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24/08/2016

L’impuissance présidentielle en France.

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constitution,président de la république,impuissance,Sarkozy,Le Pen,HollandeDans un article d’avril 2016, nous avions dénoncé l’obsession présidentielle en France, cette « mère des batailles » qui excite les passions avec un président sortant profondément rejeté, mais qui n’a pas encore officiellement annoncé se représenter, désormais 13 candidats de droite prêts à s’affronter dans des primaires, et dont fait partie le président précédent, la candidate du FN créditée dans les sondages de 26% à 28% des voix environ, garantie a priori d’être qualifiée pour le second tour, et une quarantaine de candidats déclarés, surtout de gauche. De plus, les mêmes candidats de 2012 seront à peu près tous candidats en 2017 sauf surprise, ce qui montre le peu de renouvellement de la classe politique en France.

S’il y a autant de candidats pour la place suprême, on supposera deux choses, à savoir que la place est bonne, et de cela on ne doute pas quand on observe l’actuel président, mais aussi qu’on y dispose d’un réel pouvoir d’action, d’une capacité de changer les choses. C’est ce que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan notamment expliquent, faisant de cette élection un enjeu majeur. Voilà le mythe auquel j’entends ici m’attaquer.

Prenons comme hypothèse par exemple Marine Le Pen, puisqu’elle fait partie des candidats déterminés le plus à changer les choses et qu’elle est en mesure d’être au moins au second tour. Supposons donc que, par un faisceau de convergences favorables, la présidente du FN soit élue présidente, face à un président sortant usé ou à un candidat de droite très démonétisé. Elue, pourrait-elle alors changer les choses et appliquer son programme ?

Il lui faudrait d’abord gagner les élections législatives suivantes un mois après. Un candidat de droite ou de gauche bénéficiera de « l’effet président » mais Marine Le Pen, élue on l’imagine dans un contexte d’extrême-tension, n’en disposerait pas forcément, et surtout son appareil politique ne serait sans doute pas prêt à gouverner. Il y aurait donc sans doute un groupe présidentiel de taille correcte mais incapable de gouverner seul. Il faudrait donc établir une coalition avec la droite, en acceptant l’idée que cette dernière y soit prête et n’exige pas d’être à sa tête.

Et la voici alors déjà bloquée à peine élue et incapable de changer radicalement les choses comme elle s’y était engagée. Supposons donc une deuxième hypothèse, et cela commence à faire beaucoup, à savoir que par un étrange concours de circonstance le FN soit majoritaire à l’assemblée ou dispose en tout cas d’une forte minorité. On peut alors imaginer une coalition de droite guidée par le FN, même si aucune coalition de cette nature n’a encore existé autour de la droite nationale depuis 1945.

Présidente à la tête d’une majorité de coalition, dont la stabilité resterait alors à démontrer, car les élus de droite pourraient « claquer la porte » face à toute proposition un peu courageuse sur des thématiques identitaires par exemple, elle serait donc en mesure de changer radicalement de politique ? Et bien, même dans ce cas, non.

Le Sénat en France a été créé pour empêcher toute alternative politique trop radicale. Son mode de scrutin, indirect et par le biais d’un renouvellement d’un tiers tous les trois ans, rend les possibilités pour un parti comme le FN, mais tout autant pour le Front de gauche d’ailleurs, d’y être majoritaire illusoires. Or sans le soutien du Sénat, aucune réforme constitutionnelle ne peut être engagée. En effet, selon l’article 89 de la constitution française, le président propose un texte aux deux assemblées, qui ont un pouvoir égal, et qui doivent le voter de manière identique. Ce n’est qu’après cette procédure que le président peut convoquer un référendum ou le congrès.

En termes clairs, le Sénat bloquerait concrètement tout parti déterminé à changer radicalement de politique. Et à ce blocage, il faut ajouter l’attitude du conseil constitutionnel. Ce dernier, depuis son coup d’état juridique de 1973, a gagné un pouvoir important. Si la réforme constitutionnelle contrevient aux principes fondamentaux, il pourrait donner un avis défavorable et censurer la dite réforme. Serait-il ainsi possible de le contourner, comme le faisait De Gaulle à son époque ? C’est peu probable en ayant une des deux chambres à dos.

