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14/02/2016

De l’impasse souverainiste au défilé des Européens ? (1/2)

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ue_mayk_knife_presseurop.jpgLa lecture du dernier ouvrage de Bruno Mégret, ancien haut responsable du Front National dans les années 90, ouvrage intitulé « Le temps du phénix », évoque sous la forme d’un récit l’arrivée hypothétique en 2017 d’un nouveau président élu sur une ligne « nationale » et la politique que ce dernier mènerait pendant cinq ans pour changer les choses. Au final, le bilan serait maigre alors même qu’il aurait fait preuve d’une force de conviction exceptionnelle, d’une fine stratégie et de beaucoup d’audace. Mais ce serait un programme correct pour « Les Républicains » si ceux-ci avaient un chef digne de ce nom à leur tête.

Beaucoup de citoyens d’obédience « souverainiste » imaginent de la même façon l’arrivée du Front National au pouvoir. C’est pourtant une illusion, pas seulement parce qu’il est hautement improbable que le FN gagne un jour les élections présidentielles, encore moins en conservant sa ligne actuelle et sa façon de se gouverner lui-même, et dans la foulée les élections législatives. La cinquième république, calibrée idéalement en apparence pour le seul De Gaulle, ce qui n’a pas empêché le grand homme d’être contraint à une sortie bien peu glorieuse, est verrouillée de telle manière qu’aucun parti révolutionnaire et/ou alternatif qui remettrait en cause le « socle des valeurs » admis par le régime en place ne pourra jamais arriver au pouvoir. C’est la même chose en Allemagne où la « loi fondamentale » est destinée à empêcher que l’histoire ne se répète et qu’un doctrinaire plébéien accède au pouvoir.

S’entêter comme le font les souverainistes et nationalistes eurosceptiques à chercher une solution politique nationale, qui plus est démocratique, est déraisonnable, mais penser à une solution continentale serait franchir un Rubicon mental qui leur semble indépassable.

Voyons donc les conditions requises pour que le FN réussisse hypothétiquement à accéder au pouvoir et surtout à vraiment changer les choses.

En premier lieu, il faudrait que son parti gonfle considérablement, attire et conserve des autorités morales, intellectuels ou hauts fonctionnaires, en dehors de l’énarque en chef qui sert à sa dirigeante de second. Or ce dernier « coupe » toute tête qui dépasse afin de conserver son emprise sur le parti. Il faudrait aussi que le FN soit dirigé par une personnalité remarquable, qui dispose à la fois des qualités du fondateur et de la modernité de l’héritière. Deux conditions non réunies aujourd’hui.

Ensuite, il faudrait que ce parti obtienne au premier tour un score quasiment de plus de 40%. On a vu qu’aux régionales même un tel score n’était pas suffisant face à une grande coalition de tous contre le FN. Or rien n’indique que le jeu de propagande de 2002, même atténué, ne reprenne pas en 2017 (par exemple). Et enfin il devrait arriver à dépasser la barre de 50% sur une ligne non centriste, alors que le second tour implique de mettre de l’eau dans son vin et de proposer un consensus acceptable. Or le succès du FN tient justement à sa ligne hétérodoxe et aux persécutions dont il est victime par le système politico-médiatique pour cette raison.

Rappelons en outre que la ligne anti-UE et anti-€ est anxiogène pour de nombreux électeurs, une ligne que Marine Le Pen ne veut pas remettre en question, pensant y voir la seule façon de se distinguer de la droite classique, sachant qu’elle ne veut pas mettre trop en avant le thème migratoire, surtout sur une ligne « ethniciste » qu’attendent pourtant ses électeurs, car il est diabolisant.

Mais allons au bout de l’équation. Le FN devra donc, sans alliés et sans coalition, gagner les présidentielles et les législatives qui suivent. Car toute coalition impliquera compromission et donc des renoncements sur des éléments clé du projet qu’on prête à ce parti. Mais cela ne suffira pas. Le Sénat sera verrouillé et il faudra alors au moins sept ans de victoires locales ininterrompues pour s’en emparer. Actuellement, le FN ne dispose que de deux sénateurs et un seul député stricto sensu, en plus d’un apparenté. Qui peut imaginer un parti impuissant pendant cinq ans à cause du Sénat gagner toutes les élections intermédiaires, municipales et départementales.

Or, sans le Sénat de son côté, impossible de se débarrasser du Conseil Constitutionnel, de modifier les traités internationaux, d’amender la constitution en supprimant des  principes délétères repris ensuite dans la DUDH de 1948.

Moralité ? Même si le FN gagnait toutes les élections nationales, présidentielles et législatives, et cette hypothèse paraît invraisemblable en l’état, il ne pourrait rien changer à la situation de la France et serait balayé aux élections suivantes. En rester à cette stratégie en liant l’avenir à ce seul parti, à la personnalité qui en est à sa tête et à ce seul cadre politique, serait suicidaire. Cette ligne du FN est d’ailleurs la même à DLF, où Nicolas Dupont-Aignan n’envisage que l’élection présidentielle, la « mère des batailles » comme disait Jean-Marie Le Pen.

Et il ne faudrait pas oublier les pressions internationales, diplomatiques et surtout économiques, tant de la part de l’Union Européenne, même si elle est assez impuissante, que de nos partenaires européens. Même l’abandon de l’euro et la rupture avec l’UE n’auraient pas lieu. D’ailleurs, dans son ouvrage, le président version Bruno Mégret conserve l’euro et maintient l’adhésion à l’Union Européenne, même s’il tente avec plus ou moins de succès de la réformer.

Le souverainisme ne propose donc qu’une impasse politique, au nom de postulats de principe qu’il refuse de remettre en question, et notamment le rejet de l’idée européenne, s’entêtant à imaginer un président idéal libéré des entraves d’institutions dont les souverainistes souhaitent la pérennité voire le renforcement au détriment de l’actuelle Union Européenne, pourtant impuissante.

Nous verrons dans une seconde partie qu’il existe un défilé des Européens, un passage étroit et arpenté, qui pourrait permettre aux Français et aux autres Européens, au prix d’une certaine audace, de s’en sortir et d’assurer au niveau continental le relèvement civilisationnel de l’Europe entière.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

07/12/2015

Analyse rapide des résultats du 1er tour des Elections Régionales 2015

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elec.jpgA 90% du dépouillement, en l’absence notamment des résultats de l’Ile de France et des Antilles, le résultat officiel du ministère de l’intérieur indique le Front National comme premier parti du pays, et grand vainqueur des élections, avec 28.94% des voix. On peut pronostiquer un FN légèrement au-dessus de 28% lorsque les résultats seront complets, en sachant que l’Ile de France lui est moins favorable.

Il échoue donc à obtenir le cap symbolique des 30% des voix même s’il connaît une progression de près de trois points par rapport à son résultat des élections départementales. Ce résultat attendu par les sondages confirme néanmoins sa progression constante. Surtout, en Provence et dans le Nord, il obtient un niveau exceptionnel, avec 41.2% pour Marine Le Pen dans le Nord et 41.26% pour sa nièce Marion dans le Sud-Est. Florian Philippot passe en tête dans l’Est avec 36.06% des voix. Enfin Louis Aliot obtient 32.65% des voix dans le Sud-Ouest, loin devant le candidat de droite Dominique Reynié (18.63%). Dans deux autres régions (Centre et Bourgogne-Franche-Comté), le FN est également nettement en tête (30.5% dans le Centre, à cinq points devant la droite ; 31.5% en Bourgogne-FC, à sept points devant la droite).

En revanche, l’extrême-droite anti-FN connaît des résultats extrêmement médiocres, avec 0.62% en PACA pour la liste Ligue du Sud (Bompard) qui a immédiatement annoncé son soutien à Marion Maréchal Le Pen pour le second tour, et 0.35% pour la liste Martinez dans le sud-ouest. Le PDF de Carl Lang, conscient de sa faiblesse, n’avait pas osé candidater contre la présidente du FN dans le Nord.

La droite parlementaire, qui espérait beaucoup de ces élections régionales, échoue donc à incarner l’alternative principale. Avec 26.8% des voix (résultat provisoire), il est devancé par le Front National. Le PS résiste en Bretagne et en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente et devrait conserver ces deux régions. Il est second en Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées et devrait s’y imposer logiquement, sauf si les électeurs de droite votent utile en faveur du candidat FN. La droite est première en Auvergne/Rhône-Alpes devant le FN, mais aussi en Normandie (devançant le FN de seulement 0.2 points), dans les Pays de la Loire et en Ile de France. C’est assez peu au final. Ses chances de succès au second tour sont néanmoins réelles dans ces régions.

Avec 23% des voix, le PS résiste à la montée en puissance des droites. Les autres gauches sont affaiblies (3.7% pour EELV, 1.64% pour le PCF, 2.76% pour une coalition EELV/Front de gauche, 2.38% pour le Front de Gauche), représentant en tout néanmoins 10.5% des voix.

Debout La France, la liste de Nicolas Dupont-Aignan obtient 3.84% des voix en France (sans les résultats de l’Ile de France où son président dépasserait les 6%), dans un contexte de fort vote Front National, ce qui est donc un résultat assez correct. Le parti ultra-souverainiste UPR obtiendrait 1% des voix environ. Enfin la liste Lutte Ouvrière obtiendrait 1.55% des voix, ce qui est le score habituel de ce parti depuis plusieurs années, même si cette fois il était sans concurrence, le Nouveau Parti Anticapitaliste étant absent. L’extrême-gauche stricto sensu est donc renvoyée à la marginalité qu’elle représente réellement en France.

La droite est divisée quant à la stratégie à tenir. L’UDI et le centre-droit poussent pour un désistement de la droite en faveur de la gauche là où elle est troisième, donc essentiellement dans le sud-ouest. Les Républicains maintiennent au contraire une ligne de défiance réciproque (PS = FN) et Nicolas Sarkozy s’oppose à ce que son parti se retire, même troisième, ou fusionne avec la gauche. C’est aussi ce qu’a répété Bruno Lemaire (LR).  Le PS est donc prêt à un aberrant ultime sacrifice, se sabordant là où il est troisième, même lorsque la gauche réunie est en voix supérieur à la droite, ainsi en Provence ou dans le Nord. A cette heure, on ne sait pas quelle sera la stratégie du PS dans l’Est, son candidat refusant de se retirer, ce qui pourrait offrir à Florian Philippot la région. Il n’est pas dit en outre que l’électorat de gauche apprécie ce jeu tactique et se mobilise pour une droite accusée de complaisance avec les idées dites « d’extrême-droite ». Ce sacrifice peut donc être parfaitement vain, en plus d’être choquant d’un point de vue démocratique et irrespectueux des électeurs de gauche qui seront ainsi privés de toute représentation (toutes tendances confondues) au Conseil Régional pendant cinq ans.

Sur le papier, si le PS se retire, le FN pourrait n’obtenir aucune région. Mais c’est théorique. Dans le sud-ouest, les électeurs de droite vont-ils barrer la route au PS en votant Aliot ? Et les électeurs de gauche vont-ils se déplacer dans le Nord ou la Provence pour barrer la route au FN en élisant une droite qu’ils abhorrent au moins autant ?

Enfin, Debout la France va être confronté à un grave dilemme. En Ile de France, doit-il s’allier au second tour à la droite « républicaine » ou au FN ? En Pays de la Loire, sa candidate a déjà annoncé son soutien au FN. Et dans l’Est, où son candidat fait 4.78% des voix, que se passera-t-il, alors que le candidat FN est le plus souverainiste qui puisse exister ? Si Dupont-Aignan hésite, il devrait alors rester en dehors du Conseil Régional dans sa région. L’heure des choix pour lui a commencé. Son avenir politique en dépendra.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

25/10/2015

Les erreurs stratégiques de Nicolas Sarkozy.

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Nicolas Sarkozy,Buisson,erreurs,MoranoL’importance passée de Patrick Buisson aux côtés de l’ancien président de la république se démontre à l’aune des conséquences actuelles de son absence. Sans boussole stratégique, Nicolas Sarkozy est perdu et navigue à vue. Le coût politique de ces errements pourrait être désastreux pour les primaires et/ou pour l’élection présidentielle. Ne pouvant s’honorer d’un bilan politique satisfaisant d’ancien président, qui avait abouti à la victoire d’Hollande et non à sa réélection, il est relativement démuni. La stratégie de 2007 d’assèchement du FN semble au point mort. Sarkozy, tout comme Hollande, semble avoir accepté par principe l’idée que Marine Le Pen serait au second tour et sans doute en tête.

La première erreur de Sarkozy a été de se séparer de Buisson, suite aux écoutes « indélicates » de ce dernier, sans le remplacer par quelqu’un animé du même bon sens tactique mais sans les défauts de l’ancien journaliste de Minute. Guillaume Peltier (ex-FN, ex-MNR, ex-MPF) était de fait l’héritier naturel. Or il a été marginalisé suite au « coup de gueule » de Nathalie Kosciuszko-Morizet en faveur de son éviction car elle « n’aime pas les fascistes » (selon ses propos) fin 2014.

Si Nicolas Sarkozy veut échouer lamentablement aux primaires face à Juppé, décourageant tous les militants de la droite de l’UMP qui seraient tentés de le soutenir, il n’a qu’à continuer à écouter les conseils de NKM qui est à  la droite ce que Macron est à la gauche, à savoir une pièce rapportée du camp adverse. Les centristes iront vers leur poulain naturel, Alain Juppé. Celui-ci est donc le grand gagnant des derniers mois.

L’erreur de Sarkozy est de défendre une ligne de second tour, où il devra effectivement rassembler au centre face à Marine Le Pen, alors qu’il n’est même pas encore au premier tour. Il part du principe qu’Hollande serait nécessairement éliminé dès le premier tour alors qu’une élection n’est jamais remportée avant d’avoir été jouée. C’est là encore une erreur stratégique majeure. Hollande en profite, favorisant de fait le FN en en faisant son principal adversaire, car il sait que sa seule chance d’être réélu en 2017 est de se retrouver en face de Marine Le Pen au second tour. Sarkozy lui facilite donc la tâche.

L’affaire Nadine Morano est un exemple encore plus désastreux de cette ligne suicidaire de Sarkozy. En lâchant mollement Morano, sous prétexte de propos mal rapportés par cette dernière de De Gaulle, propos maladroits dans la forme davantage que dans le fond, car en adéquation malgré tout avec ce que pense une partie importante des « Républicains », il a commis une erreur majeure. Il s’est fait inutilement une ennemie alors qu’elle le soutenait sur une ligne droitière et plébéienne favorable. Il a en outre montré une certaine faiblesse acceptant de se faire dicter sa conduite par le candidat de droite Richert aux élections régionales « Grand-Est » et ses colistiers, qui menaçaient de démissionner si Sarkozy maintenait Morano. Il a même été félicité par Manuel Valls et d’autres ténors du PS pour ce fait d’armes.

Dernière erreur en date ? Avoir accepté de participer avec Cambadélis (PS) à l’opération de déstabilisation de l’émission « Des paroles et des actes » à laquelle Marine Le Pen était conviée en « guest star ». Ce faisant, il a accrédité la dénonciation de ce fameux « UMPS » par le FN, de cette dénonciation d’une collusion de la gauche et de la droite pour faire taire le peuple. Tout ce qui encourage dans l’esprit des électeurs l’idée qu’au fond PS et LR (ex-UMP) c’est la même chose est au bénéfice du FN.

Un Sarkozy courageux aurait osé demander un débat en face à face à Marine Le Pen ce jeudi, au lieu de manœuvrer pour vider l’émission de son sens en coalition avec ses adversaires du PS. Le fait qu’il n’y ait pas pensé ou qu’il n’ait pas osé montre qu’il a peur de l’affronter. Cette frilosité trahit une incertitude criante quant à la bonne stratégie à adopter. En affrontant MLP, il se serait placé comme la seule forme d’opposition et aurait préparé dans les esprits le duel de second tour 2017, écartant la gauche du jeu car Hollande, en tant que président en exercice, n’aurait pas pu participer au débat.

Nicolas Sarkozy préfère laisser à Marine Le Pen le « monopole du réel ». Il est devenu inaudible en s’alignant sur les thèses conformistes d’Alain Juppé qui sera toujours plus légitime que lui sur ce terrain. Comment la droite de l’ex-UMP pourrait avoir encore confiance en lui ?

Pour se ressaisir et regagner le terrain perdu, pour devenir à nouveau un minimum crédible sur les thèses sécuritaires et identitaires, ce sera maintenant très compliqué. L’entêtement de la droite classique à s’aligner sur les thèses idéologiques de la gauche est suicidaire. C’est la raison principale d’ailleurs de la montée du FN depuis 1988.

Sarkozy au final sera peut-être quand même le candidat de la droite, car Juppé reste un homme politique usé et associé à l’époque chiraquienne, et peut-être même gagnera-t-il l’élection présidentielle tant Hollande est décrié par les Français, mais il est à craindre que Sarkozy II soit une fin de règne, rappelant le dernier mandat de Chirac (2002-2007). Après un Hollande s’effondrant dans les sondages à peine élu, Sarkozy serait élu par défaut et impopulaire avant même de gouverner. La France pourrait-elle s’en relever ?

