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02/08/2013

Relents monarchiques sous la 5ème République

monarchie,Mitterrand,dérive,république gaullienneIl peut sembler paradoxal de parler de relents de nature monarchique dans un système républicain, comme celui de la France sous la cinquième république. Pourtant nous allons voir que cela n’a rien de déplacé. Surtout cela va bien au-delà des fameuses « dérives monarchiques » que l’on a dénoncé à gauche dès les présidences du général Charles de Gaulle.

Dans sa perspective historique, Thomas Ferrier a associé la démocratie au polythéisme et la monarchie au monothéisme. Nous constaterons, en effet, qu’il y a des relations entre les traits monarchiques et une forme de pensée religieuse, voire monothéiste.

Charles de Gaulle a voulu que le président ait un certain domaine réservé, à savoir la défense et la politique étrangère. Ainsi le président peut-il décider seul d’engager l’armée : il ne peut cependant pas prolongement indéfiniment cet engagement sans l’aval de l’Assemblée. De plus il ne peut pas décider du budget de la défense. Aussi ses prérogatives sont-elles, malgré tout, limitées.

Avec les présidents qui ont suivi, peu à peu le domaine réservé s’est élargi jusqu’à toucher un peu tout. Cependant, si le président promulgue les lois, il ne les vote pas. En droit, la politique de la nation reste entre les mains de l’Assemblée. D’ailleurs, en cas de cohabitation, le pouvoir présidentiel est très limité ; c’est surtout un pouvoir de nuisance, de blocage. Si, en dehors de ce cas, le président a une influence si forte, c’est parce qu’il tient sa majorité.

C’est avec François Mitterand que les choses ont vraiment changé de nature. Avec celui qui reprochait pourtant au Général le « coup d’état permanent », la France a connu le premier monarque républicain. Les choses se sont désormais décidées « au château ».

Ce n’est pas tellement la personnalité du premier président de gauche qui l’explique, même s’il était lui-même issu d’une droite nationaliste. C’est dans la façon de pensée des militants du parti « socialiste » qu’il faut chercher l’explication. Voilà qui ajoute un nouveau paradoxe, quand on sait que le socialisme authentique privilégie la décision collective, à l’opposé de toute forme monarchiste. De fait, le « socialisme » officiel n’a conservé que les modalités, les apparences de la décision collective. Michel Rocard dénonçait une sorte de fétichisme dans les milieux de gauche, plus attachés aux symboles qu’aux réalités, peut-être à la suite des nombreuses désillusions qu’ils ont connues.

Les milieux de gauche sont désormais porteurs d’une idolâtrie qui n’a rien de semblable à ce que l'on rencontre à droite. Il leur faut à tout prix un grand prêtre, que celui-là les prenne de force comme Mitterrand, où qu’il soit le fruit d’élections primaires de circonstance comme Ségolène Royal et François Hollande. Une fois désigné, par lui-même ou presque par hasard, ce grand prêtre est le nouveau Dieu, celui d’un peuple de moutons fidèles. Ainsi Mitterand a-t-il d’abord été le premier « président de droit divin », celui qui se laissait appeler « Dieu ».

Ainsi le président Mitterand n’était-il pas celui des Français, mais celui d’un parti religieux, une sorte d’Ayatollah. C’est ce qui explique la capacité de résistance à la cohabitation dont il a fait preuve.

Ses prédécesseurs Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing ne disposaient pas de ce peuple de fidèles. La majorité était divisée et beaucoup moins « godillot » qu’on ne l’a dit. Elle suivait en général, non pas par ferveur religieuse mais par pragmatisme, chacun cherchant à se faire réélire, du moins tant que la référence présidentielle étaient perçue positivement.

Ensuite Chirac est arrivé et s’est comporté en « président-roi fainéant ». Il y a peu à dire sur son compte. Le cas de Nicolas Sarkozy est plus intéressant. Il a laissé l’image d’un hyper-président, se mêlant de tout. Pourtant le comparer à Mitterand serait une erreur. Comme Pompidou et Giscard, la droite l’a suivi par pragmatisme, parce qu’il a su parler des sujets que les gens ont au cœur, du moins tant que la comparaison entre son action et ses promesses ne l’a pas desservi. Il ne tenait pas sa majorité autant qu’on l’a dit. C’est elle qui lui a imposé de conserver Fillon comme premier ministre.

Le discours d’un candidat ou d’un président est désormais celui d’un despote. Il ne dit pas qu’il soumettra tel projet au parlement, mais qu’il décidera. Madame Royal annonçait partout « sa première mesure ». Le « Moi président » annonçait que jamais telle option ne serait retenue.

Aujourd’hui notre président, François Hollande, est de nouveau « socialiste ». Comme Mitterand, il se prend pour « Dieu ». Cependant il tient aussi du roi fainéant et manœuvrier qu’était Chirac, minimisant sa responsabilité pour tout ce qui fâche et paradant en chef de la Françafrique quand il en a l’occasion. Il arrive qu’on le contredise, qu’un Claude Bartolone ne veuille pas d’une transparence qu’il a pourtant « décidée ». Mais il s’en sort toujours parce qu’il a pris l’habitude de dire tout et son contraire. Finalement le peuple ne l’écoute plus. Ce qui est extraordinaire n’est pas qu’on puisse lui tenir tête, mais qu’il puisse encore décider quelque chose. C’est bien parce son peuple de fidèles est toujours là, qui feint de critiquer le Premier ministre et sa politique pour le ménager lui-même.

Peter EISNER (PSUNE/LBTF)