Les Etats européens modernes, pour se prémunir contre toute « révolution par les urnes », et en souvenir de l’arrivée au pouvoir par ce biais d’un dictateur d’origine autrichienne, ont blindé leur constitution. La loi fondamentale allemande de 1949 par exemple a un pouvoir considérable et pourrait interdire tout parti qui aurait dans son programme une rupture radical d’avec ce cadre juridique. Et le mode de scrutin choisi au Royaume-Uni (majoritaire à un tour) ou en France (majoritaire à deux tours) est également un frein considérable.

Les candidats aux élections présidentielles, tous camps confondus, font des promesses aux électeurs dont ils n’ont aucune garantie de pouvoir les réaliser, à supposer que cela soit leur intention. La gauche et la droite ont au moins la possibilité de disposer d’une majorité à l’assemblée et éventuellement au sénat. Cela a permis au gouvernement PS de faire passer un certain nombre de lois, dont le « mariage pour tous », mais souvent grâce à l’appui de centristes. La droite de même pourrait engager certaines politiques plus ou moins courageuses, mais pas trop courageuses quand même pour ne pas perdre l’appui du centre.

Si le centre revendiqué, le Mouvement Démocrate de Bayrou par exemple, est assez faible, le centre-droit et le centre-gauche sont très forts et pèsent dans les politiques publiques. C’est eux qui empêchent toute vraie réforme. Même si Sarkozy par exemple muscle son discours devant les journaux télévisés, qu’est-ce qui prouve que s’il est élu il pourra le réaliser. En 2007 il a déchanté en découvrant le pouvoir réel d’un président. Il est même tombé de haut.

Un président français peut-il changer les choses en bien ? Je ne le crois pas. Cet enjeu électoral qu’on nous présente comme la « mère des batailles » ne déterminera pas notre avenir, même si un président catastrophique peut avoir un très mauvais impact sur le moral de ses concitoyens. Ce n’est donc pas totalement sans importance mais il ne faut pas en attendre un quelconque salut.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

04/03/2012

De la campagne de France…

Nicolas Sarkozy,François Hollande,Marine Le Pen,Jean-Luc Mélenchon,président de la république,haine,peurQuelques données…

Au fur et à mesure que le premier tour des élections présidentielles françaises se profile à l’horizon, la campagne bat son plein. Alors même que le processus de récolte des signatures approche de son terme, le ton monte entre les différents candidats et les sondages, souvent contradictoires, perturbent le choix des électeurs. En vérité, une majorité de français hésite et on ne peut que les comprendre lorsque l’on constate le niveau de médiocrité des débats et la confusion qui règne en premier lieu dans le cerveau des candidats. Ainsi, quel peut avoir comme sens un sondage dans lequel 40% des personnes interrogées ne se prononcent pas, et cela sans tenir compte en plus du caractère très relatif de la représentativité du panel. Quelle part de français contactés ne répond plus aux sondages par téléphone ?

Il paraît donc absolument impossible de déterminer de grandes tendances dans cette élection. A chaque fois qu’un candidat a annoncé sa candidature officielle, il a progressé dans les sondages les semaines suivantes avant de retomber au niveau originel. Marine Le Pen oscille quant à elle entre 14% et 21,5%, même si les derniers sondages la placent davantage entre 15 et 18,5%. François Bayrou atteint 15% dans un sondage de ce jour, mais tous les autres l’indiquent plutôt aux alentours de 12%, bien loin d’une qualification au second tour. Jean-Luc Mélenchon semble désormais stabilisé autour de 8 ou 9% des voix, ce qui serait un bon score pour sa formation et pour le PCF qui lui est associé, mais il réalise ce score au détriment de l’extrême-gauche, véritablement laminée, tous sondages confondus, et de la candidate écologiste, étouffée également à sa droite par Hollande. Ce dernier apparaît extrêmement haut dans les sondages, entre 28% et 31% des voix environ, ce qui témoignerait d’un profond rejet du président sortant. Enfin, les candidats « gaullistes », Villepin et Dupont-Aignan, sont également marginalisés, aux alentours de 1 à 1,5% des voix, et Lepage est même à 0% dans celui de ce jour.