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

06/09/2015

Compléments à propos du FN.

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Tri.jpgDans le dernier billet sur le FN, on a expliqué pourquoi ce dernier ne serait jamais dédiabolisé, ce qui aura pour effet à la fois de le maintenir à un haut niveau, à l'abri des critiques sur l'incohérence de son programme et en situation de recueillir les votes de contestation, et en même temps de fixer une limite à ce haut niveau, avec pour conséquence d'interdire son accès au pouvoir.

A peine Marine Le Pen avait-elle fait prononcer l'exclusion de son père, dans une stratégie de dédiabolisation bien accueillie au dehors, que les assauts contre son parti ont redoublé de la part du monde politiquement correct et des partis dits de gouvernement. Ils se sont même montrés plus violents qu'ils ne l'avaient jamais été.

C'est d'abord Jean-Christophe Cambadélis qui a annoncé que le FN, s'il arrivait au pouvoir, expulserait hors de nos frontières quatre millions de français musulmans. Or, même du temps de Jean-Marie Le Pen, aucune proposition de ce genre n'a jamais été formulée. De plus on se demande où Cambadélis est allé chercher le chiffre de quatre millions. Estime-t-il qu'il y a autant de partisans du djihad en France?

Ensuite l'invitation de Marion Maréchal-Le Pen à l'école d'été de la Sainte Baume, dans le cadre d'une opération de formation organisée par le diocèse de Fréjus-Toulon, a suscité des réactions indignées de la part de la classe médiatique et politique, jusqu'au président "républicain" du Sénat, Gérard Larcher. Il faut reconnaître que la hiérarchie de l'Eglise a soutenu cette initiative, en la replaçant dans le cadre du débat. Peut-être est-ce la raison de la fureur des opposants au Front. En même temps, pourquoi un représentant de la droite a-t-il cru bon de se mêler aux voix de gauche? C'est la preuve qu'une certaine droite est toujours menée par le PS, on peut même dire fraternellement. C'est aussi la preuve que l'esprit centriste n'est pas contenu à l'intérieur des structures du Modem, voire de l'UDI. Les ténors "républicains" que sont Juppé et Larcher sont bien au centre. Contrairement à leur électorat, bien sûr.

Pour finir, les médias ont donné la parole à Marine Le Pen sur la "submersion migratoire", profitant de son passage à Brachay où elle tenait son discours de rentrée. C'est ainsi qu'elle a été interrogée sur le sujet au journal de 20 heures de TF1. Le thème était généralement mis de côté ces derniers temps. Il fallait montrer que le FN restait lui-même.

Ainsi le FN est-il, d'un côté, encouragé à se normaliser et, de l'autre, accablé d'autant plus qu'il cherchera à le faire. Il est soumis à un système de régulation qui le maintient dans son rôle de nuire à la droite. Du moins est-ce ce qui est attendu.

Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)

10/05/2015

Front contre Front

europhobia.jpgAlors que les politologues opposent le « vieux » FN de « Jean-Marie » au nouveau « FN » de « Marine », la classe politique, de gauche comme de droite, prétend au contraire que le FN n’a pas changé, ou alors simplement de manière cosmétique, que le nouveau est la continuité de l’ancien, à quelques « détails » près. Cette crise familiale et politique est-elle le choix de l’efficacité au détriment de l’authenticité, une véritable rupture ou une continuité masquée ?

Le FN de JMLP : provocations et incohérences.

Jean-Marie Le Pen, choisi comme figure de proue par une partie de la droite radicale et activiste, lassée des combats de rue en 1972, Dominique Venner rejetant la proposition qui lui avait été faite d’en être l’animateur, a voulu rassembler le camp dit de « droite nationale » autour de sa personne. Il était relativement indifférent aux querelles de chapelle et admettait tant d’anciens résistants que d’anciens collaborationnistes, dans la mesure où tous lui faisaient allégeance. Néanmoins, son parti fut une succession de départs et d’arrivées, au gré de diverses scissions liées à sa personnalité ou à ses positions fluctuantes. Dès 1973, la plupart des fondateurs du FN partirent « faire Front » puis en 1983 ce fut le départ de ceux qui allaient fonder le PNF. La plus grande scission, dont le FN n’a jamais réussi à se remettre, même en 2015, fut celle emmenée par Bruno Mégret.

Rappelons que cette scission était la conséquence non seulement de l’attitude de Le Pen, attisée par un clan épurateur dont sa fille Marine était une des animatrices les plus acharnées, mais aussi de choix tactiques différents. Toutefois, contrairement à ce qui a été souvent dit ces derniers mois, et affirmé aussi par Mégret lui-même, la « dédiabolisation » qu’il envisageait n’avait rien à voir avec celle de Marine Le Pen aujourd’hui. Il s’agissait simplement de ne plus donner d’armes aux adversaires par le biais de déclarations intempestives et/ou nostalgiques d’époques dont l’évocation n’apportait rien de bon, mais sans le moindre renoncement idéologique. Mégret a ainsi emmené avec lui les opposants les plus radicaux à l’immigration avant de les perdre au gré de ses défaites électorales.

Les provocations attiraient l’attention des media sur le parti et plaisaient à une partie de l’électorat. Ce côté anti-système était un positionnement confortable, même s’il amenait à se faire attaquer par toute l’intelligentsia politique et médiatique, car il évitait les remises en question douloureuses. Mais d’un point de vue politique c’était improductif puisque les chances réelles de succès étaient nulles. En 2002, la punition au second tour des présidentielles infligée à Jean-Marie Le Pen fut significative et sa réaction personnelle démontra qu’il avait compris qu’il n’aurait pas le pouvoir. Il l’avait sans doute compris dès 1995 en vérité. Alors tout ça pour quoi ?

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17/01/2015

Perspectives 2017

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François Hollande.

On le disait fini. La séquence d’émotion « Charlie », en cela grandement aidée par une coopération totale des media, a permis de remettre en selle le président et son exécutif. L’ « union nationale » tait toute réflexion pour mettre la nation en ordre de bataille derrière son chef. Les ténors de la droite et même la dirigeante du FN ont ainsi reconnu au président le fait d’avoir été « à la hauteur ». Certes, le temps est encore long jusqu’à 2017 mais Hollande a au moins gagné la légitimité au sein de son camp et c’est ce qui était pour lui le plus important. Sa candidature en 2017 ne devrait donc pas être menacée.

En 2017, François Hollande fera du Hollande et personne ne s’attend à autre chose de sa part. Il défendra son « bilan ». Difficile dans ces conditions de lui donner la moindre chance de passer au second tour. La gauche est divisée, Front de Gauche et Ecologistes seront à nouveau de la partie. Quant à son allié de second tour, François Bayrou, il est durement affaibli. Néanmoins on ne sait jamais. Hollande a prouvé par le passé sa capacité à rebondir et on s’étonnera une fois de plus que les Français ne lui demandent aucun compte. Dans le drame, le peuple français a conservé un brin de nostalgie pour la monarchie. Il a besoin d’être rassuré, il a besoin qu’on lui mente. Une nation d’hommes libres, à la conscience aiguisée, ne se serait jamais comportée ainsi.

Nicolas Sarkozy.

Son retour politique a été calamiteux. Ses longs silences face à l’actualité en disent long sur son incapacité à déterminer une stratégie politique pour 2017. Adepte des équilibres, il a remis en avant la centriste Kosciuszko-Morizet, qui lui avait pourtant coûté la victoire en 2012, pour neutraliser le centre. Il a également propulsé Laurent Wauquiez pour rassurer la droite du parti. Buisson éliminé du jeu présidentiel suite à la fameuse affaire des « écoutes », Sarkozy ne maintiendra pas son « virage à droite », contrairement à ce que les media prétendent. Cette fois il n’enverra aucun signal à l’électorat FN car il pense qu’il n’en a pas besoin.

Hollande affaibli, Sarkozy le juge peu capable de se retrouver au second tour. Il parie sur la qualification quasi certaine de Marine Le Pen. Pourquoi « droitiser » son discours au risque d’inciter les centristes à une candidature présidentielle ? Pourquoi « droitiser » son discours au risque de voir Juppé et même Fillon s’opposer explicitement à lui ? Il n’a pas besoin des voix du FN. Ce qui lui faut c’est un bon report des voix du centre et de gauche au second tour afin qu’il se fasse élire comme Chirac en 2002, mais certes avec une marge beaucoup plus réduite.

La stratégie Hollande bien évidemment est au contraire de faire monter le FN le plus haut possible au détriment de l’UMP et de favoriser une candidature centriste. Après tout, sait-on jamais. Si finalement, par une étrange pirouette de l’histoire, Hollande se trouvait face à Marine Le Pen, sa réélection serait certaine.

Marine Le Pen.

Marine Le Pen n’a qu’une stratégie à avoir, « tenir ». C’est quand elle ne fait rien, et quand elle ne dit rien, que les faits lui « donnent raison ». Le déni de toute réalité par les dirigeants de l’UMP et du PS est son meilleur allié. En même temps, sa dédiabolisation a échoué, malgré tout le zèle qu’elle y met. Elle peut remercier le PS de l’avoir rejetée hors de la « marche républicaine ». Un FN « comme les autres », cela n’intéresse pas ses électeurs. Sa stratégie est suicidaire. Elle n’est sauvée que parce que ses adversaires sont encore plus médiocres qu’elle et lui ouvrent une voie royale.

Pourra-t-elle néanmoins continuer jusqu’en 2017 à conserver ses électeurs sans que sa stratégie de recentrage, de pseudo-crédibilisation, ne finisse par les dégoûter ? Troquer la lutte contre l’immigration pour la lutte contre l’Union Européenne et l’€, donnant à son programme économique une image d’impréparation et de sectarisme, n’est pas ce que veulent ses électeurs. Le virage souverainiste du FN sera tôt ou tard sa perte. Mais tant qu’il n’y aura aucune régression électorale, il continuera en ce sens.

2017 sera certainement son année. Celle où elle sera la plus proche de remporter l’élection. Mais elle échouera et ne peut qu’échouer. Il ne suffit pas de s’auto-décréter « crédible » pour l’être. Elle devra continuer de gérer les déclarations de plus en plus provocatrices de son père, sans avoir les moyens de le contraindre au silence. Elle n’est aucunement en moyen de l’exclure du parti qu’il a fondé. Or quelqu’un qui n’est pas capable de faire le ménage au sein de son propre parti le serait-il au niveau de l’Etat. De la même façon, devenue otage de son fidèle lieutenant, Florian Philippot, dont le discours a de quoi écœurer tout électeur FN « traditionnel », elle perd beaucoup dans sa capacité de rebondir efficacement sur l’actualité. Son discours « républicain » est insipide et inintéressant.

Sauf surprise, Marine Le Pen sera au second tour en 2017 avec un score compris entre 25 et 32% des voix. Ce sera à la fois son acmé et son chant du cygne.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

16/09/2012

Elections parlementaires néerlandaises : le souverainisme ne paie pas !

élections parlementaires néerlandaises,Geert Wilders,VVD,PvdA,PVV,Le Pen,Dupont-AignanLe 12 septembre 2012, les électeurs néerlandais votaient pour les élections législatives et régionales dans un contexte européen de crise économique, de rigueur budgétaire et de déstabilisation de la monnaie unique. Il y a un mois, les sondages annonçaient un succès de la gauche radicale, le Parti Socialiste, qui devait être le principal parti du pays et un léger recul de la formation populiste de Geert Wilders, le PVV (« Parti de la Liberté ») en faveur du premier. Les deux formations avaient axé leur programme sur l’euroscepticisme et le refus de la rigueur, mais Wilders avait choisi d’adopter une ligne intégralement souverainiste, défendant à la fois l’abandon de l’euro et la sécession de l’Union Européenne.

Au contraire de ces prévisions, les électeurs néerlandais ont préféré « jouer la sécurité » en apportant leur soutien aux deux partis classique de gauche et de droite, à savoir les travaillistes (PvdA) et les libéraux (VVD), progressant chacun d’environ un peu plus de 5%. Les libéraux, avec 26,5% des voix (+6,1%) et 41 sièges, redeviennent le premier parti du pays, alors que les travaillistes, avec 24,7% des voix (+5,1%) et 39 sièges distancent davantage la gauche dure. Incapables cependant par leurs propres forces de créer un gouvernement de rassemblement, VVD et PvdA sont contraints de mettre en place une grande coalition, chargée d’appliquer un programme de redressement des finances publiques par la diminution des dépenses de l’Etat, un programme que l’on sait impopulaire mais qui a le mérite de la crédibilité économique.

Les socialistes (SP) avec 9,6% des voix (-0,2%) et 15 sièges ne connaissent pas le succès escompté et reculent même légèrement. C’est la même chose pour le PVV de Wilders, qui s’effondre avec 10,1% des voix et 15 sièges parlementaires seulement (-5,3%, - 9 députés). Le dernier grand vaincu est le CDA (chrétiens-démocrates), qui n’obtient que 8,5% des voix (-5,1%) et paye le vote utile en faveur du VVD.

Le mouvement D66 (démocrates), le seul parti ouvertement pro-européen, progresse légèrement avec 7,9% des voix (+1%) malgré le vote utile. C’est plutôt dans un tel contexte un succès pour cette petite formation.

A droite, les mouvements chrétiens autres que le CDA résistent plutôt bien. La ChristenUnie avec 3,1% des voix (-0,1%) et le SGP protestant avec 2,1% des voix (+0,4%) maintiennent leur représentation. 50PLUS, parti de défense des retraités, et formation nouvelle, avec 1,9% des voix, émerge de manière modérée et aux dépens du PVV de Wilders.

Les écologistes de « gauche » (GroenLinks) s’effondrent avec seulement 2,3% des voix contre 6,7% en 2010. Ils payent eux aussi le vote utile mais cette fois en faveur du PvdA. En revanche, le parti de défense des animaux (PvdD) avec 1,9% des voix (+0,6%), qui bénéficie d’un électorat motivé, conserve sa petite audience.

Ces élections infirment l’idée que les souverainistes, de « gauche » ou de droite, devraient nécessairement profiter de la crise politique due aux troubles économiques de la zone euro (et hors zone euro). Les électeurs ont préféré apporter un soutien plus net aux formations politiques classiques, et rassurantes, dans une campagne dans laquelle les thèmes des problèmes sociaux et de l’Europe ont dominé au détriment des problématiques identitaires qui avaient été le cœur du succès de Wilders en 2010. Ce dernier, comme cela a été reconnu par la plupart des politologues, a payé le prix d’une campagne où l’islamisation et l’allogénisation n’ont quasiment pas été évoqués par le candidat populiste, thèmes qui pourtant avaient été la clé de son crédit aux yeux de nombreux électeurs. Cela démontre bien qu’à droite, ce sont les questions d’identité nationale, et je dirais même d’identité ethno-civilisationnelle, qui représentent les préoccupations principales de ces électeurs. En revanche, l’europhobie ne paie pas.

Néanmoins, si le contexte économique devait s’aggraver, malgré les mesures prises au niveau de l’Union Européenne, en l’absence d’autre opposition que les mouvements souverainistes, cette bonne nouvelle de leur insuccès n’est pas forcément rassurante. On constate bien en deux ans une grande variabilité des réactions des électeurs, cette instabilité pouvant très bien demain se faire en faveur de ceux qui aujourd’hui ont mordu la poussière. De plus, le PVV de Wilders va nécessairement réorienter son action vers ses thèmes de prédilection.

Ces élections sont néanmoins une leçon intéressante pour les partis populistes et eurosceptiques français, le Front de Gauche et le Front National. En effet, si Jean-Luc Mélenchon axe davantage son discours sur la critique sociale et économique du programme du nouveau président socialiste, Marine Le Pen développe désormais un programme ultra-souverainiste à la Wilders, tapant systématiquement sur l’€ et sur l’UE, au détriment de la critique de l’immigration extra-européenne qui a fait le succès passé du FN. Alors qu’elle a fait le ménage des éléments les plus nationalistes, mais aussi identitaires, demeurés au sein de son parti, elle a ouvert la porte à différents représentants de la ligne souverainiste, et notamment le créateur même du terme, Paul-Marie Couteaux. Avec l’arrivée de l’étatiste et ex-chevènementiste Florian Philippot au premier rang du nouveau FN, avec le choix d’une illustre inconnue, Tamou « Charlotte » Soula, d’origine algérienne et proche par ailleurs du souverainiste UMP Henri Guaino, comme directrice de cabinet de la présidente du FN, Marine Le Pen prend le pari d’un effondrement de l’euro.

Or, après les émeutes d’Amiens, les révolutions islamiques dans le monde arabe, les manifestations islamiques suite à la diffusion sur internet d’un film très hostile à l’islam et à son fondateur Muhammad, l’électorat FN attendrait que le parti qu’il soutient soit plus présent sur ces thèmes. Celui-ci les néglige parce qu’il s’efforce à tout prix de donner l’image d’un parti profondément anti-raciste. Aux présidentielles, Marine Le Pen a pu néanmoins faire un bon score, 17,9% des voix, mais avant tout parce qu’au dernier moment, suite aux dérives immigrationnistes de Mélenchon, elle a pu rectifier le tir.

