaucoup de voix, passant de 7.5% à 4.7% des voix et 13 députés (contre 20 en 2012). Le LAOS reste aussi insignifiant qu’en 2012 avec 1% environ des voix. Sa disparition à brève échéance paraît inévitable.
Les communistes du KKE progressent légèrement avec 5.5% des voix (contre 4.5% en 2012) et obtiennent ainsi 15 députés, tout comme les centristes et modérés de « To Potami », nouveau venu, qui réalisé avec 6% des voix et 17 sièges un score honnête pour une première élection. Socialistes dissidents (2.4%) ou centristes alternatifs de l’Union des Centres (1.8%) échouent à atteindre la barre fatidique des 4% donnant droit à une représentation nationale.
Syriza est donc en mesure de gouverner le pays, malgré un programme économique parfaitement démagogique, et inapplicable, malgré le fait de ménager l’Eglise et les riches armateurs, qui n’ont pas subi la crise, malgré un programme en matière d’immigration parfaitement délirant par son laxisme débridé. Le parti devra néanmoins s’associer pour gouverner, probablement avec le KKE si celui-ci joue le jeu, mais certainement pas avec le PASOK, durement fragilisé.
Le résultat de Syriza est dû essentiellement à la logique gauche/droite. Avec l’élimination du PASOK, Syriza incarne la gauche face aux conservateurs de Nouvelle Démocratie. Ceux-ci sont au pouvoir depuis 2012 et ont dû appliquer des mesures de restriction budgétaire particulièrement draconiennes, engendrant bien sûr une forte impopularité en retour. Le sérieux de leur gouvernance a déplu à beaucoup d’électeurs. Ceux-ci se sont imaginé que la victoire de Syriza permettrait au moins de desserrer l’anneau. Je crains qu’ils ne se soient trompés.
Il n’y a pas de solution nationale à cette crise que connaît la Grèce, mais que connaît à des degrés divers toute l’Europe, même la Russie. Seul un pouvoir européen fort et légitime pourrait obliger les mondialistes à plier le genou devant elle. La Grèce serait ainsi sauvée et l’Europe avec elle.
Les promesses déraisonnables de Syriza rappellent les promesses du candidat socialiste en France en 2012. Ils ne feront pas le dixième de ce qu’ils ont annoncé, surtout s’ils veulent maintenir la Grèce dans la zone euro. Entre l’euro et leurs prétendues idées, ils devront choisir.
L’échec programmé de Syriza montrera définitivement aux Européens l’utopie d’un salut « national », qu’il soit promu par l’extrême-gauche ou par l’extrême-droite. Le soutien implicite du FN et de DLR à Syriza, soutien contre nature, uniquement motivé par une UE-phobie de principe, risque d’avoir un effet boomerang. Si rien ne change, et rien ne changera, leurs propres « solutions » perdront beaucoup en crédibilité.
Thomas FERRIER (PSUNE)
00:58 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : grèce, élections, 2015, syriza, tsipras, impasse, aube dorée, nouvelle démocratie |
17/01/2015
Lexique du partisan européen - "Révolution"
REVOLUTION
Une révolution s’incrit dans un processus cyclique. Elle met fin à un cycle et donne naissance à un nouveau. Elle est donc au sens strict une renaissance. Un mouvement révolutionnaire est ainsi caractérisé par son refus d’accepter le monde « tel qu’il est », par une remise en cause radicale des fondements de la société en place, de ses valeurs et de ses discours, par la volonté d’arriver au pouvoir en s’affranchissant partiellement ou totalement des règles en vigueur, et par son but d’agir non seulement sur le présent et l’avenir mais en revenant sur toutes les politiques menées antérieurement qui n’iraient pas dans son sens. Il veut « changer le monde ».
Les européistes ("identitaires") sont des révolutionnaires partisans de la mise en place d’un nouvel Etat vierge juridiquement qui a pour nom « Europe ». Leur but est de refonder l’Europe sur ses valeurs ancestrales, donc sur ses racines, son « européanité ». Ils reconnaissent les principes fondamentaux de la démocratie en ce sens qu’elle est porteuse d’une légitimité populaire et qu’elle correspond à la vision naturelle profonde des Européens. Néanmoins, leur arrivée au pouvoir est envisagée selon un processus révolutionnaire analogue à celui ayant permis la révolution française mais ce au niveau européen. Ils prônent donc d’abord une « révolution par les urnes », à savoir l’acquisition d’un fort soutien populaire européen, puis une « révolution par les actes », l’auto-proclamation du parlement européen en assemblée européenne constituante, cette dernière agissant de manière indépendante des anciens Etats et sans être liée aux politiques qui y auront été menés par le passé. Enfin, leur révolution est une rupture avec l’universalisme dominant les partis politiques contemporains, au profit d’une vision strictement eurocentrée. C’est donc à une triple révolution, politique, institutionnelle et morale qu’ils invitent les Européens.
Thomas FERRIER
16:48 Publié dans Analyses, Institutions européennes, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : révolution européenne |
25/08/2014
Qu’est-ce qu’une nation ?
(Article de 2006)
C’est ainsi qu’Ernest Renan intitula un ouvrage où il opposait la conception française de la nation qu'il soutenait à la conception allemande, la première reposant sur l’adhésion à un corpus de valeurs, la seconde reposant sur l’appartenance ethnique. Dépassant les querelles sémantiques de deux siècles de nationalisme diviseur en Europe, il est intéressant de réfléchir à ce qu’est une nation dans l’esprit européen unitaire.
Les Grecs de l’antiquité ignoraient en apparence la notion de « nation », qui est un terme latin, et la remplaçaient par celle de « peuple », qui pouvait s’exprimer par plusieurs vocables : le δήμος ou dêmos, terme que l’on retrouve dans celui de démocratie, d’une part, et l’ έθνος ou ethnos, d’autre part, qui a donné en français le terme d’ « ethnie » mais qui en grec moderne signifie « nation ». Le premier terme en revanche a pris un sens mineur en grec moderne, signifiant même « municipalité ». Ainsi peut-on considérer qu’il existait par exemple un dêmos athénien ou même attique au sein même d’un ethnos qui était la Grèce tout entière, selon le rêve panhellénique d’un Isocrate par exemple. Le droit du sang existait de fait à deux niveaux, au niveau municipal avec par exemple la loi de 451 avant J.C mise en place par Périclès, et d’une certaine manière au niveau « national ». De fait, le dêmos et l’ethnos désignent deux niveaux de peuple mais reposent l’un sur l’autre sur les mêmes critères, l’homogénéité.
Le terme latin de natio (gen. nationis) a un sens très proche, le terme populus, « peuple », désignant davantage la population indifférenciée voire la plèbe uniquement. Le dictionnaire Gaffiot confirme que le terme de nation dérive de la racine indo-européenne *gen-, qu’on retrouve dans le grec γένος (genos ou « race, lignée »). Dans le sens 2. de nātio, le dictionnaire propose de le traduire par « peuplade, nation [partie d’une gens, peuple, race] ». Ainsi, contrairement à la définition donnée par Renan, la notion même de « nation » implique une dimension ethnique certaine, implique une homogénéité de fait. La nation repose donc fondamentalement sur le principe du droit du sang, qui a été la règle de la France depuis le code Napoléon et qui l’est toujours aujourd’hui, même si cette fois en concurrence avec le droit du sol.
Le terme latin s’est répandu par la suite dans le reste de l’Europe. On le retrouve dans les langues germaniques avec l’allemand Nation et l’anglais nation, mais aussi en russe avec нация (natsia). Mais ce terme n’est qu’une variante d’un terme indigène plus important, et qui se traduira davantage par « peuple », bien que conservant le sens ethnique implicite dans « nation ». L’allemand use du terme de Volk, qu’il faut peut-être rapprocher du latin populus, et qui a un sens ethnique explicite. C’est ainsi que la nationalité allemande jusqu’en 2000 reposait sur le principe du droit du sang, et c’est aussi le cas des autres pays germaniques, même si le code de nationalité allemand s’est inspiré à l’origine de celui de Napoléon mais aussi de la citoyenneté athénienne qui reposait sur le droit du sang intégral. La plupart des spécialistes de l’histoire allemande, y compris de celle du IIIème Reich, ont souligné l’importance du Volk comme support de la nation germanique.
Chez les Slaves, les russes usent du terme народ ou narod, dans le sens de « peuple », mais il est intéressant de souligner que le polonais naród et le tchèque národ en revanche signifient strictement « nation », le terme latin n’ayant pas été adapté.
Dès lors sémantiquement les termes de nation et de peuple reposent fondamentalement sur un substrat ethnique, sur une homogénéité de peuplement, contrairement à la définition française que proposait Renan, et qui est contraire aussi bien à l’Europe ancienne qu’aux principes des autres pays européens. La conception évoquée par Renan définit davantage un empire, fondamentalement multinational par nature, et justifie l’impérialisme et la colonisation, et c’est pourquoi la politique française et la politique britannique en ce domaine ne différaient pas profondément. La république romaine reposait quant à elle sur la patrie latine et par la suite sur l’idée primitive d’une nation italienne, qui forma par la suite une province unitaire. En amalgamant par la conquête des territoires, après le triomphe sur Carthage, la république romaine se trouva bien mal adaptée et dut renoncer de fait au principe du droit du sang compte tenu de son élargissement. Mais se faisant, elle s’affaiblit et permit l’ascension de dictateurs perpétuels, de Marius à Octavien, ce dernier devenant le premier empereur. Mais Octavien, devenu Auguste, faisait reposer l’empire romain à peine né sur l’idée, que n’aurait pas renié un Aristote et qu’un Tacite approuvera par la suite, que les peuples orientaux étaient radicalement différents des peuples italiques et occidentaux en général, Grecs continentaux inclus. Ainsi, indéniablement, le premier empereur cherchait à maintenir une certaine forme d’homogénéité, considérant dans leur ensemble les peuples du continent européen comme de même nature. Et de fait, les populations européennes, à l’exception des Grecs, surent se romaniser rapidement et furent même jusqu’à la fin les plus fidèles soutiens de Rome. Mais la logique fondamentalement multinationale de l’empire, telle qu’incarnée par un Caracalla, empereur oriental donnant la citoyenneté romaine à l’ensemble des hommes libres de l’empire, ne pouvait qu’amener à la ruine de la romanité, même si les envahisseurs germaniques surent en préserver une part non négligeable et ne furent pas autant les destructeurs que l’on a pu croire. La fin de la romanité fut davantage due à l’évolution de l’empire romain lui-même, illustrée par la christianisation dans le domaine spirituel.
Ainsi, la nation européenne pour laquelle nous entendons œuvrer, une nation qui sera nécessairement organisée en république, et non en empire, et qui reposera sur une conception démocratique, c'est-à-dire sur le pouvoir effectif du dêmos, du peuple-nation, ne peut reposer que sur une homogénéité européenne relative de fait, et sur le concept juridique du droit du sang. Car le principe du droit du sol, qui il faut le préciser dérive du droit féodal et monarchique, « sont sujets du seigneur tous ceux nés sur sa terre », n’est pas un principe républicain, contrairement à ce que l’on croit généralement, n’est pas un principe démocratique, et le système athénien et péricléen du Vème siècle l’illustre remarquablement. Les Européens de fait forment une population relativement homogène, marquée par une parenté anthropologique, civilisationnelle, culturelle, spirituelle et même linguistique, si l’on pense à l’importance des langues indo-européennes, qui constituent l’essentiel des langues d’Europe, à l’exception du basque, du hongrois, de l’estonien, du finnois et de certaines langues caucasiennes. Si l’on ne prend comme exemple que l’Union Européenne actuelle, 96% des européens de l’UE parlent une langue indo-européenne comme langue natale [et 94% des Européens de l'Islande à la Russie-Sibérie].
On constate bien en ce sens que le concept de « nation européenne » n’est pas un artifice, encore moins une utopie, n’est même pas une nation en devenir ; l’Europe est de fait une nation, une nation comparable à la Chine ou à l’Inde, mais certainement pas aux États-Unis.
Thomas FERRIER
14:51 Publié dans Analyses, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : nation, europe |
12/08/2014
Naissance envisagée de l’Europe unie (Géopolitique-fiction).
En 2014, l’Union Européenne est en situation d’échec, tant au niveau de ses états-membres que de sa prétendue direction bruxelloise. Les eurosceptiques ont réalisé aux élections européennes des scores importants dans plusieurs pays fondateurs en mai 2014. La question de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne est même posée. L’Europe subit sans discontinuité depuis des mois un flux migratoire massif en provenance d’Afrique notamment via Ceuta et Melilla du côté espagnol et via Lampedusa du côté italien, sans parler de frontières très poreuses avec la Turquie à l’est. Le verrou lybien a sauté en même temps que le régime de Kadhafi. Elle est même confrontée à un conflit à ses frontières, en Ukraine, où son irresponsabilité, dictée par la politique de Washington, l’a amenée à prendre ses distances avec la Russie et surtout à attiser une guerre civile aussi absurde que meurtrière. Enfin, si la crise « grecque » semble avoir baissé en intensité, son effet de contamination étant pour le moment maîtrisé, de nombreux pays européens sont en situation économique douloureuse, la France en tête. L’Allemagne résiste mieux, certes. Mais elle dépend néanmoins de l’état de ses partenaires, dont elle bénéficie en retour par l’achat de sa production de qualité. L’€ a créé de nombreuses interdépendances et l’Allemagne ne réalise pas nécessairement qu’elle a le devoir de procéder à une meilleure redistribution de ses profits. Or l’absence d’une véritable Europe politique empêche ces rééquilibrages au profit de tous.
Nous partirons de l’idée que les années à venir démontreront l’impasse du souverainisme en même temps que la nécessité d’une refondation de l’actuelle Union Européenne sur une double base, unitaire et identitaire. Nous supposerons qu’un parti européen révolutionnaire pilote parviendra à émerger, que ce soit un parti unitaire ou une coalition de partis nationaux animés du même idéal, en substitution des populismes réactionnaires et au détriment aussi des partis de gouvernement.
Nous admettrons que la mise en place de l’Etat européen unitaire aura lieu selon un schéma structurel que j’ai établi il y a quelques années.
Le parti unitaire ou la coalition de partis obtiendrait à des élections européennes, par exemple en 2024, environ 30% des députés au sein du parlement européen, devenant le premier groupe devant les conservateurs et les sociaux-démocrates. Le contexte continental se dégradant nettement, en raison des maux non résolus que j’ai brièvement évoqués dans le premier paragraphe de cet article, le parti en question réussirait à obtenir la majorité avec le renfort de nombreux députés libéraux et conservateurs, la « gauche » sociale-démocrate, apôtre du multiculturalisme, étant largement désavouée avec l’effondrement de son utopie de « vivre-ensemble ». Ce basculement amènerait le parlement européen à s’auto-proclamer assemblée européenne constituante et à mettre en place un gouvernement européen provisoire, qu’on pourrait appeler par provocation « comité européen de salut public ». Ce gouvernement, naissant d’un coup d’état démocratique analogue par certains traits au serment du jeu de paume en 1789, aurait face à lui des gouvernements nationaux conformes à ceux auxquels nous avons désormais affaire depuis quelques décennies, c'est-à-dire profondément gangrénés de l’intérieur et d’une grande médiocrité. Désavoués, ils s’effondreront comme des fruits complètement pourris.
Ce gouvernement de l’Union Européenne romprait alors avec l’atlantisme libéral qui préside actuellement à nos destinées et renverserait ses alliances pour proposer une union avec la Russie. Dans un tel contexte, le Royaume-Uni, qu’il ait quitté l’UE entre temps ou qu’il soit resté en son sein, assistant à la mise en place d’une Europe continentale unifiée, ce à quoi il n’a jamais été confronté, se ralliera à son tour, surtout si les « petits » peuples, Ecossais, Gallois et Irlandais du nord, mais aussi les classes populaires britanniques de souche, l’y invitent. En effet, cette Europe politique aurait à cœur la restauration de l’européanité de l’Europe et donc, par conséquence, des identités régionales et nationales qui la composent. En clair, le Royaume-Uni rejoindrait l’Europe unie en rompant dans le même temps avec le multiculturalisme qui lui était imposé, ou qu’il s’était imposé à lui-même, dans son incapacité à rompre avec son ancien empire colonial, rebaptisé Commonwealth, et/ou avec son ancienne colonie rebelle, les Etats-Unis d’Amérique.
Par la remise en cause de l’alliance atlantique et des dogmes libéraux et mondialistes, et notamment du capharnaüm multiculturaliste, l’Europe unie parviendrait donc sur une base institutionnelle et juridique inédite à combattre en son sein les forces d’auto-dilution qui pour le moment la brisent.
Aux alentours de 2030 (date théorique), nous aurions donc un nouvel Etat qui s’appellerait l’Europe et se sera substitué à tous les anciens états divisant le continent. Cet état compterait en son sein entre 650 et 680 millions d’habitants, compte tenu de son déclin démographique et des politiques de reflux migratoire qu’il aura engagées et réalisées.
Même si dès 2025 ou 2030 l’Europe unie mettait en place un ambitieux plan de redressement démographique, il faudrait environ vingt ans pour que ses effets bénéfiques se fassent sentir. Ces vingt ans d’hiver démographique, qui pourront être partiellement atténués par une politique d’appel au retour envoyé à tous les européens expatriés, y compris ceux des (anciennes) colonies européennes de peuplement (Australie, Afrique du sud, Etats-Unis, Argentine…), amèneront l'Etat européen à des politiques sociales plus restrictives, comme un net allongement de la durée des cotisations pour les retraites par exemple et comme des plans d’économies structurelles. Toutefois, les politiques de reflux migratoire permettront d’alléger cette rigueur, car ce sont des économies massives qui aujourd’hui ne sont pas réalisées par attachement au dogme multiculturaliste qui seraient alors faites. Le « welfare state » serait donc exclusivement un « european state », à savoir qu’il serait restreint aux seuls ayant droits naturels.
L’Europe unie serait née. Quelle sera alors sa géopolitique, son action en dehors de son cadre géographique ? Comment réagiront ses adversaires, ses anciens partenaires, les anciens pays colonisés, les monstres démographiques que sont devenues l’Inde et la Chine ? Ce sera l’objet d’un prochain article.
Thomas FERRIER
20:05 Publié dans Analyses, Fiction, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prospective, futurisme, europe, unité, identité |
Pour une géopolitique de l’Europe unie. Prospectives européistes
Le géopoliticien Aymeric Chauprade a proposé sur son site Realpolitik un texte d’orientations sur la politique qu’il faudrait selon lui que la France mène. Je me concentrerai sur un défaut de principe que je lui reproche, en outre de ne pas avoir su rompre avec une vision christianocentrée, néo-colonialiste (à sa manière) et exclusivement « hexagonaliste », à savoir le refus par postulat de départ de penser la géopolitique au niveau européen. Le ralliement au souverainisme néo-frontiste de ce penseur, qui a toujours été par ailleurs un opposant déclaré à ce qu’il appelle les « pan-ismes », et au premier rang duquel on trouve le pan-européanisme, pour opportuniste qu’il soit, n’est pas une surprise puisqu’il était auparavant un partisan de Philippe de Villiers. Le camp souverainiste est désormais phagocyté par Marine Le Pen depuis son abandon de toutes les thématiques « identitaires », ne laissant plus comme alternative que Nicolas Dupont-Aignan, mais dont les résultats électoraux beaucoup plus faibles interdisent toute attractivité décisive.
Yves Lacoste a en revanche tenté parmi tous les géopoliticiens de penser à une géopolitique grande-européenne dont il n’a tracé que l’ébauche. Visionnaire, il a compris qu’un des avenirs possibles pour l’Europe était de réussir son unité continentale, mais cela impliquerait une libération européenne de la tutelle outre-atlantique, une remise en cause des dogmes multiculturalistes au profit d’un strict eurocentrisme, et une ouverture à la Russie comme jamais elle n’aura été tentée.
Ce que je propose est d’établir la base d’une véritable géopolitique européenne appliquée dans une démarche prospective. L’idée n’est pas de décrire la géopolitique de l’Europe contemporaine, qui se limiterait alors à la somme des géopolitiques centrifuges des différents états membres, avec une polarisation françafricaine pour la France, un centre-européisme pour l’Allemagne, ce vieux schéma de Friedrich Naumann, ou un eurasisme à la sauce russe. La géopolitique « souverainiste » est d’ailleurs d’une grande pauvreté, bourrée d’incohérences, et se complaisant dans un nombrilisme chauvin des plus primaires.
En clair, il s’agit ni plus ni moins de réfléchir à la géopolitique d’une entité politique appelée Europe et qui irait de l’Islande à la Russie, cette fameuse union « de l’Islande à la Russie et par extension jusqu’à Vladivostok » dont parlait Vladimir Poutine en 2005 avant de se lasser de tendre la main et de finir par se tourner vers les thèses eurasistes qu’un Douguine aura mises à la mode.
Cette géopolitique de l’Europe unie envisagera les conséquences de l’émergence d’un bloc continental européen reposant sur l’unité de pilotage, en clair un gouvernement européen, et la mutualisation des moyens, se substituant aux (anciens) états tout en veillant à en préserver les identités. L’objectif, qui n’est pas innocent, est de démontrer qu’une Europe unie réussira là où les Etats européens pris séparément ne peuvent qu’échouer, quelle que soit la coloration politique de chaque gouvernement. Elle choquera certes les puristes qui ne veulent voir que ce qui est et pas ce qui pourrait ou pourra être.
Cette analyse sera détaillée de manière thématique, avec un premier article sur la mise en place imaginaire de cette Europe politique unifiée, dans un contexte propice. Ce sera la base de travail. Il restera ensuite à proposer une simulation de ce que serait la géopolitique de cette nouvelle entité continentale.
Thomas FERRIER
19:19 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : europe unie, géopolitique, européanisme, prospectives, méta-géopolitique |
Quand Erdogan tourne le dos à l’Europe (partie 2/2)
Erdogan et la réorientation islamique de la Turquie.
Recep Erdogan vient d’être élu président de la république avec un peu moins de 52% des voix, élu dès le premier tour face à un adversaire soutenu par le CHP et le MHP, les républicains kémalistes et les nationalistes, qui avaient déjà formé par le passé une coalition au pouvoir en 1997. Ce dernier, Eklemeddin Ihsanoglu, a été choisi pour obtenir un consensus minimal, même s’il est lui-même un conservateur islamisant, ancien responsable d’ailleurs de l’OCI. En réalité, ce choix par défaut traduit la victoire idéologique d’Erdogan, car son adversaire n’a pas proposé de véritable alternative. Sa victoire traduit néanmoins un incontestable échec de la révolution kémaliste, exactement comme la révolution blanche iranienne a abouti au final à la victoire des mollahs.
Erdogan aux affaires va rompre avec les alliances traditionnelles de la Turquie, à savoir une orientation atlantiste et favorable à l’état hébreu. Son ministre des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, adepte d’une stratégie néo-ottomane dans laquelle la Turquie deviendra le pivot du monde sunnite, lui offre une doctrine clé en main, même si son application va être complexe et n’aura pas nécessairement les résultats escomptés. Au contraire, ce néo-ottomanisme, s’il ne nuit pas à Erdogan dans les urnes, bien au contraire, reste une impasse géopolitique totale.
La première phase sera la stratégie dite du « zéro conflit aux frontières ». Erdogan entreprend ainsi de régler les conflits avec ses voisins, de pacifier ainsi la situation avec l’Arménie et avec la Grèce, et ceci dans l’optique bien sûr d’une adhésion à l’Union Européenne. Il paraît pourtant paradoxal pour vouloir rejoindre l’Europe de commencer par abandonner toutes les réformes d’Atatürk allant dans le sens d’une européanisation du pays au profit d’un orientalisme constant. C’est bien parce que l’Union Européenne a renoncé à défendre les valeurs européennes, au profit d’un multiculturalisme suicidaire que ce paradoxe a été possible.
La rupture avec les politiques antérieures est plus nette, à partir du moment où Erdogan interdit aux avions américains de combat de survoler l’espace aérien turc pour se rendre en Irak, malgré l’appartenance de la Turquie à l’OTAN, où il prend fait et cause pour Gaza, condamnant le blocus israélien, et ce avec des mots d’une extrême dureté, et où il tente même un rapprochement avec l’Iran. A ce moment là la première phase est abandonnée. Les relations avec l’Arménie redeviennent détestables, avec des provocations permanentes d’Erdogan à l’endroit de ce pays martyr. Et en 2014 Erdogan soutient implicitement les provocations anti-arméniennes de l’Azerbaïdjan turcophone voisin.
Enfin, Erdogan s’est imaginé en professeur du monde arabe. Il a soutenu les Frères Musulmans, qui ont été par la suite écrasés dans le sang par l’armée égyptienne et dont le mouvement vient à nouveau d’être interdit. Il a encouragé les milices islamistes dans leur combat contre le régime syrien du baasiste Bachar El Assad, avant que ces dernières ne se retournent dans l’est syrien et en Irak contre les populations chrétiennes, yezidis et chiites, y commettant de véritables horreurs qui choquent toute personne sensée. Là encore, sa politique a été véritablement désastreuse.
Erdogan a désormais choisi une démarche nationale-musulmane, puisqu’il a recours simultanément à un discours nationaliste, dénonçant la Chypre grecque et l’Arménie, demandant aux Turcs d’Allemagne et d’Autriche d’être fiers de leurs origines et de refuser toute assimilation, et en même temps islamique, par le soutien qu’il apporte aux sunnites du monde entier, et notamment en Palestine. La Turquie est ainsi passée de l’atlantisme à un anti-occidentalisme permanent et du soutien à Israël à une hostilité absolue.
L’échec de la révolution kémaliste.
Les victoires d’Erdogan et de l’AKP depuis maintenant douze ans, sans discontinuité, démontrent que la Turquie ne se sent pas européenne, ne se veut pas européenne, et ce même si elle s’est inscrite tactiquement dans un processus d’adhésion à l’Union Européenne, pour des raisons économiques uniquement. L’Union Européenne, qui aurait dû refuser d’entamer ce processus, hésite entre défense des valeurs européennes et domination de l’idéologie mondialiste. Elle répugne donc à la fois à favoriser l’adhésion de ce pays eurasiatique et à la fois à lui claquer la porte au nez.
Au lieu de répandre l’européanité en Turquie, elle a au contraire favorisé une déseuropéanisation de la Turquie. Il est d’ailleurs ironique de constater que les Turcs les plus européens de culture sont aussi les plus opposés à cette adhésion, restant sur des principes kémalistes intransigeants. Néanmoins, l’élite turque moderne est en cours de remplacement par une bourgeoisie islamique émergente. Les « Beyaz Türkler », les « Turcs blancs », cette élite occidentale, a échoué à entraver l’ascension de l’AKP et n’a plus de solutions endogènes pour y remédier. Il y a donc de fait deux peuples sur un seul territoire, deux peuples parlant la même langue mais aspirant à un autre destin. Le premier veut d’une Turquie européenne, moderne et laïque. Le second veut d’une Turquie asiatique, prospère certes mais islamique.
Erdogan n’est pas la synthèse de ces deux courants. Il a choisi un des camps et impose les valeurs de celui-ci à toute la société. Ce camp représente environ 75% des habitants, contre 25% qui vivent surtout sur la côte occidentale du pays, là même où vivaient les colons grecs du temps de l’empire perse.
Atatürk a échoué car à l’époque de son action l’Europe était encore une grande civilisation, sure d’elle-même, sure de ses valeurs, consciente de son riche passé. En Turquie, elle était admirée et respectée et elle servait de modèle. A partir des années 70, avec cette « révolution » pernicieuse de « mai 68 », alors même qu’elle subissait les contrecoups économiques des crises pétrolières, l’Europe a cessé de l’être. L’Afghanistan et l’Iran succombèrent les premiers à cette vague néo-islamique. Pendant trente ans, l’armée turque a servi de rempart, mais elle a été vaincue par Erdogan, là où Erbakan avait échoué cinq ans plus tôt. La cour constitutionnelle a perdu la main et une occasion en or de repousser une fois de plus cette réislamisation qu’elle abhorre. Mais cela n’aurait été de toute façon que reculer pour mieux sauter.
Un néo-kémalisme ne sera possible et surtout efficace que confronté à une Europe renaissante, à une Europe capable de surmonter ses crises internes et de s’émanciper d’une tutelle outre-atlantique des plus pesantes. Mais tant que cela ne sera pas le cas, la Turquie continuera d’évoluer et même d’involuer vers une forme d’islamisme, qui ne sera jamais celui de l’Iran et pas non plus celui de l’Egypte, mais qui éloignera de plus en plus le pays des canons de la démocratie occidentale.
La seule façon pour le peuple turc de retrouver ses racines et son identité c’est d’assumer l’héritage grec qui est en lui, et pas seulement l’héritage ancestral turc ou la nostalgie de l’empire hittite. Si les Turcs à un moment donné se sentent vraiment européens, alors ils le prouveront lorsque l’occasion leur sera donnée de choisir entre l’occident, un occident régénéré je précise, et l’orient. Mais pour le moment rien ne laisse présager d’une telle évolution.
Dans tous les cas, l’avenir de la Turquie dépend de l’avenir de l’Europe.
Thomas FERRIER
14:08 Publié dans Analyses, Histoire, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) |
Quand Erdogan tourne le dos à l’Europe (partie 1/2)
Une Anatolie eurasiatique ?
La Turquie actuelle, c'est-à-dire l’Anatolie, a été marquée par de grandes civilisations, asianiques d’abord (Urartu, Arzawa). Jusqu’au XIVème siècle, elle était profondément hellénisée, ayant subi des vagues indo-européennes pendant plus de trois millénaires, Hittites et Louvites d’abord, Phrygiens, Lyciens, Lydiens et Cariens ensuite, puis Grecs et ce dès l’époque mycénienne, enfin Romains et même Celtes (Galates).
Pour rattacher la Turquie au monde européen, sans avoir à recourir à l’héritage grecque, car la population turque descend en grande partie des habitants de l’Anatolie chrétienne, turquisés et islamisés, Atatürk eut recours à l’héritage hittite, autres indo-européens. Il plaça sa nouvelle capitale sur l’ancienne Ancyre, devenue Ankara, une ville à proximité de l’ancienne capitale des Hittites, Hattusa, en remplacement d’Istanbul, trop marquée.
Par son histoire, la Turquie est donc une interface naturelle entre l’Europe et l’Asie, un espace intermédiaire marqué par des héritages successifs venus du nord-ouest comme de l’est.
La révolution kémaliste.
Lorsque Mustafa Kemal a émergé politiquement, il a dû faire face aux contrecoups de la défaite de l’empire ottoman aux côtés des forces de la triple alliance. Le traité de Sèvres démantelait littéralement le pays, sans aller toutefois jusqu’à rendre Constantinople à la Grèce. Mais ce traité avait un vice interne, le peu de volonté des pays européens de le faire accepter au prix d’une nouvelle guerre. Ainsi, l’Europe occidentale a abandonné la « petite » Grèce face à son ennemi traditionnel, aboutissant à des échanges de population et de territoire, mettant fin à la présence millénaire des Grecs à l’est de la Mer Egée. Le traité de Lausanne sera beaucoup plus favorable à la Turquie, même si elle perd toutes ses possessions mésopotamiennes et proche-orientales.
Devenu Atatürk, « le père des Turcs », Kemal aura à cœur de redonner à son pays la place à laquelle il l’estime juste. Il choisit de rompre avec l’héritage ottoman pour forger une nouvelle Turquie, puissance eurasiatique de fait, mais adoptant explicitement la culture européenne. Méprisant profondément l’islam, Atatürk n’ose pas pour autant l’attaquer de face, et se limitera à le priver de pouvoir politique, en mettant fin au califat. Il va néanmoins loin, faisant adopter l’onomastique européenne, prénom et nom, épurant la langue turque des mots arabes et perses, au point de prôner le remplacement du nom d’Allah par celui de Tanri, qu’on peut traduire par « Dieu » mais qui désigne aussi le dieu du ciel-bleu des Turcs païens, et imposant l’alphabet latin, qu’il estime plus adapté à la langue turque que l’alphabet arabe. Il interdira également le voile islamique et le port du fez, assimilés selon lui à des signes d’archaïsme.
« Père la victoire », ayant sauvé l’honneur turc face aux puissances européennes, Kemal Atatürk bénéficie du soutien indéfectible de l’armée qui, pendant soixante ans, sera la garante de ses valeurs. Il fera triompher une vision romaine de la laïcité, la soumission absolue du religieux au politique, et l’adoption des principes fondamentaux de la civilisation européenne, comme l’égalité homme-femme ou le code civil. Il se voudra même précurseur, faisant adopter le vote des femmes alors que la France y était encore rétive, craignant le triomphe d’un conservatisme clérical dans les urnes.
Mais Atatürk mourra en 1938. Inönu assurera ensuite la transition mais après 1945 il adoucira la démarche de son prédecesseur, faisant beaucoup de concessions face aux institutions islamiques. Il réintroduira ainsi par la fenêtre le loup qu’Atatürk avait expulsé par la grande porte. Mais l’armée tiendra bon. Lorsque le général De Gaulle en 1963 promettra une intégration future de la Turquie au marché commun, il est confronté à un pays qu’il estime européen mais qui ne l’est qu’en façade.
Le renouveau islamique et l’ascension d’Erdogan.
Depuis les années 70, la Turquie est marquée par la montée en puissance d’un courant islamique et conservateur, prenant racine dans le cœur anatolien, comme une réaction à quarante ans de kémalisme. L’armée y mettra fin à de nombreuses reprises par le biais de coups d’état qui heurtent la sensiblerie occidentale mais qui sont efficaces.
Pourtant, malgré les interdictions, l’islamisme tient bon et réussit même à envahir les autres partis politiques. Le MHP (« loups gris ») nationaliste, qui reposait auparavant sur un nationalisme laïc à tendances paganisantes lorsqu’il était dirigé par Alparslan Türkes, va ainsi associer à son discours une coloration islamisante. Enfin vient l’heure de la consécration avec la victoire de Necmettin Erbakan, qui à la tête du Refah, obtiendra le poste de premier ministre en 1996, suite à une coalition contre-nature avec Tansu Çiller, avec 21.4% des voix. Mais dès 1997, l’armée le chasse du pouvoir, ce dont il ne se remettra pas.
C’est à cette époque que Recep Erdogan comprend que la stratégie d’Erbakan était une impasse tant que l’armée bénéficiera d’un pouvoir et d’un crédit lui permettant d’écraser toute contestation de type islamique. Néanmoins, élu maire d’Istanbul, il sera condamné à de la prison en 1998 suite à une déclaration à forte coloration islamisante, où il reprenait une citation du nationaliste Gökalp. C’est à ce moment là qu’il choisit de rompre avec la dialectique coutumière de cette mouvance politique. Il applique ainsi la fameuse taqija, une stratégie de contournement lorsqu’il n’est pas possible de combattre l’ennemi en face.
Cette stratégie subtile, qu’il réalise d’une main de maître, consiste à tromper son adversaire sur ses intentions. En 2001, il participera ainsi à la fondation de l’AKP, un parti démocrate-« musulman », dont il dira lui-même qu’il est une sorte de CDU à la turque, où l’islam remplace simplement le christianisme. Et dès 1999 il avait rompu toutes relations avec son ancien mentor Erbakan. Il prône même une séparation de la religion et de l’état, une autre forme de laïcité (à la française) que celle prônée par Atatürk.
Mais son coup de génie sera de reprendre l’idée d’une adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, ce que le patronat voit d’un très bon œil. Or la Turquie déplaît à cette dernière en raison du poids politique dont jouit son armée, ce qui n’est le cas dans aucun autre pays européen, même la Russie.
En 2002, c’est la consécration avec la victoire de l’AKP, ayant obtenu plus de 34% des voix. Le pouvoir tombe dans les mains d’Erdogan, un pouvoir qu’il ne rendra plus jusqu’à maintenant.
Erdogan va donc mettre en place une politique destinée en apparence à plaire aux dirigeants européens, tout en fragilisant en réalité ses ennemis et notamment l’armée et la justice, dans le cadre du processus d’adhésion. Il est en ce sens grandement aidé par l’organisation Fetullah Gülen, contre laquelle il se retournera en 2013, mais aussi par l’Union Européenne qui fera preuve à son égard d’une naïveté confondante voire complice.
Néanmoins, Erdogan commet en 2008 une maladresse, sous-estimant l’affaiblissement de ses adversaires par les réformes qu’il a menées contre eux depuis six ans. Le premier ministre a souhaité en effet autoriser le voile dans les universités. Son parti est alors mis en accusation par les juges de la cour constitutionnelle, menacé de dissolution et d’une amende considérable. Il sauve sa tête d’une voix, aidé en ce sens par des pressions internationales venues des Etats-Unis et de l’Union Européenne. C’était pourtant la dernière chance des laïcs pour reprendre la main.
Erdogan a compris la leçon et ne l’oubliera pas. Il sera aidé en ce sens par les accusations contre un réseau de conspirateurs appelé Ergenekon, le nom du foyer mythique des anciens Turcs, qui aurait mis en place une opération Balyoz, « marteau de forge » pour faire tomber Erdogan. Dans ce cadre, des membres éminents de l’état-major turc mais aussi des journalistes d’opposition sont arrêtés et mis en examen. L’armée est étêtée. Elle ne s’en remettra pas.
Désormais, Erdogan a vaincu tous ses ennemis et plus rien ne résiste à cette vague de réislamisation qui envahit le pays. Sans le soutien de ces nombreux électeurs, sans ce phénomène culturel de contre-kémalisme qui domine l’Anatolie profonde, mais aussi Istanbul, rien n’aurait été possible. Même s’il a été un habile stratège, c’est bien le peuple turc qui l’a choisi comme chef.
13:30 Publié dans Analyses, Histoire, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, ataturk, erdogan, islamisme, taqija, europe |
18/05/2014
Il n'y a personne pour défendre l'Europe !
A quelques jours des élections européennes, aucune formation grande, moyenne ou petite ne prend la défense de l'Europe. La seule liste qui tiendrait un discours favorable en apparence est celle de l'UDI-Modem. François Bayrou ne plaide-t-il pas pour une Europe plus unie?
Hélas, on s'aperçoit tout de suite que le propos est biaisé. De quoi Bayrou se félicite-t-il? D'avoir auprès de lui l'Ukraine "en lutte" et la Tunisie. Or la Tunisie n'est pas européenne et, si l'Ukraine l'est, sa lutte est soutenue par les USA, par leur diplomatie et leurs services spéciaux. Et pourquoi faudrait-il tendre vers une Europe plus unie ? Parce que Monsieur Poutine la souhaiterait désunie. D'abord rien ne dit que la désunion des Européens soit dans l'intérêt des Russes : une Europe unie aurait chassé les Américains du jeu. Ensuite la Russie est européenne et une Europe unie ne chercherait pas à s'en faire un ennemi.
Il est possible de chercher à renforcer l'union entre les peuples européens. Il n'y a guère que deux façons pour cela. La première est révolutionnaire et définitive : elle consiste à réaliser la fusion des Etats actuels de tout le continent un peu à la manière de la première république française. La seconde est plus modeste : elle consiste à renforcer les liens entre quelques états un peu comme Wauquiez le propose. On peut toujours espérer que cela engendre un processus s'étendant et s'approfondissant. La difficulté est que le démarrage est de plus en plus ardu.
Il faudrait commencer par rapprocher la France et l'Allemagne. C'était encore envisageable il y a deux ans. Depuis la politique de Hollande a placé des obstacles infranchissables. C'est l'affirmation d'une politique européenne opposée à celle de notre voisin. C'est l'écart qui s'est creusé entre les performances de nos pays. C'est notre incapacité à tenir nos engagements. Le dernier geste en date, le patriotisme industriel de Montebourg, s'ajoute à tout cela. Personne n'a fait remarquer qu'un pays qui inclurait la France et l'Allemagne pratiquerait un aménagement du territoire, ne laissant pas les activités se concentrer en un seul endroit.
Or Bayrou, en faisant voter pour Hollande, est l'un des responsables de ces obstacles. Il ne peut prôner aujourd'hui ce qu'il a rendu impossible par son action d'hier.
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)
17:38 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bayrou, modem, udi, les européens, élections européennes 2014, europhobie |
04/05/2014
Elections européennes 2014. Le vote blanc, une nécessité malheureuse
Le 25 mai 2014 se dérouleront les huitièmes élections européennes depuis leur instauration en 1979. Selon les sondages, 73% des Français pensent que l’enjeu européen doit dominer le vote, mais ils ne seraient pour le moment que 35% à se déplacer. C’est dire si le sens de ces élections a été dénaturé par la faute des gouvernements et des partis politiques institutionnels, alors qu’elles ont permis à chaque fois l’émergence de nouvelles forces, Front National (1984) et Verts en tête.
Alors même que nous n’avons jamais eu autant besoin d’une Europe politique et de convergences stratégiques au niveau continental, nous sommes confrontés à un désaveu massif des Européens envers une construction « européenne » au ralenti, méprisée par nos dirigeants, même s’ils se prétendent tous en sa faveur, pilotée par des seconds couteaux mis en place par les Etats. C'est en effet tout l’intérêt du gouvernement de François Hollande, et du Parti Socialiste, qui s’attendent à une sévère sanction, de marginaliser cette élection, lui faisant perdre toute valeur en raison d’un taux de participation médiocre.
Or, il est fondamental de légitimer cette élection, de lui donner de l’importance, en allant voter, d’autant plus que cette année, pour la première fois en France, le vote blanc sera comptabilisé et ne sera plus assimilé à une abstention. Si le taux de participation est trop bas, l’Union « Européenne » continuera à fonctionner comme aujourd’hui, sans tenir compte de l’avis des citoyens, alors que les partis politiques nationaux et européens ont mis en avant un enjeu, l’élection du président de la commission. S’oppose ainsi le vieux cheval sur le retour Juncker au jeune loup social-démocrate Schulz, d’autres candidats faisant de la figuration, comme Bové ou Verhofstadt. A ces quatre candidats, Marine Le Pen aurait souhaité s’ajouter mais ses alliés (FPÖ, Wilders…) n’ont pas voulu la proposer ni avancer un autre candidat pour une institution dont ils contestent l’existence même.
La question est de donc se savoir s’il faut donner une consigne de vote, invitant à soutenir telle ou telle liste, pour telle ou telle raison, éventuellement tel ou tel candidat à la présidence de la commission, ou s’il faut inviter au vote blanc, en sachant que l’abstention est indéfendable dans un contexte où on prétend dénoncer un déficit démocratique, par ailleurs réel. Lorsque le peuple a l’occasion de s’exprimer, il doit le faire.
Etant donné que cette campagne européenne reste malgré tout dans un cadre national, puisque les électeurs vont voter pour des partis nationaux et pas pour des partis européens, ce qui est fondamentalement une anomalie qui démontre par ailleurs que l’UE n’est pas fédérale, donner une consigne aux autres Européens n’aurait pas beaucoup de sens. C’est donc le contexte français que je vais ici analyser.
Deux camps opposés apparaissent en premier lieu. Celui du souverainisme, représenté notamment par le Front National et par Debout La République, l’un promis à un score très élevé, au-dessus de 20% des voix, l’autre à un score médiocre, entre 1,5% et 3%, plus fort sans doute à Paris, lui permettant éventuellement de disposer d’un élu. Celui de l’ « européisme » officiel, de centre-droit, représenté par la liste « Les Européens », union du Mouvement Démocrate et de l’Union des Démocrates Indépendants.
Le FN combat le principe même d’une Europe politique au nom d’une définition fétichisée de la nation, et appelle à l’abandon de l’€uro et à la disparition pure et simple de l’Union Européenne. Jadis, ce parti dénonçait l’immigration comme le principal facteur de régression sociale et de dépense publique. Aujourd’hui, la construction européenne est accusée d’être responsable et coupable de politiques nationales datant parfois de plusieurs décennies. C’est donc une europhobie de principe que défendent ces partis souverainistes, une europhobie que combattent les prétendus « européistes » mais aussi les européistes authentiques, dont nous sommes.
La liste « Les Européens » pourrait en effet tromper les électeurs, car ils n’ont pas l’Europe unie comme finalité et la voient au contraire comme un moyen de favoriser le mondialisme. C’est un Bayrou qui disait en 2009 qu’il fallait construire l’Europe « pour aider l’Afrique ». Désormais on nous explique en 2014 qu’elle est nécessaire « pour maintenir la paix », alors même qu’elle est à la remorque de la stratégie américaine de déstabilisation de l’Ukraine. Leur Union « Européenne » c’est celle des droits universels, au détriment des droits des Européens, celle de l’ouverture des frontières, non seulement à l’intérieur de l’Europe mais surtout vis-à-vis de l’extérieur. Et en réalité, ils ne sont pas prêts à passer à l’étape fédérale et à nous doter ainsi d’un Etat européen.
Ce reproche est tout aussi fondé vis-à-vis de « Europe Ecologie », qui est à l’écologie ce que le cobra est au rongeur, avec comme chef de file l’alter-mondialiste, donc mondialiste, Bové, en remplacement de Cohn-Bendit, désormais reconverti en commentateur de matchs de football. Avant de partir, Cohn-Bendit s’est fait photographier enroulé par le drapeau européen. Faux écologistes, mais gauchistes reconvertis dans une fausse modération, les « Verts » défendent une « Europe » dénaturée en profondeur, car submergée par les flux migratoires, qu’ils contesteront pour toutes les espèces animales sauf l’humaine.
Entre les anti-européens et les faux européens, on ne peut choisir. Les uns combattent notre idéal quand les autres le dénaturent.
12:42 Publié dans Communiqués, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : elections européennes 2014, consigne, vote blanc, psune, thomas ferrier, europe |
15/03/2014
300. Naissance d’une nation
La suite attendue du film « 300 » de Zach Snyder, intitulée « l’Avènement d’un Empire » (Rise of an empire), est récemment sortie sur nos écrans. A la musique, Tyler Bates a cédé la place à Junkie XL, qui nous propose une bande originale brillante, finissant en apothéose en mêlant son dernier morceau à une mélodie de Black Sabbath.
Comme dans le premier film, c’est un récit qui nous est proposé, jusqu’à l’extrême fin. La reine spartiate Gorgo raconte ainsi la vie de Thémistocle, le héros athénien du film, jusqu’à ce que ses troupes interviennent d’une manière décisive à Salamine. Les nombreuses invraisemblances et les libertés prises avec l’histoire sont ainsi justifiées. Il faut les admettre pour profiter pleinement du message optimiste du film.
L’ouverture avec un Xerxès décapitant Léonidas mort correspond au récit traditionnel. Quant à la « naissance » du dieu-roi, concept contraire à la tradition zoroastrienne, grande oubliée du film, la jeunesse de Xerxès, assistant impuissant au parcours d’une flèche de Thémistocle perforant l’armure de Darius, son père, est narrée, ainsi que la manipulation dont il est la victime par Artémise, jouée par Eva Green, mégère inapprivoisée avide de sang vengeur.