La récolte des signatures continue pendant ce temps, et ce jusqu’au 16 mars, date à laquelle tous les parrainages auront dû être déposés au conseil constitutionnel. Le Pen prétendait en début de semaine manquer d’une cinquantaine de signatures ; Dupont-Aignan et Poutou prétendent être en mesure d’obtenir leurs signatures manquantes. Il semble en revanche que pour Lepage et Villepin l’affaire soit très mal engagée. Enfin Lang affirme qu’il a obtenu 380 signatures de maire, mais qu’il lui sera très difficile de récolter les 120 signatures manquantes. Ce nombre de parrainages, s’il est confirmé, peut expliquer à lui seul les difficultés de la candidate du Front National, et démontrerait que l’appareil politique de ce dernier n’est pas celui d’une future présidente de la république. Sans militants, manquant de cadres, le FN ne ressemble pas du tout à un parti de gouvernement, même si sa dirigeante prétend le contraire.

… d’une campagne pathétique.

Face à cet afflux massif d’informations en provenance des media sur les déclarations de tel ou tel candidat, l’électeur moyen s’y perd, et même les électeurs politisés commencent à saturer. Les projets politiques perdent totalement de l’importance au profit d’une démagogie de tous les instants et de stratégies incohérentes. Nicolas Sarkozy, aidé en cela par son ministre de l’intérieur, a durci le ton sur les questions migratoires et d’identité nationale comme en 2007, mais dans le même temps il remet en avant Rachida Dati et demain sans doute Rama Yade. Une phrase bien à droite pour capter l’attention des électeurs « nationaux » qui ne sont pas convaincus par le programme économique anticapitaliste et europhobe de Marine Le Pen. Une phrase à « gauche » pour conserver le soutien d’une partie des électeurs centristes et éviter une hémorragie en faveur de Bayrou. Ce jeu d’équilibriste, qui lui avait bien réussi en 2007, semble désormais causer sa perte. Le président sortant ne peut pas s’appuyer sur son bilan pour se crédibiliser aux yeux de la majorité des français.
La démagogie en revanche a droit de cité. Mélenchon et Le Pen fille cherchent l’un comme l’autre à récolter les voix populaires, en ayant recours à une phraséologie socialisante et en dénonçant les banques et l’hyper-classe, Marine Le Pen accentuant en plus le ton anti-européen, s’attaquant à l’€ et à l’Union Européenne. Dans un tel contexte, les candidats gauchistes disparaissent de la scène puisque leur discours est repris en chœur par d’autres, de la même façon que la ligne souverainiste de Dupont-Aignan est étouffée.

Le comble du caractère pathétique de cette campagne présidentielle a été atteint lors du non-débat sur France 2 entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci semble déterminé à disputer au FN l’électorat populaire, oubliant que son soutien à l’immigration, il prône notamment la régularisation des clandestins, est inaudible et le sera de plus en plus au sein de l’électorat ouvrier. Il attaque donc violemment la candidate d’extrême-droite, notamment dans ses meetings, mais sans succès. Plutôt que de dénoncer l’europhobie de la candidate, car il la partage fondamentalement, son internationalisme marxiste se mêlant aisément avec une forme de chauvinisme, ou d’attaquer son programme économique, il préfère l’attaquer sur les questions sociétales ou sur les nouvelles provocations de Jean-Marie Le Pen, ou a recours, tout comme plus étrangement Claude Guéant lorsqu’il déclare que le FN est « nationaliste et socialiste », à un anti-fascisme incantatoire. Cette vieille « recette » n’a jamais fonctionné, bien au contraire, et il serait plus honnête de considérer que le principal défaut du FN, c’est d’être justement un parti comme les autres, ce qui lui interdit en vérité tout critique pertinente du système en place.

Face à cette dialectique vindicative, Marine Le Pen aurait eu beau jeu de le renvoyer dans ses cordes d’un « tu quoque ». Ce n’est pas ce qu’elle a choisi de faire. Dans une scène comique, en petite fille boudeuse, et après un long exposé de pourquoi elle refusait de débattre avec Jean-Luc Mélenchon, elle a refusé de regarder son adversaire en face, tout en débattant avec lui par l’intermédiaire du présentateur. L’art politique, c’est de débattre, même et surtout face à un adversaire qui lui ne lâche rien, et surtout pas ses coups. Si on refuse la confrontation, on envoie un message selon lequel on se se sait dominé et incapable de parer les attaques de l’ennemi. Ni Nicolas Sarkozy ni son propre père n’auraient commis une telle erreur tactique.

Quant aux questions économiques, alors qu’elle est animée par des postulats anti-européens de principe, son argumentaire ne tient pas longtemps face à un spécialiste mais aussi face au bon sens élémentaire. Si elle ne parvient pas au second tour des élections de 2012, ce sera en grande partie à cause de son absence de crédibilité sur les questions économiques, payant ainsi le prix de sa haine de l’idée européenne. En outre, elle commet la même erreur que son père en 2007. En effet, alors que Nicolas Sarkozy droitise son discours un jour sur deux, Marine Le Pen a déserté son espace politique naturel, ayant réduit à la portion congrue des thématiques comme l’immigration, la place de l’islam et l’insécurité. Même lorsqu’elle tente d’y revenir, sentant qu’elle perd pied dans son propre camp, elle n’est pas convaincante. Expliquer à un électorat anti-immigration qu’elle prône l’égalité entre « français immigrés », notion au demeurant étrange, et « français de souche », ce qui est affirmé par tous les candidats d’ailleurs, n’est pas la meilleure façon de le rassurer quant à la sincérité des opinions en la matière de la candidate. « Heureusement » pour elle, son père est encore là pour sortir quelques « bons » mots et citer quelques auteurs sulfureux.

De l’échec de Sarkozy à la menace Hollande.

Si les électeurs s’intéressaient vraiment aux programmes des deux principaux candidats, mais ceux-ci brouillent les pistes en s’invectivant l’un l’autre, évitant ainsi les sujets qui fâchent, François Hollande ne passerait même pas le cap du premier tour. Mais les coups, parfois justifiés, par exemple sur la question du vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales, que lui envoie l’UMP, ne portent pas. En vérité, Sarkozy a tellement déçu et agacé de nombreux citoyens qu’il subit aujourd’hui le prix de sa campagne de 2007. Si Philippe Bilger, qu’on aura connu mieux inspiré, annonce son soutien à Hollande, c’est la démonstration par excellence de cet état d’esprit qu’on devine dominant au sein des classes moyennes. Taxer les plus riches, au risque par effet hétérotélique de les voir payer leurs impôts à l’étranger, ce n’est pas un problème. Légaliser le mariage homosexuel et l’adoption, ce n’est pas un problème. Régulariser massivement les clandestins et faire voter les étrangers extra-communautaires aux élections municipales, ce n’est pas un problème. Soutenir l’adhésion d’une Turquie provoquante à l’Union Européenne, pas un souci. Remettre en cause des accords européens obtenus par une négociation complexe, amenant les principaux dirigeants de nos partenaires à refuser de recevoir le candidat « socialiste », risquant ainsi de déstabiliser davantage notre économie, qui n’en a pas besoin, où est le problème.

Non, la seule chose importante est de chasser Nicolas Sarkozy de l’Elysée. Remplacer un pantin par un autre, après tout, serait-ce si dramatique ? Bien sûr, si on attend du futur président qu’il œuvre dans le bon sens, autant s’abstenir dès le premier tour. Néanmoins, et en France c’est une expérience coutumière, on a pu constater amèrement que le candidat rentrant était bien pire que le candidat sortant. Vous avez détesté Sarkozy ? Vous haïrez Hollande. Ce n’est donc peut-être pas la peine de choisir par défaut le pire. Loin de moi de soutenir le président sortant, et d’ailleurs je n’attends rien d’un nouveau président, mais il faut objectivement regarder Hollande en face et voir à quelle catastrophe nous devons nous attendre s’il est élu. Et il semble bien que, sauf erreur majeure de sa part, si par exemple il apparaissait sous son vrai jour comme la version « de gauche » de Sarkozy, il sera le prochain président. Son programme calamiteux semble sans importance aux yeux d’électeurs excédés dont le rejet aveugle de Sarkozy va les amener à choisir Sarkozy en pire.

Hollande incarne l'anti-sarkozysme, donc le rejet haineux du président sortant et de ce qu'il représente, alors que Sarkozy incarne l'anti-hollandisme, la peur panique des mesures économiquement les plus dangereuses du candidat pseudo-socialiste. La haine contre la peur, ce n'est pas de cette politique là dont on a besoin en France et en Europe. Le programme de Hollande comme celui de Sarkozy n'ont plus d'importance, et puis quel électeur lit encore les programmes présidentiels. Le problème est que sur tout les points que j'ai évoqués, Hollande fera ce sur quoi il s'est engagé.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE