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02/02/2014

L’Ukraine prise en tenailles entre l’Occident et la Russie

ukraine,russie,union européenne,alliance euro-russe,thomas ferrier,psuneLa situation de l’Ukraine s’est profondément dégradée pendant le mois de janvier, alors que la résistance aux décrets liberticides votés par les parlementaires en catimini n’avait jamais été aussi forte. Des morts regrettables, des violences militantes autant que policières, ont entaché de sang un mouvement politique complexe, aux formes multiples, regroupant des libéraux occidentalistes aussi bien que des nationalistes radicaux.

La réaction du président Yanoukovitch est celle d’un pouvoir aux abois, sans la légitimité populaire d’un Poutine lui permettant de conserver son calme, et qui a été contraint de reculer. Il a contraint son premier ministre à démissionner, proposant l’ouverture à ses adversaires, à l’exception d’Oleh Tiahnybok, le dirigeant de Svoboda. Les députés ont aboli les lois qui restreignaient le droit de manifester. C’est un recul total ou presque, Yanoukovitch se refusant toutefois pour le moment à modifier le calendrier électoral et ainsi à prendre le risque d’être politiquement balayé, même s’il reste fort dans les zones russophones.

Yanoukovitch risque bien de subir le même désaveu que l’orangiste Sakashvili en Géorgie et pour les mêmes raisons, à savoir la volonté de mettre en place un régime restreignant les libertés. Or le souvenir de l’Union Soviétique n’est pas si loin. Poutine sait d’ailleurs ménager sa popularité en Russie en libérant ses adversaires, comme l’ex-milliardaire Khodorkovski ou les Pussy Riot, et en respectant en tout cas dans les formes les principes de la démocratie moderne. Mais il est vrai qu’il a le peuple derrière lui. Ce n’est pas le cas des tyranneaux des anciennes républiques soviétiques, qu’ils soient pro-USA ou pro-Russie.

L’Ukraine se trouve, on l’a dit, dans un positionnement géo-stratégique difficile, coupé en deux par un tropisme européen à l’ouest et par un tropisme russe à l’est, ravivant cette opposition, fondamentalement factice néanmoins, entre « occidentalistes » (zapadniki) et « slavophiles ». Entre volonté de rejoindre l’Union Européenne et crainte de perdre les avantages acquis de la relation ukraino-russe, le gouvernement en place n’a pas pu faire un choix clair entre deux options qui lui sont apparues comme incompatibles. La Russie a une part de responsabilité dans le sens où elle fait monter la pression vis-à-vis de l’Union Européenne, mais cette dernière a une responsabilité bien plus importante en se faisant le relai des intérêts américains dans la région. Poutine a très bien compris la politique de l’endiguement (« anaconda ») que les USA veulent mener contre la nouvelle Russie, comme ils l’ont fait dans le passé contre l’Union Soviétique.

Formé par le KGB, Vladimir Poutine sait très bien démasquer derrière des stratégies opaques les véritables chefs d’orchestre, ce qui ne veut pas dire qu’il faut tomber dans un autre piège qui est celui du « complotisme » et voir des plans ourdis par de mystérieux commanditaires derrière ce qui se passe aujourd’hui.

Tourner le dos à l’Union Européenne serait pour l’Ukraine une grosse erreur, mais cela en serait également de tourner le dos à la Russie. Ce serait comme tenter de s’unir en commençant par se couper en deux. Ces deux composantes, « europhiles » et « russophiles », ne devraient pas être opposées mais servir pour une synthèse originale, faisant alors de sa géographie une force et non plus une faiblesse.

Un gouvernement ukrainien digne de ce nom devrait se présenter comme un pont entre l’Union Européenne et la Russie, un espace intermédiaire d’échanges, un lieu où surtout Russes et (autres) Européens pourraient se parler et enfin s’entendre. Ceux qui sèment la division, là où les vrais européistes parlent d’unité, ce sont les USA et ceux qui leur servent de courroies de transmission. L’alliance Bruxelles/Moscou (ou Strasbourg/Moscou d’ailleurs) contre Washington, voilà qui aurait une autre « gueule », et dans un tel cadre, la situation de l’Ukraine serait nécessairement pacifiée et le pays en bien meilleure posture.

Yanoukovitch devrait s’en aller, comme Ioutchenko avant lui, et pour la même raison, qui est l’aliénation du pouvoir ukrainien à des intérêts étrangers, qui plus est des intérêts qui instrumentalisent le pays pour mener des manœuvres géopolitiques « conflictuelles ».

Car cette opposition que j’évoquais entre « occidentalistes » et « slavophiles » en Russie, comme en Ukraine, avec la mise en avant du courant « eurasien » qui relève de la seconde idéologie, est une idiotie conceptuelle totale. Les Slaves, et les Russes au premier plan, sont des Européens, tout comme les Français ou les Allemands. En affirmant leur slavité et leur orthodoxie, ils ne tournent pas le dos à l’Europe, mais ils s’y rattachent en vérité. Ivan Groznyi et Pierre le Grand ont toujours été du même camp, celui d’une Russie européenne dans une Europe européenne, une Russie qui certes s’étend à l’est de l’Oural mais toujours au nom d’une Europe expansive. Car si on gratte le russe, on trouve un varègue ou un bogatyr slave mais jamais un tatar.

L’Ukraine devra avoir l’audace de s’inventer un régime nouveau, avec une personnalité courageuse mais restant modeste, capable de maîtriser les dissensions et de susciter un « rêve ukrainien », celui d’une réconciliation entre l’ouest et l’est, mais aussi entre l’Union Européenne et la Russie. Cela implique de bien distinguer la volonté de rejoindre l’UE et tout lien avec l’OTAN. En clair, le gouvernement ukrainien devra veiller à rassurer le frère russe tout en orientant le frère européen (de l’ouest et du centre) dans le sens des intérêts strictement européens, qui sont ceux d’une grande alliance, en attendant une fusion, entre l’Union Européenne et la Russie. Et de la même façon, le tropisme atlantiste de Cameron, comme auparavant celui de Thatcher, de Majors, de Blair et de Brown, qui se cache derrière cette volonté de rupture avec l’UE, n’est pas au service du peuple britannique, ce dernier ayant vocation à restaurer son européanité au sein d’une Europe unie, en rompant avec le Commonwealth. C’est là où des mouvements comme UKiP servent manifestement la stratégie américaine en Europe, au nom d’une souveraineté britannique pervertie.

 

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

01/12/2013

L’Ukraine entre Union Européenne et Russie

Ukraina.jpgL’Ukraine connaît une situation géopolitique originale puisqu’elle unit deux peuples slaves en un seul. Bien qu’elle ait recherché l’indépendance à deux reprises au XXème siècle, mais sans succès, tentant de s’allier d’abord avec les « blancs » pendant la guerre civile puis avec les allemands pendant le seconde guerre mondiale, elle n’y a accédé que dans les derniers soubresauts de la fin de l’Union Soviétique.

Berceau du peuple russe, Kiev fut le lieu de jonction entre les Ruthènes et les Suédois, entre le monde slave et le monde germano-scandinave, et c’est là que le tsar Vladimir choisit de rénover le panthéon traditionnel puis de se convertir au christianisme. Kiev et Novgorod, les deux grandes capitales de l’ancienne Rus’, sont à nouveau séparés par l’histoire, mais la Russie contemporaine souhaite mettre fin d’une manière ou d’une autre à ce divorce.

L’Ukraine occidentale cultive ses différences, car elle a été historiquement liée à l’Europe centrale, à l’Autriche-Hongrie comme à la Pologne libre de 1918. L’orthodoxie y affronte le courant chrétien uniate. C’est là qu’est d’ailleurs le fief principal du parti nationaliste Svoboda. L’Ukraine orientale, comme la Crimée d’ailleurs, a en revanche subi une russification très forte. On y parle donc le russe et on rêve de rejoindre la Mère Russie. Le Parti des Régions du président Yanoukovitch y domine, en partage avec les néo-communistes. Kiev est entre les deux feux.

Parfois, c’est le courant « occidentaliste » et atlantiste qui domine, avec la coalition Ioutchenko/Timochenko. Mais depuis quelques années, le courant « orientaliste » a repris le dessus. L’Ukraine rêve de deux unions contradictoires, l’Union Européenne et son marché intérieur d’une part, l’Union Eurasienne en gestation de Poutine d’autre part. Elle voudrait avoir les avantages de l’une et de l’autre, mais la politique de Bruxelles et celle de Moscou sont loin de converger. Parce qu’elle n’a pas su prendre la main de Poutine lorsque celui-ci évoquait la « grande Europe » (2005) ni œuvrer pour la « maison commune » espérée par Gorbatchev, l’Union Européenne a raté une occasion historique de réconcilier l’ensemble du continent. Au contraire, elle joue la carte américaine en cherchant à isoler la Russie, à la « repousser en Asie », comme le souhaitaient à leur manière les doctrinaires nazis.

Ce n’est pas l’autoritarisme, médiatiquement exagéré, de Poutine, que l’Union Européenne devrait dénoncer mais sa propre mise sous tutelle américaine. Ce ne sont d’ailleurs pas les services russes qui ont écouté les téléphones de François Hollande ou d’Angela Merkel, mais ceux de Washington. Sarkozy et Berlusconi avaient su au contraire se concilier Poutine.

La Russie de Poutine est devenue méfiante envers l’Union Européenne, pourtant son peuple se sait européen et craint l’Asie autant que les USA, mais ses dirigeants préfèrent jouer la carte de l’Inde et même de la Chine, pour leur malheur. Car si l’Union Européenne a tort de rejeter la Russie, la Russie a également tort de ne pas vouloir dépasser les mauvaises querelles. Et l’Ukraine se retrouve une fois de plus entre les deux feux, faute d’avoir des dirigeants visionnaires.

Yanoukovitch, face à la contestation urbaine de l’opposition, a reculé en expliquant que le peuple ukrainien était un peuple européen et qu’il aspirait lui aussi à l’adhésion à l’Union Européenne, mais dans le respect et l’égalité. Il n’a pas voulu céder aux injonctions de l’UE concernant le cas Timochenko, ce qui a permis à Poutine de reprendre la main dans ce bras de fer bien inutile. La Russie veut elle aussi être respectée et en particulier à ses frontières. Elle ne veut pas que demain l’Ukraine rejoigne l’OTAN, comme les républiques baltes l’ont fait. C’est d’ailleurs pourquoi elle ménage l’autocrate de Minsk. Et elle a raison de le faire.

L’Union Européenne avait les moyens de proposer un accord honnête à l’Ukraine, que même la Russie de Poutine aurait été prête à admettre, pour peu que des garanties lui soient offertes. Mais elle n’est pas crédible, ni dans son mode de fonctionnement, ni dans ses objectifs. Il faut bien comprendre que le « partenariat oriental », n’y intégrant pas la Russie, est une insulte permanente pour les autorités du Kremlin. Les Russes veulent être ménagés et écoutés et, pour le moment, ils n’ont pas confiance.

Pour que l’Ukraine et le Belarus, mais aussi la Moldavie et la Géorgie, n’aient pas à souffrir de cette situation géopolitique intolérable, l’Union Européenne et la Russie doivent se réunir autour d’une table. Mais quel pourrait être l’interlocuteur crédible de Poutine du côté de l’UE ? Il n’y en a malheureusement aucun, et ce par la faute des gouvernements « nationaux », eux-mêmes inféodés aux intérêts américains. Voilà une raison de plus pour laquelle les vrais européistes doivent exiger une réorientation en profondeur de la construction européenne dans un sens eurocentré. Il est plus que temps, depuis la fin de la guerre froide, de mettre fin à l’OTAN, qui a perdu toute raison d’être si ce n’est nous maintenir sous une insupportable tutelle, et de construire l’armée européenne. Il convient aussi d’affirmer haut et fort la vocation européenne de la Russie, qu’importe la nature de son gouvernement.

Pour que l’Union Européenne et la Russie puissent travailler en bonne entente, il faut donc changer les têtes de l’UE, les institutions aussi, et l’émanciper tant de la gouvernance « mondiale » que du contrôle des Etats membres. Il faut que l’UE rompe avec le libertarisme maladif qui la gangrène, avec la folle ouverture de ses frontières aux flux migratoires issus des anciens empires coloniaux. Les manifestants ukrainiens qui brandissent le drapeau de l’Union Européenne, ce que je ne cesse de préconiser aux européistes identitaires, ont raison d’affirmer leur européanité mais ne doivent pas être dupes sur la nature actuelle de cette Union. Je ne pense pas que le « mariage pour tous », l’ « ouverture des frontières », la « théorie du gender » et le laxisme judiciaire, toutes idées fausses qui dominent l’Europe occidentale, soient enviables. Et d’ailleurs les électeurs croates viennent de donner un formidable coup d’arrêt symbolique à cette décadence morale favorisée par les ennemis de l’Europe.

Lorsqu’on constate le comportement absolument lamentable des « Femen », hébergées à nos frais par un gouvernement « socialiste » qui encourage leurs actions provocatrices, comme celles de salir la mémoire de Dominique Venner, d’agresser des familles avec poussettes, et désormais d’uriner sur les photographies du président ukrainien en exercice, ce n’est pas cette Ukraine là qu’on a envie d’aimer.

Pour toutes ces raisons, Yanoukovitch tergiverse et s’il veut se ménager Moscou, ne cherche pas non plus à rompre avec Bruxelles. Mais le soutien « occidental » aux manifestants de ces derniers jours n’aidera pas au rapprochement et n’est pas un facteur de paix pour la région. Tant que la Russie verra l’élargissement à l’Est comme une menace, elle fera tout son possible pour l’en empêcher, au prix de tourner le dos à l’Europe matricielle, dont elle n’est qu’une extension. Au contraire, en rappelant que la Russie est européenne, et ne cessera jamais de l’être, en ménageant ses susceptibilités, et surtout en réaffirmant de notre côté l’européanité de l’Europe, c'est-à-dire en rompant ouvertement et de manière unilatérale avec l’atlantisme et avec le mondialisme, nous pourrons œuvrer vers cette fusion UE/Russie à quoi tous les patriotes russes et tous les européistes authentiques aspirent. La Russie n’acceptera jamais toutefois de rejoindre une UE décadente. Il faut donc « muscler notre jeu » afin de crédibiliser à nouveau ce rêve d’une grande Europe, de l’Islande à l’Oural, et par extension jusqu’à Vladivostok.

La Russie doit rompre avec l’Asie alors que dans le même temps le reste de l’Europe rompra avec l’Amérique. Et demain, dans l’Europe unie, Russes et Ukrainiens se retrouveront en frères, aux côtés des Allemands et des Français, des Italiens et des Espagnols… et même des Britanniques. Levons bien haut le drapeau de l’unité et de la réconciliation, le drapeau d’une Europe régénérée, d’une Europe à nouveau conquérante, une Europe avec les Russes, et non contre eux. La situation de l’Ukraine nous rappelle en tout cas qu’à Bruxelles et à Strasbourg nous n’avons pas les hommes (et les femmes) qu’il faut.