A l’incendie de Sardes par les Athéniens, qui sera le véritable déclencheur de la guerre avec les Perses, le scénariste a préféré « accuser » Thémistocle, personnage tragique, à la fois responsable des malheurs de son peuple et vainqueur ultime de ses ennemis.
A la grandeur sobre et un peu égoïste de Léonidas dans le premier film, Thémistocle est un idéaliste, rêvant d’une Grèce rassemblée et même d’une nation grecque. Le voici émule avant l’heure d’Isocrate. Son discours sur la nécessaire unité de la Grèce au-delà des querelles de cités rappelle celui des véritables européistes, partisans d’une Europe-Nation. Gorgo est davantage souverainiste, estimant que Sparte a « assez donné », mais elle saura faire son devoir et venir en renfort. C’est ainsi que Spartiates et Athéniens unis écrasent la marine perse, tandis qu’Artémise meure dans les bras de son ennemi.
Et même le traître du premier film, le bossu Ephialtès, sert à sa manière la Grèce en invitant Xerxès à attaquer Thémistocle, alors qu’il sait que ce dernier a prévu un piège dans lequel les Perses vont s’engouffrer. Les Spartiates, à l’instar des Rohirrim menés par Gandalf dans « Les deux tours », arrivent à la rescousse, avec à leur tête une nouvelle Valkyrie, une Gorgo marchant l’épée dressée. Même si la Sparte historique traitait ses femmes avec une quasi égalité, on ne verrait pourtant jamais une femme au combat.
Si le message du premier film était celui opposant 300 Européens au monde entier, la dimension cosmopolite de l’armée perse a été adoucie. A l’exception d’un émissaire perse, vu dans le premier film, les généraux et soldats perses pourraient passer pour des Iraniens. En revanche, le message du second est offensif. Après la résistance, la reconquête. Certes, au bord de l’abîme, tout comme l’Europe ne s’unira qu’à proximité du tombeau, selon Nietzsche. La reconquête et l’unité. Tous les Grecs combattent désormais ensemble. Historiquement, c’est bien sûr faux. Thessaliens et Grecs d’Asie mineure étaient dans l’armée perse, et Thèbes jouait double jeu. La mort héroïque de Léonidas, habilement exploitée par Thémistocle, sert de mythe mobilisateur. La Grèce a eu ses martyrs. L'Europe n'a pas encore eu les siens.
Le message politique de Thémistocle, appliqué à la Grèce mais qui pourrait tout aussi bien l’être à l’Europe, est fort. La ruine d’Athènes, incendiée par Xerxès, est également un moment décisif du film. Bien que nous sachions que Salamine fut une victoire grecque, la dimension tragique de leur combat apparaît nettement. Monté sur un cheval de guerre qui saute de bâteau en bâteau comme s’il était Pégase, Thémistocle pourfend les ennemis de son épée, jusqu’à combattre et vaincre Artémise, tandis que Xerxès s’éloigne, sentant l’ombre de la défaite.
Le film est un hymne à l’unité de l’Europe, ce qui est bien surprenant pour une production américaine, au cœur même de l’assemblée d’Athènes. En pleine crise, la Grèce se retrouve à nouveau comme préfiguration de l’Europe de demain, qui reste à bâtir. Une Grèce qui lutte pour la démocratie autour d’Athènes, aidée d’une Sparte qui pourtant n’y croit guère. L’alliance d’Athènes et de Sparte, c’est l’alliance de l’Union Européenne et de la Russie face à un empire qui menace ses libertés, un empire qui a reçu l’aide de renégats (Artémise, Ephialtès) qui agissent contre leur propre peuple.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
17:17 Publié dans Cinéma, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : 300 rise of an empire, thémistocle, grèce, europe, nation |
De la Crimée et de l’Europe
Entre un article du Monde sur les extrémistes ukrainiens décérébrés qui occupent la mairie de Kiev et la vue d’une image d’un défilé moscovite de partisans russes du rattachement de la Crimée à leur pays portant une tenue sur laquelle est dessinée l’ancienne Union Soviétique, avec la mention URSS 2.0 qui plus est, je me dis que la propagande « nationaliste » au sens classique de ce dernier terme rend vraiment les gens aveugles.
Que dire en effet de ces nationalistes ukrainiens nostalgiques d’une occupation allemande qui a coûté la vie à nombre de leurs compatriotes il y a plus d’un demi-siècle, considérés comme des sous-hommes par un Reich slavophobe ? Que dire en outre de ces nationalistes russes teintant leur discours d’antifascisme néo-stalinien, passant sous silence le fait que les figures nationalistes russes les plus éminentes, à l’instar du professeur Doubrovine, ont été tuées par la police politique des bolcheviks, l’infâme Tcheka ?
Dans cette affaire, où beaucoup se trompent, et où certains mentent de manière effrontée, tous camps confondus, il est bien difficile de garder son calme et de maintenir sa neutralité au service de la réconciliation des Ukrainiens et des Russes, et bien sûr de tous les Européens. Et pourtant, ce que la politique au sens noble du terme impose, c’est de savoir se placer au-dessus de la mêlée afin d’y voir plus clair.
D’un côté, à la manœuvre depuis le début, les Etats-Unis d’Amérique. C’est eux qui depuis des décennies gouvernent la politique étrangère de l’Union Européenne. Dans le traité entre l’Union Européenne et l’Ukraine, que Yanoukovitch finit par refuser, le sort des bases ruses de Crimée semblait scellé, malgré les accords précédents pris par Kiev envers Moscou. Par ailleurs, l’idée d’un rapprochement avec l’OTAN était bel et bien présente. Ces éléments à eux seuls justifient l’inquiétude de la Russie et la peur de la simple idée d’une Crimée se ralliant au « camp atlantiste ».
La Crimée est, selon les données de 2001, peuplée de 24% d’Ukrainiens, de plus de 60% de Russes et de 12% de Tatars de Crimée, descendants probables des autochtones indo-européens de la région, mais turquifiés sous le joug ottoman. Cela signifie que bien que les Russes y soient majoritaires, que l’armée russe soit présente, bien avant les derniers évènements, que la Russie dispose d’une grande base navale à Sébastopol, ce n’est pas au sens strict une province russe. La volonté majoritaire de cette province de se rattacher à la « maison-mère », aussi légitime soit-elle, n’est pas le souhait de l’ensemble de la population de cette péninsule. On sait bien que le référendum en Crimée de demain manifestera comme résultat un tel souhait et non l’indépendance pure et simple. Il n’est pas encore sûr de savoir ce que la Russie de Poutine fera, mais on sent bien qu’elle est prête à assumer cette annexion aux yeux du monde entier.
Il faut donc dès maintenant anticiper les conséquences de cette annexion plus que probable de la Crimée par la Russie, avec le soutien, précisons le, d’une grande partie de la population. Cette annexion ne sera pas reconnue par la communauté internationale, et la Crimée rejoindra ainsi la liste des états sans reconnaissance, comme l’Ossétie du sud, qui pourrait demain demander son rattachement à la Russie et à la région d’Ossétie du nord, l’Abkhazie et la Transnistrie moldave. Nous payons là les soubresauts de l’effondrement rapide de l’Union Soviétique et des Etats qui naquirent de sa ruine, dans les frontières des anciennes républiques soviétiques, frontières en grande partie artificielles.
Face à une Union Européenne inféodée aux intérêts outre-atlantiques, sans un De Gaulle ou un Adenauer pour proposer une voie médiane, la Russie s’est sentie obligée, afin de plaire à son opinion publique, de jouer la carte du nationalisme, ce qui n’est pas la démonstration d’un régime russe serein au pouvoir, et de protéger les intérêts réels ou supposés des russophones d’Ukraine, d’intervenir d’une manière décisive dans cette crise ukrainienne, y défendant d’abord sa propre stratégie. La Russie a le sentiment en effet que les USA veulent l’étouffer en l’entourant d’ennemis. Elle réagit donc en forteresse assiégée ayant toutefois encore les moyens de faire d’efficaces sorties, en Géorgie en 2008, en Ukraine en 2014. Lorsque l’on veut priver un ours de son pot de miel, il faut s’attendre à recevoir de sérieux coups de griffe. En outre, la Russie, qui a le sentiment d’avoir été trahie lors de la crise du Kosovo, ne fait que renvoyer à son adversaire les coups que celui-ci lui a auparavant envoyés.
Au lieu de jouer la carte de manière sincère de la nouvelle Russie, les Occidentaux ont profité de sa faiblesse pour mettre en œuvre une politique qu’ils n’auraient jamais osé faire du temps de l’Union Soviétique. Les années Eltsine ont été ruineuses pour la Russie, le paradoxe étant que cet ancien président est celui qui a mis le pied à l’étrier à un certain Vladimir Poutine. Les Russes savent d’où ils viennent et à quoi ils ont échappé. Mais la Russie de 2014, certes fragile, a retrouvé une partie de ses forces et suffisamment de volonté pour se faire respecter a minima. Malheureusement cette stratégie a un coût, à savoir qu’elle risque bien d’élargir encore l’espace entre la Russie et le reste de l’Europe, au plus grand plaisir des USA.
Si la Russie n’avait rien fait dans l’affaire de Crimée, elle aurait assisté impuissante au démantèlement de ses bases. Elle aurait perdu tout crédit auprès de ses alliés. Mais en agissant elle s’éloigne de l’Europe alors que son avenir est en son sein. Elle n’a rien à attendre de bon d’une alliance contre-nature avec la Chine. Dans les deux cas, qu’elle agisse ou qu’elle n’agisse pas, elle était perdante. Alors, elle a préféré agir.
C’est nous, Européens de l’ouest et du centre, qui devons réagir intelligemment dans cette affaire. Mais nous ne pourrons le faire que par une révolution politique nous permettant de nous libérer de ceux qui aujourd’hui président pour notre malheur à nos destinées. Contre un François Hollande, rejeté par l’écrasante majorité des Français, mais qui se maintient au pouvoir d’une manière autiste, et une Angela Merkel, au service des intérêts privés, qui souhaite accélérer l’union économique transatlantique, aberration totale qui nous lie encore davantage à une puissance étrangère qui ne souhaite pas notre épanouissement, nous sommes impuissants, tant que nous ne renverserons pas ceux qui sont au pouvoir pour les remplacer par des gens au service de l’Europe et des Européens, et d’eux seuls !
La solution de la crise en Crimée n’est pas du côté des Russes, qui font ce qu’ils estiment nécessaire, même si le résultat aboutit à les éloigner encore davantage de nous, ce qui est une erreur majeure, pour eux comme pour nous, et elle n’est pas non plus du côté des Ukrainiens, jeune démocratie n’ayant eu à sa tête que des gens médiocres et corrompus. La solution est européenne, mais elle passe par notre affranchissement, afin que les Européens soient à nouveau maîtres chez eux, souverains de leur avenir, au sein d’une grande Europe unie et européenne, sociale et démocratique, allant des fjords de l’Islande jusqu’aux montagnes de l’Oural et par extension jusqu’aux volcans du Kamchatka.
Si la Russie a en face d’elle une union européenne politique amie, dirigée par des gens responsables, honnêtes et au service des seuls Européens, elle saura évoluer dans un sens qui nous plaira davantage, dans le même temps que nous évoluerons aussi dans son sens. L’avenir de l’Europe n’est pas dans l’extension de la décadence « occidentale » au continent tout entier, mais dans une involution de cette décadence, involution à laquelle la Russie pourra œuvrer utilement.
Nous devons donc faire preuve d’une amitié indéfectible tant vis-à-vis des Ukrainiens que des Russes, et vis-à-vis des habitants de Crimée, qu’ils choisissent l’Ukraine, la Russie ou l’indépendance. Notre problème n’est pas à l’est. Notre problème est à l’ouest de l’Océan Atlantique et au sud de la Mer Méditerranée, avant qu’il ne soit au-delà du fleuve Amour.
Thomas FERRIER
Secrétaire général du PSUNE
15:49 Publié dans Analyses, Institutions européennes, Mes coups de gueule, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (83) | Tags : crimée, russie, annexion, ukraine, europe, thomas ferrier |
16/02/2014
Elections européennes en France : étude du sondage Opinionway de février 2014
Selon le dernier baromètre Opinionway/LCI/Le Figaro, à un peu plus de trois mois avant l’élection, l’UMP sortirait vainqueur du scrutin avec 22% des voix, contrairement à un sondage précédent d’un autre institut qui mettait le FN en première position avec 23%. Le FN serait second avec 20% des voix environ, auxquels il faudrait rajouter les 3% de voix en faveur de la liste de Debout La République animé par le non-candidat Nicolas Dupont-Aignan, pour comptabiliser le vote « souverainiste ». Néanmoins, l’UMP perdrait 5 points environ par rapport à 2009 en faveur du Front National, qui en prendrait 6 au PS, à l’extrême-gauche et surtout aux petites listes.
Le Parti Socialiste connaîtrait une sévère déconvenue avec 16% des voix, un score malgré tout proche de celui qu’il avait obtenu en 2009 (16,5%) mais c’était à l’époque où Europe-Ecologie avait obtenu dans le même temps 16,3% des voix. Il n’en obtiendrait plus que 9%, ce qui veut dire que le camp de la gauche « modérée » perdrait sept points. Le Front de Gauche, avec 9% des voix, en reprendrait 3. En revanche, le Nouveau Parti Anticapitaliste aurait 4%, score important par rapport à leur poids politique en France, mais plus faible que les 6,1% obtenus en 2009. Cela place l’extrême-gauche à 13%, ce qui n’est pas négligeable.
Connus pour leur positionnement pro-« européen » mais en version mondialiste, le Modem et l’UDI, désormais associés, obtiendraient 12% des voix (+3,5%). Cette modeste progression par rapport au score antérieur du seul Modem montre le poids réel de l’UDI et du centre-droit (3/4%) par rapport à la droite UMP (22%).
Ce sondage pose également d’autres questions qui matérialisent le désaveu de l’actuelle Union Européenne par un nombre d’électeurs croissant. Ainsi, 45% des Français se disent déçus, et 11% manifestent une nette opposition alors que 12% s’en désintéressent purement et simplement. 32% seulement semblent plus ou moins satisfaits ou espèrent une évolution davantage positive de la construction européenne. La fierté d’être membre de l’Union se limite à 5% des citoyens, ce qui est très peu. 3% sont satisfaits. On peut penser que c’est le socle de gens satisfaits aussi du président Hollande.
Sur la question de l’€, la démagogie eurosceptique et l’incapacité des dirigeants pro-« européens » à expliquer convenablement les choses aboutissent à ce que 26% des citoyens (+6) souhaitent le « retour au franc » et 20% se moquent de la disparition de l’€ sans la souhaiter pour autant. Les opposants à une sortie de l’€ ne sont plus que 53% (-9). Sortir de l’€ est une lubie qui cache un rejet idéologique de toute monnaie européenne par les dirigeants des partis nationalistes et/ou souverainistes, et qui ne repose sur des prétendues analyses économiques partiales de gens par ailleurs opposés à l’idée européenne par principe. Mais l’absence de pilotage démocratique de l’€ n’est pas pour autant durable et crédible.
Pour 22% des Français, l’appartenance de la France à l’Union Européenne est une mauvaise chose. Ce score reste constant, mais les neutres augmentent, 35% (+6) pensant que cela n’a aucun impact, ni en bien, ni en mal. Ils ne sont plus que 42% à estimer qu’il s’agit d’une bonne chose. Mais ils sont 45% à craindre que l’identité française soit menacée par la construction européenne.
Par ailleurs, une fois de plus, l’élection européenne est détournée des enjeux continentaux par les enjeux nationaux, en clair par la volonté de nombreux électeurs de sanctionner la classe politique nationale, le gouvernement et le président, dans les urnes. Si les électeurs semblent vouloir centraliser les élections municipales sur le choix d’un maire, indépendamment de son étiquette, ils souhaitent visiblement se rabattre sur l’élection suivante pour manifester leur colère. Cela pourrait amener à un FN fort, même si, pour des raisons de participation, j’en doute, comme je l’ai expliqué dans un article précédent. Mais je doute que la participation aux élections européennes soit bonne, mais dans ce cadre. Ils sont 68% à vouloir voter en fonction des questions nationales, et seulement 31% (-9) sur des questions d’enjeu européen.
La faute en est, là encore, à l’absence de campagne européenne, au fait que ce sont les partis nationaux et non les coalitions européennes qui se présentent au suffrage, qu’il y a des arrangements « entre amis » pour décider du futur président de la commission, indépendamment du résultat. Mais même si les électeurs votent national aux européennes, le gouvernement aura beau jeu de relativiser ce vote en accusant l’euroscepticisme. Pourtant, si la gauche devait être sanctionnée en mai 2014, c’est bien à cause de la politique du gouvernement et non de la médiocrité incontestable des actuels dirigeants de l’Union Européenne. Par ailleurs, Barroso pourrait être dépassé en nocivité par le « socialiste » allemand Schulz, c’est dire, si les électeurs européens n’y prennent pas garde.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
12:37 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections européennes, mai 2014, euroscepticisme, fn, ps, ump, centre-droit, déception, euro |
02/02/2014
Y aura-t-il une vague eurosceptique en mai 2014 ? 2/2
Une vague eurosceptique ?
Deux types de mouvements nationalistes et/ou eurosceptiques semblent émerger, selon que l’on se trouve en Europe occidentale ou en Europe centrale.
En Europe centrale, deux mouvements se distinguent, à savoir l’Aube Dorée, mouvement néo-fasciste au discours surtout centré sur le problème de l’immigration non-européenne, et le Jobbik, parti national-radical de type « hungariste », favorable à la Turquie et à l’islam au nom d’une définition eurasienne fausse de la magyarité, dans un pays où l’immigration est très réduite. Ces partis, au cœur matriciel judéophobe, connaissent un certain succès, dépassant les 13% dans les sondages. L’Aube Dorée a certes été très fragilisée par l’arrestation et la mise en examen de ses principaux ténors, ce qui n’empêchera pas la progression électorale de ce mouvement, vue la situation de la Grèce.
Mais dans le reste de l’Europe centrale, les mouvements nationalistes, qui parfois se sont retrouvés au second tour d’élections présidentielles, sont en très net recul. Le « mouvement national » polonais, en pleine reconstruction, sera très loin des scores passés de la Ligue des Familles ou de Samoobrona. En Roumanie, le PRM (« Grande Roumanie ») est en pleine déliquescence, de même qu’Ataka en Bulgarie, le Parti National Slovaque (SNS) comme son homologue slovène ou le HSP croate. Quant à l’allié traditionnel du FN en Serbie, le Parti Radical Serbe (SRS), certes d’un pays qui n’est pas encore membre de l’Union Européenne, il sombre littéralement sondage après sondage.
En revanche, en Europe occidentale, les sondages indiquent une nette progression des mouvements eurosceptiques, toutes tendances confondues, et ce autour de deux coalitions en gestation. Autour du FN de Marine Le Pen et du PVV de Geert Wilders, désormais alliés, s’organise une coalition hétéroclite de mouvements, comme Plataforma y Espana (extension espagnole du mouvement catalan) ou la Ligue du Nord, deux mouvements qui n’auront probablement aucun élu en mai 2014, mais surtout des poids lourds de la mouvance « nationale », à savoir le FPÖ de Strache, premier parti du pays selon certains sondages (autour de 25%), le Vlaams Belang belge et les Sverigedemokraterna, crédités de plus de 10% de voix dans les sondages suédois.
Une deuxième coalition, souverainiste davantage que nationaliste, repose sur la tendance UKiP de Nigel Farage, en tête dans la dénonciation de l’Union Européenne, non sans un succès indéniable, puisqu’il parvient à peser sur les Tories de David Cameron, et pourrait obtenir 20% des voix au Royaume-Uni, faisant disparaître un British National Party qui avait pourtant obtenu près de 6% des voix en 2009. Sur cette ligne, modérée sur la question migratoire, se retrouvent le DFP danois, anciennement dirigé par Pja Kjarsgaard, qui lui aussi pourrait atteindre 20% des voix, mais aussi le Perussuomalaiset finlandais de Timo Soini (16/18%).
La première a peu de chances de créer son propre groupe parlementaire à Strasbourg car il faudrait 25 députés, ce qu’ils auront, mais issus de sept pays de l’UE, ce qu’ils n’auront pas. Malgré ses prétentions, Marine Le Pen ne devrait pas parvenir à créer le dit groupe. Dans ce cadre, Wilders pourrait être tenté de rejoindre la seconde coalition une fois les élections passées. Car le second groupe ne devrait avoir aucun mal à conserver celui dont il dispose déjà.
Mais tout ça part d’un principe un peu douteux, à savoir la confiance qu’on peut avoir envers les sondages. Il est assez ironique de constater que le nouveau FN s’appuie sur des sondages, alors même qu’il avait eu dans le passé comme habitude d’en dénoncer le caractère artificiel et partisan, tant que ceux-ci lui étaient défavorables. Cela amène Marine Le Pen à se vanter de représenter le futur premier parti du pays, si les sondages où le FN est à 23% sont confirmés dans les urnes. Elle oublie que la participation est déterminante dans le résultat des partis. Si son électorat, dont elle attise l’euroscepticisme en permanence, reste chez lui au lieu de manifester son soutien en mai 2014, non seulement elle ne fera pas ses 23% mais le FN pourrait n’obtenir qu’un médiocre 12 ou 13%. Il est en effet paradoxal de dénoncer l’Union Européenne mais de bénéficier de ses institutions, lorsqu’on n’arrive pas à se faire élire député national. Pourquoi un électorat anti-UE irait-il se déplacer dans des élections pour élire le parlement de cette même UE ?
Cette vague eurosceptique, indéniable, pourrait ainsi voir son impact considérablement limité par un électorat qui ne se mobiliserait pas pour une élection dont l’intérêt ne lui sauterait pas nécessairement aux yeux. Même si le gouvernement français est à juste titre extrêmement impopulaire, il n’est pas dit que cela se manifestera dans des élections atypiques où de toute façon PS et UMP font classiquement de mauvais scores. La méthode Coué marche parfois mais il faut faire attention aussi de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
En outre, même si cette poussée électorale avait lieu, dans la plupart des grands pays européens, avec par exemple l’arrivée de députés allemands de l’AfD, et un FN et un UKiP en tête, les groupes eurosceptiques, même s’ils surmontaient leurs divisions historiques, auraient un poids fort limité et seraient incapables de peser. En effet, en refusant de toute façon toute alliance avec les rares mouvements nationalistes d’Europe centrale en mesure de faire rentrer des députés, et même en les acceptant d’ailleurs, ce qui est impensable pour un Geert Wilders, ils seraient trop faibles. Les mouvements nationaux en Europe Centrale ont quasiment disparu, alors même qu’en Espagne, en Irlande ou au Portugal, ils continuent d’être inexistants. Pour qu’il y ait une vague eurosceptique, il faudrait qu’elle soit le fait de partis concertés, présents sur tout le continent, et dans une coalition explicite et revendiquée.
Ainsi peut-on penser que cette « vague eurosceptique » sera très modeste, loin d’un tsunami, même si le nombre de députés eurosceptiques n’aura jamais été aussi important. Cela ne changera rien à la situation du continent, qui continuera de mourir de sa division et non d’une fédéralisation imaginaire, mais cela amènera peut-être au niveau national à quelques modifications à la marge. En effet, un FN devenu premier parti du pays, obligerait peut-être le gouvernement à une légère réorientation mais gênerait davantage la droite parlementaire que la « gauche » mondialiste. Cela reste très hypothétique. Il sera au contraire facile de relativiser un résultat avec un taux de participation qui sera de toute façon faible, donc jugé non représentatif, et le vote de 15 à 25% d’électeurs ne servira une fois de plus à rien.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
15:06 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : élections européennes, mai 2014, euroscepticisme, front national, thomas ferrier |
Y aura-t-il une vague eurosceptique en mai 2014 ? 1/2
Pourquoi l’Union Européenne est impopulaire.
Tous les sondages en Europe annoncent une forte poussée des mouvements eurosceptiques ou europhobes aux élections européennes de 2014. L’Union Européenne est en train de payer son incapacité à parler d’une seule voix et à se placer au service véritable et exclusif des Européens, des indigènes/autochtones du continent européen. Car en vérité, nous n’avons pas bâti l’Europe politique, qui reste à construire. En l’absence de toute transparence démocratique, limitée dans ses pouvoirs d’action par des traités contraignants qui ont maintenu le véritable pouvoir au niveau de chaque état-« nation », état de plus en plus autoritaire au fur et à mesure qu’il devient de moins en moins « national » d’ailleurs, l’Union Européenne ne peut qu’être contestée. Et en outre, elle se refuse à accuser les véritables responsables de son impopularité, les gouvernements des Etats.
L’Union Européenne sert à faire le sale « boulot » pour les gouvernements, qui souhaitent la même politique libérale et atlantiste, mais n’ont pas le courage de l’assumer directement devant le peuple. Qui peut croire ainsi que le PS actuel est « socialiste » et « démocrate » ? Mais il ne l’est pas non parce que la « méchante Union Européenne » l’obligerait à renier son identité, mais parce que l’Union Européenne est à l’image des chefs de gouvernement et de partis. Quel est le pouvoir du président du PPE ou de l’ADSE sur les partis membres ? Strictement aucun. Gustavo Barroso, le président de la Commission, est redevable d’un pouvoir qu’il ne tient que des chefs d’état et de gouvernement, et pas du véritable pouvoir que confère le suffrage universel. Il est la courroie de transmission de Paris et de Berlin… mais aussi de Washington.
L’Union Européenne n’ayant pas de réel pouvoir et n’étant pas dirigée par de véritables européistes, elle est accusée de tous les maux sans avoir les moyens de se défendre efficacement contre une propagande europhobe aussi mensongère que la propagande « euro »-mondialiste à laquelle la dernière prétend s’opposer.
En attaquant l’Union Européenne, « nain politique » par la faute des Etats, on exonère ainsi facilement de toutes responsabilités le gouvernement en place. En accusant l’€ de la ruine économique du continent, alors que l’€ n’a pas empêché le relèvement irlandais, et n’est la cause ni de l’effondrement économique de l’Islande ni de la politique d’extrême rigueur budgétaire appliquée à Londres, on se sert de la monnaie unique comme d’un bouc émissaire afin de ne pas aborder les sujets qui fâchent.
Le nouveau Front National a ainsi troqué le thème de la lutte contre l’immigration, sous-entendue extra-européenne, pour la lutte contre l’Union Européenne. Ce faisant, il trahit ses électeurs qui votaient ou votent pour lui pour la seule raison qu’ils croient que ce parti va résoudre cette question. Le néo-chevènementisme symbolisé par le ralliement opportun de Florian Philippot, mais qui n’est pas nouveau, ne fait que matérialiser l’acceptation d’une définition universaliste et néo-colonialiste de la France. Le mouvement UKiP, qui n’a pas un mot contre l’immigration issue du Commonwealth, s’en prend quant à lui aux travailleurs européens, Polonais, Roumains et Bulgares, comme si c’était eux qui étaient le problème. Cette démagogie europhobe, qui trahit en réalité un ralliement total à l’idéologie mondialiste, celle d’une définition « multiculturelle » de l’identité « nationale » des Etats européens, est évidemment insupportable mais contre elle l’Union Européenne ne fait rien. Elle préfère à l’instar d’une Viviane Reding exciter les colères justifiées des Européens contre une immigration non désirée en exigeant davantage encore d’ouverture des frontières, quand le peuple souhaite le contraire.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, l’Union Européenne est, souvent à juste titre mais parfois fort injustement aussi, impopulaire. C’est donc logique qu’elle suscite en réaction une montée de mouvements hostiles à l’UE, même si pour des raisons malhonnêtes intellectuellement et en trahissant les intérêts de leurs propres électeurs. Le ralliement du FN à l’idéologie souverainiste sera sans doute sa perte mais pour le moment, dans le contexte actuel, ce n’est pas le cas.
15:04 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : union européenne, euroscepticisme, mondialisme, front national |