Si Nicolas Dupont-Aignan, qui a obtenu moins de 2% des voix aux présidentielles de 2012 (1,79% précisément), prône aujourd’hui un rapprochement de sa formation avec le FN, sous réserve par cette dernière de « couper le cordon avec l’obsession identitaire » ou encore d’ « abandonner sa logique identitaire », c'est-à-dire de mettre fin à son fonds de commerce, même si elle le délaisse actuellement. Dupont-Aignan, comme tous les souverainistes, est désormais contraint de chercher un espace entre l’UMP et le FN, mais cet espace est d’environ 2,5% des voix au maximum, score classique d’un MNR ou d’un MPF jadis. Et à la différence de Villiers, il n’a pas réussi à faire la différence aux élections européennes de 2009 (1,77%). Si la ligne souverainiste de Marine Le Pen continue de dominer les thèmes de son parti, Dupont-Aignan finira comme satellite du néo-FN, mais son apport électoral sera faible par rapport à une hémorragie électorale d’un électorat qui dénonce l’immigration extra-européenne et n’a jamais voté FN que pour envoyer un signal de colère aux partis de gouvernement.

Thomas FERRIER (PSUNE)

24/06/2012

Victoire de la fausse gauche "allo/bobo"

 
PS,Europe-Ecologie,François Hollande,UMP,FN,Jean-Luc Mélenchon,Marine Le Pen,Terra Nova,élections législativesLes « bourgeois bohême » parisiens peuvent être satisfaits à tous points de vue, même s’ils ne se rendent pas compte qu’ils creusent davantage encore leur propre tombe. La fausse « gauche » PS/Europe-Ecologie, avec l’appui implicite du PCF/Front de gauche, l’a emporté au second tour des législatives. Comme après la victoire de leur candidat aux présidentielles, François Hollande, les « banlieues » ont hurlé leur joie, prenant cette nouvelle victoire comme un blanc-seing, la nomination de Christiane Taubira, dont les positions sur la colonisation et en faveur de la promotion de la « diversité » sont bien connues, comme garde des sceaux, en étant l’illustration. Le jeune Killian, assassiné à l’âge de treize ans, par un individu dont la presse tait jusqu’au prénom, en sait quelque chose.

D’un côté, l’europhobie fanatique des souverainistes, Marine Le Pen en tête. De l’autre, l’europhobie meurtrière, celle dont a été victime notamment Killian et tant d’autres avant lui, cette europhobie, la seule phobie que SOS-Racisme semble refuser de combattre, comme si la violence de haine n’était que dans un seul sens. En effet, pour son (ancien) président Dominique Sopo, le « racisme anti-blancs », c'est-à-dire l’europhobie, est je cite « une notion forgée par le FN ». Je suppose donc que, si on appliquait le principe de réciprocité, le racisme contre les noirs serait par exemple une invention de Kemi Seba. Ce deux poids deux mesures, selon la race du criminel et celle de la victime, est intolérable. Dominique Sopo a récemment démissionné de la présidence de SOS-Racisme et se déclare tenté par un poste de ministre du gouvernement Ayrault. Finalement, il n’aura pas eu gain de cause… pour cette fois.

Le véritable vainqueur de ces élections.

Le vainqueur, c’est le parti des abstentionnistes. Au premier tour des élections, 42,77% des électeurs ont refusé de se prononcer et même de se déplacer. Au second tour, c’est même 43,7% des électeurs qui sont restés chez eux. Cette abstention est un record depuis 1973, et a augmenté de trois points par rapport à 2007. Et surtout, que l’abstention ait été plus forte au second tour qu’au premier est très significatif. Ces 1% de participation en baisse sont essentiellement le fait d’électeurs de droite du premier tour et qui n’avaient pas envie de s’opposer à la vaguelette rose, accroissant ainsi la marge de manœuvre du camp adverse.

Ce manque de participation s’explique par les querelles d’appareil à droite, entre une ligne qui veut conserver la stratégie Buisson, qui n’a pas été si mauvaise aux présidentielles, malgré l’échec du président sortant, et une ligne centriste, très politiquement correcte, menée notamment par Juppé, Kocziusko-Morizet et Raffarin. Pris entre ces deux tendances irréconciliables, Sarkozy n’avait pu choisir son camp. Or, s’il a échoué, c’est avant tout en raison du mauvais report de voix des électeurs FN, report qui aura aussi coûté des sièges à des candidats UMP lors des élections législatives.

Il s’explique enfin par la réforme du quinquennat et surtout cette concomitance entre les élections présidentielles et législatives. Le président élu, les électeurs se détournent des enjeux parlementaires, renforçant l’image monarchiste de notre « république ». Les législatives ne font que confirmer les présidentielles, beaucoup d’électeurs voulant laisser sa chance au nouveau dirigeant en lui donnant une majorité à l’assemblée, indépendamment du programme du président, du parti politique dont il est l’émanation, et des candidats eux-mêmes, élus sur leur étiquette uniquement, même s’ils sont sans expérience.

Un premier tour qui lamine les petites formations politiques.

Ce nouveau système des élections législatives, un mois après les présidentielles, a tué les enjeux. En conséquence de quoi, le scrutin majoritaire à deux tours, qui était très défavorable aux petites formations politiques, est désormais sans pitié. Les électeurs n’avaient que trois manières de voter possible, à savoir le vote de confirmation, c'est-à-dire le vote PS, le vote de réticence, c'est-à-dire le vote UMP, et enfin le vote de résistance, c'est-à-dire le vote FN.

Les deux autres formations de gauche, ne représentant pas une menace pour le nouveau pouvoir en place, ou ralliées totalement à lui, n’ont pas été trop victimes du vote utile. Il faut dire que Europe-Ecologie avait négocié ses places avec le PS. Ses seulement 5,65% des voix, c'est-à-dire plus du double du score d’Eva Joly aux présidentielles, s’expliquent uniquement parce que, à l’image de Cécile Duflot, Europe-Ecologie a bénéficié de cet accord auquel le PS n’était en rien obligé. En réalité, sans cet accord, Europe-Ecologie aurait sans doute disparu du jeu politique national. C’est ce qui est ainsi arrivé au Modem de Bayrou, qui n’a obtenu que 1,76% des voix et n’a pu sauver que deux députés, son chef de file étant même sévèrement battu dans sa circonscription. Les autres écologistes n’ont obtenu que 0,96% des voix dont 0,11% pour le MEI de Waechter (lui-même obtenant 10,52% à Altkirch) et 0,05% pour CAP 21.

Le Front National en revanche, avec un score très convenable, même si inférieur à celui obtenu en 1997, obtient malgré tout 13,6% des voix, contre 4,29% des voix en 2007 et 11,34% en 2002. Seule une soixantaine de ses candidats a pu atteindre le second tour, en duel ou en triangulaire. Cela s’explique notamment par le fait qu’il faut désormais 12,5% des inscrits et non plus 12,5% des votants pour passer au second tour. Le FN avait sept circonscriptions où ils étaient réellement en mesure d’obtenir des élus, essentiellement en Provence. Marine Le Pen a fait dans la circonscription autour de Hénin-Beaumont 42,36% des voix, ce qui était inattendu.

Le FN a aussi bénéficié dans son camp d’un vote utile, car les différentes chapelles de l’extrême-droite, à savoir essentiellement le trio NDP/MNR/PDF et la Ligue du Sud, n’ont obtenu que 0,19% des voix, et ce en tenant compte de l’excellent score de Jacques Bompard mais aussi du score plus modeste de Jacques Peyrat à Nice (16,2%). Bompard a fait 23,5% des voix au premier tour, victime de la candidate FN qui a obtenu plus de 16% des voix. Il était en revanche idéalement placé pour s’imposer au second tour, FN et UMP étant éliminés. Les candidats identitaires n’ont obtenu que 0,02% des voix, pour environ une vingtaine de candidats, ceux-ci oscillant entre 0,2% et 1,1% des voix selon les cas. Philippe Vardon (Bloc Identitaire) aurait sans doute fait un score de même nature s’il avait maintenu sa candidature à Nice, d’où son retrait avant l’échéance. La candidate FN choisie à son détriment a réussi à obtenir 21,41% des voix. Les figures principales de la droite radicale, Carl Lang (1,09%) et Roland Hélie (0,9%), ont été laminées. Il n’y a désormais plus d’opposition de droite nationale au FN, légitimé par les urnes.

Les mouvements souverainistes sont également durablement affaiblis avec seulement 0,43% pour Debout La République, mouvement qui sauve néanmoins son financement public, 0,2% pour le MPF (1 siège), 0,05% pour CPNT, 0,01% pour le RPF et 0,01% également pour l’Alliance Royale.

L’extrême-gauche est également victime d’un effet Mélenchon. Le PCF/FG obtient 6,91% des voix (contre 4,82% en 2002 et 4,29% en 2007). Le paradoxe est qu’avec un meilleur score, le PCF a perdu des députés. En 2007, il avait sauvé son groupe avec 15 élus. En 2012, il n’aura obtenu que 10 sièges et ne sauvera son groupe que par le ralliement d’élus domiens. Ce bon score, nuancé par l’échec de Jean-Luc Mélenchon à atteindre le second tour à Hénin-Beaumont, se fait au détriment de l’extrême-gauche, LO et NPA réunis n’obtenant que 0,98% des voix et perdant ainsi tout financement public. Les Pirates avec 0,06% des voix ont quant à eux échoué à représenter une alternative politique, à la différence de leurs homologues allemands qui pourraient rentrer au Bundestag en 2013. Seules les élections européennes en France permettent à de nouveaux mouvements politiques d’émerger (le FN en 1984, les Verts, le MPF… etc), les élections législatives étant verrouillées.

Les victimes d’un second tour sans saveur.

Le mauvais report de voix des électeurs FN amène à l’éviction hors du parlement de nombreux députés UMP, et notamment les membres de la Droite Populaire. Hervé Novelli, Eric Raoult, Nadine Morano sont les victimes principales de cette situation, alors même qu’ils avaient tenté d’envoyer des signaux favorables au FN. Marine Le Pen préférait, sauf cas particuliers, les faire battre et y a réussi. Claude Guéant est également vaincu par un dissident de droite, payant ainsi sa proximité avec le président déchu et un bilan contesté en matière de lutte contre l’insécurité. En revanche, Henri Guaino sauve sa peau. A Nancy, ville qui m’est tout particulièrement chère, la droite valoisienne est battue, les trois circonscriptions de la ville étant au PS, et six circonscriptions sur sept en Meurthe et Moselle. Les élections municipales de 2014 s’annoncent mal pour les héritiers d’André Rossinot, qui sera probablement candidat une dernière fois pour tenter d’empêcher la mairie de basculer.

Ségolène Royal est battue par un opposant socialiste à La Rochelle. Son candidat, Olivier Falorni, était au second tour alors que l’UMP était éliminée. Royal souhaitait son désistement, ce qui l’aurait fait élire avec le score très stalinien de 100%. La gauche étant sure d’avoir un député, on ne voit pas pourquoi Falorni aurait dû se retirer, sous prétexte que Ségolène Royal s’était rendue si détestable aux yeux de la droite locale que celle-ci était prête à tout pour la faire battre. Les électeurs, qu’importe leur vote du premier tour, ont exprimé de manière souveraine leur choix. Royal ne sera pas présidente de l’assemblée nationale, où elle aurait pu jouer la directrice d’école autoritaire auprès des élus.

François Bayrou est puni pour son soutien apporté à François Hollande au second tour des présidentielles. Ce soutien était incompréhensible pour la plupart de ses électeurs, qui ont préféré choisir l’UMP plutôt que de le réélire. Il a lui-même reconnu avec beaucoup de franchise que son électorat ne l’avait pas suivi dans un choix personnel bien inutile car le PS n’a pas cherché à sauver sa tête, bien au contraire. Il est difficile en effet d’expliquer aux électeurs qu’on prône l’alliance de la carpe et du lapin. Jean Lassalle, le sympathique centriste, sauve en revanche sa tête.

Jean-Luc Mélenchon aurait pu, en étant au second tour, offrir paradoxalement à son ennemie chérie un fauteuil de député. C’est finalement le socialiste Philippe Kemel qui s’impose de justesse face à Marine Le Pen, cette dernière n’obtenant que 49,89% des voix. En duel pur, le FN n’arrive pas à s’imposer, puisque Stéphane Ravier (49,01%) et Valérie Laupies (48,71%) échouent aussi. Ce n’est que dans le cas de triangulaires que le FN peut s’imposer, lorsque des conditions exceptionnelles s’y prêtent. Dans le Gard, Gilbert Collard est élu grâce au soutien implicite du candidat UMP, qui s’est maintenu pour obéir aux consignes de son parti, et Marion Maréchal (Le Pen) grâce au maintien d’une candidate socialiste qui n’avait pourtant aucune chance de l’emporter. Avec une élue issue de « la famille », l’image népotique du FN est renforcée. La victoire de Collard, qui a été membre de presque tous les partis politiques, et qui refuse de rejoindre le FN, pourrait quant à elle être à la Pyrrhus, car il est peu probable que Collard respecte la ligne que souhaitera voir impulsée Marine Le Pen. Enfin, Jacques Bompard (Ligue du Sud, ex-FN et ex-MPF) est élu député avec une avance confortable (58,77%), de même que Nicolas Dupont-Aignan (61,39%), récompensés par leur travail d’implantation.

Au final, la « gauche » l’emporte, le PS obtenant la majorité parlementaire seul. Il doit ce succès à l’absence totale de mobilisation de l’électorat de droite. Avec 343 sièges sur 577, soit moins de 60% des sièges, dont 302 sièges pour le PS et les divers gauches, le gouvernement Ayrault est conforté. Le Front de Gauche obtient 10 sièges, les radicaux de gauche 13 sièges, et Europe-Ecologie 18 sièges. Le MD de Bayrou n’a plus que deux sièges, le Nouveau Centre en obtient 14, les radicaux valoisiens 9 , et l’UMP ainsi que les divers droite 205 sièges. Les nationaux et souverainistes ont 5 sièges (2 FN, 1 DLR, 1 LS, 1 MPF), ce qui est un résultat inédit dans le cadre du scrutin majoritaire.

Marine Le Pen, battue, tente à nouveau sa chance mais au tribunal, afin de faire annuler le scrutin. Elle aurait préféré abandonner Strasbourg pour découvrir les charmes du Palais Bourbon. Elle fait néanmoins partie pour le moment des vaincus de juin 2012. Elle aura au moins le plaisir de partager cette situation avec Jean-Luc Mélenchon, qu’elle vient d’ailleurs de retrouver au tribunal après que ce dernier l’ait qualifiée de « fasciste ». François Bayrou est désormais un homme seul, tout comme Ségolène Royal est une femme seule, contrainte à une prise de distance forcée d’avec la vie politique nationale.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

08/05/2012

Bilan des élections présidentielles 2012 (conclusion).

 
La véritable alternative…
 
par Thomas FERRIER, 08/05/2012

thomas ferrier,psune,élections présidentielles 2012,consignes de voteCertains camarades se sont étonnés que le PSUNE, que je représente, n’ait pas pris position pendant ces élections. C’est l’heure de m’en expliquer. En premier lieu, nous n’avons rien à attendre en positif d’une élection présidentielle. Sur ce seul point, je partage l’avis des souverainistes, à savoir que le président français n’est plus que le gouverneur d’une province. Mais cela n’est pas tant dû à l’Union Européenne qu’au fait que la France seule n’a aucun moyen de se faire entendre à moins de disposer du soutien de ses partenaires. La France n’a plus les moyens de ses ambitions, et ce même si François Hollande affirme, par une sorte de chauvinisme très mal à propos, que la France n’est pas n’importe quel pays, qu’il y a un rêve français universel, et que les valeurs de la république ont vocation à s’étendre au monde entier. Idée funeste, responsable de toutes les colonisations et de tous les échecs, idée folle dont on paye aujourd’hui tous les jours les conséquences.

Il faudrait constitutionnaliser le principe que « la France est un pays européen », un pays comme les autres, ni meilleur ni pire, et dont l’avenir passe par l’émergence d’une Europe puissante, sociale et surtout vraiment européenne. Le PS incarne, même si en paroles il se proclame pro-européen, dans ses positions politiques même, l’Anti-Europe. Il est en ce sens le meilleur allié des souverainistes. Et aussi détestable soit la politique de la CDU de Merkel, cette dernière représente malgré tout l’Europe.

C’est en bâtissant une véritable Europe unitaire, plus ou moins fédérale, que le salut viendra. Aucun des candidats de cette élection n’a compris l’Europe, même si Sarkozy fut sans doute, et de fait, le moins anti-européen des candidats. Quand la caricature du Monde le présente en train de discuter avec Marine Le Pen, il oppose à sa préférence nationale une préférence européenne, le « buy european act ». Et il souhaite réformer Schengen pour que les frontières de l’Europe soient bien gardées, ce que tout véritable européen devrait souhaiter. On voit actuellement en Grèce avec le rejet de l’immigration extra-européenne, matérialisé par les 7% obtenus par un parti extrémiste, ce qu’il en coûte de nier la réalité des problèmes.