Thomas FERRIER (PSUNE)

30/11/2013

Guillaume FAYE: Europe vs USA ?

mmw_eurodispatch1117.jpgThomas FERRIER: Les États-Unis seront à majorité non-européenne vers 2025. Demeureront-ils un simple adversaire ou rejoindront-ils la cohorte des ennemis de l’Europe ?

Guillaume FAYE: La politique étrangère des USA va progressivement se modifier à mesure que cette puissance se ”déseuropéanise” ethniquement. Le choc a été l’élection d’Obama, le premier non-Blanc à la tête des USA. Peu ont perçu ce séisme. Je suis bien placé pour en parler puisque je participe aux travaux du think thank American Renaissance, qui redoute un bouleversement imprévisible de l’attitude mondiale américaine. Un scénario est possible, celui de l’éclatement de l’Amérique. Je connais bien ce pays, il n’est pas si stable que cela. À mon avis, d’ici le milieu du XXIe siècle, les États du sud connaitront une grave crise et pourront rallier le Mexique. Démographie oblige. Les USA, en dépit de leur patriotisme affiché, sont une construction instable. Je dis cela d’autant plus volontiers que je déteste l’anti-américanisme amateuriste de gens qui non seulement n’ont jamais mis les pieds aux USA mais qui sont incapables d’étudier en anglais les revues des universités américaines. La disparition des Etats-Unis est une hypothèse valide au cours du XXIe siècle, avec un éclatement entre plusieurs regroupements d’États. La guerre de sécession n’a jamais été terminée. La rupture sera ethnique, très probablement. Les USA sont une nation éphémère (rien à voir avec la Chine ou la Russie) et surtout une nation de migrants dans laquelle l’appartenance ethnique compte énormément et détermine l’habitat.

Lorsque j’ai introduit la différence entre ”adversaire” (compétiteur) et ”ennemi” à propos des USA vis-à-vis de l’Europe dans mon essai Le Coup d’État mondial (l’AEncre), je faisais allusion au fait que la population américaine est encore majoritairement d’origine européenne et animée par des comportements culturels européens. Mais à partir du moment où les USA ne se penseront plus comme « européens » (c’est d’ailleurs un des termes par lequel ont désigne les Blancs outre-Atlantique), ils pourront effectivement se muer en ennemis. Surtout dans l’hypothèse où l’Europe déciderait, de manière révolutionnaire, de se « réeuropéaniser » (vous voyez ce que je veux dire) et de lier son destin à celui d’une Russie identitaire. Une Amérique devenue ”non-européenne” verrait cela d’un mauvais œil.

Mais j’ajoute un point important que j’ai développé récemment au cours d’un colloque d’American Renaissance dans le Tennessee : la puissance américaine a largement reposé sur la synergie du melting pot européen aux XIXe et XXe siècle. Dès lors que l’Amérique deviendra un melting pot mondial excessivement hétérogène, sa puissance déclinera mécaniquement. Le phénomène a d’ailleurs déjà commencé. En 2050, si les USA existent toujours à cette date, je parie 10.000 $ qu’ils ne seront plus la première puissance mondiale ni même une puissance mondiale. J’aurais 99 ans, ça me paiera ma pierre tombale.

TF: Peut-on imaginer un « Mayflower inversé », avec des Euro-américains retournant s’installer en Europe et de ce fait contribuant au relèvement démographique de notre continent ?

GF: Scénario intéressant, que j’ai longtemps soutenu. Revenez vers le soleil levant ! Mais n’oublions pas que l’Europe de l’Ouest, bien plus encore que les USA ,est en proie à une immigration de peuplement massive et incontrôlée, qui modifie le visage démographique et anthropologique de la partie occidentale du Continent. Les Euro-américains ne reviendront pas en Europe, ils constitueront des bastions sur leur immense territoire. Le processus a d’ailleurs déjà commencé. Bien sûr, si l’Europe se redresse et retrouve, de manière révolutionnaire, son identité, des Euro-américains reviendront. Mais l’hypothèse la plus probable est celle de la sécession de blocs d’États et l’éclatement des USA. Certains constitutionnalistes américains soutiennent que la sécession d’États est légale, hors avis de la Cour suprême. L’apparition de plusieurs républiques américaines (comme dans le roman de Philip K. Dick Le maître du Haut-Château) est une possibilité. Dans ce cas une ”république euro-américaine” serait une tête de pont de la Grande Europe outre-Atlantique...

07/10/2013

Il faut une alternative au Front national !

alternatif.jpgCe dimanche 22 septembre, Jean-Pierre Elkabbach, Mickaël Darmon et Arnaud Le Parmentier du journal Le Monde, accueillaient Marine Le Pen sur la chaîne i>TELE entre 10 et 11 heures, dans le cadre de l’émission « Le grand rendez-vous » en partenariat avec la station Europe 1 et Le Monde.

Dans la première moitié de l’émission, consacrée aux affaires mondiales et la sécurité, Marine Le Pen, sans pour autant montrer une quelconque finesse d’analyse, a tenu tête à des journalistes enfermés dans des stéréotypes éculés, juste capables de lui envoyer des remarques caricaturales, pour renforcer finalement son emprise sur le débat.

Dans la seconde moitié, les mêmes journalistes, rouges de colère, n’ont cessé de l’interrompre, posant question sur question dans un total désordre, sans parvenir à la déstabiliser vraiment, lui rendant service au contraire. Dans cette partie, consacrée notamment à l’Europe, on aurait pu penser le terrain défavorable à l’invitée. Or ses opposants n’ont rien réussi contre elle.

Cette émission, après bien d’autres, a fait apparaître une évidence. Désormais, en France, face au Front national de Marine Le Pen, il n’y a plus de pensée politique. Cela fait un moment qu’on s’en doutait, vu que les partis dits de gouvernement étaient incapables de se définir autrement que par rapport au Front. Le PS ne sait rien proposer d’autre que de lutter contre lui --- alors qu’il en assure la promotion par ses paroles et ses actes. L’UMP, au dire de certains de ses dirigeants, aurait comme ligne fondatrice la barrière qu’il défend et qui le sépare dudit parti.

Déjà on a souvent dit que le Front national aurait le monopole du réel. Il serait le seul à oser parler ouvertement de la situation explosive dans les banlieues, de l’exécution très relative de peines pourtant réduites au minimum, de l’absence de respect de la laïcité et de quelques autres anomalies qui montrent le décalage entre la réalité et le discours officiel.

Il faut désormais ajouter que, dans une classe politique médiocre, le Front national de Marine Le Pen se verrait, paradoxalement, concéder une sorte de monopole de la cohérence. C’est, de fait, l’incohérence de ses adversaires que l’auditeur pouvait constater lors de l’émission dons nous parlons.

L’incohérence en politique extérieure.

A propos de l’attentat à Nairobi, Marine Le Pen n’a eu aucune peine à expliquer que nous déplorons ici l’action de ceux que nous avons soutenu ailleurs. Alors que nous combattons les terroristes islamistes au Mali, nous les avons aidés en Libye et nous ne cessons de les aider en Syrie, avec les conséquences que l’on peut craindre en retour sur notre territoire. Elle a expliqué notre aide aux « rebelles » syriens par l’allégeance au Qatar, dont la France serait devenue la « catin » par le choix de ses dirigeants. Elle aurait pu ajouter que notre position au Mali, certes plus cohérente avec nos intérêts, n’était guère plus glorieuse, puisque dictée par une vision colonialiste, qu’on désigne sous le néologisme de Françafrique ; elle ne l’a pas fait parce qu’elle partage, hélas, cette vision. Heureusement pour elle, ses contradicteurs n’ont rien relevé, puisqu’ils la partagent aussi, comme la classe politique dirigeante.

L’incohérence en matière sécuritaire.

Sur le terrain de la sécurité, abordé à propos de la montée de la criminalité de sang à Marseille, Marine Le Pen n’a eu aucune peine non plus à dénoncer le double langage des dirigeants, fermes dans leurs allocutions, certains élus allant jusqu’à appeler l’armée, mais timorés sur le terrain, interdisant à la police d’exercer son métier. En effet si l’on a peur que des délinquants poursuivis se réfugient dans un transformateur ou s’aventurent sur la voie ferrée, que leur scooter conduit à sa limite vienne buter un véhicule, si l’on a peur qu’une intrusion policière dans certains quartiers suscite des révoltes, si l’on ne veut en aucun cas construire des prisons, alors il faut interdire à la police d’agir et à la justice de sévir. Cependant Marine n’a pas été très claire sur ce que devraient assumer des dirigeants qui renonceraient au laxisme. Bien sûr, ses contradicteurs ne pouvaient la mettre en défaut là-dessus puisqu’ils nient en bloc tous les problèmes.

L’incohérence en matière européenne.

On s’attendait surtout à voir Marine Le Pen en difficulté sur les chapitres de l’économie et de l’Europe. Or il n’en a rien été non plus. Il est vrai qu’elle a su modérer un peu son discours, se contentant de présenter quatre exigences qu’elle voudrait négocier, notamment, avec Angela Merkel :

- la possibilité, pour la France, de recourir à un protectionnisme intelligent,
- le retour aux frontières nationales pour contrôler les entrées des personnes,
- la priorité des lois nationales,
- le patriotisme économique, avec notamment la restriction des marchés publics.
 
Là où Le Pen est moins claire, c’est quand elle dit qu’elle espère obtenir ces dérogations avant de proposer un référendum sur la sortie de l’Euro. Ou bien ces points sont compatibles avec l’Euro et il n’est plus besoin d’en sortir. Ou ils ne le sont pas et il ne sert à rien de négocier ; on sort alors de l’Euro d’abord.
 
Pour autant, ses critiques envers le discours dominant sont justifiées. Son programme est cohérent, si l’on n’y regarde pas de trop près, ce qui ne veut pas dire qu’il soit pertinent. Ses adversaires, contradicteurs d’un jour ou classe politique nationale, ne sont pas cohérents du tout. C’est bien normal puisque tous sont europhobes, autant qu’elle et juste différemment. Ils sont mondialistes et ne voient l’Europe que comme une étape sans intérêt propre. La façon dont les médias dénigrent le modèle allemand, qui ne serait bon que pour des teutons, la façon dont François Hollande fait la guerre à Angela Merkel, comparée à Bismarck de ce côté du Rhin, tout cela en dit long sur l’absence de sentiment européen chez nos élites.

Evidemment personne n’a demandé à Marine Le Pen si elle serait favorable à une union un peu protectionniste, à un contrôle sans faiblesse des frontières européennes par une police européenne, à un parlement européen votant les lois et représentant démocratiquement les citoyens de l’union, à un patriotisme économique européen. Dans ces conditions, que peut-on lui reprocher ?

Et alors ?

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, on pourrait s’attendre à une déferlante "Front national" lors des prochaines élections. Elle n’aura pas lieu parce que la propagande relayée par les médias est toujours très puissante. Etant donnée la médiocrité des autres, l’électeur ne pourrait logiquement que voter pour ce parti, mais on saura l’en dissuader.

En tout cas, si le Front national venait à gagner une élection majeure, ce ne serait pas un scandale en soi. Ce serait un fait de démocratie banal, un acte républicain comme beaucoup d’autres. Etant donné ce que sont ses adversaires, le dit parti l’aurait simplement mérité.
 
Alors, où est le problème ? Il est dans le fait que les solutions proposées par Marine Le Pen s’appuient sur une analyse erronée ; elles sont fondamentalement inadaptées. Mettre le Front national aux commandes ne pourrait que conduire à une impasse et ce parti ne se maintiendrait alors pas longtemps. Nous allons voir tout cela de plus près.

Une erreur d’analyse sur la politique française.

Marine Le Pen ne parle que de l’UMPS, renvoyant dos-à-dos les deux grands partis de gouvernement. Elle n’a pas tort sur tout. Dans bien des cas, l’UMP est tétanisée par le discours de la « gauche » et les mêmes consignes proviennent des mêmes loges. Mais elle n’a pas raison non plus.

Son attitude a deux explications toutes simples. D’un côté, c’est au PS de François Mitterrand que le FN doit son démarrage électoral. De l’autre, l’UMP, comme avec Nicolas Sarkozy, chasse souvent sur ses propres terres et lui dispute les électeurs. Pour toutes ces raisons, en 2012, le FN a favorisé l’élection de François Hollande.
 
Cependant l’UMPS n’avait de traduction concrète qu’avec le Front républicain. Ce dernier a été une création du PS pour piéger la droite. La stratégie exigeait en même temps la diabolisation du FN, stratégie que l’UMP a bêtement relayée. Dès lors que le FN ne voudrait plus être diabolisé, il ne devrait plus parler d’un UMPS qui le marginalise. Il devrait être un parti parmi d’autres. Avec l’assouplissement du discours de l’UMP vis-à-vis du FN, l’occasion devrait être saisie par ses dirigeants.
 
Plus fondamentalement, on ne peut pas identifier les lignes politiques de l’UMP et celle du PS. Il est vrai que les deux se soumettent à Bruxelles, mais pas de la même façon. L’UMPS joue la carte européenne en l’assumant, donc de façon parfois efficace. Le PS déteste l’Europe et ne fait que la subir, avec les défauts cumulés des deux niveaux, national et européen. Bien sûr, compte tenu de son europhobie, Marine Le Pen ne peut pas donner ici un bon point à l’UMP ; à la limite elle devrait en donner un mauvais, pour faire la différence, comme pourrait d’ailleurs le faire un Jean-Luc Mélenchon.
 
En matière sécuritaire et identitaire, l’UMPS a échoué là où le PS échoue. Mais il y a des degrés. La future loi Taubira dépasserait très largement la loi Dati. Nicolas Sarkozy avait commencé un programme de constructions de prisons, tenté des centres éducatifs fermés, instauré les peines plancher pour les récidivistes. Tout cela a disparu ou va disparaître.
 
L’électeur de base ne s’y trompe pas. Il a su voter Sarkozy en 2007. En 2012 Marion Maréchal-Le Pen a été élue avec le concours de jeunes militants de l’UMP.
 
La position de Marine Le Pen n’est pas sans conséquences graves. L’électorat UMP est prêt à des alliances pour les municipales. Pourquoi reste-t-elle si timide, prenant le risque du maintien d’élus PS détestés ? Le peuple pourrait s’en souvenir.

Une erreur majeure d’analyse sur l’Europe.

Dans l’émission dont nous parlons, Marine Le Pen a été relativement discrète sur l’Europe. Elle n’a pas été agressive envers Angela Merkel. Il reste que son europhobie est structurante dans sa pensée : c’est l’Europe qui nous interdit ceci, l’Europe qui nous interdit cela.

Or, n’en déplaise à notre invitée, la faute de l’Europe est qu’il n’y a pas d’Europe. Ou bien elle est aux abonnés absents ou elle se contente de renvoyer le discours de dirigeants nationaux qui n’osent pas s’exprimer à titre personnel et assumer leurs choix.

Prenons un exemple qui a servi à Marine Le Pen, celui de l’intervention en Libye. A ceux qui l’accusaient de cautionner les massacres programmés par Kaddhafi sur la population de Benghazi, elle a opposé une remarque très pertinente : accusez vous l’Allemagne, qui n’a rien fait, de complicité dans ces massacres, accusez-vous l’Italie, accusez-vous l’Espagne ? Y a-t-il meilleure démonstration du fait que la position française ne doit rien à l’Europe ? Que si Europe il y avait eu, la France n’aurait peut-être pas pu aider les islamistes ? C’est la même chose avec la Syrie. D’ailleurs, dans les deux cas, les Etats-Unis sont plus modérés que la France. Dans le second, David Cameron a eu le mérite de s’en remettre à la représentation populaire. Nos voisins, comme l’Union, ne sont pas responsables de nos errements.
 
L’Europe interdit-elle à la France de construire des prisons ? L’oblige-t-elle à instaurer le mariage homosexuel ? Sur presque tous les sujets, l’Europe n’y est pour rien et, même dans l’optique de Marine Le Pen, ce peut être dommageable.
 
Il reste la question de l’économie. La monnaie commune nous interdit de laisser opérer la dépréciation monétaire comme correcteur de compétitivité, puisque ce n’est pas la nôtre. Monsieur de la Palice aurait pu le dire. Dans les faits, c’est pourtant faux. Nous avons la possibilité de disposer en France d’un euro dont le pouvoir d’achat soit inférieur à celui qu’il a en Allemagne, comme ce serait le cas pour un Franc dévalué. Il suffit de jouer sur la TVA. Avec un taux à 25% sur les produits délocalisables, contre 19% en Allemagne, l’euro français aurait, sur ces produits, une valeur d’achat inférieur d’environ 6% à celui de nos voisins allemands. Cela revient à diminuer de 6% aussi le prix des produits que nous cherchons à exporter. N’est-ce pas ce qui était attendu ? Mieux, cela n’augmenterait pas le coût des importations de matière première, alors qu’une vraie dépréciation le ferait.

Des propositions inadaptées.

6486.pngNous n’allons pas expliquer en détail pourquoi la solution aux difficultés justement relevées par Marine Le Pen ne peut pas se trouver à l’échelle de la France alors qu’en revanche elle est tout à fait imaginable à l’échelle de l’Europe, pour peu qu’on le veuille bien, évidemment. Notre cadre national est trop petit ; nous ne faisons pas le poids, même avec la meilleure volonté du monde ; nous ne pouvons pas agir sur les règles du jeu, celles qui nous écrasent.

En réalité, seul le programme du PSUNE apporte les réponses adaptées aux problèmes mortifères qui menacent le continent tout entier.
 
Peter EISNER (LBTF)

29/09/2013

Brèves européennes… (20)

1211-presseurop-vadot.gifITALIE

Berlusconi condamné, la prochaine étape était sa destitution du statut de sénateur italien. Il avait à de nombreuses reprises menacé le gouvernement d’être prêt à le faire tomber s’il était abandonné à ce sort judiciaire qui lui est promis. Les dernières déclarations du président du conseil Letta l’ont fait choisir la confrontation pure et simple. La presse italienne unanime condamne le « geste fou » d’un homme acculé.

Ayant demandé aux ministres du PDL de démissionner du gouvernement, ceux-ci se sont promptement exécuté. Ils déstabilisent ainsi un « jeune » gouvernement bâti sur des assises fort peu solides. Dans un tel contexte, et alors que des élections législatives anticipées pourraient se solder par un match nul, le président Napolitano va sans doute chercher à mettre en place une coalition gérable, qui dépendra essentiellement du bon vouloir des députés de la liste Grillo.

Même si Berlusconi a été depuis des années l’objet de procédures judiciaires et ce dans de nombreuses affaires financières et même de mœurs (« Ruby »), dénonçant des juges « rouges », et il est vrai qu’il y a lieu en France comme en Italie de s’interroger sur la neutralité d’une magistrature syndiquée désignant ses adversaires idéologiques sur un « mur des cons », son entêtement à vouloir échapper à la justice de son pays est impressionnant. Il est prêt à engager l’avenir de son pays pour protéger son avenir personnel. Mais qui l’a fait roi ? C’est bien le peuple italien, qui l’a choisi à plusieurs reprises depuis 1994 pour présider à ses destinées.

Toutefois, lorsqu’on analyse les premiers mois du gouvernement Letta, on constate qu’il emmène l’Italie dans le mur, aussi surement que les marchés financiers. Les côtes de Lampedusa n’ont jamais été autant assaillies par des migrants en déshérence, le mauvais signal « Kyenge » ayant engendré naturellement un appel d’air conséquent. C’est sans regret qu’il faudrait souhaiter la chute de Letta, et d’une certaine manière, paradoxalement, il est possible que Berlusconi rende service involontairement à son pays. Et il n’est pas sûr que, malgré les admonestations du Vatican, l’électeur italien de droite et même du centre soit spécialement choqué par les tribulations sexuelles de son ancien président du conseil. La Rome impériale n’a jamais été vraiment effacée dans les mémoires par la religion de Christ.

L’électeur de base de Beppe Grillo, constatant l’impasse politique de son vote, pourrait au final préférer le tribun Berlusconi, un homme visiblement prêt à tout, au meilleur comme au pire. Ce dernier aura indiscutablement marqué l’Italie de la fin du XXème siècle et du début du XXIème. Chassé sous la pression des marchés financiers, véritables décideurs pour le moment de l’avenir de l’Europe, jusqu’à ce qu’on ose les remettre à leur vraie place, Berlusconi pourrait revenir en fanfare, alors qu’on l’imagine au fond du trou. Il l’a déjà prouvé par le passé. Il faut toujours se méfier des vieux lions, car ils ont toujours la volonté de bondir et de mordre.

GRECE

La chasse aux nazis est ouverte, et dans ce jeu politique, même en mode hellénique, tous les coups sont permis. La victime de la vindicte gouvernementale, sous pression des partenaires de la Grèce, et de l’Union Européenne ? L’Aube Dorée (Hrysi Afgi) de l’extrémiste Nikos Michaloliakos. Il faut dire qu’il faisait tache et donnait de son pays une très mauvaise image aux yeux de la presse bobo des capitales européennes. Et alors que la Grèce début janvier 2014 va présider pour six mois l’Union Européenne, Samaras avait intérêt à mettre de l’ordre dans sa maison, quitte à organiser des poursuites judiciaires baroques et dont on peut s’interroger sur la légalité juridique.

Croisement des affaires Vikernes et Méric. Un militant antifasciste, rappeur de son état, Pavlos Fyssas, a été tué lors d’une rixe par un militant nationaliste proche de l’Aube Dorée. Et voilà que ce samedi, Michaloliakos et plusieurs députés de son parti sont arrêtés à la demande de la Cour Suprême grecque, accusés d’appartenir à une organisation de nature terroriste. Un parti représenté à la Vouli par 18 députés est ainsi mis en examen, et ce à la suite d’une campagne médiatique liée à un fait divers sordide. De toute évidence, cet évènement tombait d’une manière propice afin de permettre à Samaras de régler en très peu de temps une grosse épine dans son pied. Ceci dit, entre Syriza et l’Aube Dorée, il est difficile de dire ce qui en vérité serait le pire pour les Grecs.

Mais n’a-t’il pas agi avec trop d’empressement, afin de flatter une partie de l’opinion internationale ? Encensé pour cette action par tout ce que la France compte de journalistes de « gauche », c'est-à-dire 95% de ce corps de métier, Samaras pourrait le regretter amèrement.

Un mouvement recueillant près de 15% dans les sondages ne se manie pas à la légère, car c’est prendre le risque de lui offrir la pose du martyr. Un député d’extrême-droite ne s’est d’ailleurs pas gêné pour rappeler que les politiciens corrompus qui ont « ruiné le peuple grec », n’ont pas été condamnés. Il n’y a pas à ma connaissance de mouvement politique représenté au parlement qui ait été réellement interdit. Le Vlaams Blok l’a certes été mais pour se reconstituer immédiatement en Vlaams Belang.

Ce n’est pas à des magistrats ni à des adversaires politiques de juger d’un parti, aussi détestable soient les idées qu’il mette en avant. C’est au peuple de dire si « Aube Dorée » est digne de ses suffrages ou pas. Or il semble qu’un électeur sur six pense qu’il l’est. La faute est clairement du côté des responsables politiques du PASOK et de la Nouvelle Démocratie, qui ont laissé faire l’effondrement du pays, s’ils n’en ont pas été complices, et qui soumettent le peuple grec à une immigration indésirable qui excède de plus en plus de Grecs.

Supposons qu’à l’issue de son enquête, la Cour soit incapable de prouver ses accusations contre « Aube Dorée » ou bien qu’elle ne puisse pas engager de poursuites, pour vice de forme, parce que je doute que dans cette affaire médiatique, les règles du droit aient été toutes respectées. L’effet sera désastreux. Alors que la classe politique nationale est démonétisée aux yeux de l’opinion publique, « Aube Dorée » reviendrait du tribunal en vainqueur. C’est le pire cadeau qu’on pourrait faire au peuple grec. Visiblement, ceux qui rabâchent aux oreilles du peuple les horreurs de notre histoire, n’ont pas la si longue mémoire qu’ils prétendent avoir.

Combattre « Aube Dorée », c’est donner au peuple grec les moyens de sa renaissance, au sein d’une Europe unie. Bien sûr qu’il ne sert à rien de voter pour des partis extrémistes, pour Syriza comme pour Hrysi Afgi. Mais il n’est pas sûr qu’il soit non plus utile de voter pour des partis de menteurs et de corrompus. L’impasse est d’abord de la responsabilité d’une classe politique européenne médiocre, incapable de combattre les maux qui gangrènent notre civilisation, et ayant choisi de livrer le peuple à la folie criminelle des mondialistes.

Les juges peuvent demain interdire « Aube Dorée » mais n’empêcheront pas la colère populaire de s’exprimer par d’autres biais. Et de toute façon, le lendemain même, un nouveau parti, « Aube Argentée » ( ?) verra le jour, avec une popularité accrue.

Un fait divers où un citoyen d’extrême-gauche meure des coups portés par un citoyen d’extrême-droite déclenche une campagne médiatique sans équivalent dans le pays. Cela sert les intérêts d’un gouvernement sous pression, mis en demeure d’agir contre un parti politique sulfureux, mais légal, par les autres dirigeants des pays européens. Ca ne trompe personne.

Thomas FERRIER (PSUNE)

03/09/2013

L'Europe selon Jacques Cordonnier

ada20ans.pngLe blog Thomas Ferrier reprend ses entretiens sur l'Europe. Aujourd'hui, Jacques Cordonnier, président du mouvement régionaliste Alsace d'Abord, et européen de coeur et d'esprit depuis toujours. Il nous a fait l'honneur de répondre à nos questions avec sa franchise habituelle.

LBTF: Jacques Cordonnier, bonjour !

Jacques Cordonnier: bonjour !

LBTF: Région, Nation, Europe ? Y a-t-il selon vous un mot de trop dans ce triptyque ?

JC: Les appartenances à une région, à une nation et à l’Europe sont les trois composantes du sentiment identitaire de chaque Européen. L’importance relative de chacun de ces liens – région, nation, Europe - est variable selon les individus, mais que nous le voulions ou non, nous sommes tous déterminés par cette triple appartenance.

LBTF: L’Alsace de par son histoire est une terre d’Europe par excellence. Comment expliquez-vous que l’européanisme naturel de l’électeur alsacien l’amène paradoxalement à soutenir dans une proportion non négligeable un parti europhobe comme le Front National ?

JC: Les résultats électoraux en Alsace, lors des différents scrutins depuis plusieurs décennies, peuvent sembler paradoxaux. Mais le paradoxe n’est qu’apparent. Lors du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, comme au référendum sur le traité constitutionnel en 2005, c’est l’Alsace qui, de toutes les régions françaises, a donné au « Oui » ses meilleurs scores. Et au moment des élections présidentielles, c’est aussi l’Alsace qui vote dans des proportions importantes en faveur du Front National.

Comment s’expliquent ces paradoxes ? Eh bien, tout simplement les électeurs alsaciens font la part des choses entre les différents scrutins, et savent hiérarchiser leurs critères de choix. Pour les élections présidentielles, ils mettent en tête de ces critères la question de l’immigration. Quand ils sont interrogés sur l’avenir de l’Europe, ils font sans barguigner le choix de la construction européenne. Il y a en réalité une grande cohérence dans ces résultats électoraux : les Alsaciens sont favorables à l’Europe européenne et hostiles à l’immigration non-européenne.

LBTF: Une vague d’euroscepticisme semble s’abattre sur l’Europe. Pour ceux qui ont foi comme nous en l’Europe et en son unité, qu’est-ce qui peut maintenir la flamme ?

JC: Les effets de la crise financière et économique ont, depuis 2008, amplifié la méfiance de nombreux européens vis-à-vis de l’Europe. Les dirigeants politiques, même pro-européens, en portent une grande part de responsabilité, car ils ont toujours tenu un discours ambigu auprès de leurs électeurs, imputant aux institutions européennes les conséquences de leurs propres insuffisances.

Mais en même temps, les Français comme les autres Européens prennent de plus en plus conscience que les menaces et les tensions qui se développent à l ‘échelle de la planète ne peuvent pas trouver de réponse à l’échelle d’un pays. La montée en puissance de la Chine, la responsabilité des États-Unis dans les dérèglements de la finance mondiale, la dépendance énergétique de l’Europe, l’augmentation continue de l’immigration non européenne sont au cœur de problématiques qui dépassent largement l’échelle de la France seule. Les récentes révélations de l’espionnage des institutions européennes par les agences américaines de renseignement illustrent bien à quel niveau se déroulent les conflits et à quel niveau doit être organisée la riposte.

LBTF: Comment résister ? Entre ceux qui usurpent l’idée d’Europe, la réduisant à n’être qu’une province du « système-monde », et ceux qui profitent des défauts graves de l’UE actuelle pour enterrer l’idée européenne avec le parlement de Strasbourg, nous sommes cernés par des aveugles.

JC: Les souverainistes ne cessent de dénoncer l’Europe de Bruxelles comme une Europe fédérale. Ceci est totalement trompeur. Par sa tendance à s’attribuer autoritairement toutes les compétences, l’Europe de Bruxelles se construit au contraire sur un modèle très largement jacobin. La subsidiarité si souvent invoquée n’est plus qu’un concept inappliqué. Loin d’être fédérale, l’Europe est aujourd’hui jacobine à l’extrême, puisqu’elle conjugue tous les défauts des systèmes ultra-centralisés : autoritarisme, opacité et pouvoir parlementaire inexistant.

À l’autre bout de l’échelle, il y a les nombreux europhiles d’incantation. Ces partisans de l’Europe économique ont favorisé la dérive libérale des institutions. Loin de préparer l’avènement d’une Europe politique, l’hypertrophie de l’économie a entraîné la dépolitisation et la consécration du pouvoir des experts. L’Europe se retrouve aujourd’hui chahutée dans le mouvement brownien d’une mondialisation débridée, à la grande satisfaction d’un certain nombre de commissaires européens.

Entre les souverainistes et les europhiles de la finance - les aveugles - il y a ceux qui voient, ceux qui préconisent et réclament la réforme des institutions européennes pour relancer et vivifier le projet européen. La relance de l’Europe politique est la seule réponse aux effets désastreux de la mondialisation poussée à l’excès.


LBTF: L’Europe de vos rêves, ou de vos espoirs, c’est quoi ? Une Europe fédérale ?

JC: Le bon chemin vers l’union politique de l’Europe, c’est la voie fédérale qui seule permet de construire un ensemble politiquement cohérent, souverain, tout en respectant les différences et les spécificités des peuples. La question de la souveraineté est la question fondamentale et il faut méditer cet étrange paradoxe : tout ce que les États membres de l’Union ont perdu en souveraineté n’a pas profité à l’Europe ; celle-ci n’est pas devenue plus souveraine pour autant. On aurait pu espérer que le Parlement européen s’empare instantanément de chaque parcelle de souveraineté abandonnée par les États. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme cela. Le Parlement européen, seule instance théoriquement détentrice de la souveraineté populaire, s’est privé à la fois de son pouvoir normatif et de son pouvoir de contrôle. Le Parlement européen n’est aujourd’hui qu’une chambre d’enregistrement pilotée par les chefs des partis nationaux.

LBTF: Que vous inspire l’idée de « nation européenne » au singulier, à partir du moment où elle est bâtie sur de saines bases et respecte les identités régionales ?

JC: L’Europe en réalité n’a pas pour but d’effacer les nations, mais de les dépasser, en séparant la nation de l’État. Les nations sont des réalités historiques qui doivent être prises en compte dans une optique marquée par l’application systématique du principe de subsidiarité, au même titre que les régions et les territoires articulés autour des grandes métropoles. Sublimer les nations européennes en une nation européenne est le projet auquel nous devons nous attacher. Il faudra remplacer la démagogie par la pédagogie et expliquer aux peuples que la marche vers l’intégration politique implique que les États membres consentent à des abandons de souveraineté, par le haut en faveur de l’Europe, et par le bas en faveur des régions.

L’actualité à propos du conflit syrien a mis en lumière l’incapacité de la France à agir seule et l’alignement de son gouvernement sur celui-des États-Unis. Ceci démontre à quel point la souveraineté de la France seule est limitée, stérile et inopérante. Et c’est cela que les partis nationalistes veulent préserver ? Dérisoire ! Une Europe unie aurait assurément mieux défendu les intérêts des Européens.

LBTF: Dominique Venner affirmait que l’Europe souffrait de l’absence d’une religion identitaire. Pensez-vous que le paganisme puisse être l’une des voies d’un renouveau spirituel de l’Europe ?

JC: Je ne le pense pas, pour la simple raison que le paganisme n’existe plus. Pour qu’une religion prospère, il lui faut des adeptes et des prêtres. On constate d’ailleurs que les Européens s’éloignent de plus en plus de leur foi, quelle que soit leur religion, l’islam mis à part. Les gens deviennent agnostiques. Le redressement de l’Europe ne viendra pas de la religion, mais de la politique.

LBTF: Que répondez-vous à ceux qui prônent la mort de l’Union Européenne ?

JC: Ceux qui prônent la mort de l’Union sont à classer dans la même catégorie que ceux qui prônent la sortie de l’Union. Même s’ils sont plus nombreux qu’il y a dix ans, ils sont encore minoritaires. En France, en additionnant les électeurs du Front de gauche, de Debout la République et du Front national, on est en dessous de 30 %. Et encore, il reste à vérifier si tous ces gens-là sont vraiment pour la fin de l’Union. Un sondage récent a montré que plus de 50 % des électeurs FN souhaitaient que la France reste dans la zone Euro. Mais il demeure que, même minoritaires, ces europhobes peuvent s’avérer dangereux car ils font peur aux responsables politiques qui guignent leurs voix aux élections.

Le meilleur argument à opposer aux europhobes, c’est la perspective d’une réforme en profondeur des institutions de l’Europe. La première institution à réformer, c’est bien sûr la Commission de Bruxelles. On ferait un grand pas en avant en décidant que le président de la Commission soit élu au suffrage universel et non plus choisi par les chefs de gouvernement selon le critère de la moindre compétence. Il faudra aussi modifier le mode de désignation des membres de la Commission. C’est à raison, malheureusement, que les nationalistes de tous pays leur reprochent leur manque de légitimité. Réformons, transformons la Commission européenne, mais de grâce, ne tirons pas prétexte de ses défauts pour sortir de l’Union européenne.

LBTF: Quel est le principal défaut et la principale qualité selon vous de l’€uro ?

JC: La grande qualité de l’Euro, monnaie de l’Europe, est d’être le premier attribut de sa souveraineté et l’outil indispensable de son retour à la croissance et à la puissance. Pour s’en convaincre, il suffit de voir tous les efforts que déploient les États-Unis pour l’affaiblir. Le grand défaut de l’Euro, est de ne pas avoir été crée par des politiques, mais par des experts et des techniciens de la finance. Un défaut en entraînant un autre, les politiques ont été appelés à la rescousse pour accueillir dans la zone Euro des pays qui n’étaient pas prêts à l’intégrer. La zone Euro est un ensemble qui n’a pas trouvé sa cohérence et dont la gouvernance est encore fortement marquée par l’opacité. Il faut réformer les institutions, changer les gouvernants, mais en aucun cas abandonner l’Euro.

LBTF: L’Europe est-elle condamnée à un long déclin et à la division perpétuelle, comme la Grèce et ses cités au IVème siècle ?

JC: Le déclin de l’Europe, entamé au début du XXème siècle, n’est pas une fatalité. Les pères de l’Europe qui se sont attelés à sa reconstruction après la dernière guerre ont fait de mauvais choix qui nous ont fait perdre plusieurs décennies : être partis du commerce et de l’économie au lieu de la politique et de la culture, n’avoir jamais statué sur les frontières et la finalité de l’Europe, avoir construit une Europe sans les peuples et même parfois contre les peuples. Aujourd’hui, les Européens entrevoient confusément les raisons pour lesquelles nous sommes dans l’impasse.

Les europhiles sincères ne peuvent se contenter d’incantations sur l’Europe idéale et rejeter en bloc ce qui existe aujourd’hui. Il faut changer les hommes. Ce ne sont pas les institutions seules qui sont en cause, mais bien les hommes et les femmes qui y siègent et qui prennent des décisions en notre nom.

Il faut que l’Union européenne soit pensée et animée par des politiques. L’exécutif bruxellois ne gouverne pas, il se contente de gérer. José-Manuel Barroso, l’actuel président de la Commission, navigue à vue, sans aucune vision à long terme. Quant au Parlement européen, il faudra qu’un nouveau Traité lui donne le pouvoir de légiférer et de contrôler.

De l’Union européenne à l’Europe unie, le chemin est long et difficile. La période chaotique que traverse l’Europe aujourd’hui est la phase de prise de conscience. Les Européens sont en train de réaliser que leur avenir n’est pas dans le métissage planifié, la soumission au pouvoir des financiers, l’alignement sur les Américains. Les Européens doivent réapprendre à rêver de grandeur et d’indépendance.

LBTF: Jacques Cordonnier, je vous remercie. C'est dans l'unité d'action que les vrais Européens triompheront ensemble de l'adversité.

01/09/2013

Le PSUNE, parti des Européens, mouvement pour l’Europe Nation

newlogopsd1png2s1.pngL’ère des nations (1815-1945), débutant avec l’effondrement de l’empire napoléonien et finissant dans les ruines de Berlin, a emmené l’Europe au bord du précipice, détournant son génie créateur vers la volonté de détruire son voisin, alors même que dans le domaine de l’industrie, elle rayonnait, et qu’elle imposait sa volonté au monde entier, dans un phénomène de colonisation dont nous allions payer par la suite le prix des décennies après l’indépendance de ces pays auparavant sous tutelle.

Pourtant, les pères fondateurs de l’actuelle Union Européenne (Schuman, Monnet, De Gasperi, Adenauer, Spaak… etc) ont échoué à construire l’Europe unie dont ils se voulaient les promoteurs. Face au refus de toute Europe fédérale par un Etat français empêtré dans des guerres coloniales et craignant davantage un sursaut allemand qu’une vassalisation américaine, l’Europe politique a été abandonnée en chemin dès 1954, au profit d’une Europe exclusivement économique.

Pris en étau entre des Etats prêts à mettre en commun des politiques économiques libérales que tous les dirigeants partageaient, mais refusant toute concession concernant leur souveraineté politique, et une opinion publique désinformée par des media restés « nationaux », la construction européenne n’a pas avancé.

En un demi-siècle, l’Europe politique est toujours aussi absente alors même qu’elle n’a jamais été aussi nécessaire. La CEE puis l’UE n’ont pas été en mesure d’émanciper l’Europe du joug américain, alors même que le bloc soviétique, seule justification de l’existence de l’OTAN, s’était effondré. La monnaie unique (€uro) est certes monnaie « nationale » de 17 états du continent, mais elle ne bénéficie d’aucun pilotage démocratique et d’aucun appui, car l’Europe politique est inexistante, limitée à un parlement européen sans pouvoir où les partis « nationaux » remisent leurs politiciens en fin de carrière afin de leur offrir un revenu complémentaire, des parlementaires élus certes démocratiquement mais dans le cadre des (anciens) Etats.

Alors que les Etats n’ont jamais cessé d’être souverains, ils ont laissé croire que l’Union Européenne actuelle était responsable de politiques qu’ils souhaitaient mais savaient impopulaires. Nain politique, l’UE est pourtant accusée d’être une sorte de dictateur non élu imposant sa volonté à des peuples privés de parole. Or, c’est l’Etat « national », dirigé par une oligarchie politico-économico-médiatique, à l’idéologie ouvertement mondialiste, qui est le principal responsable et coupable de l’avilissement de notre civilisation.

L’Europe est en effet, prise dans sa globalité aussi bien qu’analysée au niveau de chaque état, dans une situation de déclin qui pourrait paraître irréversible aux yeux d’une classe politique dévoyée et corrompue, veule et se soumettant au plus offrant. Déclin démographique avec un taux de natalité européen extrêmement bas, et qui plus est surévalué par la prise en compte de la démographie des populations issues de l’immigration post-coloniale installées sur notre continent, sans consultation démocratique des Européens. Déclin économique, avec une production qui s’exile de plus en plus dans les pays à l’économie émergente et au faible coût de main d’œuvre, et alors que ses meilleurs chercheurs s’en vont aux USA. Déclin moral, avec la promotion de modes de vie incompatibles avec une civilisation cherchant à se relever, avec une corruption endémique et une insécurité chronique, essentiellement due à l’échec d’un modèle multiculturel utopique que nos dirigeants veulent imposer contre tout bon sens. Déclin militaire, avec une armée française et une armée britannique en hiver budgétaire, et une armée russe disposant d’un matériel vieilli.

Face à ces maux qui s’accumulent, menaçant à terme la civilisation européenne toute entière dans son existence même, les Etats ne sont pas seulement impuissants mais complices de cet effondrement, s’ils n’en sont pas les promoteurs, vendant leur peuple aux intérêts d’un mondialisme criminogène. Et l’Union Européenne, dont les dirigeants ne sont que les pions placés par les gouvernements, et sans légitimité démocratique pour asseoir un quelconque pouvoir, n’est que la courroie de transmission de politiques « nationales » suicidaires.

C’est face à ce déclin, qui est réversible si des Européens et des Européennes de bonne volonté engagent la contre-décadence et prennent démocratiquement les rênes du pouvoir, que le PSUNE est né. Ce mouvement a pour ambition d’œuvrer à l’unité politique de l’ensemble du continent européen, de l’Islande à la Russie, de bâtir ainsi la Nation Européenne, sublimation des anciennes nations et Etat nouveau dont la mission est de préserver puis de restaurer notre civilisation afin qu’elle retrouve la grandeur qui a été la sienne. Mais il a aussi pour mission de défendre les Européens, en Europe d’abord mais aussi dans le monde, d’assurer le relèvement politique, économique, démographique et moral de notre terre.

Seule une Europe unie, disposant d’un Etat démocratique légitime à sa tête, peut être en mesure de vaincre les périls qui s’annoncent et de mettre fin au pourrissement intérieur qui est en train de mettre notre civilisation à genoux. Les politiques nécessaires demandent en effet une action au plus haut niveau, qui est celui de l’Europe, et pas à l’intérieur de chacun des anciens Etats. Il est trop tard pour une solution « nationale » et il est inimaginable que chaque pays évolue d’une manière parallèle. Non seulement le temps manque mais la division politique de notre continent permet aux puissances d’involution de ruiner petit à petit des pans entiers de notre civilisation. Les USA aussi bien que la Chine ou l’umma islamiya jouent les uns contre les autres.

psune,thomas ferrier,great europe,présentation du parti,europe,européensFace à ce déclin, le PSUNE propose la mise en place d’un Etat européen unitaire, bâti sur des bases démocratiques, rompant avec l’idéologie mondialiste au profit d’une conception eurocentrée, n’ayant à cœur que la défense des stricts intérêts des Européens. Cet Etat a vocation à réunir en son sein tous les (anciens) Etats du continent, y compris à moyen terme la Russie, faisant de l’Europe la première puissance mondiale.

L’Europe du PSUNE rompra avec l’atlantisme des dirigeants actuels de l’UE, ce qui ne signifie pas qu’elle ne cherchera pas à maintenir dans la mesure du possible un lien d’amitié, d’égal à égal, avec son ancienne colonie américaine. Elle cherchera à encercler le cœur de l’islamisme par une alliance de revers, avec Israël, le Liban, la Syrie et un Iran libéré du joug du régime des héritiers de Khomeiny et réconcilié avec son ancienne mémoire, comme le souhaitait le dernier shah, et en outre avec l’Inde, que nous concevons comme un partenaire davantage que comme un concurrent, et dont nous n’oublions pas l’antique parenté de nos deux civilisations.

Une Europe eurocentrée, c’est une Europe qui rompra avec les anciens liens coloniaux des anciens Etats. Elle mettra fin à toute Françafrique, repositionnera l’Espagne sur son destin européen, éloignera le Royaume-Uni des USA et le rapprochera du continent qui est le sien, et elle engagera la Russie à se retourner vers l’ouest et à rompre avec tout eurasisme suicidaire. Le fleuve Amour n’est pas une zone tampon mais la frontière entre deux mondes.

L’Europe de demain affirmera les valeurs européennes les plus ancestrales, et non les pseudo-valeurs mondialistes de l’après-1945, une époque où une Europe divisée n’avait plus son destin en mains. Elle défendra son européanité, ce qui est son essence profonde, et protégera son peuple contre toutes les submersions et contre toutes les subversions. Elle mettra en avant son héritage, son bien commun le plus fondamental, et tout en respectant les identités régionales et (ex-)nationales, unira ceux qui sont intimement apparentés, à savoir les Européens.

Dans ce cadre, elle instituera une nationalité européenne fondée sur les critères démocratiques, ceux de l’Athènes du Vème siècle, matrice de notre civilisation, afin que les Européens, frères nés d’un même sang, en soient les détenteurs naturels, gardiens d’un noble patrimoine. Elle mettra ainsi fin au dévoiement des anciennes nationalités, données à n’importe qui pour n’importe quelle raison, comme s’il s’agissait d’un droit et non d’un héritage et d’un devoir.

C’est sur ces questions et sur bien d’autres encore que le PSUNE entend œuvrer, même si sa voix est pour le moment inaudible au sein d’un silence mortifère.

Nous sommes la voix de l’Europe. Et nous allons réussir à ce qu’à nouveau notre continent puisse se faire entendre… et respecter.

Dans l’unité, nous triompherons, car dans la division, nous périrons.

L’Europe vaincra.

Thomas FERRIER, secrétaire général du PSUNE

04/08/2013

Napoléon et l'Europe unie

"L'Europe n'eût bientôt fait de la sorte véritablement qu'un même peuple, et chacun en voyageant partout, se fût trouvé toujours, dans la patrie commune." (Napoléon Ier, 24 août 1816, Sainte-Hélène)

Kohl et l'immigration extra-européenne

kohl.jpgAlors que l'ancien chancelier social-démocrate Helmut Schmidt, dans un entretien récent auquel j'ai consacré un article, avait expliqué que si l'assimilation des Européens était aisée, celle des Turcs paraissait beaucoup plus difficile, on apprend que l'ancien chancelier Helmut Kohl, en 1982, n'en pensait pas moins.

Dans un article du journal turc Hürriyet, on apprend ainsi que pour Kohl, "il serait nécessaire dans les quatre prochaines années de diminuer de 50% le nombre de Turcs [en Allemagne]", reconnaissant toutefois qu'il ne lui serait pas possible de "le dire publiquement".

Il explique également que l'Allemagne "n'a jamais eu le moindre problème avec les Portugais et les Italiens (...) parce que ces communautés s'intégrent bien", ajoutant que c'est parce qu' "ils étaient européens". En revanche, Kohl considérait que le nombre de Turcs était bien trop important pour envisager leur assimilation, car "ils proviennent d'une culture tout à fait différente".

Non seulement Helmut Kohl aurait été opposé à l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, comme Angela Merkel prétend l'être, tout en ne faisant rien pour mettre fin au processus, et était un défenseur du ius sanguinis, comme le candidat CSU Edmund Stoiber, mais il avait ainsi manifesté son refus d'une multiculturalisation de l'Allemagne, processus que Merkel a reconnu comme un échec, mais sans rien faire pour revenir en arrière.

On découvre ainsi que de grands dirigeants européens, pour qui le projet d'Europe unie avait tout son sens, des "pères fondateurs" de l'Europe moderne, comme Valéry Giscard d'Estaing, Helmut Schmidt et désormais Helmut Kohl, ont dénoncé une situation qui n'a cessé d'empirer depuis avec une lucidité sans faille.

Ce qu'il faudrait comprendre, c'est pourquoi ils n'ont rien pu faire lorsqu'ils étaient au pouvoir pour endiguer une involution dont ils savaient qu'elle était calamiteuse.

02/08/2013

Relents monarchiques sous la 5ème République

monarchie,Mitterrand,dérive,république gaullienneIl peut sembler paradoxal de parler de relents de nature monarchique dans un système républicain, comme celui de la France sous la cinquième république. Pourtant nous allons voir que cela n’a rien de déplacé. Surtout cela va bien au-delà des fameuses « dérives monarchiques » que l’on a dénoncé à gauche dès les présidences du général Charles de Gaulle.

Dans sa perspective historique, Thomas Ferrier a associé la démocratie au polythéisme et la monarchie au monothéisme. Nous constaterons, en effet, qu’il y a des relations entre les traits monarchiques et une forme de pensée religieuse, voire monothéiste.

Charles de Gaulle a voulu que le président ait un certain domaine réservé, à savoir la défense et la politique étrangère. Ainsi le président peut-il décider seul d’engager l’armée : il ne peut cependant pas prolongement indéfiniment cet engagement sans l’aval de l’Assemblée. De plus il ne peut pas décider du budget de la défense. Aussi ses prérogatives sont-elles, malgré tout, limitées.

Avec les présidents qui ont suivi, peu à peu le domaine réservé s’est élargi jusqu’à toucher un peu tout. Cependant, si le président promulgue les lois, il ne les vote pas. En droit, la politique de la nation reste entre les mains de l’Assemblée. D’ailleurs, en cas de cohabitation, le pouvoir présidentiel est très limité ; c’est surtout un pouvoir de nuisance, de blocage. Si, en dehors de ce cas, le président a une influence si forte, c’est parce qu’il tient sa majorité.

C’est avec François Mitterand que les choses ont vraiment changé de nature. Avec celui qui reprochait pourtant au Général le « coup d’état permanent », la France a connu le premier monarque républicain. Les choses se sont désormais décidées « au château ».

Ce n’est pas tellement la personnalité du premier président de gauche qui l’explique, même s’il était lui-même issu d’une droite nationaliste. C’est dans la façon de pensée des militants du parti « socialiste » qu’il faut chercher l’explication. Voilà qui ajoute un nouveau paradoxe, quand on sait que le socialisme authentique privilégie la décision collective, à l’opposé de toute forme monarchiste. De fait, le « socialisme » officiel n’a conservé que les modalités, les apparences de la décision collective. Michel Rocard dénonçait une sorte de fétichisme dans les milieux de gauche, plus attachés aux symboles qu’aux réalités, peut-être à la suite des nombreuses désillusions qu’ils ont connues.

Les milieux de gauche sont désormais porteurs d’une idolâtrie qui n’a rien de semblable à ce que l'on rencontre à droite. Il leur faut à tout prix un grand prêtre, que celui-là les prenne de force comme Mitterrand, où qu’il soit le fruit d’élections primaires de circonstance comme Ségolène Royal et François Hollande. Une fois désigné, par lui-même ou presque par hasard, ce grand prêtre est le nouveau Dieu, celui d’un peuple de moutons fidèles. Ainsi Mitterand a-t-il d’abord été le premier « président de droit divin », celui qui se laissait appeler « Dieu ».

Ainsi le président Mitterand n’était-il pas celui des Français, mais celui d’un parti religieux, une sorte d’Ayatollah. C’est ce qui explique la capacité de résistance à la cohabitation dont il a fait preuve.

Ses prédécesseurs Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing ne disposaient pas de ce peuple de fidèles. La majorité était divisée et beaucoup moins « godillot » qu’on ne l’a dit. Elle suivait en général, non pas par ferveur religieuse mais par pragmatisme, chacun cherchant à se faire réélire, du moins tant que la référence présidentielle étaient perçue positivement.

Ensuite Chirac est arrivé et s’est comporté en « président-roi fainéant ». Il y a peu à dire sur son compte. Le cas de Nicolas Sarkozy est plus intéressant. Il a laissé l’image d’un hyper-président, se mêlant de tout. Pourtant le comparer à Mitterand serait une erreur. Comme Pompidou et Giscard, la droite l’a suivi par pragmatisme, parce qu’il a su parler des sujets que les gens ont au cœur, du moins tant que la comparaison entre son action et ses promesses ne l’a pas desservi. Il ne tenait pas sa majorité autant qu’on l’a dit. C’est elle qui lui a imposé de conserver Fillon comme premier ministre.

Le discours d’un candidat ou d’un président est désormais celui d’un despote. Il ne dit pas qu’il soumettra tel projet au parlement, mais qu’il décidera. Madame Royal annonçait partout « sa première mesure ». Le « Moi président » annonçait que jamais telle option ne serait retenue.

Aujourd’hui notre président, François Hollande, est de nouveau « socialiste ». Comme Mitterand, il se prend pour « Dieu ». Cependant il tient aussi du roi fainéant et manœuvrier qu’était Chirac, minimisant sa responsabilité pour tout ce qui fâche et paradant en chef de la Françafrique quand il en a l’occasion. Il arrive qu’on le contredise, qu’un Claude Bartolone ne veuille pas d’une transparence qu’il a pourtant « décidée ». Mais il s’en sort toujours parce qu’il a pris l’habitude de dire tout et son contraire. Finalement le peuple ne l’écoute plus. Ce qui est extraordinaire n’est pas qu’on puisse lui tenir tête, mais qu’il puisse encore décider quelque chose. C’est bien parce son peuple de fidèles est toujours là, qui feint de critiquer le Premier ministre et sa politique pour le ménager lui-même.

Peter EISNER (PSUNE/LBTF)

La monarchie, une conception non-européenne du pouvoir !

république,démocratie,Europe,paganisme,monarchie,christianisme,oligarchieMalgré la révolution française, nombreux sont encore les Européens à se référer positivement à la monarchie, même sous une forme considérablement édulcorée, à cette « monarchie de droit divin » qui avait présidé à la destinée des nations et peuples du continent pendant des siècles. Et certains, certes peu nombreux en France, face à une Europe sur le déclin, s’imaginent même que c’est en restaurant la conception classique du monarque que notre civilisation pourrait renaître.

La royauté païenne, un pouvoir républicain.

En affirmant le caractère non-européen de la monarchie, une conception importée de l’orient, je devine qu’on m’opposera les rois de légende de l’antiquité. Mais ces derniers étaient d’une nature radicalement différente. Le *regs indo-européen, qui a donné le rex latin et le roi en français, n’est pas le *m’lk afrasien. Il est au sens strict le « garant du droit », présidant à l’assemblée du peuple, après avoir été choisi ou élu par cette dernière. Il bénéficie aussi de fonctions diplomatiques et dispose d’un rôle important au sein du culte. Il peut enfin avoir en charge les affaires militaires, bien qu’il soit parfois concurrencé par d’autres personnalités de premier plan au rôle bien établi. Le caractère jumeau du consulat romain comme de la royauté spartiate, laisse penser à l’existence d’un chef d’armée indépendant, lui aussi élu, et peut-être en outre d’un équivalent du « tribun de la plèbe », un *lewthyonos en proto-indo-européen ou « représentant des hommes libres ».

Même si Romulus à Rome dispose des trois fonctions, et s’il est le fondateur de la cité, il est choisi et par les dieux et par les hommes qu’il rassemble autour de lui. Mais c’est le peuple et lui seul qui est le véritable souverain, d’où le mythe selon lequel Romulus est finalement mis à mort par les sénateurs, même si une autre version le fait enlever par un nuage d’orage derrière lequel se cache la main de son père Mars. En revanche, Numa Pompilius apparaît comme le modèle du bon roi, un législateur soucieux du bien commun et se soumettant à la volonté du peuple. Les rois étrusques, dont la conception du pouvoir provient probablement de la monarchie hittite, se rendront en revanche insupportables aux yeux du peuple et seront chassés.

Les royautés mycéniennes, attestées par un vocabulaire spécifique, le basileus ou « roi » comme le wanax ou « chef » étant les détenteurs d’un « pouvoir », ne dérogent pas à cette règle. A l’époque classique, sauf à Sparte, toutes les royautés avaient disparu. Ces rois mythiques, qui étaient avant tout des héros fondateurs et non des souverains absolus, et les fils des dieux à une époque où ceux-ci s’unissaient encore aux mortels, connurent d’ailleurs tous un sort tragique à Troie ou à leur retour de cette guerre meurtrière. Agamemnon, ayant fait preuve d’un orgueil propre aux rois de l’orient, sera mis à mort par son épouse et son amant. Le basileus est un chef de guerre, connu pour ses exploits ou son intelligence, comme Achille (au combat), Nestor (en sagesse), Ulysse (en ruse) ou Thésée, tueur du Minotaure.

Si la Grèce a été influencée par l’Orient, la monarchie s’imposant par ailleurs aux peuples indo-européens installés sur ces terres, comme les rois hittites et les shahs d’Iran, elle se rebellera très vite contre une conception étrangère à sa nature propre. Si la mythologie en conserve l’existence, une mythologie de souche indo-européenne certes mais qui s’inspirera aussi des légendes de Phénicie ou de Mésopotamie, l’histoire perd vite leur trace.

Chez les Celtes, le rix est un chef de tribu, même si l’Ardri irlandais ou « grand roi » dispose d’un pouvoir plus conséquent. Brian Boru, brillant chef de guerre, fut Ardri, avant de mourir au combat face aux Vikings. Mais il avait été élu pour cette fonction. Le rajah indien n’était guère différent même si un maharajah les commandait, comme le fameux ami d’Alexandre, le roi Chandragupta.

Chez les Germains, les Slaves et les Baltes, le terme désignant un roi au sens moderne du terme est toujours d’inspiration étrangère. Le « kuningaz » germano-scandinave n’était qu’un « chef de lignée » et chez les Baltes et Slaves, c’est l’image du roi chrétien de l’Occident médiéval, le « Carolus » Magnus, qui servit à former le terme de « souverain ».

Les Indo-Européens avaient une conception politique beaucoup plus proche de la démocratie, où le « roi » n’était qu’un président élu. Alexandre le grand lui-même dut obtenir le soutien de l’assemblée avant de pouvoir succéder à Philippe. Et lorsqu’il exigea de ses troupes qu’elles se mettent à genoux devant lui, celles-ci refusèrent avec fierté, alors que les soldats de Perse ou de Babylone le firent en revanche sans discuter.

Hippocrate et Aristote eux-mêmes avaient constaté que les hommes d’Europe aimaient la liberté et refusaient de se soumettre au pouvoir d’un seul, alors que l’orient post-sumérien était coutumier de l’autocratie. Le pharaon égyptien et le melekh sémitique étaient en revanche représentants de Dieu ou des Dieux sur terre, et leur personne était sacrée.

La monarchie chrétienne, victoire de l'Orient.

Mais avec l’ascension des religions orientales dans l’empire romain, la conception non-européenne du pouvoir qu’était la monarchie s’empare de l’Europe. C’est avec Constantin que le pouvoir change véritablement de nature, même si Dioclétien le païen avait déjà exigé des citoyens de l’empire qu’ils plient le genou. Constantin met fin à la tétrarchie, rétablissant le pouvoir d’un seul homme. Un seul empereur, un seul Dieu. Naturellement, Constantin perçoit la parenté profonde entre le polythéisme et la polyarchie ou « république ». Ne voulant plus avoir affaire à des citoyens mais à des sujets, non plus à des hommes libres mais à des esclaves, il s’appuie naturellement sur une religion qui exige la soumission, de même que les gros propriétaires terriens préfèrent des paysans officiellement libres mais soumis aux prêtres à des esclaves ayant conscience de leur valeur.

Si la monarchie chrétienne a aboli l’esclavage physique, c’est pour introduire l’esclavage moral, beaucoup plus efficace. Alors que dans la république, l’empereur n’est qu’un citoyen parmi d’autres, tout comme Romulus n’était qu’un romain parmi d’autres, il devient au IVème siècle un seigneur qui exige qu’on lui obéisse, qu’on soit simple paysan du Latium ou sénateur.

C’est bien pourquoi l’empereur Julien va échouer à restaurer l’antique tradition car, aussi humble soit-il, il n’est pas en mesure de rétablir la res publica. Ce n’est pas un hasard si les Prétoriens, la garde d’honneur de Rome, combattront le christianisme et les empereurs qui en feront promotion. Et ce n’est pas non plus un hasard si la première action de Constantin en tant qu’empereur unique sera de dissoudre leur corps.

Le roi païen et indo-européen n’est que le représentant du peuple, qui peut en changer s’il l’estime nécessaire, et même le faire mettre à mort, comme dans la Scandinavie viking. Avec la christianisation de l’Europe, partout avance cette monarchie orientale que Constantin établit d’abord à Rome. Le roi viking en a assez de devoir rendre des comptes devant la Thing. Le duc lituanien ne veut plus que la Seimas lui dicte sa conduite. Alors il se fait chrétien. Il fait rentrer les prêtres dans son pays, ceux-ci prêchant la soumission non seulement à la « sainte Eglise » mais aussi au roi devenu un « berger » pour son peuple, traitant ainsi les citoyens comme des moutons. Ce n’est pas Romulus ou Ménélas, Mérovée ou Celtillos qui serviront de modèle au roi « très chrétien », mais Salomon et David.

De l’Irlande à la Lituanie, les démocraties traditionnelles s’effaceront devant l’autocratie. Les hommes libres deviendront des serfs ou au mieux des vassaux. La Thing islandaise devra se soumettre aux diktats des rois chrétiens, de Norvège puis du Danemark. Mais la tradition européenne survivra, comme avec ces Etats généraux que la monarchie capétienne avait conservés, et qui seront la base d’un renversement du système.

Si les anglais auront mauvaise conscience pour avoir décapité leur roi, aidés en ce sens par la tyrannie de Cromwell qui le leur fit regretter, les français prendront le relai et, dans des conditions parfois détestables, introduiront à l’époque moderne le doux nom de « république ». Napoléon voudra en quelques années nous faire passer de Brutus l’Ancien à Auguste puis à Louis XIV, mais il se heurtera aux peuples. La monarchie survivra mais si elle ne sera plus que symbolique. La naissance d’un « Royal baby » enflammera encore les foules, comme quand Télémaque sortit du ventre de Pénélope, mais pas plus que les enfants de certaines actrices ou chanteuses américaines.

Contre les tyrannies, pour une Europe vraiment démocratique.

A Rome, on cultivait l’odium regni, la haine de la royauté, et les Athéniens rejetaient de leur mémoire la tyrannie de Pisistrate. Socrate, pour avoir été trop proche des trente tyrans établis par Sparte après la mort de Périclès et la chute de la cité pendant les guerres du Péloponnèse, en paiera le prix.

Et maintenant que la religion chrétienne n’est plus assez forte pour maintenir le pouvoir sacré des monarques, nous avons pu restaurer l’antique démocratie, mais le pouvoir du peuple est encore trop souvent détourné par des politiciens et oligarques qui entendent nous soumettre sous prétexte d’avoir été élus sur des mensonges. La démocratie européenne est un combat quotidien contre les tyrans, qu’ils apparaissent sous leur vrai jour ou sous de prétendus traits « républicains ».

Il est temps de bâtir la république européenne sur la ruine des monarques et des chefs d’état. Par le peuple. Pour le peuple. Voilà quelle est la conception européenne du pouvoir ! Voilà ce qui fait de nous des épris de liberté, des Europaioi, comme l’écrivait Hippocrate il y a 2500 ans. Debout, Européens et à bas les tyrans !

Thomas FERRIER (PSUNE)

29/07/2013

L’Europe de demain, république ou empire ?

Certains partisans d’une Europe unie et/ou fédérale se sentent obligés de prôner un « empire européen », alors que nous oeuvrons au contraire pour une « république européenne ». Même si parfois sous des termes différents, un même projet apparaît, le choix des vocables pour désigner l’Europe de demain n’est pas anodin, car il implique la conception même qu’on peut se faire de notre continent.

Si l’unité de l’Europe a du sens, ce n’est pas pour des raisons géographiques qui pourraient d’ailleurs être contestables, l’Europe de l’Islande à l’Oural ayant été promue par des géographes russes au service du tsar au XVIIIème siècle, mais d’abord et avant tout en raison de la profonde parenté entre Européens, une même naissance qui n’a jamais échappé aux anciens Grecs, Hippocrate étant le premier à parler des Europaioi, ni aux philosophes des Lumières, Montesquieu et Voltaire en tête. C’est parce que les Européens sont frères « nés d’un même sang », pour reprendre une expression du poète Eschyle, que faire leur unité politique est possible.

Or la différence principale entre une république et un empire, c’est qu’une république se veut homogène, même si elle ne l’est pas nécessairement d’une manière totale, alors qu’un empire a vocation à réunir des gens très différents. C’est ainsi que, bien qu’officiellement républicains, les USA peuvent être à raison qualifiés d’empire, en particulier depuis les années 70 et à plus forte raison aujourd’hui alors que les minorités tendent à devenir la majorité. C’était aussi le cas de l’empire mésopotamien, de l’empire perse, de l’empire d’Alexandre, de l’empire romain, de l’empire carolingien, de l’empire russe comme de l’empire austro-hongrois. Un empire est cosmopolite.

Si on admettait l’idée que l’Europe de demain soit un empire, c’est qu’on mettrait la diversité, et pas seulement intra-européenne, comme principe fondateur, et non l’européanité.

En outre, une république est une polyarchie, à savoir que le pouvoir est partagé en plusieurs personnes ou entités politiques, éventuellement entre tous les citoyens. La Thing scandinave ou l’Ecclesia athénienne représentent cette république originelle, conforme à notre plus longue mémoire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la traduction grecque de « république » est « démocratie ». Même si la république romaine était dominée davantage par des familles aristocratiques, peuplant le Sénat, que par le peuple, au sein des Comices, la rupture fondamentale de 509 avant J.C, avec l’abolition de la monarchie, illustrait remarquablement ce dévouement à l’intérêt général, au point de sacrifier ses propres fils à la res publica, comme le fit Brutus l’ancien.

empire.jpg

En revanche, qui dit « empire » dit « empereur ». Ce mot n’existe pas en latin puisque l’imperator est le général qui dispose du pouvoir d’imperium qu’il a reçu des assemblées. Auguste était princeps, « prince » au sens de premier des citoyens (primus inter pares) parce qu’il se voulait le continuateur de la République et non un souverain. C’est ainsi qu’il refusa d’être appelé « Romulus » mais choisit d’être « Augustus », ne voulant pas donner l’impression au peuple romain de restaurer la monarchie, comme on en avait accusé auparavant César. Un empereur est donc ni plus ni moins qu’un monarque ou si on préfère un autocrate. C’est bien ainsi qu’étaient les empereurs du bas-empire, qualifiés de « domini » ou « seigneurs », le dominat du IVème siècle s’opposant au principat du Ier siècle.

Le modèle de l’empereur romain du déclin, qui se prend pour un empereur perse, exige qu’on se mette à genoux devant lui (proskynèse), c’est le tyran du haut-empire, c’est Caligula, Néron ou encore Commode. Constantin et Théodose ne sont fondamentalement pas différents, alors que Dioclétien au contraire partage le pouvoir entre quatre chefs d’état, deux Augusti et deux Caesares.

Le modèle de l’autocrate vient bel et bien de l’Orient et vouloir une conception impériale pour l’Europe, c’est tourner le dos une fois de plus à la tradition européenne, qui est fondamentalement républicaine. Chez les Indo-Européens, le pouvoir est détenu par une *sebhos, une assemblée du peuple, au sein de laquelle un *regs ou « garant du droit » est élu. Le *regs donnera le mot « roi » (latin rex), mais ce terme ne doit pas être à l’origine confondu avec le sens qu’il a pris au moyen-âge. En revanche, le melekh proche-oriental est un souverain absolu et le représentant de Dieu ou des Dieux sur terre. Alors que les Sumériens possédaient une forme de proto-démocratie avec des cités-état, les Akkadiens puis les Assyriens transformèrent politiquement la Mésopotamie en empire.

La notion allemande de Reich, que l’on traduit généralement par « empire » en français, est-elle-même liée étymologiquement au mot latin rex. Là encore, l’idée d’un Reich européen, outre la connotation négative d’un terme particulièrement dévalorisé par son usage par l’Allemagne nazie, n’est pas conforme aux valeurs et aux principes fondamentaux des Européens depuis l’antiquité la plus ancestrale.

Rappelons qu’au XXème et XXIème siècles, la notion d’ « empire » est systématiquement négative. On songe par exemple à l’Empire dans l’univers Starwars, symbole de la victoire de l’oppression sur les libertés publiques, mais aussi à des expressions comme « l’empire du mal », « l’empire soviétique » ou encore « l’empire colonial ». Ce dernier terme, qui n’avait pas un sens péjoratif à l’origine, mais qui l’a ensuite pris à la suite des mouvements de décolonisation, respectait d’ailleurs son sens véritable. Car l’empire colonial n’est rien d’autre que l’unité contrainte de populations n’ayant rien en commun à part le fait d’être des « prises de guerre » d’une puissance coloniale européenne.

Que la république française ait pu générer un empire, voilà une chose bien étrange. Mais cela n’a pu être le cas que parce qu’une oligarchie a réussi à se maintenir au pouvoir en France, malgré les élections, et a œuvré au profit d’intérêts privés au lieu de celui du plus grand nombre. L’aberration coloniale, qui a permis à certains de s’enrichir considérablement, au détriment du peuple, était le résultat d’une conception impériale dans laquelle on explique « nos ancêtres les Gaulois » à des populations africaines.

Admettre la notion d’empire comme nécessaire pour penser l’Europe unie, c’est ne pas agir dans le sens des intérêts de l’Europe et des Européens, car c’est nier la profonde homogénéité de notre continent, et nier sa capacité à défendre la liberté publique contre les tyrans de toutes sortes, contre les oligarchies. Odium regni, telle devrait être la devise de l’Europe de demain.

Thomas FERRIER (PSUNE)

PS : il est intéressant de noter que chez les plupart des peuples d’Europe, la notion de « roi » est exogène. Le rix celte, le rex latin et le rajah indien, venant de l’indo-européen *regs, ne désigne pas un monarque, pas plus que l’archonte-roi à Athènes ne l’était. Chez les Germains, le « kauningaz » est un « chef de tribu », un kinship leader. Son nom a donné le russe kniaz’ (« prince ») et le finnois kauningas. Le « roi » est chez les Slaves un tsar, un « César » mais aussi un korol’, un « Carolus », du nom latin de Charlemagne. C’est aussi le cas du karãlius lituanien.

23/07/2013

La cote d’amour de l’Europe en berne (Eurobaromètre 79)

drapeau-europeen.jpgL’eurobaromètre de juillet 2013 vient d’être publié par l’Union Européenne. Bien sûr, les questions les plus dérangeantes comme l’identité européenne ou l’élargissement, et notamment le cas de la Turquie, n’ont pas été posées, car on devinait une réponse qui ne plairait pas à nos dirigeants. Mais les renseignements fournis par ce sondage demeurent intéressants.

62% des Européens se sentent citoyens de l’Union, ce qui est tout de même relativement faible. Il faut dire que les avantages de cette « citoyenneté » ne sautent pas aux yeux puisqu’elle n’apporte aucune plus value notable par rapport à la citoyenneté « nationale ». Ce serait différent si la séparation entre ceux qui seraient citoyens européens et ceux qui ne le seraient pas été bien plus significative et si les règles de son acquisition n’étaient pas automatiquement liées à un processus de naturalisation interne à un des états membres. Le principe d’une nationalité européenne, synonyme plus ou moins de citoyenneté européenne, avec des critères précis d’attribution et offrant une « exclusivité citoyenne », renforcerait considérablement une Europe en berne en lui offrant un complément d’appartenance identitaire qui lui fait défaut.

Néanmoins, il y a donc 37% des Européens qui ne se considèrent pas comme citoyens de l’Union mais exclusivement comme citoyen national. La France est légèrement en dessous de la moyenne quant à ce sentiment, car 61% des Français seulement se considèrent comme citoyens européens. C’est bien moins que d’autres pays comme Malte (81%), l’Allemagne (73%) ou des pays plus eurosceptiques en apparence comme le Danemark (71%) ou la Suède (69%), mais c’est toutefois davantage qu’au Royaume-Uni (48%), qu’à Chypre (45%) et en Grèce (44%). L’impact de la crise économique dans ces deux derniers pays explique pour beaucoup ce résultat, alors que l’UE leur apparaît comme punitive. Mais n’oublions pas que le désaveu de la classe politique nationale est encore plus fort.

Même si un vent d’euroscepticisme semble souffler sur notre continent, il s’inscrit dans un contexte de défiance des Européens contre le pouvoir politique, communautaire comme national. 31% des Européens ont confiance dans l’Union Européenne, ce qui est certes peu, mais 26% seulement en leur parlement national, et 25% en leur gouvernement. C’est une crise politique générale à laquelle nous assistons et qui emporte tout sur son passage.

L’optimisme pour l’avenir de l’Union Européenne n’est également pas brillant. 49% restent optimistes, mais 46% sont désormais pessimistes. Parmi les plus optimistes, nous avons le Danemark (72%) et la Pologne (63%), mais 44% seulement des Français le sont, 40% des Espagnols et des Britanniques, 30% des Grecs, 28% des Chypriotes et autant de Portugais.

La question de l’€uro, cette monnaie unique qu’on accuse de tous les maux, est différente. On pourrait imaginer que les pays dans lesquels le sentiment européen est fort seraient les premiers à le soutenir, mais il n’en est rien. Si 51% des Européens y sont favorables, 43% lui sont opposés. Le soutien en France et en Allemagne est modéré (62% et 66%), alors qu’il est nettement plus fort dans certains pays slaves mais aussi en Belgique (76%) et en Finlande (75%).

Les pays qui ne possèdent pas l’€ comme monnaie sont généralement hostiles à cette dernière. 25% des Tchèques, 29% des Polonais, 32% des Danois mais seulement 15% des Britanniques et 19% des Suédois sont favorables à la monnaie unique. Ce désaveu n’est pas surprenant dans le contexte actuel, et notamment au Royaume-Uni, où la propagande €uro-phobe est particulièrement virulente. Paradoxalement, en Hongrie, 50% des habitants sont pour l’€, ce qui n’est pas le cas du futur adhérent à la zone, la Lettonie (43% de pour), et encore moins pour la Lituanie voisine (40%). 79% des Britanniques et des Suédois sont opposés à toute introduction. Dans le cas de la Grèce, en revanche, 60% des Grecs veulent conserver la monnaie unique (36% sont contre) et dans le cas de Chypre, c’est 47/47, la crise bancaire ayant un effet désastreux sur l’image monétaire en général.

On peut ainsi constater que le sentiment européen est à la baisse et qu’en tout cas il ne converge pas avec le soutien à l’€uro. Certains pays où l’européanité est forte (Suède, Danemark) ne veulent pas en entendre parler, alors que les Britanniques sont encore plus hostiles, mais 48% d’entre eux restent européens. La volonté de l’aile dure du parti conservateur de Cameron de sortir leur pays de l’UE divise l’opinion. Le rejet de l’€uro en revanche est très massif.

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30/06/2013

L'Europe de Schmidt n'est pas l' "Europe" de Hollande !

20070607g8giscard_0.jpgHelmut Schmidt, ancien chancelier social-démocrate allemand (1974-1982), évoquait à la radio suisse RTS la problématique migratoire ce mercredi 26 juin 2013. Dans ce cadre, Schmidt distingue radicalement l’immigration intra-européenne et l’immigration extra-européenne. Selon lui, « en ce qui concerne l’Italie ou la Grèce, il n’y a pas de problème ». Il ajoute que « la libre circulation à l’intérieur de l’Europe n’est pas dangereuse » et que « le problème n’est pas dû à l’immigration italienne, grecque ou espagnole ».

En revanche, Schmidt considère que « la culture turque est bien plus différente ». C’est d’ailleurs pour cela que Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, qui font partie des consolideurs de l’Union Européenne, sont farouchement opposés à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Reprenant des accents qui rappellent les propos de Giscard d’Estaing dans Le Figaro Magazine en 1991, il explique que « le problème de l’immigration en Europe est dû à l’immigration issue de cultures étrangères, notamment marquées par l’islam » et que ce qui est dangereux selon lui, c’est le « mélange avec des cultures étrangères », sous-entendus étrangères à « la communauté de culture en Europe », c'est-à-dire à la civilisation européenne.
 
Source radio des propos d'Helmut Schmidt:
RTS+
Analyse:
LBTF

23/06/2013

L'union de l'Europe ou la guerre ?

"En Albanie, la rhétorique dominante est le national-européisme. Les politiciens disent : "nous les Albanais, nous serons unifiés sous le ciel européen, les frontières ne compteront plus, on pourra oublier la Serbie, la Macédoine et la Grèce !" Si le projet européen échoue, l'Europe verra son pire reflet dans les Balkans. Le pire désordre possible. Je ne parle pas de la guerre. D'autres acteurs, comme la Russie, qui a de forts liens avec la Serbie, ou la Turquie, qui a soutenu les Albanais et la Bosnie, entreront dans la danse. On reviendra à des alliances anciennes."

(Fatos Lubonja, propos recueillis par Piotr Smolar, Le Monde.fr, 23/06/2013)

16/06/2013

Erdogan ou le retour d’Osman

 
erdogan_en_ahmadinejad1.jpgLes derniers manifestants de la place Taqsim viennent d’être chassés manu militari sur ordre du premier ministre, l’islamiste « modéré » Recep Erdogan. Cela met ainsi fin à une crise politique sans précédent depuis la victoire de l’AKP en 2002. Mais cela permet surtout de mettre un sérieux frein, si ce n’est un arrêt définitif, au processus d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, puisque même l’un de ses plus fervents partisans, Stefan Füle, commissaire à l’élargissement, a été pris à partie par Erdogan.

Lorsqu’en 2005, après le baroud d’honneur de l’Autriche, négociant son renoncement en échange d’une adhésion accélérée de la Croatie, qui a tout de même mis huit ans, ce pays ne devenant le 28ème membre de l’Union que dans un peu moins de quinze jours, les pourparlers d’adhésion avec la Turquie ont été entamés, malgré une opinion publique européenne de plus en plus opposée à ce qu’un pays essentiellement asiatique et musulman nous rejoigne, un formidable cadeau a été fait en faveur de l’AKP d’Erdogan.

Alors que l’islamiste Erbakan, et ancien mentor d’Erdogan, avait réussi à amener son parti, le Refah, aux portes du pouvoir, l’armée laïque, défendant l’héritage de Kemal Atatürk, était intervenue en force pour l’en chasser. Erdogan choisit donc la voie du renard, en avançant masqué, selon la fameuse stratégie de la taqija islamiya. Il se présenta donc à la tête d’un parti « islamiste conservateur », le fameux AKP, qu’il présenta d’une manière rassurante comme une sorte de « démocratie musulmane », une variante turque de la CDU (chrétiens-démocrates) allemande. Il fut en outre associé au Parti Populaire Européen (PPE).

C’est au nom de l’adhésion à l’UE, et de la légitimité démocratique qu’il obtint par les urnes, bénéficiant du soutien d’une classe moyenne « islamique », nouveaux riches venus du fond de l’Anatolie profonde, demeurée conservatrice, qu’Erdogan put s’en prendre à tous les garde-fous qui empêchaient la réislamisation officielle du pays, conséquence d’une réislamisation de fait d’une partie de la société turque.

Il écrasa ainsi toute velléité de révolte de l’armée, neutralisant ses chefs, associés dans de nombreux cas au fameux complot « Ergenekon ». Cela lui permit d’étêter l’armée de ses généraux laïcs mais aussi de soumettre les media, de nombreux journalistes indépendants ayant été traduits devant les tribunaux. En effet, aux yeux de l’UE, le pouvoir de l’armée était incompatible avec une démocratie digne de ce nom, mais la Turquie n’était pas une démocratie comme les autres. Les militaires jouaient sur le principe un rôle politique dont il n’était pas normal qu’ils puissent disposer, mais il aurait fallu que la Turquie soit prête à s’en passer, ayant la maturité nécessaire. Or, on le constate une fois de plus, la société turque a encore du chemin à faire, et cette « démocratie modèle », selon la prétention de Davutoglu, est loin de l’être.

Le problème pour cette jeunesse stambouliote qui en a assez des diktats de l’autocrate d’Ankara, de ses arrêtés anti-alcool et de son apologie constante du voile islamique, qu’il impose à sa femme et à ses filles, c’est qu’elle est minoritaire dans le pays. Avec Erdogan, les beyar Türkler, dont Atatürk était le plus remarquable représentant, ont perdu de leur superbe, le pays ne leur appartenant plus. Descendants d’arméniens survivants, chrétiens, kurdes ou alévis, kémalistes (CHP) et nationalistes (MHP), tous représentent un obstacle vers le rétablissement du califat, vers le néo-ottomanisme dont Erdogan et Davutoglu sont les fers de lance. A un Atatürk présentant son peuple comme descendant des Hittites indo-européens, à un mouvement national prônant le pantouranisme, Erdogan défend l’umma islamiya et se veut le représentant de la rue arabe, d’où ses violentes diatribes contre Israël.

Tant qu’Erdogan bénéficiera du soutien d’une bourgeoisie conservatrice et affairiste, faisant de l’islam sa référence culturelle, l’AKP sera inébranlable. Ce n’est pas une raison pour que l’Union Européenne continue de faire son jeu, comme elle l’a fait depuis des années. Le seul geste d’encouragement face à cette Turquie qui ne veut pas ressembler à l’Iran voisin, ce serait de mettre fin d’une manière unilatérale au processus d’adhésion, signifiant ainsi que les Européens ne sont plus dupes des manœuvres d’Erdogan et de ses amis. En isolant le gouvernement AKP, on pourrait ainsi le faire vaciller sur ses bases. Et ce ne serait que justice, puisque Erdogan ne se gêne pas pour insulter ouvertement l’Union Européenne lorsque, par exemple, le parlement européen manifeste ses inquiétudes face à un état turc trop répressif.

Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est qu’elle commence à ouvrir les yeux d’une partie de la gauche intellectuelle, à l’instar de Jacques Julliard dans « Marianne » ou de Franz-Olivier Giesbert dans « Le Point », contraints de rejoindre l’analyse d’un Eric Zemmour pour « Le Figaro ». Le soutien affiché d’un François Hollande vis-à-vis d’une Turquie islamo-asiatique n’est plus tenable, et d’ailleurs, on n’a guère entendu le président sur cette question. Il est vrai que la répression policière excessive de la Manif’ pour Tous ne lui permet pas de donner des leçons à Erdogan. Enfin, La position pro-turcs de Michel Rocard devient réellement inaudible, et celle de Daniel Cohn-Bendit, expliquant qu’il faut ouvrir dès à présent les chapitres concernant la justice et les droits fondamentaux, franchement grotesque.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

02/06/2013

FIGURES EUROPEISTES: GERARD DUSSOUY (2/2)

gérard dussouy,thomas ferrier,européisme identitaire,nation européenne[IDEOLOGIE EUROPEENNE]

LBTF: Les Etats « nationaux » ne sont-ils pas devenus aujourd’hui les geôliers des peuples ?

GD: La formule est raide. Mais, elle est juste dans la mesure où les Etats « nationaux » sont impuissants, chacun séparément, face aux forces du marché planétaire et qu’ils sont devenus les « relais » des instances mondiales (OMC, FMI), dont ils s’efforcent de faire appliquer les consignes. Ils sont incapables de promouvoir une politique alternative.

LBTF: Le souverainisme est à la mode. Qu’est-ce qui explique son (relatif) succès ? Le fétichisme « national » est-il une solution à la crise ?

GD: Face à la crise et aux multiples difficultés qui s’accumulent, et en raison de l’incapacité de l’UE de remplir sa mission (assurer la prospérité des Européens), le reflexe naturel de tous ceux qui sont en manque d’imagination politique est le retour en arrière.

La peur de l’avenir amène les hommes à se raccrocher à ce qu’ils connaissent, c’est à dire à ce qui, dans un contexte dépassé, a contribué à leur sécurité, plutôt qu’à innover.

LBTF: L’euroscepticisme n’est-il pas à terme amené à abandonner toute lutte contre l’immigration non-européenne au profit d’une vision néocoloniale suicidaire ? Le fait que le FN mette la question migratoire en sourdine au profit d’une attaque permanente contre toute idée de construction européenne n’en est-il pas le symbole ?

GD: On a du mal à suivre la politique extérieure de la France aujourd’hui. Faute de vouloir s’impliquer dans la construction européenne (refus systématique de la droite et de la gauche des plans conduisant à la supranationalité), mais incapable, en même temps, d’orienter la politique de l’UE, elle paraît, en effet, se retourner vers son champ de prédilection, l’Afrique. Le seul continent où elle se donne l’impression d’être encore une puissance. Mais pourra-t-elle, seulement, en soutenir le prix ?

Quant au parti extrémiste que vous citez, sa xénophobie anti-européenne et, surtout, sa germanophobie sont telles, qu’il n’est pas surprenant qu’il tienne désormais l’immigration extra-européenne pour un moindre mal. L’irrationnel conduit aux comportements politiques les plus contradictoires et les plus contreproductifs qui soient.

LBTF: Qu’est-ce qui fait selon vous que l’européisme authentique, que vous comme moi défendons, n’arrive pas à se faire entendre ?

GD: Comme je l’ai indiqué plus avant, il part d’une analyse réaliste et rationnelle de la réalité qui met en cause les préjugés nationaux, d’un côté, et les idéologies universalistes (socialistes comme libérales), de l’autre. Il a le plus grand mal à se faire entendre, car il est pris entre deux idéologies dominantes, l’une nationaliste, l’autre mondialiste. Il lui faut faire admettre, par ceux qui veulent bien écouter ses arguments, que le cycle des Etats-nation européens est achevé, d’une part, et que, d’autre part, les théories sur l’unité du genre humain et sur l’émergence d’une société mondiale (qu’elle soit socialiste ou libérale) sont des apories, sources de tous les maux dont nous souffrons et dangereuses pour notre survie.

Cependant, le nouveau contexte historique et le travail d’explication peuvent faire évoluer les choses, parce que les croyances sont contingentes. Les normes et les valeurs émergent et évoluent en fonction d’un processus systémique à la fois écologique (les relations entre les acteurs et leur environnement matériel), social (les relations entre les acteurs) et interne (les caractéristiques propres aux acteurs).

C’est pourquoi, à la lumière des désordres sociaux et sociétaux qui s’installent, et qui ne feront qu’empirer, la possibilité pour les européistes de contribuer à une révolution cognitive, c’est à dire à changer le paradigme ou la vision du monde à partir duquel se structure la société européenne, est réelle.

LBTF: Le parti américain est au pouvoir en Europe, tant au niveau des capitales nationales que de Bruxelles et de Strasbourg. Peut-on espérer triompher de lui, en s’appuyant par exemple sur la Russie ?

GD: Je ne sais pas si l’on peut aborder la question en ces termes. Parce que la problématique européenne se pose moins en termes de rapports internationaux, et de rivalité américano-russe en Europe, qu’en termes de blocs socio-idéologiques, de catégories de population opposées, de conflits potentiels entre classes dirigeantes et peuples, face à des choix de société et de civilisation. Néanmoins, vous avez raison de parler d’un parti américain dans le sens où les gouvernants européens sont incapables de se déterminer sans l ‘aval de Washington, et à plus forte raison de prendre des décisions qui pourraient contrarier les Etats-Unis.

Mais, dans le contexte très chaotique qui va s’installer dans un futur proche, au moins dans une partie du continent, il n’est pas absurde de penser que la construction de l’Europe pourrait se faire, ou plutôt reprendre, non plus d’Ouest en Est, c’est à dire à l’initiative des Occidentaux, dont la conception universaliste du monde aura été rejetée par les peuples en perdition, mais d’Est en Ouest, à l’initiative, ou avec le concours, de la Russie, l’une des dernières puissances européennes en état de marche (avec peut-être la Pologne, l’Allemagne, et certains Etats alpins). Et cela, parce que la Russie aura compris que son intérêt est de s’incruster dans l’Europe, avec laquelle elle partage son avenir, face au reste du monde.

LBTF: Que pensez-vous du principe de « nationalité européenne », reposant sur des critères de convergence et sur le ius sanguinis, qui permettrait ainsi de refonder un principe de citoyenneté qui a été dévoyé par les (anciens) Etats ?

GD: Dans le choix à faire entre le jus soli et le jus sanguinis, qui sont les deux critères à partir desquels la nationalité est acquise selon les différents pays européens, il est clair que le second est le seul à devoir être pris en considération, parce que le seul qui soit pertinent, dans l’attribution de la nationalité européenne.

En effet, et d’une façon générale, on est en droit d’écrire que le jus soli n’a plus de sens dans le monde d’aujourd’hui caractérisé par la mobilité extrême des individus, et rendue si aisée par les moyens de communication. Autant, dans le passé, compte tenu des difficultés à surmonter, on pouvait tenir l’installation d’une personne dans un pays pour un acte de foi dans celui-ci, autant maintenant, le nomadisme des hommes enlève toute valeur morale à ce même comportement, qui ne doit plus rien à la conviction.

Dans un espace où les hommes n’ont plus de repères, où ils peuvent changer de lieu de résidence sans rendre aucun compte, sans remplir la moindre obligation, il est évident que le jus sanguinis est le dernier refuge de la citoyenneté, européenne en l’occurrence.

LBTF: Dans votre ouvrage, vous évoquez la nécessité de disposer d’une langue unitaire, qui ne soit pas l’anglais. Vous proposez le latin. Nous prônons en revanche l’europaiōm ou « européen », qui n’est autre qu’une version modernisée du proto-indo-européen, langue-mère des Européens reconstituée par grammairiens et linguistes depuis deux siècles. Qu’en pensez-vous ?

GD: Au train où vont les choses, l’Europe aura bientôt une langue commune et qui sera l’anglais. Mais un anglais qui n’est plus une langue européenne, et dont on peut se demander s’il appartient encore aux Anglais. Ce qui n’est pas acceptable.

La question est donc de savoir quelle langue commune adopter pour surmonter l’énorme problème de communication que pose le plurilinguisme européen, au demeurant tout à fait légitime et à conserver. C’est pourquoi, j’ai proposé d’en revenir au latin, langue de la civilisation européenne par excellence, et qui fut longtemps pratiquée par toutes les populations éduquées d’Europe, qu’elles fussent d’origine latine, germanique, bretonne ou autre.

Je ne saurais me prononcer sur votre proposition n’étant ni linguiste, ni connaisseur de cette proto langue européenne modernisée. Cependant, le débat est ouvert et on ne peut l’évacuer. A partir de là, elle est à étudier.

LBTF: Si on définit la nation comme le regroupement de ceux de même ascendance, peut-on alors parler de « nation européenne » ? Ne peut-on pas considérer l’Europe comme une nation sans Etat, comme l’Italie d’avant Cavour et l’Allemagne d’avant Bismarck ? Reste alors à la doter de cet Etat, qui ne peut qu’être proche de celui dont vous êtes promoteur.

GD: La nation est une notion moins facile à définir qu’il n’y paraît, et qui peut prêter à bien des confusions. Chez les Romains, la natio a avant tout un sens ethnique. Sous l’Ancien Régime, en France, le terme conserve cette connotation et est assez proche du mot « patrie » (on parle de nation picarde ou de nation bourguignonne). La nation peut donc exister sans Etat. Et on a cet exemple de la nation polonaise qui a survécu à la disparition de son Etat (au 18° siècle), jusqu’à son rétablissement en 1919. Quant aux nations italienne et allemande, elles existaient culturellement de longue date. Mais, il aura fallu le Piémont et la Prusse pour qu’elles soient, chacune respectivement, rassemblées dans une même communauté politique, c’est à dire sous la forme d’un même populus, pour parler comme les Latins. La nation, comme on la connaît aujourd’hui, est donc un fait de puissance.

gérard dussouy,thomas ferrier,européisme identitaire,nation européenneDès lors, par rapport à votre interrogation, on peut considérer qu’il existe bien une « nation européenne » potentielle, en raison des ascendances communes et de l’unité civilisationnelle. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, les différenciations internes l’ont largement emporté. Principalement à cause de l’absence de péril extérieur (les épisodes tels les Champs Catalauniques et Lépante furent bien trop rares et trop éloignés dans le temps pour provoquer une cristallisation de l’Europe). En revanche, les épreuves qui s’annoncent, et dont on sous-estime aujourd’hui la dureté, permettront, peut-être, l’émergence de l’Etat européen en mesure de rassembler, ou de fabriquer au moyen d’une trame fédérale indispensable, la « nation européenne » pluriculturelle préexistante.

[SYMBOLES EUROPEENS]

LBTF: Assumez-vous le drapeau de l’Union Européenne ? Ne pensez-vous pas qu’un drapeau qu’on ne brandit pas perd de sa force ?

GD: Pourquoi pas ? Mais il faut reconnaître qu’il est bien fade, et qu’il ne symbolise en rien l’Europe. Il pourrait être celui d’un club sportif. De toutes les façons, un drapeau ne vaut que par les sacrifices qui ont été faits en son nom.

LBTF: L’hymne européen dans sa version actuelle n’est pas chanté. Ne pourrait-on pas par exemple chanter son premier couplet, dans sa version originale ?

GD: J’avoue mal le connaître, et je n’ai pas d’opinion à ce sujet.

LBTF: Faut-il mentionner les « racines chrétiennes » de l’Europe dans des textes fondateurs ?

GD: Je ne le pense pas, bien que l’héritage chrétien ne soit pas contestable. Mais un Etat n’a aucune raison de se revendiquer d’une religion, même si les Américains ou les Arabes le font. A moins qu’il n’entende l’instrumentaliser.

LBTF: L’absence de « religion identitaire » pour les Européens, que déplorait Dominique Venner dans « Le choc de l’histoire », le christianisme étant une religion à vocation universelle, est-elle selon vous un problème ?

GD: Comme agnostique, l’idée de religion n’emporte pas mon adhésion. La déchristianisation de l’Europe ne serait pas un mal en soi, à mes yeux, si ce n’était qu’elle laisse le champ libre à une religion plus infantilisante et plus aliénante encore, l’Islam. Et, s’il a fallu lutter pendant plusieurs siècles pour laïciser les sociétés européennes, sans malheureusement se débarrasser de toutes ses scories universalistes, ce n’est pas pour succomber maintenant à cet obscurantisme là.

Le seul culte que j’admets est celui des ancêtres parce qu’il nous indique d’où l’on vient, et qu’il nous permet de rester en prise avec nos origines, qu’il est une façon de respecter les sacrifices accomplis, et qu’il désigne à notre postérité une route à suivre, par delà les errements individualistes souvent misérables.

LBTF: Gérard DUSSOUY, je vous remercie.

GD: C’est moi qui vous remercie, Thomas Ferrier, de m’avoir donné l’occasion de répondre à un certain nombre de questions essentielles pour ceux qui réfléchissent au devenir de l’Europe et de nos enfants.

ENTRETIEN AVEC GERARD DUSSOUY (PARTIE 2/2)

FIGURES EUROPEISTES: GERARD DUSSOUY (1/2)

 
Europa.jpgGérard DUSSOUY est professeur émérite à l’université de Bordeaux, spécialiste de la géopolitique, et partisan déclaré d’un européisme authentique. Il est l’auteur en 2013 de « Fonder un Etat européen », aux éditions Tatamis.

LBTF: Gérard DUSSOUY, bonjour.
 
GD: Bonjour.

[INSTITUTIONS ET POLITIQUE]

LBTF: Votre ouvrage expose d’une manière extrêmement pédagogique l’enjeu européen. Pourquoi personne n’a-t’il osé aussi explicitement défendre l’Europe politique ?

GD: La politique et la rationalité ne font pas bon ménage. Or, le discours en faveur de l’Europe politique est un discours éminemment réaliste et rationnel qui suppose des efforts intellectuels, une réflexion globale et l’acceptation de mises en cause matérielles et symboliques. On ne peut pas construire une carrière politique dessus. Il va à l’encontre des représentations et des mythes nationaux récurrents, des contes de fée idéologiques (sur le changement social et sur le monde à venir) qui embrouillent les esprits. Mais qui permettent aux hommes politiques d’accéder au pouvoir, et de s’y maintenir le plus longtemps possible, en réfutant la réalité et en misant sur des comportements électoraux conformistes et routiniers.

De fait, les partis traditionnels, de droite et de gauche, ne croient à la possibilité d’une Europe politique, ou ils n’en veulent pas, et ils entretiennent les opinions publiques dans leur scepticisme. Dans cette optique, les médias ont tout intérêt à étouffer le discours européiste, réaliste et rationnel, qui contredit ces derniers, et à donner la parole aux groupements souverainistes qui font dans l’imprécation, mais qui sont sans solution.

Néanmoins, l’efficience d’un discours dépend aussi du contexte dans lequel il est prononcé. On peut penser que celui qui se dessine sera plus favorable à l’Europe politique. Après le figement de la Guerre froide (qui interdisait toute idée d’émancipation de l’Europe) et les illusions du nouvel ordre marchand mondial (dont on commence à peine à prendre la mesure du désastre qu’il entraîne pour les nations européennes), des échéances se profilent qui ne laisseront pas d’autre alternative qu’entre sa réalisation ou le chaos et la misère. Alors, gageons que nécessité et pédagogie combineront leurs effets salutaires.

LBTF: Quand on lit de prétendus « fédéralistes européens » comme Daniel Cohn-Bendit, on a l’impression que l’Europe dont ils parlent est un objet théorique, sans identité, sans racines, sans histoire. Ne sont-ils pas alors les meilleurs alliés des souverainistes.

GD: Les « fédéralistes européens » ne sont pas des européistes, au sens où il s’agit de penser une Europe souveraine et décomplexée, libre de ses choix politiques et sociétaux, mais des mondialistes, des cosmopolites. L’Europe en soi, avec son histoire, sa civilisation, et les intérêts spécifiques de ses peuples ne les intéressent pas. Ils ne voient dans l’Union européenne qu’une zone de libre-échange, préfiguration de ce que doit devenir le monde entier, quitte à ce que les Européens en fassent les frais, compte tenu des disparités considérables qui séparent les différentes sociétés du globe. Dans cette démarche, José Barroso, le président irresponsable de la Commission, n’entend-il pas réaliser avec les Etats-Unis une zone de libre-échange transatlantique dont les attendus iront au-delà des recommandations de l’Organisation Mondiale du Commerce ?

Il tombe sous le sens que les conséquences sociales catastrophiques de la politique économique de l’UE fait des « fédéralistes européens » les alliés objectifs, comme auraient dit les marxistes à une époque, de ceux qui, par désarroi ou par nostalgie, s’énoncent souverainistes, et ne peuvent maîtriser leurs affects.

LBTF: Une erreur majeure des prétendus européistes est de laisser aux souverainistes le « monopole du réel », refusant de prendre en compte la colère, la frustration, l’angoisse des Européens vis-à-vis de phénomènes mondialisés, comme le capitalisme international, l’islamisme ou l’immigration non-européenne. Quel discours devrait-on selon vous opposer aux europhobes ?

Europa2.jpgGD: Le problème ici, est que tous autant qu’ils sont, les « Bruxellois » ou autrement dit la sphère dirigeante de l’UE, d’un côté, et les souverainistes, de l’autre, ont perdu le sens du réel. Les premiers, parce qu’ils courent après leur rêve d’un monde irénique, d’une humanité totalement intégrée et débarrassée de tous les rapports de force. En dépit du fait que leur politique met en péril l’existence même des sociétés et des cultures européennes. Les seconds parce qu’ils ne veulent pas comprendre que le repli national est, face aux dérives et à l’aveuglement de l’UE qu’ils dénoncent à juste à titre, une impasse. Ils n’ont pas pris conscience des changements intervenus dans les rapports de puissance mondiaux. Il faut leur montrer que, par exemple, seul un Etat européen serait capable de mettre à la raison, par les mesures de rétorsion nécessaires et adéquates, les grands financiers ; ou encore, de s’opposer efficacement à l’expansionnisme musulman, lequel est, à la fois, démographique (par l’émigration), religieux (par le prosélytisme) et financier (par l’investissement).


LBTF: Vous évoquez la nécessité d’un « parti européen révolutionnaire », parti pilote qui permettrait d’engager un processus politique en vue d’une république européenne. A quoi devrait-il ressembler selon vous ?

GD: Aucune organisation politique, aucun parti politique, pas même dans un seul des pays de l’Union européenne, n’est porteur aujourd’hui du projet de l’Etat européen. Tous les partis, nationaux par essence, sont frappés par le tropisme électoral et par une absence patente de vision de l’avenir.

La prise de conscience européenne, susceptible de légitimer et d’engager le processus d’unification, nécessite donc l’émergence d’un acteur politique révolutionnaire en ce sens qu’il transcenderait les clivages nationaux en termes de représentation du monde, d’objectifs politiques et de méthode d’action.

Supranational par vocation, cet acteur (parti, réseau, réseau de réseaux) doit trouver les moyens d’européaniser les débats politiques en faisant ressortir l’identité européenne des enjeux de toutes natures, des risques encourus. Ce qui n’est pas difficile quand on observe les émeutes ethniques qui frappent les grandes villes européennes, ou quand on recherche les causes de la crise économique et sociale qui atteint, à des degrés divers, les salariés européens. Les remèdes ou les solutions ne peuvent être, tout le monde le sait, que communautaires.
 
L’acteur européiste doit se concevoir comme plurinational dans son action (des thématiques communes et des actions similaires sont à mener dans un maximum de pays européens) et multinational dans son implantation en Europe (il doit exister partout où il le peut, sous des formes diverses et variées).

LBTF: Une assemblée européenne constituante par auto-proclamation du parlement européen, serait-ce une bonne méthode pour faire naître l’Etat européen que vous appelez de vos vœux ?

GD: Ce scenario me semble particulièrement optimiste. Mais il serait idéal. Il suppose qu’une majorité de parlementaires européens soient acquis aux idées européistes.

LBTF: Si un européisme identitaire émergeait à l’échelle d’un seul état européen, mais pas à l’échelle de l’Europe entière, ne risquerait-il pas d’être écrasé ?

GD: Le risque existe effectivement, même pour l’un des plus puissants Etats européens. C’est pourquoi, si cet Etat entend jouer le rôle de « Piémont de la nouvelle Europe », il lui faut des relais dans les autres Etats, afin de ne pas demeurer isolé et de pouvoir s’unir vite avec un ou quelques autres Etats.

Votre question amène à souligner la nécessité de cette organisation européiste supranationale, prête à éclairer les opinions publiques, à l’instant esquissée.

[EUROPE ET FRONTIERES]

LBTF: Qu’est-ce qu’un européen ?

GD: C’est un être humain dont la filiation européenne ancestrale est prouvée.

LBTF: Dans votre ouvrage, vous prônez à terme l’intégration de la Russie dans l’Europe unifiée, idée à laquelle nous sommes très favorables. Mais qu’en serait-il par exemple du Caucase ?

GD: Il faut rappeler que le Caucase représente pour la Russie sa « frontière naturelle » méridionale. Celle qui la sépare et la protège du monde moyen oriental. Et l’acquisition de ce rempart naturel a été le résultat d’une politique tsariste de longue haleine. L’éventuelle adhésion de la Russie à l’Europe unie ne changerait rien.

Il faut ajouter que les deux Etats de Transcaucasie, l’Arménie et la Georgie, ont aussi leur place dans une Europe, dont ils sont des « postes avancés » aux portes de l’Asie centrale.

LBTF: L’islam, balkanique et caucasien, est-il compatible avec l’adhésion à l’Union Européenne, y compris à la version que vous prônez ?

GD: Sans doute, mais à la condition d’une laïcisation complète, achevée (ce qui ne fut pas le cas dans l’ancienne Union soviétique).

LBTF: La Turquie la plus européenne n’est-elle pas celle qui refuse de rejoindre l’Union Européenne ?

GD: Je suppose que vous faites allusion à la région d’Andrinople, qui a peut-être intérêt à demeurer dans un « entre-deux ».

LBTF: Le Royaume-Uni peut-il faire partie de cette République Fédérale Européenne ?

GD: En théorie, cela ne pose pas de problème puisque l’appartenance à un éventuel Etat européen repose sur l’adhésion à ses valeurs et à sa politique. En pratique, en ce qui concerne le Royaume-Uni, compte tenu des sacrifices symboliques (monarchie) et des révisions politiques (relation spéciale avec les Etats-Unis) à faire, ou des obstacles psychologiques à surmonter (estime de soi), l’hypothèse apparaît bien incertaine, très douteuse.

Toutefois, rien n’est définitif. La recomposition ethnique de la population britannique, avec la décomposition inhérente de la nation anglaise, pourrait modifier l’attitude des Anglais, Gallois et Ecossais dans le sens d’une plus grande solidarité avec les autres Européens.
 
ENTRETIEN AVEC GERARD DUSSOUY (PARTIE 1/2)