En second lieu, je ne souhaitais pas que le parti soit impacté par cette élection. En notre sein, chacun peut avoir des opinions différentes, même si nous avons tous un objectif commun, et il ne me semblait pas opportun de nous diviser là où il n’y a pas pour nous d’enjeu. Il allait naturellement de soi qu’on ne pouvait cautionner ni le discours europhobe de Marine Le Pen, ni la démagogie « antifasciste » de Jean-Luc Mélenchon. Bayrou par son « Achetons français » avait prouvé qu’il n’était européiste que de façade. De toute façon, son obsession présidentielle passe clairement chez lui avant l’enjeu européen. Le PSUNE toutefois, mouvement au sens fort républicain, ne pouvait pas en revanche appeler à l’abstention. Le choix ne pouvait donc être qu’entre le vote blanc, vote de conviction, et le vote Sarkozy, vote stratégique destiné à choisir le moindre mal pour empêcher un mal plus grand encore. Car, en tant que socialiste européen, j’ai honte de ce que la « gauche » est devenue depuis des décennies. Je préfère l’adversaire qui ne se cache pas que le faux ami qui, prétendant faire mon bien, n’a fait que mon malheur.

En Europe, nous avons une tâche immense à accomplir. Refonder la gauche sur ses vraies valeurs, à savoir la défense de l’européanité en même temps que des travailleurs de notre peuple (européen). Rejeter le libertarisme, volet moral du libéralisme économique. Rejeter les communautarismes, les individualismes, au nom de l’intérêt général, ce qui est cela « être républicain ». Tous se disent « républicains », mais aucun ne l’est dans les faits. Les politiciens restent dans les querelles de clocher, se disputent sur la couleur du mur, mais l’intérêt de tous les français, de tous les européens, passe après. Le FN contribue à l’élection de Hollande parce qu’il préfère l’intérêt du parti à l’intérêt de la France. Le PS soutient l’immigration parce qu’elle y puise un nouvel électorat, au détriment de l’intérêt de la France (et pour le PSE, de l’Europe), alors que c’est une mesure anti-sociale par excellence. Aucun socialiste authentique ne pourrait être favorable à l’immigration de travail, qui pèse sur les salaires et qui est insupportable en période de fort chômage.

L’Europe sera socialiste ou ne sera pas, mais l’Europe sera européenne ou ne sera plus, et avant d’être socialiste, avant d’être républicain, je suis d’abord et avant tout un européen, au service de tous mes compatriotes, solidaire avec eux car tous frères nés d’un même sang ! Et en tant qu’européen, sans avoir la moindre complaisance pour le président sortant, je me suis senti ce dimanche soir comme Juvénal face à la décadence de Rome. Parce que, derrière Sarkozy, ce représentant de la droite libérale et conservatrice dont je combats au plus profond de mon cœur l’idéologie, il y avait l’Europe. Et parce que, derrière Hollande, même si le nouveau président me paraît un homme honnête et sympathique, ce n’était pas l’Europe. On ne choisit sans doute pas ses alliés, et sans eux Hollande aurait perdu ce dimanche. Mais être républicain, c’est choisir de perdre au nom de l’intérêt général plutôt que de gagner au détriment de celui-ci.

Et la France a perdu quelque chose ce 6 mai 2012.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

Bilan des élections présidentielles 2012 (1ère partie).

francois-hollande.jpgUn nouveau président de « gauche ».

Les sondages l’avaient prévu et les résultats l’ont confirmé. François Hollande est le nouveau président de la république française. Avec 51,62% des voix contre 48,38% des voix pour son adversaire vaincu, le candidat du PS s’est imposé bien qu’il ait été élu davantage par rejet du président sortant que par adhésion à sa propre personne. Son succès est un symbole fort envoyé par différents types d’électorat – les bourgeois- bohême des centres villes, Sarkozy ayant été dominé dans toutes les villes de plus de 100.000 habitants, les fonctionnaires inquiets pour l’avenir de leur statut et sensibles à la démagogie du candidat « socialiste », qui a beaucoup promis alors que la crise paupérise nos voisins européens du sud, les populations musulmanes et/ou non-européennes des banlieues ou des territoires d’outre-mer, les électeurs musulmans ayant même voté à 93% pour François Hollande, les homosexuels en attente de la mise en place promise par le candidat d’un « mariage gay » avec adoption. Cela explique nettement la foule bigarrée qui a fêté sa victoire, et la présence de nombreux drapeaux étrangers, surtout africains, est une réponse à la campagne très à droite de Nicolas Sarkozy.

Au second tour, la « gauche » a rassemblé son camp sans ostracisme. Mélenchon s’est rallié immédiatement après le soir du premier tour au candidat PS et si en ce jour François Hollande rend hommage aux communistes, c’est qu’il a bénéficié du formidable travail militant du PCF et du Front de Gauche. La droite en revanche n’a pas été capable de faire de même. Il faut dire que Sarkozy avait tout le monde contre lui. François Bayrou a annoncé son intention de voter pour Hollande, et la consigne de vote blanc de Marine Le Pen, dans un tel contexte, était aussi un cadeau fait au PS. En souhaitant explicitement l’implosion de l’UMP, elle a fait le jeu du PS. Même si les raisons de la défaite de Sarkozy sont multiples, le mauvais report de voix du FN et du MD en sa faveur a été déterminant (51% des électeurs de MLP ont voté Sarkozy, 14% ayant même voté Hollande, et 30% seulement des électeurs centristes ont soutenu l’ancien président).

Un échec héroïque de Nicolas Sarkozy.

Attaqué de toutes parts, Nicolas Sarkozy obtient malgré tout 48,38% des voix, après un débat de second tour où il a dominé son adversaire, même s’il s’est laissé aller aussi aux petites phrases assassines, et en ayant musclé son discours sur l’immigration de manière à obtenir le meilleur report de voix des électeurs FN. Cela n’a pas été suffisant, car beaucoup d’électeurs ont été sensibles aux arguments développés par Marine Le Pen sur le bilan calamiteux du président sortant à ce sujet.

Il avait donc contre lui non seulement toute la « gauche », qui ne s’est pas gêné pour le présenter comme un candidat d’extrême-droite, ainsi que l’a qualifié Arnaud Montebourg, ou même pour un fasciste, mais aussi les centristes et le FN. Cette « gauche » a été considérablement aidée par l’attitude partisane de la presse. Il suffit ainsi de songer à l’hebdomadaire Marianne, mais aussi aux nombreuses pétitions de principe d’artistes et d’intellectuels dénonçant l’attitude du président sur la question migratoire et sur l’islam. Elle a également été aidée par les « humanistes » de l’UMP, terme introduit par Jean-Pierre Raffarin, qui ont explicitement désapprouvé la campagne de leur candidat. Dimanche soir, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, François Fillon ou encore Jean-François Coppé n’avaient pas l’air sérieusement attristé par la défaite de l’UMP, à la différence de Nadine Morano, qui ne pouvait cacher son amertume, ou encore d’Henri Guaino, accablé par ce résultat. Ce mardi, Chantal Jouanno explique ainsi que Nicolas Sarkozy a eu tort de faire une campagne trop axée sur l’immigration et l’insécurité. En réalité, c’est parce qu’il ne l’a pas fait suffisamment tôt qu’il a été battu. Deux semaines de plus auraient pu faire la différence. Gérard Longuet n’a pas réussi à inverser l’image désastreuse auprès d’un certain électorat que les déclarations de Jouanno contre son camp ont pu faire.

Un sondage indiquait que 65% des électeurs UMP souhaitaient une alliance avec le FN. Cette alliance n’était pas possible, d’une part parce que le FN n’en voulait pas, d’autre part parce que les esprits n’y étaient pas préparés. Il fallait donc simplement rester silencieux quant à la question posée par Marine Le Pen sur les consignes de vote aux législatives dans le cas d’un duel PS-FN. Ceux qui au sein de l’UMP ont laissé entendre qu’ils soutiendraient le PS, alors que le président sortant avait montré la nocivité du programme « socialiste », ont aidé François Hollande. C’était d’ailleurs sans doute implicitement leur volonté.

On peut donc parler d’un échec héroïque de Nicolas Sarkozy car il était extrêmement difficile dans ces conditions de pouvoir s’imposer et son score reste malgré tout très honorable. On est loin de la sanction que prédisaient certains sondages, par exemple des 58/42. Et donc, pour répondre à Montebourg, on peut dire selon sa terminologie que l’ « extrême-droite » a recueilli 48,38% des voix au second tour.

Analyse des résultats.

Nicolas Sarkozy s’impose nettement en dépassant parfois les 60% dans plusieurs régions françaises, l’Alsace (63,4%), seule région dirigée par la droite par ailleurs, la Provence (57,6%) et la Corse (55,87%), même si par rapport à 2007 il est en recul d’environ quatre points. En Champagne-Ardenne, le résultat est également bon (54,11%). En revanche, François Hollande triomphe en Limousin (63,78%), en Auvergne (56,91%) ce qui est inédit pour le PS dans cette région, en Aquitaine (56,57%), en Midi-Pyrénées (57,94%), en Poitou-Charentes (55,08%), en Nord Pas de Calais (54,13%) et en Bretagne (56,35%), dans des régions moins concernées par l’immigration, bien que le FN y ait fortement progressé ces dernières années, et dans lequel le report de voix des électeurs FN a été mauvais. Enfin, l’Ile de France a choisi à 53,32% des voix de faire confiance au candidat PS, ce qui s’explique notamment par la faiblesse du score du FN au premier tour dans cette région mais surtout par un vote massif des immigrés de seconde et troisième générations.

Symboliquement, c’est dans les départements et territoires d’outre-mer que les questions idéologiques ont joué le plus. Nicolas Sarkozy est ainsi sévèrement sanctionné aux Antilles, en Guyane et à la Réunion. En Guadeloupe, il est écrasé avec seulement 28,07%, et en Martinique, il n’obtient que 31,57% des voix. Ce désaveu est confirmé de manière moindre en Guyane (37,95%) mais en revanche de manière lourde à la Réunion (28,51%). A Mayotte, que le président a départementalisée pendant son mandat, il n’est qu’à peine récompensé, en n’obtenant que 50,94% des voix, mais en revanche s’impose en Polynésie Française (53,26%) mais surtout en Nouvelle-Calédonie (63,04%). Dans ce dernier cas, il a reçu un soutien massif de la population européenne de l’île, avec un très bon report de voix des électeurs du FN, alors que François Hollande a reçu un fort soutien des kanaks.

Pour la sans doute seconde fois en France, après 2007, mais de manière plus marquée, il y eu un fort vote communautaire en faveur du candidat « socialiste ». En Seine Saint-Denis, Hollande obtient ainsi 65,32% des voix, soit dix points de plus que Ségolène Royal en 2007 (56,54%). Dans le Val d’Oise, les villes à forte « diversité » ont voté massivement pour le PS. 64,64% à Argenteuil, 72,62% à Garges-lès-Gonesse, 66,2% à Goussainville ou encore 68,08% à Villiers-le-Bel.

Si à Marseille, le président sortant s’impose (52,83%), le vote est également déterminé par l’origine géographique. A Marseille 2ème secteur, Hollande obtient 67,91% des voix, 65,13% des voix dans le 8ème secteur, 56,23% des voix dans le 7ème secteur, 55,26% dans le 1er secteur. En revanche, à Antibes, Nicolas Sarkozy obtient 67,19% des voix, 68,3% à Cagnes sur Mer, 60,14% à Allauch, 68,8% à Cannes, 71,49% à Mandelieu-la-Napoule, 73,28% à Mougins, 60,32% des voix à Marignane, 58,35% à Toulon, 67,25% à Fréjus, 73,07% à Saint-Raphaël, 63,11% à Orange. Dans cette région provençale, les résultats sont très contrastés et dépendent essentiellement du report de voix du FN. Il s’agit dans certains cas d’un double vote communautaire, les européens votant UMP, les autres votant PS, alors que dans d’autres villes de la région, on ne peut tirer aucun enseignement de cette nature.

Enfin, dans beaucoup de régions françaises, les deux candidats sont à peu près à égalité, même si à l’avantage de François Hollande dans beaucoup de cas (Bourgogne, Normandie, Pays de la Loire, Picardie, Languedoc-Roussillon) et de Nicolas Sarkozy dans quelques autres (Centre, Franche-Comté, Lorraine). En Rhône-Alpes enfin, avec 52% des voix, Nicolas Sarkozy s’impose mais en perdant de trois à quatre points par rapport à 2007.

Au final, François Hollande l’emporte dans 14 régions alors que Nicolas Sarkozy ne l’emporte que dans 8 régions.

25/04/2012

Marine Le Pen, un échec déguisé en victoire

marine le pen,nicolas sarkozy,thomas ferrierIl peut paraître à première lecture paradoxal de parler d’échec à propos du résultat de la candidate du Front National à l’issue du premier tour des élections présidentielles alors que la presse, quasi unanime, de même que la candidate et son équipe, évoquent un succès. Entendons nous bien, le score de 17,9% des voix obtenu par Marine Le Pen est le plus élevé de l’histoire de son parti. L’annonce par IPSOS sur France 2 d’une Marine Le Pen à 20%, passant alors ce cap symbolique, a fait l’effet d’une bombe médiatique, alors qu’au cours du dépouillement le pourcentage n’a cessé de baisser. En 2002, son père obtenait 16.9% des voix environ, un point de moins que sa fille dix ans après, mais si on y ajoute les voix de Bruno Mégret, FN et MNR réunis totalisaient plus de 19,3% des voix. Faudrait-il de la même façon ajouter les 1,8% de Nicolas Dupont-Aignan ? Son électorat me paraît assez différent de celui de Le Pen, à la différence de celui de Mégret, confondu avec son ancien président par beaucoup d’électeurs.

Ainsi, en 2012, l’extrême-droite fait moins bien qu’en 2002, même si le FN seul progresse. La différence certes est que la participation en 2012 est à un niveau exceptionnel, plus de 80% de votants, ce qui fait qu’en nombre de voix Marine Le Pen atteint les 6,5 millions d’électeurs.

Si on compare le score du FN et du MNR en 2002, région par région, au score obtenu par Marine Le Pen en 2012, on constate que le FN progresse nettement dans des régions où auparavant il était faible, comme si les électeurs anticipaient une progression de l’immigration extra-européenne dans leur région. En Auvergne, en Bretagne, dans les Pays de la Loire, surtout dans le Limousin (+3,5 points par rapport à FN+MNR en 2002), en Picardie, dans le Poitou-Charente (+3 points), en Basse-Normandie (+0,5 point), en Aquitaine (+ 1 point), le FN progresse nettement. En revanche, il stagne ou régresse légèrement dans des régions traditionnellement favorables, comme la Bourgogne (- 0,6), en Champagne-Ardenne (- 0,2), en Lorraine (- 0,6) ou encore dans le Nord Pas de Calais (- 1,8). Dans des fiefs comme l’Alsace (- 5,7 points) ou la Provence (- 3,3), mais aussi en Rhône-Alpes ou en Franche-Comté l’extrême-droite est nettement plus faible qu’en 2002, même si son score reste élevé. C’est enfin en Ile de France qu’elle continue sa baisse, avec seulement 12,28% des voix en 2012 contre 14,57% pour le seul FN en 2002 (et 16,55% si on y ajoute le MNR).

Enfin, si le FN progresse dans les campagnes de manière significative, et notamment dans l’ouest du pays, atténuant cette dichotomie ouest/est que le parti connaissait à chaque élection, il s’effondre dans les grandes villes. 11,86% seulement à Strasbourg, 8,22% à Bordeaux, 6,2% à Paris (contre 4,58% en 2007 pour Jean-Marie Le Pen), 13,66% à Montpellier, 10,55% à Nancy (contre 16,42% à Limoges, ville traditionnellement très hostile au FN), 10,34% à Toulouse, 7,78% à Nantes, 9,87% à Lyon, seule Marseille échappant à cette décrue.

Deux cas spécifiques méritent qu’on s’y attarde. En premier lieu, la Corse a voté très nettement en faveur de Marine Le Pen, avec 24,4% en moyenne sur l’ensemble de l’île, faisant du FN le second parti après l’UMP. Il faut se souvenir que la pourtant très jacobine Marine avait su en Corse tenir un discours opportuniste de nature très identitaire, axé sur la défense de la corsité. Les nationalistes corses, y compris les indépendantistes, très hostiles à l’immigration maghrébine, ne s’y sont pas trompés et ont tactiquement apporté leur soutien à cette candidate. De même, dans sa profession de foi antiraciste, Marine Le Pen a beaucoup appuyé les DOM-TOM. La Réunion et la Guyane, victimes d’une forte immigration clandestine, lui offrent plus de 10% des voix. Même à Saint-Pierre et Miquelon, île peu concernée par l’immigration, elle obtient plus de 16% des voix. En revanche, si elle est en progression, en Martinique et en Guadeloupe, elle recueille toutefois un score faible.

Ces données chiffrées permettent de relativiser très fortement le « succès » du FN en 2012. On constate certes une uniformisation du vote FN sur l’ensemble du pays, ce qui explique à elle seule le 1% de Marine en plus du score de son père en 2002. Mais apparaît aussi une véritable hémorragie au sein des grands centres urbains, y compris au sein de départements franciliens très concernés par l’immigration extra-européenne. Elle paye sans doute un phénomène de « white flight », dont elle profite en revanche en Seine et Marne, mais elle subit aussi l’impact de l’électorat issu de la diversité.

Si Marine Le Pen a évité une déconvenue au niveau national, elle ne le doit pas à sa stratégie de dédiabolisation ni à la sincérité de son antiracisme. C’est bien pourquoi il faut là encore parler d’échec déguisé. Si ses électeurs étaient animés par un vote de conviction, comme elle le prétend, ils auraient lu son programme et écouté ses propositions. Mais heureusement pour elle, ce n’est pas ce qu’ils ont fait, pas plus que les électeurs de Hollande n’ont lu le programme du PS, animés qu’ils étaient de se limiter à « sortir le sortant ». Très vite, Jean-Marie Le Pen a senti l’ombre de la défaite et a fait savoir qu’il désapprouvait la façon dont se déroulait la campagne de sa fille. Sous son influence, elle a redressé la barre en axant, non sans incohérence doctrinale, son discours sur la dénonciation de l’immigration et de l’insécurité, rassurant ainsi l’électorat protestataire, essentiellement animé par un fort rejet de l’immigration en général, et voulant signifier son mécontentement en votant pour un parti sulfureux. Elle a surtout bénéficié de l’échec de sa stratégie de dédiabolisation.

Le Pen père avait affirmé qu’un « FN gentil » n’intéresserait personne et j’avais moi-même écrit sur ce blog que c’était désormais le vote « Mélenchon » qui permettait de protester. J’avais tort car j’avais sous-estimé le fait que dans l’opinion, le vote FN restait un vote provocateur. Et Marine Le Pen doit d’avoir conservé cette image, qui a sauvé sa campagne, au Parti Socialiste. En Effet, si ce dernier, comme il le prétend, voulait vraiment que le FN recule, il aurait joué la carte de la dédiabolisation. C’est en montrant que le FN était un parti comme les autres, mais n’était pas crédible pour gouverner, que Marine Le Pen aurait pu faire un score médiocre. En le présentant comme le diable, comme un mouvement « raciste » et « fasciste » (comme l’affirmait Mélenchon), le FN pouvait ainsi capitaliser un fort votre protestataire. Mardi, Nicolas Sarkozy a enfin dit que le FN était un parti « républicain », acceptant ouvertement de la dédiaboliser. Il était temps. Si Sarkozy avait mis en œuvre une telle politique avant le premier tour, nul doute que Marine Le Pen aurait fait un score bien inférieur.

Les sondages se sont-ils trompés ? Ont-ils sous-estimé le vote pour Marine Le Pen ? En vérité, les instituts de sondage sont incapables de déterminer autre chose que des tendances générales. En outre, ils ne peuvent pas prévoir vers quel candidat le vote protestataire de la dernière minute pourrait se tourner. Environ 3% des votants hésitaient entre le vote anticapitaliste pour Mélenchon et le vote nationaliste pour Marine Le Pen. Ils se sont décidés pour Le Pen, amenant Mélenchon à 11% au lieu de 14% et Marine à 18% au lieu de 15 ou 16%. On peut considérer que les derniers discours de Mélenchon sur la « France métissée », sur le droit du sol intégral, et sur l’apport de l’immigration, lui ont aliéné de nombreux électeurs ouvriers. L’antifascisme de Mélenchon était totalement décalé de la réalité politique d’aujourd’hui. Il en a payé le prix, malgré une très bonne campagne jusque là.

A l’annonce des résultats, Marine Le Pen a expliqué qu’il s’agissait d’une victoire historique qui validait sa stratégie. C’est tout à fait inexact. Si on peut admettre que son score est très bon, bien que très inférieur à ce que lui promettaient les sondages en janvier 2012, très inférieur aussi au score qu’elle prétendait avoir, et à neuf points de la barre du second tour, il n’est pas non plus l’annonce d’un bouleversement politique de grande ampleur. Il y a encore deux semaines elle annonçait qu’elle serait au second tour et même qu’elle pourrait remporter l’élection. Elle affirme, on l’a vu, que le vote protestataire dont elle bénéficie est en fait un vote d’adhésion, façon de croire que l’électorat a validé son programme europhobe, alors que c’est bien ses positions à ce sujet qui, notamment en Alsace, l’ont empêchée d’atteindre les 20% et ont fait que les personnes âgées sont restées rétives à son discours.

C’est quand Marine Le Pen, contrainte et forcée, a parlé d’immigration à nouveau qu’elle a pu remonter la pente et se faire entendre. L’affaire Merah a pu en outre l’y aider. Or dans son discours de dimanche, le sujet n’a même pas été abordé. Elle peut remercier les dieux que l’électorat FN n’ait pas réagi à la mise en avant de son pathétique comité de soutien, dont la version publique était très axée sur la « diversité », que l’électorat n’ait pas entendu ses nombreux appels du pied aux « musulmans patriotes » devant la rejoindre pour lutter contre le « fascisme vert ».

Si Marine Le Pen continue dans sa stratégie de « gauche », abandonnant les fondamentaux qui font que l’électorat populaire la préfère à Mélenchon ou à Sarkozy, et si en face d’elle, le PS et l’UMP ont l’intelligence de l’encourager dans sa politique de dédiabolisation, la traitant exactement comme les autres candidats, abandonnant ce cordon sanitaire dénué de tout fondement rationnel, laissant tomber cet « antifascisme » de bazar, alors Marine Le Pen n’aura plus aucun avenir politique. Mais le PS a besoin du FN pour occuper un électorat populaire dans une voie de garage et pour empêcher droite et extrême-droite de former une « droite plurielle » comme cela a pu exister en Pologne, en Italie, en Autriche, au Danemark ou aux Pays-Bas. A terme, le FN finirait par devenir l’aile droite de l’UMP. Et surtout perdrait de nombreux électeurs qui ne votent FN que pour témoigner de leur exacerbation mais aussi de leur désespoir.

Une fois que le FN sera dédiabolisé, on pourra enfin le juger sur ses propositions et on verra qu’il ne tient pas du tout la route, que ce n’est pas un parti armé pour être « de gouvernement », ce qui ne s’affirme pas mais se prouve sur le terrain. Car le nationalisme français, que ce soit sous la forme aseptisée mais férocement souverainiste de Marine Le Pen ou sous la forme radicale d’un Carl Lang, n’a en aucune manière les clés de notre avenir. Le peuple français ne devra son salut qu’à l’émergence d’une véritable Europe politique, d’un Etat européen unitaire, plus ou moins fédéral, une Europe européenne qui aura à cœur de préserver son identité. Toute autre « solution » préconisée n’est qu’un leurre, un mensonge, une duperie. La France seule, même en 1812 ça n’a pas fonctionné. Abandonner l’euro serait un suicide économique et la ruine des petits épargnants. Instaurer un protectionnisme national à nos frontières, alors que nous sommes liés à nos partenaires européens, ne permettrait pas de réindustrialiser car nous serions alors victimes d’une politique de rétorsion économique qui annulerait les maigres gains et nous livrerait encore davantage à la finance internationale.

Revenons pour conclure sur le thème de l’europhobie, principal cheval de bataille de la candidate FN, mais dont l’électorat pour l’essentiel se moque, ne votant pour elle que comme symbole du refus de l’immigration extra-européenne. Jack Dion dans « Marianne » s’interrogeait aujourd’hui sur les « eurocrates », se demandant si au final ces ultra-libéraux n’étaient pas des europhobes cachés. Et en effet ils le sont, disons le explicitement. Barroso est le meilleur allié de Le Pen. Il y a les europhobes par nationalisme (Le Pen, Dupont-Aignan) et il y a les europhobes par mondialisme (Barroso, Juncker) et les uns comme les autres sont les deux faces d’une même médaille. Quand Marine Le Pen dénonce lundi soir l’Europe fédérale, elle s’attaque à un moulin à vent, car malheureusement il n’y a pas d’Europe fédérale, mais une Europe des Etats avec au milieu un nid de technocrates sans légitimité démocratique.

L’Europe, ce sont les Européens. L’Europe, c’est nous. Alors donnez nous l’occasion de vous montrer ce que les (vrais) européistes savent faire. Mettez nous aux affaires en Europe, et je vous garantis que le FN tombera à 1% des voix, et pour le plus grand plaisir de ses électeurs qui auront trouvé dans l’Europe unitaire les réponses à leurs inquiétudes et un rempart face à ce qui les menace, y compris en ce qui concerne l’immigration. Si Marine Le Pen n’a en face d’elle que des Barroso pour représenter l’Europe, alors c’est qu’elle a déjà gagné. Remplaçons au plus vite à Strasbourg et à Bruxelles ces mondialistes, libéraux autant qu’atlantistes, par des européistes authentiques et l’extrême-droite retournera dans les oubliettes de l’histoire.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

PS: l'image à l'envers, c'est voulu ;)

09/04/2012

Marine Le Pen vs Jean-Luc Mélenchon (acte II scène 2)

Et le succès de Jean-Luc Mélenchon...

Mélenchon.jpgDans le même temps, et même si le passage d’électeurs de l’un à l’autre reste mineur, Jean-Luc Mélenchon est passé dans certains sondages en position de troisième homme, avec des pointes à 15 ou 16% d’intentions de vote, dépassant désormais Marine Le Pen. Il assèche le marais de l’extrême-gauche et des Verts, Joly étant même tombée à 1.5% des voix dans un sondage récent, tout en prenant des électeurs au PS et au FN. Il est clair que c’est notamment le cas de l’électorat ouvrier. Il y a deux mois, Marine Le Pen obtenait plus de 42% des voix au sein de cet électorat, alors qu’elle est désormais à environ 25%. Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon, qui était marginal parmi les ouvriers, représente désormais dans certains sondages le premier candidat ouvrier.

Comment cet électorat, souvent anti-immigration d’ailleurs, en vient-il à se tourner vers un candidat fanatiquement pro-immigration ? Parce que cette thématique a été abandonnée par Marine Le Pen, ce que son père a déploré à juste titre d’un point de vue tactique, et qu’en conséquence l’électorat populaire fait passer le vote social avant le volet « national ». Or sur le terrain de la défense du peuple, des acquis sociaux, de l’imagerie révolutionnaire et « national-communiste », et ce malgré un discours libertaire, Jean-Luc Mélenchon est plus crédible que Marine Le Pen. Il bénéficie en outre des réseaux communistes, qui restent efficaces. Enfin, il a surtout pris la dimension d’un tribun populaire, provocateur, outrancier et donc nécessairement populiste. En incarnant le vote protestataire auquel le FN renonce par sa politique de « dédiabolisation » extrême, il commence à en récolter les fruits. Avant, pour « emmerder le système », on votait Le Pen. Aujourd’hui, on vote Mélenchon.

Les affiches de campagne du Front de Gauche et du Front National illustrent remarquablement cet état de fait. Nathalie Pingeot, responsable du FNJ, était outrée qu’un politologue explique que les jeunes votaient d’autant plus FN qu’ils étaient socialement ou intellectuellement limités. Ce politologue, à savoir Sylvain Crépon, faisait remarquer qu’il ne se basait que sur des données statistiques et s’étonnait que le FN ne soit pas fier de représenter le peuple, y compris dans ses couches les plus populaires. C’est en effet un motif de fierté que de prendre la défense des démunis, ce que Jean-Luc Mélenchon sait parfaitement faire. Les affiches de Marine Le Pen, avec le choix du bleu droitier, sont insipides, avec des slogans sans saveur et à la limite du bon français. « La révolution bleu marine » ne signifie pas grand-chose et rappelle la « révolution bleue » de l’ultra-libéral Claude Reichman. « Oui, la France », présentée comme une réponse à une question qui n’est pas posée, n’est pas un slogan compréhensible ni accrocheur. Il témoigne juste de l’obsession nationalitaire de Marine Le Pen, expliquant son europhobie mais aussi ses clins d’œil appuyés aux communautés issues de l’immigration francophone. Son comité de soutien, tel qu’apparu médiatiquement, mettait d’ailleurs en avant notamment des franco-ivoiriens et des franco-camerounais, alors même qu’elle avait précédemment prôné la fin de la double nationalité. Le choix d’un comité de soutien très divers ne pouvait que déstabiliser son électorat qui n’attend pas cela du FN. En privilégiant l’appartenance administrative à la France au détriment de l’appartenance historique, elle déboussole son électorat.

En revanche, avec son slogan « Prenez le pouvoir », le doigt inquisiteur, le regard dur, Jean-Luc Mélenchon incarne un courant anticapitaliste sans concession. Il se place véritablement dans une démarche révolutionnaire, quoi qu’on pense par ailleurs du personnage, de ses idées, et de son évident ralliement du second tour au candidat Hollande, ralliement certes qui sera âprement négocié. Alors qu’Eva Joly représente l’écologie punitive, selon le bon mot de Frédéric Nihous, Mélenchon, qui a annexé son programme, ne passe pas pour tel.

Le programme de Mélenchon est à vrai dire parfaitement démagogique et odieux à plus d’un titre. Mais ce n’est pas son discours qui attire à lui les électeurs, à part une minorité d’extrémistes de « gauche », d’éco-sectaires et d’anarcho-libertariens. C’est son style, et ne dit-on pas que le style, c’est l’homme. Il est insupportable, il a l’insulte facile, et c’est ce côté « Marchais » qui plaît. C’est donc fondamentalement une image qu’il vend et une idéologie de façade, celle du méchant rouge. Mais les communistes, du temps de Marchais, étaient opposés à l’immigration ou aux revendications homosexuelles. Mélenchon, lui, a repris les revendications communautaires du PS (pro-immigrés, pro-gays), le programme écologique des Verts, et la radicalité anticapitaliste des trotskystes. Et y a ajouté un côté plébéien et provocateur qui séduit la frange la plus protestataire de l’électorat FN.

Il y a d’ailleurs de fait une alliance tacite entre Mélenchon et Sarkozy, à la fois contre Hollande et contre Marine Le Pen. Ces derniers ont aussi fait une alliance de revers, puisque « Marine » épargne totalement le PS, ne tape que sur Sarkozy, et accessoirement sur Mélenchon, et souhaite clairement la défaite du candidat de droite. Mais cette stratégie déplaît à beaucoup de ses électeurs, qui craignent une victoire du PS, et notamment à ses électeurs les plus « droitiers », c'est-à-dire les plus anti-immigration. Si le bilan de Sarkozy en la matière ne saurait les séduire, bien au contraire, le président sortant apparaît comme un moindre mal. Et lui a de réelles possibilités d’être (ré)élu. Par ailleurs, la chute dans les sondages du FN peut engendrer un effet domino en sa défaveur. A partir du moment où la possibilité d’un FN au second tour est exclue, et que Mélenchon lui-même peut la devancer, son électorat peut davantage être sensible aux arguments de Sarkozy qui affirme, à raison, que le vote FN ne peut plus servir qu’à favoriser le PS de Hollande.

Rappelons d’ailleurs à ce titre le programme du PS, qui ne peut que glacer de sang l’électorat « FN » et de la droite de l’UMP, à savoir le vote des étrangers extra-communautaires aux élections municipales, le mariage gay avec adoption, le soutien à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, et bien sûr les évidentes régularisations de clandestins que le PS s’empressera de réaliser, sans parler de la question des hausses d’impôts ou encore de celle de la légalisation des drogues douces. Si Jean-Luc Mélenchon a réussi à servir d’aiguillon pour le PS, Marine Le Pen, par sa critique systématique de l’UMP, ne peut plus jouer le même rôle.

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon a parfaitement réussi dans sa stratégie opportuniste, piochant ici et là des éléments de programme des autres formations, alors que Marine Le Pen a fait de l’€ et de l’UE un point de fixation, parce qu’elle est certainement plus sincère, et que son europhobie est un postulat de principe, une conviction profonde autant qu’idiote. Or son électorat ne souhaite pas d’une dévaluation, qui ruinerait les petits épargnants, et comprend bien que l’€ est protecteur et que sa disparition serait tout sauf une bénédiction, d’où l’attachement des Grecs par exemple à cette monnaie. Mélenchon aussi, au départ, voulait jouer cette carte de l’europhobie, qu’il partage fondamentalement avec elle, mais a compris très vite que ce serait une impasse, et affirme maintenant que l’euro est notre monnaie. De la même façon, Dupont-Aignan, dont le cœur du projet est fanatiquement souverainiste, ne décolle pas. Ce n’est pas une ligne porteuse, et certainement pas dans ce contexte économique.

Bien sûr, Mélenchon est un attrape-gogos, tout comme l’est d’ailleurs « Marine », et incarne une incapacité française à sortir d’une forme de communisme mental, le fétichisme du drapeau rouge du premier ayant en face celui du drapeau tricolore. Deux fronts populistes et démagogiques s’affrontent, le dindon de la face étant l’électeur qui y perd son vote. Mais à ce jeu, Mélenchon semble plus fort. Seul le Le Pen des années 1988 et 1995 aurait été en mesure de l’affronter. Mais on ne devient pas tribun par l’ascendance.

Thomas FERRIER (PSUNE)

Marine Le Pen vs Jean-Luc Mélenchon (acte II scène 1)

L’échec stratégique de Marine Le Pen.

2052-le-pen-melenchon-jpg.jpgEntre début janvier et début avril, en trois mois, en moyenne Marine Le Pen a perdu entre cinq et six points d’intentions de vote dans les sondages. Désormais, elle paraît nettement distancée par les deux principaux prétendants au trône, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Si François Bayrou semble marginalisé par le binôme UMP/PS, Marine Le Pen semblait résister davantage. Mais c’était avant qu’un candidat qui capitalisait entre 8 et 9% d’intentions de vote ne connaisse une progression significative, et c’était aussi avant que le président en exercice ne place la barre bien à droite. Marine Le Pen a ainsi été attaquée à la fois par Nicolas Sarkozy sur les problématiques d’immigration, d’islamisation et d’insécurité, et à la fois par Jean-Luc Mélenchon sur celles du social, de la défense de la fonction publique, et globalement sur le volet anticapitaliste de l’opposition au mondialisme. Dans le même temps, sur des thèmes économiques difficiles et peu porteurs, comme la crise des dettes souveraines et la problématique de l’€, elle n’a pas été à la hauteur des enjeux. Son europhobie obsessionnelle, responsable également de dérives idéologiques insupportables aux yeux de nombre de ses électeurs, est la principale source de ce désaveu.

Pas assez socialiste face à Mélenchon, alors qu’elle aurait eu beau jeu de dénoncer le nanti derrière le pseudo-socialiste, mais elle a préféré refuser de débattre face à ce petit candidat, qui désormais la dépasse dans la plupart des sondages, elle a abandonné le thème traditionnel de l’opposition à l’immigration, implicitement extra-européenne chez son père, pour un thème économique sur lequel elle n’est pas experte, loin s’en faut. Elle répète ainsi les erreurs de son père en 2007, erreurs qui on le sait aujourd’hui étaient essentiellement dues au fait qu’elle était sa directrice de campagne, à savoir un recentrage politique sur les thèmes où ses adversaires politiques dominent, et surtout, quitte à citer des intellectuels d’extrême-gauche, elle aurait dû songer au mot de Trotski, « celui qui s’incline devant des règles établies par d’autres ne vaincra jamais ».

Dans l’affaire Merah, elle a dénoncé le caractère islamique des crimes commis, mais sans jamais remettre en cause la francité du criminel. Elle qui prétend vouloir refonder le code de la nationalité sur le droit du sang aurait pu contester cet état de fait, en affirmant par exemple qu’il n’était pas français per iurem sanguinis. Ce que son électorat reprochait à son père, ce sont les provocations liées à la seconde guerre mondiale et les clins d’œil appuyés à différents dictateurs ou extrémistes. En expliquant aux « jeunes de banlieue » qu’eux-aussi profiteraient de la « priorité nationale », ce qui ne lui apportera aucun électeur issu de ces milieux, car ils savent qu’ils bénéficieraient avec Hollande comme président de bien davantage, cela lui aliène un électorat populaire « petit blanc », qui justement ne veut pas partager les avantages d’une telle « priorité » avec les populations issues de l’immigration extra-européenne. Marine Le Pen oublie qu’on ne gagne pas une élection en ayant raison d’un point de vue juridique ou administratif, mais en tenant au peuple le discours qu’il a envie d’entendre et surtout des propositions qu’il a envie de voir mettre en œuvre.

Si le vote FN ne permet même pas à l’électorat populaire de protester contre cette immigration là, alors il ne sert plus à rien du tout, c’est simplement le discours de l’UMP en légèrement plus dur. Par ailleurs, Marine Le Pen a voulu à tout prix apporter à son nouveau FN une culture de gouvernement. Mais quand on veut jouer dans la cour des grands, il faut avoir les armes adéquates, or le FN est une coquille vide, avec des bons techniciens de la politique mais aucun cadre d’envergure. Un gouvernement FN ? Mais avec qui ? En l’état, le FN ne peut être qu’un parti protestataire, et s’il cesse de l’être, il n’est plus attractif car confronté à des machines politiques de guerre beaucoup plus puissantes. Marine Le Pen est venue sur le terrain de ses adversaires et il est donc logique qu’elle s’y casse les dents.

Une bonne stratégie aurait en revanche été d’être à la fois plus socialiste que Mélenchon, en condamnant libéralisme économique et libertarisme moral, alors que ce dernier n’est anti-libéral que sur un seul des ces plans, et plus identitaire que Nicolas Sarkozy. C’est là où l’europhobie de Marine lui a été funeste. En refusant de reconnaître la parenté entre européens, elle est forcée de jouer sur la carte pseudo-républicaine en s’adressant aux plus europhobes des europhobes, l’électorat domien et celui de souche non-européenne. Elle commet en la matière la même bévue que Dupont-Aignan, qui se retrouve ainsi à applaudir une officine appelée « Fils de France » destinée à promouvoir les « musulmans patriotes » mais qui n’est qu’un faux-nez du groupuscule de Soral.

01/04/2012

Elections présidentielles 2012 : état de la situation à trois semaines du premier tour

 
Image-3-copie-2.pngA maintenant vingt et un jours du premier tour des élections présidentielles, plusieurs tendances semblent caractériser l’état de la campagne. Bien qu’il faille demeurer méfiant par rapport aux données fournies par les instituts de sondage, ils constituent malgré tout des outils d’analyse dont il convient de tenir compte. Le sondage quotidien IFOP/Fiducial/Paris Match me paraît en ce sens le plus pertinent pour déterminer les tendances générales à l’œuvre, sans préjuger du résultat.

En janvier 2012, Marine Le Pen se situait dans ce sondage aux alentours de 21,5% en moyenne au premier tour, ce qui faisait dire à la candidate sa certitude d’être au second tour. Si les sondages sont erronés, alors ils le sont dans tous les cas de figure, et pas seulement quand ils sont en défaveur d’un candidat. Cette semaine, elle se trouvait entre 16 et 16,5% selon les jours, ce qui constitue une baisse de près de cinq points en trois mois. Entre temps, la campagne a commencé, et la stratégie entreprise par Marine Le Pen dans le cadre de sa politique dite de « dédiabolisation » commence à montrer ses limites. Dans le sondage LH2 d’avril 2012, Marine Le Pen tombe même à 13,5%, score pronostiquée le 20 mars par CSA, avant qu’elle ne remonte dans le sondage CSA suivant (Vague 20) à 15%. Harris Interactive lui pronostiquait cette semaine un score de 16%. Enfin, dans le sondage BVA du mois de mars, Marine Le Pen n’est créditée que de 13% des intentions de vote. Malgré et peut-être même à cause des évènements de Toulouse, sa cote est désormais fortement dévaluée.

Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon progresse nettement dans tous les sondages. Il atteint désormais 15% des intentions de vote dans le sondage LH2 du 1er avril 2012, 14% dans le dernier sondage BVA, 14% puis 13,5% chez IFOP jeudi et vendredi derniers, 12,5% seulement chez CSA (contre 13% une semaine auparavant). Cette progression d’environ quatre points résulte d’une excellente campagne, très à gauche, du candidat du Front de Gauche. Alors que des pans entiers de son programme devraient faire fuir les électeurs populaires, en raison d’une démarche libertaire, défendue notamment par Clémentine Autain pour qui, la première mesure n’est pas d’ordre économique, pour combattre le chômage ou la précarité, mais le mariage gay, en complet décalage des aspirations des électeurs les plus modestes, le meeting de Bastille du 18 mars, à forte coloration symbolique, a été très efficace. Il faut dire que dans le même temps Marine Le Pen a déboussolé son électorat ouvrier par un discours incohérent sur les problématiques migratoires. Le « lepénisme de gauche » lorsqu’il se réduit à un discours socialisant ne tient pas longtemps face au « mélenchonisme » d’un homme politique crédible sur son terrain naturel.

Expliquer le recul de Marine Le Pen et parallèlement la montée de Jean-Luc Mélenchon n’est pas chose facile. On peut en premier lieu considérer que la candidate du FN est attaquée sur ses deux fronts, d’une part par Nicolas Sarkozy qui a repris à son compte un discours plus dur sur l’immigration, et surtout plus ethnicisant, d’autre part sur le terrain social par le candidat de la « gauche » radicale, au détriment également des deux candidats trotskystes, réduits à peau de chagrin (entre 0% et 1% chacun dans les sondages pour Arthaud et Poutou), et de la candidate « pastèque » Eva Joly. Il faudrait donc à la candidate du FN mettre en œuvre une double contre-offensive, à savoir être plus socialiste que Mélenchon et en même temps plus dure sur la question de l’immigration extra-européenne que Sarkozy, ce qui ne serait tout de même peu difficile. Lors des évènements de Toulouse, la modération de Marine Le Pen l’a desservie. Ses appels à l’aide des « français musulmans » contre le « fascisme vert » sont incompréhensibles aux yeux d’un électorat populaire de souche européenne excédé. Sa promesse d’appliquer la « priorité nationale » en faveur des français d’origine immigrée ne lui apporte aucun crédit au sein des populations concernées, mais en revanche là encore la dessert vis-à-vis de l’électorat populaire. En se défendant, certes à juste titre, de prôner une « priorité ethnique » aux indigènes, elle n’a pas compris que son électorat souhaitait en vérité une telle politique.

Sa volonté de dédiabolisation, qui aurait pu se limiter à arrêter tout excès de langage et à se démarquer des positions idéologiques de la vieille extrême-droite, tout en restant dure sur son fond de commerce, rappelle les égarements d’Argenteuil de son père en 2007. En reproduisant les mêmes erreurs qu’en 2007, en abandonnant son électorat naturel aux habiles conseillers sarkozystes, comme l’a théorisé Patrick Buisson, elle fait une campagne à contre courant de ce que souhaitent ses électeurs traditionnels. Ce n’est pas sa campagne « à gauche » en matière économique qui lui nuit, bien au contraire, mais d’abord sa confusion sur les problématiques migratoires, et surtout son europhobie quotidienne, liée d’ailleurs « paradoxalement » au thème précédent. C’est bien parce qu’elle se refuse à opposer européens et non-européens, qu’elle ne voit l’Europe que comme un mal insupportable, qu’elle ne parle même plus de la question de l’adhésion turque, que Sarkozy devrait relancer d’ailleurs, qu’elle baisse sensiblement dans les sondages. Une analyse de la French Politics de Londres propose une prospective intéressante à ce sujet. Selon eux, Marine Le Pen devrait faire environ entre 15 et 17% des voix, avec une forte probabilité à 15%. Pour eux, cela signerait une « sous-performance » et donc la manifestation d’un « échec patent de la stratégie personnelle de Marine Le Pen (pour) dédiaboliser le parti ». Cette hypothèse n’est pas à exclure. Jean-Marie Le Pen n’avait-il pas prédit qu’un « Front gentil » n’intéresserait personne ?

Mélenchon, lui, n’est pas « gentil », au point d’en inquiéter la patronne du MEDEF, Laurence Parisot, qui le compare à un révolutionnaire de la Terreur (1793). C’est sans doute à ses yeux le plus grand compliment qu’on peut lui faire. Et pourtant, il serait facile de le démasquer, notamment en s’attaquant à son soutien à l’immigration massive et aux excentricités libertaires de son programme, mais aussi à son enrichissement personnel. Seul Jean Quatremer, journaliste à Libération, est parvenu à trouver son point faible, déclenchant contre lui l’ire du disciple français de Die Linke. Reste qu’un Oskar Lafontaine sera mille fois plus sympathique, et vraiment socialiste, que « Jean-Luc ». La gauche « Sarrazin » (du nom de ce social-démocrate allemand) serait d’ailleurs facilement prête à voter FN ou UMP dans un autre contexte. Mais la crise économique a abouti à une radicalisation de l’opinion. Si les extrémistes de l’Aube dorée sont aux portes du parlement à Athènes, c’est dire ce qu’un discours « FN old school » aurait pu obtenir dans ces élections.

Le souverainisme n’a vraiment aucune espèce d’avenir en France. Dupont-Aignan, dernier vestige du triumvirat Pasqua-Seguin-Villiers de 1992, est promis à une déculottée électorale, crédité qu’il est dans les sondages d’entre 0,5% et 1,5% maximum. C’est d’ailleurs la campagne anti-€ qui plombe notamment Marine Le Pen. Mélenchon, tenté de les suivre sur cette voie, a rapidement compris l’impasse. Sarkozy quant à lui choisit un positionnement euro-critique, proposant ainsi de rétablir les contrôles aux frontières s’il ne parvient pas à obtenir des garanties contre l’immigration clandestine de la part de ses partenaires de l’UE, mais sans tomber dans l’europhobie qui caractérise NDA et MLP.

Les évènements de Toulouse ont profité nettement à Nicolas Sarkozy, qui est désormais en tête dans la plupart des sondages, en tout cas pour le premier tour, le second annonçant toujours une victoire du candidat du PS, mais de moins en moins large. Président en exercice, choisissant une position rassurante face à la crise comme face à cette tragédie, même si ses services n’ont pas été capables de détecter le terroriste avant qu’il ne frappe, il donne le sentiment d’incarner mieux que les autres candidats la fonction de président. Hollande est très loin d’avoir la même crédibilité, sa cote s’expliquant d’abord par le rejet viscéral du style Sarkozy par beaucoup d’électeurs. On vote Hollande non pour lui mais contre Sarkozy, et ce phénomène, lors du débat du second tour, peut s’effondrer si le programme du PS apparaît trop mortifère.

Le choix du PS de soutenir le vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales ou encore sa position sur le mariage gay et l’adoption, sans parler de son choix d’une imposition accrue, peuvent être rédhibitoires pour Hollande au second tour. Les résultats du premier tour auront une incidence décisive. Si Mélenchon obtient un gros score, Hollande en bénéficiera nettement et deviendra le nouveau président de la république. Si Le Pen réussissait, il n’est pas sûr qu’elle ne parviendrait pas à, de fait, contribuer à la défaite de Sarkozy. En revanche, si elle connaît une déconvenue, son électorat pourrait considérer Sarkozy comme le seul recours et se reporter très massivement vers lui, assurant ainsi sa réélection.

Enfin, François Bayrou ne parvient pas à créer de sursaut en sa faveur. Après avoir bien progressé, une fois sa candidature annoncée, il stagne entre 10,5% et 13% des intentions de vote. Il sera certainement victime, plus que tout autre candidat, du vote utile, son positionnement idéologiquement illisible le desservant. Sa grande année a été 2007. L’électorat de centre-droit choisira Sarkozy par défaut, d’ailleurs toutes ses figures se rallient, les unes après les autres, le dernier ralliement en date étant celui de Rama Yade. L’électorat de centre-gauche sera naturellement porté vers le candidat Hollande. Dans ce contexte, on peut considérer que si Bayrou parvient à obtenir 12% des voix, ce sera malgré tout un moindre mal.
 

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

14/03/2012

Portrait de candidats au scalpel: Front vs Front

jean-luc mélenchon,marine le pen,populisme,démagogie,caricature,thomas ferrierMarine Le Pen, 43 ans, candidate du Front National aux élections présidentielles 2012.

Après de nombreuses épurations internes, la plus hémorragique étant celle de 1998 où les partisans de Bruno Mégret ont quitté un navire qui leur apparaissait à la dérive, en janvier 2011, Marine Le Pen, fille du président en exercice depuis la fondation du parti en 1972, devient officiellement dirigeante du FN et en conséquence candidate à l’élection présidentielle de 2012. Sa victoire interne n’est pas le résultat d’une ascension naturelle, d’une circulation des élites au sein de l’appareil politique qui aurait bien fonctionné, ou d’une joute d’égal à égal face à un adversaire déterminé. 

Elle est en vérité un constat d’échec, l’incapacité d’un parti politique à renouveler ses cadres et à proposer un autre contrat à ses militants et ses électeurs. En quarante ans d’âge, le FN n’a rien de mieux à proposer que la propre fille du chef, héritière d’une boutique familiale. Ce résultat est aussi la conséquence d’une structure en déliquescence, avec un nombre d’adhérents dérisoire par rapport aux grosses machines électorales que sont le PS et l’UMP. Ce fait est apparu notamment lors du processus de collecte des parrainages d’élus, et notamment de maires, préalable à la candidature proprement dite. Elle payait là la dernière épuration en date, celle des militants catholiques traditionnalistes qui avaient choisi Bruno Gollnisch comme président, celle aussi de Carl Lang et de ses partisans, idéologiquement peu compatibles avec une ligne pacifiée, mais agents de terrain efficaces.

Adepte d’une ligne plutôt nationale-libérale, Jean-Marie Le Pen s’était présenté comme le rassembleur de la « droite nationale », toutes tendances confondues, atténuant en cela sa démarche autocratique et népotique. Il savait flatter les différents camps, et souvent pardonner après chaque crise. Il était l’artisan d’une « union patriotique » en 2007, sachant tendre la main au « félon » Mégret, union qui fut sciemment sabotée par Marine Le Pen. Cette dernière a privilégie au contraire une ligne plutôt nationale-sociale, son « nationalisme » se limitant à une dénonciation permanente, et caricaturale, de l’Union Européenne, son « socialisme » se résumant quant à lui à une démagogie de tous les instants et à des plagiats du programme du Front de Gauche, énervant passablement ce dernier.

Ce virage « ethno-socialiste », ainsi que l’a qualifié Dominique Reynié, mais qu’on ne saurait certainement pas interpréter comme une nouvelle forme de fascisme, se retrouve en vérité dans tous les partis politiques, et tout particulièrement chez Mélenchon et Dupont-Aignan. Le côté « ethno » est de toute façon très discutable puisque la candidate du FN défend en vérité une conception purement administrative de la nationalité, comme tous ses adversaires. Si un ethno-libéralisme tente péniblement de la concurrencer à sa droite, autour du candidat Carl Lang, d’ethno-socialisme au sens strict, il n’y a pas. En revanche, aux yeux de la majorité de son électorat, et qu’importent les déclarations sincères mais en sens contraire de Marine Le Pen, elle est perçue comme détentrice d’une ligne mêlant nationalisme ethnique et démagogie socialisante.

Son ascension politique s’apparente à celle qui permit à Ségolène Royal de devenir la candidate du PS en 2007. Elle est en effet strictement médiatique, mais à la différence de Royal, Marine Le Pen a pu en outre bénéficier de l’aide directe d’une partie de l’appareil politique, et notamment de sa direction. Dès 2002, « Marine » apparaît aux yeux des media comme la plus apte à remplacer un vieux chef usé, à l’issue d’un second tour désastreux. En 2007, elle accompagne son père vers le seul véritable échec de sa carrière, un score qui ramène le parti à son démarrage de 1984. Adepte d’une dédiabolisation de forme comme de fond, Marine Le Pen, formée idéologiquement dans la continuité de son ex-beau-frère Samuel Maréchal, va alors connaître une ascension interne extrêmement rapide, alors même que la vieille garde tente par tous les moyens de l’en empêcher. Mais face à elle, le timide Gollnisch, incapable de s’opposer à son président, ne fait pas le poids et abandonne les uns après les autres, par son inertie, tous ses partisans. Si Jean-Marie Le Pen n’est au départ pas vraiment enthousiaste face à la montée de sa fille, il ne s’y oppose pas et finalement l’encourage en ce sens.

Bien que Marine Le Pen ait bénéficié d’une victoire résultant d’une confrontation aux apparences démocratiques face à Bruno Gollnisch, un rapport 2/3 contre 1/3, on peut considérer ce dernier davantage comme un sparring partner qui a surtout permis à « Marine » de débusquer ses adversaires à l’intérieur du parti, tous rapidement amenés à quitter le FN, de manière volontaire ou contrainte. A aucun moment, il n’a pris les traits d’un combattant déterminé à proposer une vraie alternative. Résigné, il devra subir les vexations de son ancienne adversaire, mais il est vrai qu’on est généralement son propre bourreau.

A la différence de son père, qui a cinquante ans de vie politique derrière lui, cinquante ans aussi de combat, à Suez comme en Algérie, et qui peut apparaître comme un self made man, Marine Le Pen n’a pas eu à se construire et a récolté essentiellement les fruits d’une œuvre paternelle. Ses lacunes idéologiques apparaissent évidentes et seront difficiles à combler, malgré les fiches que lui rédigent ses conseillers politiques. Par ailleurs, l’appareil dont elle jouit désormais de l’usage exclusif n’est pas en très bon état. L’apparition de nouveaux dirigeants à ses côtés, l’équipe d’Hénin-Beaumont en tête, le médiatique Gilbert Collard, et le technocratique Florian Philippot, et sans oublier son propre compagnon, Louis Aliot, ne suffit pas à masquer les faiblesses d’un parti qui se prétend « de gouvernement » alors qu’il n’a simplement pas les hommes de la situation.

La ligne politique choisie par Marine Le Pen est la fameuse « dédiabolisation », qui est la continuité de la démarche de 2007 qui n’a pas convaincu ses électeurs. Persuadée d’être inattaquable sur des thèmes comme l’immigration et l’insécurité, alors que Nicolas Sarkozy a prouvé qu’il était facile de détourner des électeurs en reprenant ces thèmes, elle a choisi d’adopter un ton violemment eurosceptique, reprenant cette idée réactionnaire par nature du « retour du franc », tout en l’associant à un discours sur l’état social, reprenant ainsi au PS et au Front de Gauche le thème de la défense de la fonction publique, celui de la laïcité, et enfin celui du rôle de l’état. Ce néo-gauchisme à la sauce nationale de Marine Le Pen prend une dimension ouvriériste. Mais l’ouvrier qui vote FN, bien qu’attaché au modèle social à la française, le fait avant tout en raison de l’immigration, et tout spécifiquement de l’immigration extra-européenne.

Croire, comme elle le fait, que l’ouvrier français est europhobe et étatiste, c’est mal le connaître. Et si Mélenchon ne parvient pas à (re)conquérir cet électorat, ce n’est pas en reprenant son discours, même en l’associant plus fortement à la dénonciation de l’Union Européenne, qu’elle sera convaincante.

Alors, bien sûr, elle est rappelée à l’ordre par le contre-modèle de 2007, et régulièrement se voit contrainte de revenir aux fondamentaux du parti, de reprendre un discours plus ferme sur l’immigration et sur l’insécurité. Mais est-elle crédible aux yeux d’un électorat excédé lorsqu’elle prend une défense forcenée des DOM-TOM, renonçant par exemple à instrumentaliser la départementalisation de Mayotte contre le président sortant, façon de prouver par l’exemple qu’il ne défend pas notre « identité nationale », ou lorsqu’elle explique qu’elle sera la candidate de l’égalité entre « français de souche » et « français immigrés », cette dernière notion étant contradictoire, ce qui est exactement le discours de tous les autres partis.

 

 

jean-luc mélenchon,marine le pen,populisme,démagogie,caricature,thomas ferrierJean-Luc Mélenchon, 60 ans, candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles 2012.

C’est parce que son avenir au sein du Parti Socialiste était bouché que, dévoré par une ambition personnelle évidente, « humain trop humain », le sénateur Jean-Luc Mélenchon, homme du sérail mitterrandien, et pouvant espérer une retraite extrêmement confortable, ses émoluments nationaux et européens lui permettant d’espérer 10.000 € par mois de retraite, selon le journaliste Jean Quatremer, décide de quitter son parti. Il s’inspire ce faisant de l’émergence d’une gauche radicale en Allemagne réunissant des ex-SPD du WASG autour du sympathique Oskar Lafontaine et des anciens communistes d’Allemagne de l’Est de l’ex-SED, devenu PDS, autour du moins sympathique Gregor Gysi. Son « Parti de Gauche », qui correspond plus ou moins à une traduction de « Die Linke » en Allemagne, s’élargit en Front de Gauche lorsqu’il s’associe avec le PCF, comme c’est le cas pour ces élections présidentielles.

Oskar Lafontaine a conservé le sens du peuple, et n’a jamais hésité à tenir des discours pouvant plaire à une gauche allemande qui apprécie les analyses du social-démocrate Thilo Sarrazin sur l’immigration extra-européenne, ayant même scandalisé les bien pensants en évoquant de manière négative les Fremdarbeiter, « travailleurs étrangers », expression connotée que les conformistes préfèrent qualifier de Gastarbeiter, « travailleurs hôtes ». Jean-Luc Mélenchon, qui aspire à ramener dans son giron les électeurs ouvriers tentés par un vote FN, en revanche, ne comprend pas le peuple. L’électorat populaire est en vérité sur la même ligne que cet élu communiste courageux qu’est André Gérin.

L’électorat communiste des années 70 et 80 soutenait une démarche socialiste autoritaire mais aussi patriotique, à l’instar du modèle soviétique. Toutes les propositions libertaires du candidat Mélenchon auraient été passibles des tribunaux en URSS. Ce régime interdisait l’avortement, réprimait l’homosexualité, défendait la patrie « soviétique », et n’était pas loin sur certains points de la ligne idéologique de Pamyat, mouvement culturel adepte d’un nationalisme radical. C’est encore la ligne politique de l’actuel candidat communiste russe Guennadi Ziouganov. Ce « communisme Labiche », que vantait Céline, se retrouve aujourd’hui proche des thèses du FN. L’électeur « national-communiste » abandonné par son parti, qui défend désormais les thèses trotskystes, s’est naturellement tourné vers ce qu’il pensait trouver de plus proche, le discours social-national de Marine Le Pen, qui est certes un écran de fumée, mais pas davantage que les promesses socialistes de Jean-Luc Mélenchon. André Gérin, proche de la ligne historique du PCF, serait bien davantage capable de proposer à cet électorat une alternative à Marine Le Pen, mais il est isolé au sein d’un appareil s’offrant désormais aux thèses les plus libertaires de la radicalité gauchiste.

En reprenant les thèses de l’extrême-gauche trotskyste, faites de féminisme radical, d’islamophilie béate, l’un et l’autre unis paradoxalement contre la société occidentale, de pro-avortement extrême, d’égalitarisme transgenres, défendant le mariage pour les homosexuels tout en dénonçant dans le même temps l’institution du mariage (traditionnel) comme ringarde, d’apologie du métissage cachant en vérité un racisme europhobe, Mélenchon éloigne de lui des électeurs qui pourraient être lassés par la démagogie trop apparente de « Marine ». La légitimité de Mélenchon aux yeux de l’électorat est sur la question sociale, son libertarisme lui permettant certes d’assécher le marais gauchiste, LO et NPA étant promis à un score aux alentours de 0.5% chacun, et de marginaliser Eva Joly, privée d’une partie de l’électorat bobo en faveur de toutes les « excentricités morales ».

Or sur cette question du socialisme, quelle est la référence absolue de Jean-Luc Mélenchon ? François Mitterrand. En matière de socialisme, on a connu mieux qu’un ex-volontaire national, ex-cagoulard, ex-pétainiste, mais réel opportuniste. Mais il est vrai que le machiavélisme du premier peut inspirer le second. Car, et avec un certain succès, atteignant désormais 10% dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon se crée un nouvel espace politique lui permettant de négocier pour lui une bonne place au sein d’un gouvernement socialiste que mettrait en place François Hollande s’il était élu. Il pourrait ainsi remplacer Europe Ecologie, dont la candidate est créditée dans les sondages de 2 à 3% des voix, comme partenaire principal d’une gauche plurielle. Il a ainsi su remarquablement rebondir.

Si on compare Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, on constate que leur principale différence porte sur les choix de société, même si Marine Le Pen est beaucoup plus « progressiste » en matière de mœurs que le FN, mais pas sur les questions économiques. Tenté de rejoindre sur l’Europe les mêmes positions que Marine Le Pen - on se souvient en 2005 de sa tirade méprisante contre le peuple lituanien - il a néanmoins compris qu’un programme économique anti-€ et anti-UE ne serait pas crédible. Son internationalisme marxiste l’amène par exemple à se sentir proche du travailleur grec, comme il pourrait l’être autant ceci dit du travailleur nord-coréen ou vénézuélien, mais il ne comprend rien à la question européenne. C’est en outre un immigrationniste forcené, le terme même de « français » l’insupportant, favorable à l’ouverture des frontières nationales et européennes à la pauvreté mondiale, même si cela ruine les travailleurs français dont il se prétend le défenseur.

A l’europhobie de Marine Le Pen, qui ne va pas jusqu’à s’attaquer à l’idée même de civilisation européenne, répond l’europhobie fondamentale de Jean-Luc Mélenchon, qui au fond de lui-même, autant par son internationalisme idéologique que par son franchouillardisme pro-diversité, déteste l’Europe sous toutes ses formes, même s’il prétend s’en défendre.

Par ailleurs, chose qu’il partage là encore avec « Marine », Mélenchon ne supporte pas la contradiction. Tout comme elle qui dit « non » avec fureur lorsqu’un journaliste la met devant ses contradictions, à l’instar de Michel Field lui rappelant le sens des bals nationalistes de Vienne, Mélenchon s’énerve et menace. Jean Quatremer en a fait à plusieurs reprises les frais, pour avoir eu le tort de mettre en exergue la mansuétude supposée du candidat vis-à-vis des régimes populistes d’Amérique du sud. Or en démocratie le débat libre est essentiel. Ce style qu’on pourrait penser plébéien ne dessert toutefois par le candidat du Front de Gauche, qui aime à dénoncer les comportements arrogants de l’hyper-classe. Il parvient, alors que Carla Bruni n’arrive pas à faire croire que Nicolas Sarkozy et lui forment une famille « modeste », à accréditer son image d’homme du peuple, tout comme la fille du milliardaire de Saint-Cloud. Au moins Philippe Poutou, à défaut de penser comme un homme du peuple qu’il est pourtant, est un vrai ouvrier. Gauchiste certes, et donc complètement déconnecté des souhaits de l’ouvrier français, il ne trompe néanmoins pas sur la marchandise.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

13/03/2012

Bilan provisoire de la campagne présidentielle française au 13 mars 2012

RF.gifCe 16 mars, nous devrions connaître la liste officielle et définitive des candidats aux élections présidentielles d’avril 2012. Marine Le Pen a annoncé ce mardi qu’elle avait enfin obtenu le précieux sésame, à savoir les 500 parrainages d’élus, mettant fin ainsi à un suspense qui durait depuis plusieurs semaines sur l’éventualité de son absence de la compétition. Philippe Poutou les aurait également, et Nicolas Dupont-Aignan assure « à 99,9% » qu’il aura les parrainages nécessaires avant cette date fatidique. Les seules inconnues sont de savoir si Dominique de Villepin et Corinne Lepage disposeront des signatures requises et à temps. Leur absence ne bouleverserait toutefois pas l’échiquier politique.

Certaines tendances commencent à apparaître à la lecture des différents sondages que publient les instituts statistiques. En premier lieu, Nicolas Sarkozy, notamment suite à son discours de Villepinte, remonte la pente, puisqu’il est crédité aujourd’hui selon IFOP de 28,5% des voix, alors que son adversaire « socialiste », François Hollande, est désormais dépassé, avec seulement 27% des intentions de vote.

Marine Le Pen voit son potentiel électoral s’effriter en faveur du président sortant. Entre le 12 janvier 2012 et le 13 mars 2012, elle est ainsi passée de 21,5% (résultat maximal) à 16% des voix, selon cet institut qui procède à un sondage quotidien. Ce tassement, que constatent les autres instituts, semble donner raison aux conseillers droitiers de Nicolas Sarkozy, à savoir Patrick Buisson et Guillaume Peltier. Buisson dans Le Monde daté du 14 mars annonce qu’au final François Hollande sera battu plus nettement que Ségolène Royal. Cela paraît néanmoins difficile à croire, même si la victoire du « socialiste » semble moins nette (54,5% contre 46,5%) qu’il y a quelques semaines. Le « hold-up » de 2007 semble néanmoins en passe de se réaliser à nouveau, Marine Le Pen, visiblement éprouvée par une campagne démarrée très tôt, ayant du mal à retrouver un nouveau souffle. Même si elle a durci le ton sur la question migratoire, son europhobie plus générale, que ne partage pas le président, ne la rend pas crédible. Par ailleurs, son entêtement à apparaître comme la plus anti-raciste des candidates de la droite rend son discours confus vis-à-vis de son électorat naturel, pour qui cette subtilité de langage ne correspond pas aux attentes qu’il exprime. Elle a été notamment silencieuse sur la question de Mayotte, qui est pourtant un moyen efficace de critiquer Nicolas Sarkozy.

Jean-Luc Mélenchon fait quant à lui une campagne très dure à gauche. Il est désormais crédité de 10% d’intentions de vote par plusieurs instituts de sondage. Cela s’explique essentiellement par les maladresses d’Eva Joly, qui s’est mise à dos beaucoup d’électeurs, et par l’assèchement de l’extrême-gauche. Arthaud (LO) est à 0.5% d’intentions de votes, et Poutou (NPA) est régulièrement à 0%. Ainsi, Mélenchon est-il parvenu à rassembler sur son nom toute l’extrême-gauche. Eva Joly quant à elle sombre, incapable de dépasser les 2.5% et commence à être lâchée par son propre camp. Noël Mamère a ainsi récemment exprimé son souhait de voir cette candidate se retirer au profit du candidat du PS. En se maintenant jusqu’au bout, et en réalisant un piètre résultat, Joly met en danger l’accord électoral Europe Ecologie/Parti socialiste pour les législatives. Toutefois, Cécile Duflot maintient sa confiance dans la candidate franco-norvégienne à l’accent si particulier.

François Bayrou, qui alterne des positions européistes, comme l’élection du président européen au suffrage universel direct, et des positions francocentrées, comme un protectionnisme national, qui est analogue à celui prôné par Marine Le Pen, pouvait profiter d’un affaiblissement de Nicolas Sarkozy pour apparaître comme le seul capable d’empêcher François Hollande d’accéder à l’Elysée. Le sursaut de l’UMP rend sa stratégie difficile à crédibiliser. Il est crédité dans ce sondage de 13% des voix, ce qui est un signal encourageant mais insuffisant. Villepin est à 1% et Dupont-Aignan oscille entre 0.5 et 1%. Son propos selon lequel il pourrait prendre Marine Le Pen comme premier ministre, même s’il a tenté par la suite de préciser son propos en l’élargissant à Chevènement et Montebourg, pourrait amener ses électeurs à lui préférer Marine Le Pen, seule en mesure, bien que cela apparaisse de plus en plus comme hors de portée, d’être au second tour. La candidature de Corinne Lepage, dont on peine à déterminer le sens, est limitée quant à elle à un 0.5% honorifique, mais il n’est pas sûr qu’elle puisse être présente dans cette compétition.

2012 apparaît donc comme la manifestation du retour en force du clivage UMP/PS, le FN apparaissant comme un outsider à la peine, après un démarrage en fanfare. Les faiblesses de la candidate Le Pen apparaissent au fur et à mesure de ses prestations télévisées, dans un contexte où Sarkozy durcit le ton. La volonté de « dédiabolisation » de cette candidate, à peine entamée par quelques provocations de son père, n’a pas que des effets positifs, surtout lorsque celle-ci se fait non seulement sur la forme mais aussi sur le fond. Sarkozy, remarquablement aiguillé par ses conseillers, semble en passe, du moins pour le premier tour, de contenir la poussée nationaliste et peut-être au final de l’endiguer. Marine Le Pen est attendue au tournant par son électorat, et si elle retrouvait le score paternel de 15% des voix, qui reste un bon résultat sur le principe, elle aurait du mal à s’en relever et le paierait aux législatives. Quant à Mélenchon, le PCF peut-être satisfait, n’en déplaise au courageux André Gérin, de son choix qui pour le moment semble payant, à la différence des Verts, qui semblent perdre tout crédit.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

Législatives slovaques : une élection au cœur de la crise

Fico.jpgLes élections parlementaires slovaques qui se sont déroulées samedi dernier se plaçaient dans le cadre de la crise des dettes souveraines. Elles résultent d’une décision contrainte de la coalition de droite sortante dans le cadre de la mise en place d’un fonds européen que le parlement de Bratislava devait voter. La gauche sociale-démocrate (SMER) incarnée par son dirigeant Robert Fico (photo) avait exigé des élections anticipées si elle apportait son soutien au dit FESF, ce qu’elle avait obtenu.

Le résultat est sans appel. La coalition de droite, réunissant plusieurs partis libéraux et conservateurs, a été laminée, alors que le SMER a réalisé un score historique de plus de 44% des voix, 44.41% pour être précis, lui permettant de gouverner seul. Il progresse de 9.62% en deux ans, et 21 sièges de plus (pour un total de 83 sièges / 150). Le principal parti de droite, l’Union démocratique et chrétienne (SDKU-DS), dont le premier ministre sortant était le représentant, n’a obtenu que 6,09% des voix contre 15.42% des voix il y a deux (-9.33 points). C’est un désaveu total et une sanction électorale sans appel. Le parti « Liberté et solidarité », associé à la coalition sortante, est pareillement sanctionné en n’obtenant que 5.88% des voix contre 12.14% en 2010 (-6.26 points). En revanche, le Mouvement Démocratique Chrétien (KDH), progresse légèrement avec 8.82% des voix contre 8.52% en 2010 (+0.3 points). Des trois partis vainqueurs de 2010, il est le seul à résister à cette vague d’alternance.

Deux autres victimes de ces élections sont à signaler. Il s’agissait d’anciens alliés de la coalition de gauche de Robert Fico au pouvoir avant 2010. Ces partis populistes et/ou nationalistes avaient résisté à la victoire de la démocratie chrétienne mais n’ont pas pu renouveler cet exploit face à la montée de la gauche. Le HZDS de Meciar n’obtient que 0.93% des voix contre 4.32% des voix il y a deux, confirmant ainsi son déclin. Il paye le prix de son échec de 2010, car en Slovaquie il faut 5% des voix pour faire rentrer des députés de son parti au parlement. Le SNS (Parti national slovaque), allié du FN français, perd quant à lui sa représentation nationale car, avec 4.55% des voix contre 5.07% en 2010, il tombe en dessous du même seuil. Il est notamment victime de la progression d’un petit parti nationaliste, le LSNS, qui avec 1.58% des voix contre 1.33% en 2010, progresse légèrement au détriment du SNS. Ce dernier paye sans doute son alliance précédente avec le SMER, qui rendait compliqué son positionnement politique. Sa campagne, axée notamment sur la lutte contre l’islamisation, thème un peu hétérodoxe dans un pays d’Europe centrale, et contre la minorité hongroise, n’a pas convaincu. Toutefois, les partis défendant les minorités ont plutôt régressé électoralement d’environ 1.5 points (4.28% pour le MKP-SMK, 6.89% pour le MOST-HID).

La surprise électorale provient de nouvelles formations politiques, comme la coalition Ol’ano, qui défend les « gens ordinaires » et les « personnalités indépendantes », qui connaît un net succès en obtenant 8.55% des voix, et comme le mouvement 99% qui obtient 1.58% des voix.

Enfin, le KSS (communistes) avec 0.72% des voix, contre 0.83% en 2010, continue de perdre année après année son capital de sympathie, victime essentiellement de la ligne politique du SMER-SD, une ligne socialiste assez affirmée, mais dans un cadre européen et en conservant les réformes libérales des coalitions le précédant.

Dans une Union Européenne où la droite est nettement dominante, en attente d’un résultat éventuellement contraire en France en 2012 puis en Allemagne en 2013, cette victoire de la gauche sociale-démocrate, avec la figure controversée de Robert Fico à sa tête, est comme le signe d’une perturbation profonde des électorats en période de crise budgétaire. Le principe poujadiste du « sortons les sortants » s’applique à nouveau dans un tel contexte. Cette victoire présage-t-elle d’un virage à « gauche » de l’opinion publique européenne ? Ou bien s’agit-il au contraire d’un vote circonstanciel, d’une façon peut-être aussi de donner tort au voisin hongrois, dont la droite parlementaire, incarnée par le Fidesz, avec sur son côté le parti nationaliste Jobbik, est dominante ?

Les prochaines élections présidentielles françaises pourraient répondre à cette question. En revanche, les élections grecques devraient amener la gauche classique (PASOK) à connaître une sévère défaite, au profit non seulement de la droite et de l’extrême-droite mais des « gauches » radicalisées. Enfin les élections autrichiennes, qui se profilent à l’horizon, devraient amener la gauche SPÖ à s’imposer et à fonder une nouvelle grande coalition, car les nationalistes du FPÖ (et du BZÖ) ont le vent en poupe, tout particulièrement Heinz-Christian Strache, qui a connu une légère baisse dans les sondages suite à plusieurs déclarations controversées mais qui retrouve à nouveau le plus haut niveau d’opinions favorables.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

04/03/2012

De la campagne de France…

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Au fur et à mesure que le premier tour des élections présidentielles françaises se profile à l’horizon, la campagne bat son plein. Alors même que le processus de récolte des signatures approche de son terme, le ton monte entre les différents candidats et les sondages, souvent contradictoires, perturbent le choix des électeurs. En vérité, une majorité de français hésite et on ne peut que les comprendre lorsque l’on constate le niveau de médiocrité des débats et la confusion qui règne en premier lieu dans le cerveau des candidats. Ainsi, quel peut avoir comme sens un sondage dans lequel 40% des personnes interrogées ne se prononcent pas, et cela sans tenir compte en plus du caractère très relatif de la représentativité du panel. Quelle part de français contactés ne répond plus aux sondages par téléphone ?

Il paraît donc absolument impossible de déterminer de grandes tendances dans cette élection. A chaque fois qu’un candidat a annoncé sa candidature officielle, il a progressé dans les sondages les semaines suivantes avant de retomber au niveau originel. Marine Le Pen oscille quant à elle entre 14% et 21,5%, même si les derniers sondages la placent davantage entre 15 et 18,5%. François Bayrou atteint 15% dans un sondage de ce jour, mais tous les autres l’indiquent plutôt aux alentours de 12%, bien loin d’une qualification au second tour. Jean-Luc Mélenchon semble désormais stabilisé autour de 8 ou 9% des voix, ce qui serait un bon score pour sa formation et pour le PCF qui lui est associé, mais il réalise ce score au détriment de l’extrême-gauche, véritablement laminée, tous sondages confondus, et de la candidate écologiste, étouffée également à sa droite par Hollande. Ce dernier apparaît extrêmement haut dans les sondages, entre 28% et 31% des voix environ, ce qui témoignerait d’un profond rejet du président sortant. Enfin, les candidats « gaullistes », Villepin et Dupont-Aignan, sont également marginalisés, aux alentours de 1 à 1,5% des voix, et Lepage est même à 0% dans celui de ce jour.

La récolte des signatures continue pendant ce temps, et ce jusqu’au 16 mars, date à laquelle tous les parrainages auront dû être déposés au conseil constitutionnel. Le Pen prétendait en début de semaine manquer d’une cinquantaine de signatures ; Dupont-Aignan et Poutou prétendent être en mesure d’obtenir leurs signatures manquantes. Il semble en revanche que pour Lepage et Villepin l’affaire soit très mal engagée. Enfin Lang affirme qu’il a obtenu 380 signatures de maire, mais qu’il lui sera très difficile de récolter les 120 signatures manquantes. Ce nombre de parrainages, s’il est confirmé, peut expliquer à lui seul les difficultés de la candidate du Front National, et démontrerait que l’appareil politique de ce dernier n’est pas celui d’une future présidente de la république. Sans militants, manquant de cadres, le FN ne ressemble pas du tout à un parti de gouvernement, même si sa dirigeante prétend le contraire.

… d’une campagne pathétique.

Face à cet afflux massif d’informations en provenance des media sur les déclarations de tel ou tel candidat, l’électeur moyen s’y perd, et même les électeurs politisés commencent à saturer. Les projets politiques perdent totalement de l’importance au profit d’une démagogie de tous les instants et de stratégies incohérentes. Nicolas Sarkozy, aidé en cela par son ministre de l’intérieur, a durci le ton sur les questions migratoires et d’identité nationale comme en 2007, mais dans le même temps il remet en avant Rachida Dati et demain sans doute Rama Yade. Une phrase bien à droite pour capter l’attention des électeurs « nationaux » qui ne sont pas convaincus par le programme économique anticapitaliste et europhobe de Marine Le Pen. Une phrase à « gauche » pour conserver le soutien d’une partie des électeurs centristes et éviter une hémorragie en faveur de Bayrou. Ce jeu d’équilibriste, qui lui avait bien réussi en 2007, semble désormais causer sa perte. Le président sortant ne peut pas s’appuyer sur son bilan pour se crédibiliser aux yeux de la majorité des français.
La démagogie en revanche a droit de cité. Mélenchon et Le Pen fille cherchent l’un comme l’autre à récolter les voix populaires, en ayant recours à une phraséologie socialisante et en dénonçant les banques et l’hyper-classe, Marine Le Pen accentuant en plus le ton anti-européen, s’attaquant à l’€ et à l’Union Européenne. Dans un tel contexte, les candidats gauchistes disparaissent de la scène puisque leur discours est repris en chœur par d’autres, de la même façon que la ligne souverainiste de Dupont-Aignan est étouffée.

Le comble du caractère pathétique de cette campagne présidentielle a été atteint lors du non-débat sur France 2 entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci semble déterminé à disputer au FN l’électorat populaire, oubliant que son soutien à l’immigration, il prône notamment la régularisation des clandestins, est inaudible et le sera de plus en plus au sein de l’électorat ouvrier. Il attaque donc violemment la candidate d’extrême-droite, notamment dans ses meetings, mais sans succès. Plutôt que de dénoncer l’europhobie de la candidate, car il la partage fondamentalement, son internationalisme marxiste se mêlant aisément avec une forme de chauvinisme, ou d’attaquer son programme économique, il préfère l’attaquer sur les questions sociétales ou sur les nouvelles provocations de Jean-Marie Le Pen, ou a recours, tout comme plus étrangement Claude Guéant lorsqu’il déclare que le FN est « nationaliste et socialiste », à un anti-fascisme incantatoire. Cette vieille « recette » n’a jamais fonctionné, bien au contraire, et il serait plus honnête de considérer que le principal défaut du FN, c’est d’être justement un parti comme les autres, ce qui lui interdit en vérité tout critique pertinente du système en place.

Face à cette dialectique vindicative, Marine Le Pen aurait eu beau jeu de le renvoyer dans ses cordes d’un « tu quoque ». Ce n’est pas ce qu’elle a choisi de faire. Dans une scène comique, en petite fille boudeuse, et après un long exposé de pourquoi elle refusait de débattre avec Jean-Luc Mélenchon, elle a refusé de regarder son adversaire en face, tout en débattant avec lui par l’intermédiaire du présentateur. L’art politique, c’est de débattre, même et surtout face à un adversaire qui lui ne lâche rien, et surtout pas ses coups. Si on refuse la confrontation, on envoie un message selon lequel on se se sait dominé et incapable de parer les attaques de l’ennemi. Ni Nicolas Sarkozy ni son propre père n’auraient commis une telle erreur tactique.

Quant aux questions économiques, alors qu’elle est animée par des postulats anti-européens de principe, son argumentaire ne tient pas longtemps face à un spécialiste mais aussi face au bon sens élémentaire. Si elle ne parvient pas au second tour des élections de 2012, ce sera en grande partie à cause de son absence de crédibilité sur les questions économiques, payant ainsi le prix de sa haine de l’idée européenne. En outre, elle commet la même erreur que son père en 2007. En effet, alors que Nicolas Sarkozy droitise son discours un jour sur deux, Marine Le Pen a déserté son espace politique naturel, ayant réduit à la portion congrue des thématiques comme l’immigration, la place de l’islam et l’insécurité. Même lorsqu’elle tente d’y revenir, sentant qu’elle perd pied dans son propre camp, elle n’est pas convaincante. Expliquer à un électorat anti-immigration qu’elle prône l’égalité entre « français immigrés », notion au demeurant étrange, et « français de souche », ce qui est affirmé par tous les candidats d’ailleurs, n’est pas la meilleure façon de le rassurer quant à la sincérité des opinions en la matière de la candidate. « Heureusement » pour elle, son père est encore là pour sortir quelques « bons » mots et citer quelques auteurs sulfureux.

De l’échec de Sarkozy à la menace Hollande.

Si les électeurs s’intéressaient vraiment aux programmes des deux principaux candidats, mais ceux-ci brouillent les pistes en s’invectivant l’un l’autre, évitant ainsi les sujets qui fâchent, François Hollande ne passerait même pas le cap du premier tour. Mais les coups, parfois justifiés, par exemple sur la question du vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales, que lui envoie l’UMP, ne portent pas. En vérité, Sarkozy a tellement déçu et agacé de nombreux citoyens qu’il subit aujourd’hui le prix de sa campagne de 2007. Si Philippe Bilger, qu’on aura connu mieux inspiré, annonce son soutien à Hollande, c’est la démonstration par excellence de cet état d’esprit qu’on devine dominant au sein des classes moyennes. Taxer les plus riches, au risque par effet hétérotélique de les voir payer leurs impôts à l’étranger, ce n’est pas un problème. Légaliser le mariage homosexuel et l’adoption, ce n’est pas un problème. Régulariser massivement les clandestins et faire voter les étrangers extra-communautaires aux élections municipales, ce n’est pas un problème. Soutenir l’adhésion d’une Turquie provoquante à l’Union Européenne, pas un souci. Remettre en cause des accords européens obtenus par une négociation complexe, amenant les principaux dirigeants de nos partenaires à refuser de recevoir le candidat « socialiste », risquant ainsi de déstabiliser davantage notre économie, qui n’en a pas besoin, où est le problème.

Non, la seule chose importante est de chasser Nicolas Sarkozy de l’Elysée. Remplacer un pantin par un autre, après tout, serait-ce si dramatique ? Bien sûr, si on attend du futur président qu’il œuvre dans le bon sens, autant s’abstenir dès le premier tour. Néanmoins, et en France c’est une expérience coutumière, on a pu constater amèrement que le candidat rentrant était bien pire que le candidat sortant. Vous avez détesté Sarkozy ? Vous haïrez Hollande. Ce n’est donc peut-être pas la peine de choisir par défaut le pire. Loin de moi de soutenir le président sortant, et d’ailleurs je n’attends rien d’un nouveau président, mais il faut objectivement regarder Hollande en face et voir à quelle catastrophe nous devons nous attendre s’il est élu. Et il semble bien que, sauf erreur majeure de sa part, si par exemple il apparaissait sous son vrai jour comme la version « de gauche » de Sarkozy, il sera le prochain président. Son programme calamiteux semble sans importance aux yeux d’électeurs excédés dont le rejet aveugle de Sarkozy va les amener à choisir Sarkozy en pire.

Hollande incarne l'anti-sarkozysme, donc le rejet haineux du président sortant et de ce qu'il représente, alors que Sarkozy incarne l'anti-hollandisme, la peur panique des mesures économiquement les plus dangereuses du candidat pseudo-socialiste. La haine contre la peur, ce n'est pas de cette politique là dont on a besoin en France et en Europe. Le programme de Hollande comme celui de Sarkozy n'ont plus d'importance, et puis quel électeur lit encore les programmes présidentiels. Le problème est que sur tout les points que j'ai évoqués, Hollande fera ce sur quoi il s'est engagé.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE