24/06/2019
Les styles architecturaux dans l'histoire de l'Europe
Si le Parti des Européens prône, dans son programme, l'instauration d'un nouveau style architectural (l'archéofuturisme ou art "néo-néo-classique"), il semble intéressant de se pencher sur cette thématique qu'est l'architecture, domaine où la civilisation européenne a exercé tous ces talents a travers les âges, inspiré les meilleurs d'entre nous et est caractéristique souvent d'époques historiques bien particulières, parfois même propres à un régime politique spécifique.
Thématique très vaste, chronologiquement très longue, on va se pencher sur différents types d'architecture ayant existé, de l'Antiquité à aujourd'hui.
En effet, durant l'Antiquité on a eu plutôt des styles architecturaux de colonnes, que ça soit chez les Grecs ou les Romains. Chez les Grecs, on avait 3 ordres, assez connus, qui risquent peut-être de rafraichir la mémoire des lecteurs :
* l'ordre dorique
Plus ancien des ordres/styles de colonnes grecs (2e moitié du -VIIe siècle), le nom a été trouvé par Vitruve (architecte romain), de Doros (fils d'Hellénos, héro des Hellènes, et ancêtre des "Doriens"). Ce style, le plus fouillé des 3 ordres grecs se remarque par ses colonnes en forme de chapiteau à échine plate ("simple", sans décors), par leur fût orné de 20 cannelures et par l'absence de base (pour le dorique grec).
* l'ordre ionique :
Nom tiré de la région antique d'Ionie (en actuelle Turquie), il constitue aussi un autre ordre important, qui est apparu vers -560 (fin de la période archaïque), se caractérisant par sa hauteur (allant jusqu'à 9 m.), par sa composition (avec un chapiteau orné de 2 volutes latérales).
* et enfin l'ordre corinthien :
Cet ordre, qui intervient en dernier dans la chronologie grecque, se remarque par une forme évasée et une décoration végétale (2 rangées de feuilles d’acanthe), où l'exemple des chapiteaux sur de l'île de Théra peut être considéré comme la forme la plus ancienne.
Après l'Antiquité, donc au Moyen-Âge, on sait que cette période fut consacrée surtout à la religion chrétienne mais l'Europe a connu divers styles d'architecture qui seront politiques (châteaux) et religieux (églises, abbayes, cathédrales, basiliques) pour l'essentiel.
Chronologiquement, après le déclin de la civilisation gréco-romaine, s'est trouvé en Europe l'art préroman (situé entre l'émergence de l'art paléochrétien et la chute de l'Empire romain d'Occident, soit pour dater la chose: entre 200 et 476). Qu'on peut même séparer en 2 parties, en raison de l'édit de Milan en 313 (qui autorisait la liberté de culte dans l'Empire) où avant cela, l'art était plutôt symbolique (donc pas matériel) et surtout caché. Après cela, l'art devenait plus "libre".
Ainsi, on y trouvait dans la Rome impériale des catacombes souterraines non seulement pour les païens, mais aussi pour pour les chrétiens et les juifs. Voir pour ça le tableau d'Alberto Pisa, "A Procession in the Catacomb of Callistus".
Comme référence architecturale en ce IVe siècle, dans ce style paléochrétien, l'église Santa Costanza (Rome), assez simple et encore loin de ressembler à ce qu'allait devenir l'architecture des édifices chrétiens, qui est une mausolée (dédiée aux sépultures de ses filles Constance d'où le nom italien et d'Hélène), empruntant un style de colonnes antiques, composée de 12 doublets de colonnes géminées en granite gris et rose, avec des chapiteaux et entablements de marbre qui supportent à eux seuls un tambour épais et une coupole massive.
Comme référence préromane, citons l'église Saint-Donat (Zadar, Croatie). Construite au IXe siècle sur les fondations d'un forum romain et actuellement désacralisée (utilisée comme salle de spectacles pour concerts de musique sacrée et médiévale), elle est de forme circulaire (typique de l'art byzantin), composée d'une salle centrale, surmontée par une galerie, entourée d'un déambulatoire circulaire et de 3 absides, avec autrefois un dôme.
Après la chute de l'Empire romain d'Occident (476), l'architecture continua d'évoluer:
- par les Mérovingiens, avec le baptistère Saint-Jean (Poitiers) et les Lombards, avec le baptistère de Saint-Calliste (Cividale del Friuli, Italie). Là aussi l'architecture mérovingienne et lombarde est assez simple, mais propre à ce que savaient faire ces peuples germaniques mais avec leurs particularités bien sûr.
- et évidemment par les Byzantins où les exemples sont légion mais pour citer deux exemples, on peut mentionner la basilique Saint-Sophie dans la cité-nouvelle de Constantin, ou encore la basilique Saint-Marc (Venise).
Cette architecture (qui se dégage par ses iconographies mosaïques, édifices très spectaculaires) constituait, jusqu'à l'empereur Justinien un prolongement de l’architecture romaine traditionnelle.
Pour prendre un exemple de plan de type byzantin, prenons celui de l’église des saints-Serge-et-Bacchus (Constantinople):
Construite sous Justinien, l'intérieur est composé de 2 colonnades élevées sur 2 étages, s’étendant sur les côtés nord, ouest et sud, alternant entre le marbre ophicalcite et le marbre de Sinada. La rangée du bas possède 16 colonnes, celle du haut en a 8.
Se développa aussi en Europe occidentale l'architecture carolingienne.
Développée entre le milieu du VIIIe et la fin du Xe siècle, avec des sources paléo-chrétiennes dans le contexte de la Renaissance carolingienne, elle marque en Occident le premier renouveau artistique dans un cadre chrétien, structuré, où le monachisme est théorisé.
Elle incarne la synthèse entre la pensée et la fonction (ordonnée) carolingienne, va inspirer la structuration du style westwerk (ou "massif occidental") carolingien, ottonien et roman.
Pour simplement prendre le plan de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, elle était structurée de la sorte: élevée en 3 niveaux (grandes arcades, tribune, fenêtres hautes), au centre de la pièce s'y trouve un octogone d'un diamètre de 16,54 m., avec un déambulatoire hexadécagonal (polygone à 16 pans, composé de 8 travées hexagonales voûtées en arêtes). Sur le reste de la pièce, s'y trouvent des quartiers de voûtes de forme triangulaire. À l'Est était autrefois bâtie une abside rectangulaire.
L'architecture romane est née d'un "mélange" à la fois paléochrétien et germanique ; elle ne trouve ses sources que dans l'art préroman et en particulier carolingien et se développe en parallèle de l'architecture ottonienne. Cette gestation est au cœur de la tentative d'organisation germanique du VIIIe au Xe siècle par les carolingiens et les ottoniens.
Là aussi les exemples y sont légion, mais pour citer deux exemples, ceux de la Stavkirke d'Urnes (Luster, Norvège) et de la Muraille d'Ávila (Espagne).
La stavkirke ("église en bois debout", typique des pays nordique) d'Urnes (dont sa source romane est tenue par Lorentz Dietrichson, car les sources originelles sont discutées) est la plus ancienne des 28 stavkirker restant dans ce pays. Elle est faite de mats ou poteaux en bois servis pour soutenir le toit, élever la nef et élever les murs.
Plus politique cette fois-ci, on peut noter l'admirable construction de la Muraille d'Ávila, enceinte militaire romane qui entoure le noyau ancien de la cité d'Ávila.
S'étalant sur un périmètre de plus de 2 000 m. (2.516 soit 33 hectares), elle dessine un rectangle orienté est-ouest, située sur des escarpements rocheux et de la dénivellation de la vallée de la rivière Adaja bien qu'il n'y ait pas de talus ou de contreforts.
Passons à l'architecture gothique. D'origine française, développée à la fin du Moyen Âge en Europe occidentale, elle se développe surtout au nord de la Loire (Île-de-France, Haute-Picardie, et évoluera au XIXe/XXe siècle sous forme de "néo-gothique".
Prenons l'exemple de l’église Sainte-Marie (Gdansk, Pologne).Composée d'une horloge astronomique, sa hauteur intérieure mesure 30 mètres.
Rentrons maintenant dans la Renaissance. La palette artistique se développe alors à tous les niveaux, l'architecture également et pas uniquement pour un usage religieux. On peut mentionner le Palais du Recteur (Dubrovnik, Croatie), ancien siège du Recteur de la République maritime de Rague, mélangeant style gothique, "renaissance" et baroque.
On peut aussi observer le non moins intéressant palais à facettes à l'intérieur du Kremlin moscovite.
Le premier étage comprend la salle principale et le vestibule Sacré qui la jouxte. Les deux salles sont décorées par des fresques, sculptures dorées et reliefs en stuc représentant des dauphins stylisés et des vases d'inspiration vénitienne. La grande salle (salle du trône de la couronne tsariste utilisée aussi comme salle de banquets pour les impériaux) est couverte d'un plafond magnifique, large de 500 m2 sur une hauteur de 9 m.
L'architecture baroque (ou classique) apparaît au début du XVIIe en Italie mais va se diffuser assez vite dans toute l'Europe. Elle emprunte de l'architecture Renaissance en y apportant une méthode novatrice, plus rhétorique, théâtrale et ostensible, caractérisée par un usage opulent et tourmenté des matières, des jeux d'ombre, de lumière et de couleurs, dans le but de manifester le triomphe de l'Église et des Etats.
Comme exemples, on peut citer la fontaine des Quatre-Fleuves (celles-ci étant le Danube, le Gange, le Nil et le Rio de la Plata, en lien avec les navigateurs de l'époque des Grandes-Découvertes) à Rome.
Ou encore le Palais de Blenheim à Woodstock (Angleterre), composé de nombreux ornements, d'imposantes masses de pierres, portique (situé à l'entrée nord, ressemblant à un panthéon).
L'architecture romantique. A l'heure du réveil des différents peuples européens, du courant du romantisme, de ce que l'on appelle le "nationalisme", le style romantique n'échappe pas à la règle. Tel est le cas du Théâtre national de Finlande à Helsinki, de l'immeuble Tolstoï à Saint-Pétersbourg, de la cathédrale de Berlin dans un style wilhelmien (sous la couronne impériale de Guillaume-II).
Après le déclin antique grec, romain, byzantin, classique, différents ordres se sont perpétués ou renouvelés concrètement jusqu'à aujourd'hui.
Puisque l’ordre toscan est une simplification de l'ordre dorique (à ceci près qu'elles ont sept mètres de hauteur, base et fût compris avec une échine plus arrondie et un fût plus galbé) et de l’ordre composite (de création romaine mais combinant une base ionique, un fût de colonne dorique, un chapiteau ionique ou corinthien, mesurant dix mètres de haut).
Pour ce qui est de l'ordre dorique ont été construits à l'époque contemporaine: le Théâtre de Marcellus (Rome), le Lincoln Memorial (Washington D.C.) ou encore le Petit Palais (Paris). Selon l'ordre ionique, l'Altes Museum (Berlin) et le Château d'Ostankino (Moscou). Selon l'ordre corinthien (surtout à Paris) : l'Église de la Madeleine, le Panthéon et le Palais Brogniart. Selon le style "néo-byzantin": la Cathédrale Saint-Clément d'Ohrid (Skopje, Macédoine du Nord). Selon le style "Néo-Renaissance" (XIXe): le Théâtre national Tchèque (Prague), le Burgtheater (Vienne). Enfin selon le style "néo-classique" (fin XVIIIe/début XIXe): la Rotunda Santa Marija de Mosta (Malte).
Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)
22:05 Publié dans Analyses, Culture | Lien permanent | Commentaires (0) |
20/01/2019
Europe, rise !
Les enseignements moraux du film de Christopher Nolan, « The Dark Knight Rises », dernier volet de sa trilogie consacrée au héros de Gotham, pourront paraître étranges à ceux qui ne voient le cinéma, qui plus est américain, que comme un simple loisir.
L’élément clé du film est ce moment où Bruce Wayne est brisé par son adversaire Bane. N’ayant plus foi en la victoire et en sa propre force, il est aisément vaincu par un adversaire motivé par la haine. C’est ainsi qu’il se retrouve littéralement au fond du gouffre, dans une prison archaïque au sein d’un pays archaïque loin son monde. Le seul lien avec le reste du monde est une télévision par le biais de laquelle, impuissant et brisé, il assiste à la perte de sa cité.
Cette image me fait penser à la situation de l’Europe en 2019. Coupée en deux par la guerre froide après avoir été brisée par la ruine de la seconde guerre mondiale, l’Europe n’a pas su remonter la pente, même si elle a pu un moment, avec l’aide américaine puis le bénéfice de l’élan économique des « trente glorieuses », s’imaginer sortie du gouffre béant dans laquelle elle était plongée. Elle n’a été maintenue en vie que pour assister sans réagir à sa propre déchéance programmée.
De même, Bruce Wayne sait que sa ville est condamnée à subir une destruction totale s’il n’agit pas. Ce compte à rebours dont il n’est en rien maître peut s’apparenter au compte à rebours migratoire de l’Europe, puisque les prospectives les plus pessimistes annoncent qu’en 2100, Russie incluse, les Européens seraient moins du tiers des habitants de leur propre sol.
Ses tentatives de sortir de cette prison, en s’attachant à une corde de sécurité, se concluent à chaque fois pathétiquement, manquant même de le tuer. De même, l’idée que l’Europe pourrait s’en sortir en conservant la douce sécurité de la société de consommation, et surtout les règles morales selon lesquelles elle est régie depuis 1945, est illusoire et mortifère.
C’est alors que vient l’illumination. C’est en se souvenant des mots de son propre père, la célèbre question « Pourquoi tombons-nous ? – Pour mieux nous relever !» du début du film « Batman Begins », donc en plongeant dans ses propres racines, qu’il comprend comment agir. Les choses sont alors totalement différentes. Déterminé et détendu, il agit comme s’il réalisait une action anodine dont il avait la certitude de venir à bout. Il ne s’accompagne d’aucune corde de sécurité, protection qui en fait l’entravait, ce qui implique que toute chute sera fatale.
C’est un mot clé, comme un mantra, que les autres prisonniers commencent à entonner. Un vieux sage le traduit en anglais au héros : « Rise ». Ce qui peut se traduire par « lève-toi » mais mieux encore par « relève-toi ». C’est ainsi que Bruce Wayne grimpe la muraille de la prison. Avant de réaliser le dernier saut qui déterminera son sort, entre la mort ou la renaissance, son animal symbolique, la chauve-souris, sort d'une fissure. Le héros saute enfin vers le dernier rebord et parvient à atteindre l’autre côté. La liberté est acquise et il pourra ensuite délivrer sa cité de ses ennemis.
Il faut donc que l’Europe se lève puis se relève afin de renaître. Comme le dirait Rocky Balboa, « se relever et continuer à avancer. » Ceux qui aspirent à une Europe brillante, authentiquement européenne, sont encore dans cette prison avec le reste de leur peuple. Ils doivent s’en extraire et ensuite pouvoir en extraire les autres. C’est par une foi d’acier dans la victoire et dans son destin que l’Europe pourra résister à ce siècle nouveau qui semble la condamner à une lente agonie. C’est en ayant cette certitude à l’esprit que chaque européen doit se lever le matin, qu’il travaille ou qu’il soit au chômage, qu’il soit jeune ou vieux, homme ou femme, bourgeois ou prolétaire. Il doit se souvenir qu’il est l’héritier d’un noble lignage qui l’honore et qui l’oblige.
Que l’Europe se relève enfin et accomplisse le destin pour lequel elle a été forgée. Il y a urgence. Rien n’est encore perdu. Même si c’est un immense mur qu’il faut escalader. Laissons le siècle de 1914 évoqué par Dominique Venner derrière nous, mais aussi le XIXème siècle et ses divisions mortifères.
Europe, réveille-toi et relève-toi. Europe, awake and arise !
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
21:52 Publié dans Analyses, Culture, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, the dark knight, renaissance, identité, réveil |
19/03/2017
L’Europe sous le bouclier d’Achille. L’Institut Iliade réuni à Paris.
La 3ème édition du colloque annuel de l’Institut Iliade, école de formation identitaire fondée à l’initiative notamment de Jean-Yves Le Gallou, Philippe Conrad et Bernard Lugan, afin d’honorer les Mânes de Dominique Venner suite à son sacrifice volontaire destiné à éveiller la conscience européenne assoupie, s’est réunie ce samedi 18 mars, mois du dieu guerrier. Cette année était placée sous l’angle de la transmission de l’héritage européen et du respect de la tradition.
« Transmettre ou disparaître ». Renaître ou mourir. 1500 personnes sont venues écouter une dizaine d’orateurs évoquer chacun une dimension de ce combat culturel pour une Europe qui ne veut pas s’éteindre malgré la hargne de ses ennemis, intérieurs et extérieurs, en vue de sa fin. L’éducation était au cœur de cette journée, autour de cette païdeia ancestrale qu’évoquera avec talent Christopher Gérard.
Ils sont aussi venus s’abreuver de savoir aux nombreux stands présents à l’extérieur de la salle principale, découvrant ou redécouvrant l’art européen, des revues de qualité, et un ouvrage inédit, en avant-première, « Le chant des alouettes », une anthologie des grands poètes français et européens, notamment des Parnassiens, proposée par Thibaud Cassel, préfacée par Christopher Gérard, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, en collaboration avec l’Institut Iliade. Ceux qui n’ont pas fait le déplacement ne pourront se procurer l’ouvrage dans les bonnes librairies que début mai.
L’ouverture assurée par Philippe Conrad, maître de cérémonie de cette messe européenne au nom de la tradition éternelle, insista sur la nécessité de transmettre l’héritage européen aux jeunes générations, d’en faire le socle du relèvement futur d’un continent en perdition, sur la « reconquête de notre mémoire commune », « retrouver le fil nécessaire vers nos sources pérennes ». A l’issue de onze interventions, dont deux tables rondes, l’Européen présent a pu découvrir les égarements de l’école dite « républicaine » et assister à la mise à bas du mythe de la prétendue assimilation « républicaine » .
Sous la tutelle de Christopher Gérard, il aura redécouvert la sagesse antique d’une éducation exigeante où chaque enfant grec pouvait citer Homère dès l’âge de six ans. Il aura appris avec Fabien Niezgoda que ce savoir survécut aux temps obscurs et irrigua l’âme de l’Europe médiévale. Et avec Jean-François Chemain, il apprit que l’éducation nationale devait se placer au service de l’éducation antique, que l’Europe de demain donc serait l’Athènes du XXIème siècle. Patrick Péhèle, en présence des Antigones, valorisa la femme européenne dans son rôle fondamental de transmission du savoir aux jeunes générations. Philippe Cristèle proposa de relire l’entreprise sous un angle nouveau, comme une société humaine modèle, en rejetant la caricature marxiste qui prévaut trop souvent en France.
Cet héritage européen, qui est aussi musical comme le précisa avec brio Jean-François Gautier, est intimement lié à l’enseignement de l’histoire. Philippe Conrad opposa ainsi le récit national au roman national, à la connotation implicitement péjorative. Et Lionel Rondouin de nous proposer un nouveau récit civilisationnel européen, valorisant nos périodes de gloire et nos figures majeures, mais aussi évoquant nos défaites, comme celle de Tsushima en 1905 où le Japon impérial triompha de notre sœur russe en usant des armes que les Européens eux-mêmes avaient construites, et d’un savoir que les ingénieurs allemands notamment avaient transmis aux Japonais. A ce sujet d’ailleurs, j’invite le lecteur à découvrir un ouvrage de l’euro-député (PPE) Philippe Juvin qui avait sorti en novembre 2014 « Notre histoire. Les cent dates qui ont fait la nation européenne », ouvrage salutaire.
En Atropos coupant le fil du colloque, Jean-Yves Le Gallou annonça le retour du soleil sur la vieille Europe, cette force de régénération qui permettra de vaincre les ténèbres. Prophète du redressement d’Europê, il annonça ainsi qu’au dernier homme succédera « le temps de l’homme européen » qui ainsi « reviendra ». Nous survivrons. Parce que nous transmettrons. Et aussi parce que nous vaincrons. Dans la réconciliation entre ceux qu’un peu d’histoire divisa mais que beaucoup d’histoire unira, les Européens. Le film diffusé à l’occasion de ce colloque montra ainsi des Européens et des Européennes en marche au sein d’une forêt d’hiver, chacun avec au bras le drapeau d’une nation de notre continent, un ukrainien aux côtés d’un russe, rappelant aussi les meurtrissures entre gens d’une même souche par des conflits entre nous qui devront désormais cesser.
Autour du feu protecteur, tous réunis, en un cercle comme les douze étoiles sur le drapeau de l’Europe, tous de rire, de chanter, de se parler. La famille européenne ainsi réunie, c’est ainsi que le soleil, invincible et éveillé, s’imposa. Car cet esprit (européen) renaîtra et ce sera le jour de la résurrection (de l’homme européen).
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
13:12 Publié dans Analyses, Culture, Histoire, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, institut iliade, dominique venner, jean-yves le gallou, philippe conrad |
30/05/2016
Retour sur l’affaire « Black M à Verdun ». Ce qu’elle révèle
Les cérémonies d’hommage franco-allemand aux combattants de Verdun, qui se tenaient ce dimanche, nous laissent un goût amer. La course de jeunes gens organisée parmi les croix du cimetière a heurté de nombreux Français, de même que les chorégraphies inappropriées que l'on a fait exécuter à ces jeunes. Enfin, les discours politiques de François Hollande et d’Angela Merkel étaient hors sujet, dans un contexte où le silence était plus significatif que des mots et où toute récupération politicienne ne pouvait que blesser.
Face à cette jeunesse européenne, française et allemande, on se demande bien quel sens aurait pu avoir la prestation du rappeur Black M si elle n’avait pas été annulée sous la pression de la droite (au sens large), après l'alerte donnée par plusieurs organisations identitaires et blogs alternatifs.
Revenons d'abord sur les faits, en regardant du côté de la gauche. Au départ, l’idée est clairement venue d’en haut. Beaucoup ne connaissaient simplement pas Black M et à peine davantage le groupe « Sexion d’Assaut » dont il était membre et qui a lancé sa carrière. Et en premier lieu le maire socialiste de Verdun, Samuel Hazard. Une fois que le pouvoir s’est vu contester son choix, incapable de le défendre face à une colère croissante, pas plus qu'il ne sait réprimer les actions violentes d’une certaine extrême-gauche, il n'a rien trouvé d'autre que de se défausser sur le pauvre maire de Verdun. Et c’est ce dernier qui a dû prendre la responsabilité d’annuler la prestation de Black M, alors même que le président et plusieurs ministres l’assuraient publiquement de leur soutien pour le cas où il le maintiendrait. Samuel Hazard a donc dû assumer seul la suppression d’un concert qu’il n’avait pas sollicité.
Du côté des opposants, plusieurs à-côtés de cette pathétique affaire sont à relever. C'est la réaction de minorités politiques agissantes, bien relayées par les nouveaux réseaux d’information, qui a fait bouger l’aile droite des Républicains et obligé le FN à se manifester. Ce dernier a tenu tardivement un discours tiède, cherchant à récupérer à son profit l’image de lanceur d’alerte. Dans un entretien au magazine Charles il y a près d'un an, Marion Le Pen avait d’ailleurs déclaré apprécier le rap et notamment la musique de Black M. Et Marine Le Pen a fini par expliquer récemment que son opposition à ce concert n’était due qu’aux paroles choquantes tenues par ce dernier dans plusieurs chansons. Le fait que le pouvoir ait choisi, pour commémorer Verdun, un « rappeur de banlieue » issu de l'immigration post-coloniale, n’était donc pas un problème à ses yeux.
C'est le moment d'en venir à la question essentielle. Dans le contexte de la commémoration de Verdun, quel sens l'invitation de Black M pouvait-elle avoir ? Comment interpréter ce qu'on a perçu comme une occasion, pour le président et pour le parti socialiste, d'afficher le symbole d’une « France » multiculturelle, peuple « mondial » parmi d'autres, répondant par une fin de non-recevoir aux nombreuses alertes électorales dont témoigne le vote FN ? Et comment interpréter l'initiative de certains media qui ont cherché à tout prix à démontrer qu’un ancêtre de Black M s’était battu pour la France ? Peu importent les paroles de certaines des chansons; peu importe le genre musical auquel on peut le rattacher. Dans les deux cas, il s'agissait de l'évocation de la France coloniale.
Or tout cela était fort mal venu. Alors que la France a choisi en 1960 d'opérer ce qu'on a annoncé comme la « décolonisation », on semble tout faire pour démontrer qu'on a conservé la nostalgie de nos colonies. Alors que Charles de Gaulle nous a réconciliés avec nos voisins allemands, que François Mitterrand a su inviter dignement Helmut Kohl dans un contexte semblable, on ressuscite une France arrogante, parce que forte de son empire ultramarin, face à un ennemi européen qui n'en était pas doté.
En réalité, la bataille de Verdun symbolise une Europe suicidaire, opposant des peuples frères. C’est ce qu’il faut en retenir. Ce fut un drame continental, une meurtrissure européenne. C’est donc entre Européens que nous devons soigner cette blessure.
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
19:47 Publié dans Analyses, Culture, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : verdun 2016, commémoration, hollande, merkel, black m |
17/01/2016
Valeurs universelles contre valeurs européennes !
Dans un article publié dans Le Monde « Culture et Idées » daté du 16/01/2016, l’historien Emmanuel Droit oppose Angela Merkel et Marine Le Pen, expliquant ainsi qu’il faudrait soutenir la première parce qu’elle prônerait une Allemagne « européenne, humaniste, défendant des valeurs universelles » sous prétexte de l’ouverture qu’elle a affichée vis-à-vis de prétendus réfugiés et qui a abouti aux conséquences déplorables qu’on connaît.
Cette définition m’a interpelé. En premier lieu, il est surprenant de définir l’Allemagne comme « européenne » parce qu’elle accueille des migrants non-européens. En fait, être « européen » serait donc vouloir que l’Europe cesse à terme d’être européenne. Etrange conception. Ensuite, qu’est-ce que l’humanisme ? Ce n’est visiblement pas la défense des humanités classiques, alors que l’enseignement du grec et du latin en France est menacé par une scandaleuse réforme de l’éducation nationale. En vérité, cet « humanisme » prétendu n’est qu’un humanitarisme éthéré, un autre nom pour une forme de gauchisme, mâtiné de christianisme des catacombes, tout cela au nom de la mauvaise conscience d’une Europe qui se serait « mal conduite » par le passé.
Le point essentiel qui suscite ma réaction est surtout qu’une Allemagne « européenne » défendrait des « valeurs universelles ». On comprend bien qu’il s’agit pour cet auteur de défendre la fameuse DUDH, dont la CEDH est la transposition juridique dans le droit national et européen contemporain.
Cette notion de « valeurs universelles » définirait donc l’Europe à la place de « valeurs européennes ». En résumé, l’Europe se définirait par son inexistence.
Il convient de comprendre cette expression de deux manières différentes. Or aucune des deux n’est acceptable.
Soit les valeurs européennes ont une portée universelle et alors cela siginfierait que la civilisation européenne serait supérieure moralement aux autres civilisations. C’est le principe même du colonialisme qui est à juste titre condamné et même du nazisme honni. Vouloir imposer des valeurs prétendument européennes au monde entier, c’est de l’impérialisme, ni plus ni moins, et c’est bien sûr indéfendable.
Soit les valeurs européennes n’existent simplement pas, et alors c’est nier l’existence d’un peuple européen, remettre en question le principe même de toute construction européenne d’ailleurs, et c’est alors une grave manifestation d’ethno-masochisme associé à un racisme europhobe. Et c’est bien sûr là encore indéfendable.
En réalité, il faut comprendre la mise en avant de valeurs universelles, c'est-à-dire de la DUDH, dans les deux sens. C’est l’expression d’un suprémacisme civilisationnel et en même temps celle d’une haine de l’homme européen, donc une forme de « chauvino-mondialisme », dominateur et suicidaire à la fois.
De vraies valeurs universelles devraient l’être sur un plan géographique mais aussi historique. De telles valeurs ne seraient donc liées à aucun peuple en particulier mais l’apanage de tous. On constate bien qu’il n’en est rien et que les valeurs du monde islamique, de l’Inde ou de la Chine sont sensiblement différentes des nôtres. Mais elles ne seraient également liées à aucune époque en particulier. Or la DUDH est née en Europe (au sens large) dans un contexte très précis, qui est la période post-traumatique de l’après-guerre (1948). Les valeurs contingentes qui en émergent sont définies par le rejet de ce que l’Europe a vécu entre 1918 et 1945. A un nationalisme exacerbé et criminel, on oppose un universalisme qui n’est pas moins exacerbé et qui va se révéler à sa manière criminel à son tour et cette fois encore au détriment des Européens. Ces valeurs, qui ne sont pas universelles, ne sont en vérité pas non plus européennes.
En effet, les valeurs européennes ne sont pas représentées par les fascismes, qui en furent davantage une sordide dénaturation que la négation, mais elles ne sont pas non plus représentées par le mondialisme qui leur a succédé. Les vraies valeurs européennes ne sont pas « universelles » mais simplement européennes, héritières de la matrice indo-européenne, de la Grèce, de Rome, de la double foi pagano-chrétienne et de l’Europe du Nord et de l’Est. Des valeurs que nous partageons pleinement avec la Russie de Poutine d’ailleurs. Des valeurs qu’on qualifie de chrétiennes quand elles sont si souvent païennes. Des valeurs héroïques. Les Européens selon le grec Hippocrate il y a 2500 ans étaient définis comme « chérissant la liberté et honorant la bravoure ». Voilà quelles sont nos valeurs.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
15:07 Publié dans Analyses, Culture, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valeurs européennes, dudh, cedh, hippocrate |
02/08/2013
Terra Mater
La plupart des spécialistes de la mythologie comparée, s’ils évoquent parfois l’existence de déesses indo-européennes, en oublient constamment une, et sans doute la plus importante. Il est vrai que pendant longtemps un mythe récurrent était de présenter la religiosité indo-européenne comme essentiellement céleste, solaire et masculine. Puis ils ont fini par accepter de reconnaître l’existence d’une déesse de l’aurore, présentée comme la fille du dieu du ciel (*diwos *dhughater), et Gregory Nagy dans son ouvrage « Le meilleur des Achéens », a consacré une étude remarquable sur ses avatars grecs, à savoir Athéna et Aphrodite.
Or, de toutes les déesses, celle qui est primordiale, l’épouse de *Dyeus et la mère des autres dieux ou « célestes » (*deywos), est négligée. Pourtant, sous la forme dyavapŗthivi, l’Inde védique a voulu mettre à égalité le dieu du ciel et la déesse de la terre, au point que ce couple ne forme plus qu’une seule entité fusionnelle, comme si Ouranos n’avait pas été séparé de Gaia par la serpe de Cronos.
La terre-mère indo-européenne était *Dhghom *Mater, mais ce nom était un parmi d’autres, même s’il était le seul véritable. Elle se retrouve sous les traits de la Dêmêtêr grecque, qui était Dêô Mêtêr, celle qu’on surnommait Europê à Lébadeia près de Thèbes, l’épouse d’un Zeus Eurôpôs omniscient et omnipotent. De ses amours avec Zeus, elle eut d’ailleurs une fille, qui devint la reine des Enfers. Elle est aussi la Dhë Motë, « terre sœur » albanaise, mais aussi la lituanienne Zemyna, la lettone Zemes Māte, l’iranienne Zamyat et la phrygienne Sémélê. Sous le nom composé Mat’ Syra Zemlija, parfois réduit en Mokoch’, elle est enfin une déesse de premier plan chez les Slaves.
Son nom se retrouve aussi sous celui de la déesse grecque primitive Gê ou Gaia, dont le rôle se confond avec celui de Dêmêtêr, même si cette dernière apparaît davantage comme une déesse de l’agriculture que comme la terre incarnée, et dans des mots comme le grec χθων, l’hittite tekom et le sanscrit kșam.
En raison de la dimension sacrée qui était la sienne, certains peuples hésitèrent à l’appeler par son nom authentique et préfèrent avoir recours à des épiclèses la désignant. Ainsi, était-elle *peltawi, « la plate », à une époque où notre astre était vu comme un disque et non comme un globe. La déesse celte Litavis et la déesse indienne Pŗthivi en résultèrent. Mais elle était aussi *werui, « la large », ce qui donna la déesse indienne Urvi et la grecque Europê préalablement évoquée. Parfois, la terre elle-même se résumait au sol, à partir d’une racine indo-européenne *ter- ou *tel- comme dans *telom, « le sol ». Elle fut ainsi Tellus, épouse de Jupiter, ou Terra Mater à Rome, mais aussi Cérès en tant que déesse du blé mûr. Les Germains en revanche ne considéraient la terre que cultivée. L’Erda germanique, la Jörd scandinave, était la déesse de l’*era ou « champ cultivé », et devint l’épouse de Wotan / Odhinn, ce dernier s’étant substitué à l’antique dieu du ciel, Tius ou Tyr, relégué au rôle subalterne de dieu de la guerre juste.
La Terre-mère était considérée en outre comme la seule véritable épouse du Ciel-père, dont les autres épouses ou maîtresses n’étaient généralement qu’un aspect particulier. A l’époque indo-européenne, sous le nom de *Diwni, qui donnera le concept indien de Devī, « la Déesse », elle est l’épouse de *Dyeus, « celle de *Dyeus » au sens strict, sa parèdre. Dans le monde grec, Héra, déesse de la terre au printemps et en été, durant la « belle saison », ce qui est le sens étymologique de son nom, mais aussi Dêmêtêr, Sémélê et Dionê, ont partagé la couche du dieu du ciel. Elle est en Inde l’épouse de Dyaus Pitar, en Lituanie celle de Dievas.
De l’union du ciel et de la terre sont nés les dieux et les hommes et l’univers tout entier. C’est par la fusion des contraires, d’un principe masculin et d’un principe féminin, réunis parfois par l’entremise d’un Amour primordial, l’Erôs né de l’œuf cosmique, que le cosmos fut.
Les mythologues du monde grec ont voulu faire d’elle l’épouse d’un Poséidon, dont le nom aurait signifié « époux de la terre », se souvenant du jour où un Poséidon Hippios, sous les traits d’un cheval, voulut s’unir à une Déméter changée en jument. Il est vrai qu’un tel époux a existé dans la mythologie balte avec le Zemepatis letton, époux en titre de Zemes Māte, mais c’est un cas isolé. Poséidon était probablement en réalité le « maître des eaux », du fait du double sens du terme *potis, « époux » et « maître », et d’une confusion avec la déesse des rivières, P.I.E *Donu, qu’on retrouvera ultérieurement sous les traits de Danaé, d’où l’image du « tonneau des Danaïdes », cette idée de fleuves se déversant en un seul puits mais sans jamais parvenir à le remplir.
La Terre était aimante pendant presque les trois quarts de l’année et se rendait détestable au dernier trimestre. Pour expliquer sa nature changeante, passant de l’extrême générosité à la pire rigueur, les Grecs inventèrent l’enlèvement de sa fille Korê par son oncle, le dieu des Enfers arborant la tête de loup comme Arès son casque, une tête qui lui permettait de devenir invisible non seulement aux mortels mais aussi aux immortels. Comme elle était aussi la fille de Zeus, Hadès dut négocier âprement et user de mêtis, convainquant celle qui devait devenir son épouse à manger les pépins d’une grenade cultivée en Elysion, afin que cette dernière ne puisse plus le quitter. Mais Zeus était au-dessus de ces ruses et, s’il admit l’union de ces deux divinités, exigea de son redoutable frère qu’il consente à libérer sa femme pendant une moitié de l’année afin qu’elle puisse rejoindre sa mère. Les Slaves préfèrent invoquer la terrible Morena, déesse de la mort et de l’hiver, que seul le maître de l’orage Perun parvenait à tenir en respect.
Il est possible qu’à l’origine la Terre-mère indo-européenne partagea son temps entre le ciel et les enfers, entre le Zeus céleste et Zeus souterrain, Hadès étant parfois appelé le « Zeus d’en-dessous ». Cela expliquerait le changement de saison, la Terre étant à la fois pourvoyeuse de vie et déesse de mort. Si l’homme du commun, le « terrien », P.I.E *ghemon, retournait « à la terre », les héros et les sages en étaient en revanche dispensés car, ayant acquis la gloire impérissable, ils se voyaient ouvrir les portes du paradis, île aux pommes ou vaste plaine verdoyante.
Le respect de nos ancêtres pour cette déité bienveillante, même si elle pouvait parfois se montrer impitoyable, était une réalité. Ce ne fut pas le cas chez tous les peuples, et au sein des polythéismes du Proche-Orient, dans des pays où le sol était aride, et où la pluie devenait une bénédiction, la Terre-mère disparut du culte. C’est le seul dieu du ciel qui eut les plus grands honneurs, au point de servir de base à la religion du dieu unique, un dieu qui offrit la terre aux hommes, sans se soucier du risque qu’ils finissent par la détruire. La Terre n’était plus qu’une « vallée de larmes », ses seins nourriciers étant rejetés par des peuples qui se croyaient être émancipés.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
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26/05/2013
Réflexions sur la lecture chrétienne du geste de Venner
Nombreuses sont les figures chrétiennes, d’une mouvance à laquelle les media ont voulu associer Venner, qui ont su honorer la mémoire de cet homme, malgré la différence de foi les séparant. En revanche, certains chrétiens n’ont pas pu s’empêcher de crier au sacrilège, et même à la profanation, tolérant pourtant que Notre-Dame soit devenu davantage un lieu touristique qu’un lieu de culte ou d’expression de son patriotisme, comparant Venner à une vulgaire pussy riot, un certain Yves Daoudal allant même à qualifier le mort de « satanique ».
Il y a lieu en effet de s’interroger sur ces convertis « born again », ces nouveaux chrétiens qui, abandonnant leurs convictions premières, ont le zèle de ceux qui veulent se faire pardonner leurs égarements passés. Rappelons à ce propos que « Frigide Barjot », qui n’est pourtant pas une fanatique, a elle-même « découvert la foi », au-delà de son éducation chrétienne, il y a quelques années, en faisant « des caisses » à ce sujet.
Le patriotisme implique qu’on doive faire primer l’amour de son pays, de son peuple, de sa civilisation avant toute conception religieuse. C’est en tout cas ainsi qu’en Europe le phénomène religieux a pris ses traits spécifiques. Un patriote est prêt à risquer l’enfer s’il le fait par dévouement pour le pays de ses pères, et c’est quelque chose d’infiniment respectable. Avant d’être chrétien ou même païen.
L’acte de Venner, qu’on partage les idées qui étaient les siennes ou qu’on les rejette, était indiscutablement un acte patriotique, de cette grande patrie qui pour lui était l’Europe, de cette petite patrie qu’était la France, un sacrifice dans un lieu symbolique pour réveiller les consciences endormies, pour à sa manière sonner le tocsin d’une Europe qui succombe à ce qu’il qualifia de « dormition ». Un chant des Sirènes conduit en effet l’Europe au bord du précipice ou dans les bras d’une Scylla verte.
De nombreux ouvrages ont révélé la réalité bien sombre de la christianisation de l’Europe, qui s’est accompagnée de nombreuses horreurs afin que les païens acceptent de courber l’échine devant une foi étrangère faisant de leurs ancêtres des damnés, punis par le seul crime de ne pas avoir connu un obscur judéen mort quelques siècles auparavant dans une contrée lointaine. Cette réalité est fondamentalement niée ou simplement ignorée de la plupart des européens chrétiens d’aujourd’hui. Elle est pourtant assumée par ces gens qui tentent de salir la mémoire de Dominique Venner au nom de leur foi aveugle que l’écrivain H.P. Lovecraft décrivait comme la « superstition syrienne imposée par Constantin ».
Mais quel est le plus grand reproche que Venner a pu faire à leur religion, et qu’ils n’acceptent pas ? Venner a mis en exergue le caractère universaliste du christianisme, estimant que l’absence d’une religion identitaire en Europe nous a démunis face à l’idéologie mondialiste, alors que par comparaison l’hindouisme, religion ethnique de l’Inde, est d’un grand secours pour un pays qui a su résister et survivre à tous les conquérants. Pour lui, ce qui était le plus proche des Vedas de l’Inde ancienne, de cette sagesse originelle et sacrée de nos ancêtres, c’était l’Iliade et l’Odyssée. C’est chez Homère qu’il a trouvé l’espoir d’une renaissance et compris sans doute que jamais l’Europe ne mourrait.
L’empereur Julien voulait interdire aux chrétiens d’enseigner les textes homériques, estimant qu’ils n’étaient pas capables de les comprendre. Et de même, certains n’ont pas compris quel était le message que l’acte de Venner impliquait. Il a su vaincre ce qui constitue la plus grande force de l’Eglise, la peur de la mort. La mort, il l’a affrontée bien en face, sans sourciller et sans hésiter, et a vaincu cette peur. Cela demande un courage incommensurable lorsqu’on est un esprit sain dans un corps sain. En triomphant d’elle, comme les Européens des anciens temps, c’est en cela qu’il a rejeté la conception chrétienne de la vie.
20:20 Publié dans Culture, Mes coups de gueule, Religion | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : dominique venner, christianisme, paganisme |
27/01/2013
...When Gjallarhorn Will Sound
(Falkenbach)
`...Morning arose that day long time gone,
two ravens above him showed the way.
He was guided by Odhinn, led by the one
who shelters the fallen every day by day...
...Once blood was shed of countless of men,
in the name of the cross and christian pray...
for hundred of years his heart laid in chains
but hate was growing stronger every day by day...
"Ruler of Asgaard, father of Thorr,
send me your powers divine...
Grant me your wisdom, strengthen my soul,
so revenge of our blood shall be mine...
Allfather Odhinn, I entreat you with awe,
to ride with me side by side,
so avenged shall all be, who had died in the past,
by the power of heathenish pride...
Master of thunder, lighting and rain,
soon your hammer and cross shall collide...
Protector of midgaard's daughters and sons,
in your name christian reign I will fight...
When the hammer will crush, and oppressors will fall,
my sword will be raised to thy hail!
Then the fires shall burn in the name of the Gods
as the sign of the heathen prevail!"
far in the past he saw what has been
his fathers traditions handed down,
but he still kept in heart the will to prevail
as his hate was growing stronger every day by day...
Deep in his heart a shadow had grown
which covered his mind with shades so grey,
but still every morning encouraged his hope
when he sat by the old oak every day by day...
"Strong is my heart, and strong is my will,
soon I will break our chain...
Then the swords shall be raised
and our flag held up high,
the banner of the heathen domain...
Long I've awaited the day of revenge,
the heathenish reign to return...
Now my swordblade is forged,
and my soul will prepared,
by my hands christian crosses shall burn..."
...Evening fell that day long time gone,
the ravens above still showed the way,
they were guided by Odhinn, led by the one,
who shelters the fallen every day by day...
...Blood to be shed of countless of men,
in the name of revenge and heathenpride...
No more withdraw will be on heathenish ground,
no more mercy will be when Gjallarhorn will sound...
23:09 Publié dans Anti-mythes, Culture, Programme du Parti des Européens, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) |
18/12/2012
Je suis polythéiste!
00:52 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Culture, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) |
11/11/2012
« Skyfall » ou le retour au mythe « Bond »
His name is Bond, James Bond.
Dans la continuité de « Casino Royal », et en oubliant la malheureuse expérience de « Quantum of solace », qui n’était vraiment pas au niveau de l’opus précédent, Skyfall est le troisième film avec Daniel Craig dans le rôle de 007, même s’il s’agit officiellement du 23ème film. Et force est de reconnaître que ce long-métrage est très certainement le meilleur de la série, et ce même si Craig n’a pas le charisme exceptionnel de Connery. Il a la chance d’avoir à ses côtés d’excellents réalisateurs et de non moins excellents scénaristes. La différence d’avec les films au scénario squelettique mettant en scène Pierce Brosnan est ainsi saisissante.
Evoquons rapidement les points contestables de ce film. Le choix d’une Moneypenny issue de la diversité n’est pas des plus heureux, alors que Skyfall retourne au mythe Bond, celui de Ian Fleming. Mais il fallait bien céder à l’air du temps et respecter le quota. Les allusions à une éventuelle expérience homosexuelle de Bond n’étaient pas forcément nécessaires mais s’intègrent à la même logique. Enfin, à l’exception d’une actrice grecque, le casting des James Bond girls évite les actrices européennes, privilégiant le charme épicé d’une franco-asiatique sculpturale. Nous sommes en 2012 et l’idéologie dominante, mondialiste, écrase tout sur son passage, même si le Batman de Nolan a su résister remarquablement à cette pression.
L’inspiration tirée d’autres films paraît évidente à voir Skyfall. Les allusions à Batman sont nombreuses, à savoir un manoir avec des passages secrets, un James Bond jeune tourmenté par la mort de ses parents, un vieil homme qui conserve l’héritage familial, et le caractère célibataire propre au personnage. En revanche, les gadgets sont quasiment absents, à part l’apparition de l’Aston Martin originel, avec son équipement d’époque (siège éjectable et mitrailleuse à l’avant). Le choix du réalisme a été privilégié même si on conçoit mal comment Bond a pu survivre à deux balles tirées dans la poitrine ou à sortir indemne d’une chute dans l’eau glacée. Enfin, le début du film se passant à Istambul rappelle Taken 2 et Liam Neeson en agent américain déjouant la vengeance d’un gang albanais.
Le film repose tout comme The Dark Knight Rises sur la chute du héros. Trahi par son directeur, qui préfère prendre le risque de le faire abattre plutôt que de lui faire confiance jusqu’au bout, alcoolique, incapable de vaincre ses démons intérieurs, cynique et provocateur, Bond est en fin de cycle. Mais, à la différence de Batman, qui raccroche la cape pour préférer les charmes de Selina Kyle, Bond va renaître. Il fallait bien pouvoir proposer un Bond 24 dans deux ans aux spectateurs. Jugé inapte au service, ce que M lui cache, Bond doit revenir au meilleur niveau. Face à un ancien agent devenu un ennemi viscéral du MI6, et connaissant toutes les ficelles du métier, Bond doit parvenir à se sublimer jusqu’à incarner le 007 héroïque de Fleming. Finie la démarche aristocratique de Sean Connery. Fini l’humour britannique de Roger Moore. Craig est dans l’action pure et dure.
Ce retour aux sources est remarquablement illustré par une fin purement écossaise où Bond retrouve sa terre natale et le cimetière familial. Attendant l’ennemi, réfugié dans le manoir de ses ancêtres, afin de protéger M traquée, Bond revoit sa plus longue mémoire avant de faire à nouveau marche avant. Dans un tonnerre de feu, son manoir est finalement brûlé mais tel le phénix, Bond sort indemne des flammes. Il n’empêchera néanmoins pas le M incarné par Judi Dench de céder la place au nouveau M que représente Ralph Fiennes, parfait dans le rôle.
Les dernières minutes du film nous ramènent cinquante ans en arrière, dans l’une des toutes premières scènes de 007 dans « Docteur No ». L’hommage implicite rendu au maître Fleming et au Bond idéal, Connery en personne, est évident. Est-ce à dire que James Bond aura le droit à encore cinquante années nouvelles, et qu’on le découvrira en 2062 sur ce qui aura remplacé nos écrans ? Entre temps, il sera devenu noir, homosexuel et peut-être même musulman.
La chute, la déchéance puis la renaissance de James Bond ne personnifient-ils pas le déclin de l’occident ? C’est bien par un retour aux ancêtres, à la tradition, à la terre natale, que Bond renaît. Cela converge avec la phrase de Nietzsche selon laquelle « l’homme de l’avenir sera celui qui aura la plus longue mémoire ». Et sa renaissance se fait de manière flamboyante au sens littéral. L’éternel retour du même a lieu devant les yeux du spectateur. Bond change mais ne change pas. Le personnage atteint son acmé, ce qui laisse présager d’une suite bien moins reluisante, sauf si Christopher Nolan prend les manettes. Son influence est évidente dans « Skyfall » même s’il n’a été associé ni de près ni de loin au projet.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
17:10 Publié dans Analyses, Cinéma, Culture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james bond, skyfall, m, sean connery, ian fleming |
04/11/2012
Du dieu de l’orage.
La civilisation crétoise, avant que les Achéens ne s’implantent dans l’île honorait un dieu du ciel associé à la figure du taureau. Ce dieu, dont le nom est probablement perdu, même s’il est possible que le nom du roi mythique Minos ait été son théonyme, était à la fois le dieu du ciel souverain et le dieu de l’orage. En revanche, les Grecs originels comme tous les peuples indo-européens, avaient séparé le ciel en deux divinités bien différentes, un dieu du ciel souverain d’une part, roi et père des dieux et des hommes, et un dieu de l’orage et de la guerre, le second étant fils du premier, Arès fils de Zeus.
Un dieu indo-européen.
Le nom du dieu indo-européen de l’orage et de la guerre, les deux fonctions étant associées par la synthèse symbolique entre la fureur de la tempête et la mêlée guerrière, est plus difficile à reconstituer que celui du dieu indo-européen du ciel diurne, *dyeus *pater (latin Dius Pater, grec Zeus Patêr), car il bénéficiait dès l’origine de plusieurs épiclèses le caractérisant. A la différence de son père *dyeus, c’était un dieu bien moins distant, davantage présent aux côtés des hommes, participant aux batailles et protégeant le royaume des mortels contre les forces de destruction, géants et dragons.
Ainsi était-il évoqué comme le héros par excellence, le *ner (qui a donné le dieu Indra en Inde), ou encore comme le brave, le noble, *aryos (qui a donné le dieu Arês en Grèce), mais sa fonction orageuse primait avant tout. Il était le dieu « tonnant », *tenros ou *tonaros, comme chez les Celtes (Taran), les Germains (Thor) et les Hittites (Tahruntas), mais aussi le « frappeur », sous le nom de *perkwunos, à la fois dieu du chêne (*perkwus) et dieu de la foudre qui l’abat (racine *perk-), et c’est sous cette forme que les Baltes (lituanien Perkunas, letton Perkons) et les Slaves (russe Perun) choisirent de l’appeler.
Pendant longtemps, les spécialistes des mythologies indo-européennes considéraient que *perkwunos était le nom de ce dieu de l’orage ou n’était qu’un aspect du dieu du ciel. Son nom originel semblait perdu pour toujours, et ce même si de bonne heure Georges Dumézil avait eu une intuition prometteuse en associant le dieu romain Mars avec les divinités de l’orage et de la tempête de l’Inde védique, les Maruts, avant d’invalider son hypothèse quelques années après.
La forme originelle du nom du dieu Mars romain, dont les fonctions orageuses avaient été considérablement diminuées par l’influence grecque, chez qui Zeus s’était complètement substitué à Arès dans ce rôle, était Mavors. On pouvait en déduire l’existence d’un dieu plus ancien du nom de *Maworts (génitif *Mawrtos), qui semble bien correspondre à ces Maruts de l’Inde ancienne. A ces deux exemples, il faudrait sans doute rajouter un exemple letton avec le dieu mineur Martins, frère d’Usins, en qui on reconnaît le nom de l’aurore, Martins ayant un rôle de défenseur du pays. Cela rappelle l’image d’un dieu Mars patronnant les champs de bataille aussi bien que protégeant les champs du paysan du Latium.
Tout porte à croire que *Maworts était le nom du dieu indo-européen de l’orage, et par extension de la guerre.
Le dieu de la virilité.
Cette figure divine se voit associée de nombreuses figures animales, à la différence des autres divinités, et chaque animal représente une fonction bien précise du dieu orageux et guerrier.
Il y a en premier lieu tous les animaux liés symboliquement à l’orage, ceux qui portent le foudre céleste. On retrouve ainsi le taureau, dont le son produit par ses sabots sur le sol résonne comme le tonnerre, mais aussi le pivert, dont on prête la capacité à abattre des arbres, tout comme la foudre, ou encore l’aigle, animal porteur de foudres bien connu, et associé dans notre imaginaire moderne, comme chez les Romains de la république et de l’empire, à Jupiter mais non à Mars.
En second lieu, il s’agit des animaux liés à la virilité et au pouvoir fécondant de l’homme. En ce sens, tous les animaux liés à la sexualité masculine relèvent du dieu orageux. C’est bien sûr le cas de l’ours, à qui au moyen-âge on prêtait des aventures avec des femmes, mais aussi des mâles des animaux d’élevage, le bélier, le taureau là encore, le bouc, comme ceux tirant le char de Thor en Scandinavie.
Enfin, tous les animaux liés spécifiquement au combat et au champ de bataille lui sont naturellement associés. C’est bien sûr le cas du cheval, animal d’une grande noblesse associé aux aristocraties guerrières, ainsi à Rome le noble était un equites, un « chevalier », et pas un homme du rang. C’est aussi le cas du corbeau et du vautour, fossoyeurs des morts à la guerre laissés sans sépulture. D’une manière générale, tous les animaux belliqueux, mais qui sont aussi bien souvent liés à la virilité préalablement évoquée, relèvent de ce dieu. C’est surtout le cas du loup, animal martial par excellence, dont les vertus de la meute inspiraient les troupes guerrières indo-européennes dans les temps les plus archaïques. Le char de Mars était ainsi, à l’origine, tiré par deux loups gigantesques.
Le tueur de dragons.
Un des actes les plus héroïques accompli par le dieu de l’orage est son combat et sa victoire contre le serpent du monde, dragon monstrueux entourant la terre de ses anneaux, et créature primitive du chaos. Dans le cas grec, Arès est privé de cette victoire décisive au profit d’autres dieux ophioctones comme Apollon, vainqueur du dragon Python, Zeus qui triomphe du démon ophidien Typhon, ou Héraclès.
C’est bien sûr au dieu Thor dans toute sa splendeur que l’on pense, avec son marteau écrasant le crâne de Jormungandr, même si son combat final est un match nul, l’un et l’autre s’entretuant. J’ai par ailleurs analysé cette fin étrange comme la marque du poète chrétien pour donner d’un dieu ancestral fort respectable une mort héroïque, sans que son culte doive perdurer. Mais c’est aussi le combat céleste entre le dieu Indra et le serpent Vritra, comme celui entre Tarhuntas et le dragon Illuyankas chez les Hittites. Dans la version indienne, Indra est pris de terreur face à une créature extrêmement puissante au point où il est contraint de se réfugier dans les profondeurs. De même, face aux géants Aloades, le dieu Arès est impuissant, enfermé par les deux frères dans un tonneau. Dans les deux cas, c’est par l’intervention d’un autre dieu, le dieu du feu Agni dans le cas indien, le dieu Hermès dans le cas grec, que le dieu guerrier retrouve sa puissance et parvient à vaincre son ou ses ennemis.
Le dieu celte Taran est représenté en cavalier terrassant un démon anguipède qui correspond grosso modo au Typhon grec. Le dieu slave Perun n’est pas en reste, vainqueur de Zmiya, le « serpent », écrasé par sa hache. Ce mythe le plus ancien a été conservé après la christianisation sous la forme de différents saints, comme Elie en Russie, Michel et Georges en Europe occidentale. Pire, le serpent, ennemi des dieux, devint la figure du paganisme, à l’instar du Graouilly de Metz. On ne pouvait pas inventer d’inversion accusatoire aussi subtile.
Une généalogie complexe.
*Maworts, comme tous les dieux antiques héritiers de ses fonctions, était un dieu particulièrement estimé de nos plus lointains ancêtres. Il le devait à son lignage autant qu’à son image. En tant que dieu de l’espace céleste intermédiaire, ciel rouge de l’aurore et du crépuscule mais aussi ciel noir de l’orage, sa puissance était entre le ciel et la terre, entre *dyeus *pater et *dhghom *mater, entre son père et sa mère.
Les fils de *dyeus, les « fils du ciel », étaient intimement liés à la lumière dont leur père était l’incarnation même. C’est parce qu’il a vaincu les ténèbres du chaos que *dyeus a forgé l’univers, dont il est le garant de l’ordre, *artus. *Maworts est le dieu du feu intermédiaire, celui de l’éclair, qui tombant du ciel sur la terre enflamme le sol. Il partage ce rôle igné avec ses frères, *Sawelyos, le dieu du soleil, astre flamboyant réchauffant notre planète, et *Wlkanos, le dieu du feu terrestre et de la forge. C’est ce dernier qui lui fabrique ses armes, son armure et son casque mais qui à l’occasion l’accompagne sur le champ de bataille, au même titre que le dieu du vent, *Weyus, dont Hermès est par certains aspects le digne descendant.
Mais *Maworts n’était pas un dieu célibataire, son rôle d’ancêtre des hommes impliquant qu’il ait eu une descendance nombreuse. Ses relations avec les mortelles se retrouvent dans les nombreux mythes où Zeus ou Jupiter s’unit à une humaine pour engendrer des héros et des rois. Mais son épouse est, on l’a vu précédemment, la déesse de l’aurore, *Ausos.
Au dieu Arès, on prête ainsi une relation amoureuse avec deux divinités spécifiques, que l’on peut associer aisément, à savoir Eôs, l’Aurore incarnée, et Aphrodite, l’Aurore amoureuse, mère d’Erôs. Le couple *Maworts/*Ausos remonte ainsi à l’aube des temps.
Lorsque l’on voulait insister sur la dimension juvénile et filiale de *Maworts, il était représenté comme un jeune guerrier imberbe. C’est l’Arès classique. En revanche, si son rôle paternel et protecteur primait, le dieu apparaissait comme un guerrier dans la force de l’âge et barbu. C’est le Mars Vengeur d’Auguste, à la barbe jovienne, mais aussi l’Arès archaïque et le dieu Thor à la barbe rousse, comme la couleur du sang que le combattant verse au combat.
Le dieu rouge.
Surnommé Rudianos chez les Celtes, le « rouge », le dieu guerrier est associé de manière classique à la couleur rouge. Il est probable que le dieu indien Rudra, qui servira de base à Shiva, avait également ce sens et présentait alors la dimension la plus sombre d’Indra, qu’il remplacera à l’époque du brahmanisme. La cape du général romain était rouge, tout comme la barbe du dieu germano-scandinave Thor. Le rouge était la couleur du ciel intermédiaire, et aussi de l’amour, mais elle était tout autant associée à la guerre et à la deuxième fonction indo-européenne, le blanc et le noir étant les couleurs symboliques des deux autres fonctions.
Devenu le drapeau de la révolution puis de l’idéologie socialiste, le drapeau rouge remonte à une très longue histoire et ce n’est pas un hasard s’il a été brandi la première fois sur le Champ de Mars. Le rouge était déjà la couleur du drapeau de la république romaine (SPQR) et du royaume antique de Macédoine.
De cette symbolique vient l’expression « rouge de colère », à savoir que le dieu guerrier répand une aura de cette couleur lorsqu’il est courroucé. C’est aussi l’image de la lune de sang, du combat céleste contre les forces de destruction. Rouge sang. Sang principe de vie, lorsque l’enfant naît par l’action bienfaitrice de Venus, mais sang symbole de mort, lorsqu’il résulte de la victoire de Mars sur ses ennemis. Rouge symbole d’amour comme la pomme rouge que l’homme romain offrait à la femme qu’il aimait pour lui déclarer sa flamme. Rouge symbole du sang répandu sur le champ de bataille et offert aux animaux de proie.
Mars ou l’Europe incarnée.
Le dieu de l’orage a de manière évidente un lien étroit avec l’homme européen, et ce n’est pas un hasard si au moyen-âge, les Européens sont faits descendants de Japhet, fils de Noé, qui n’est autre selon l’interprétation de l’époque que le titan Japet, qui correspond fonctionnellement à l’olympien Arès. Les Européens sont alors les fils de Japet c'est-à-dire fils d’Arès, « japhétides » donc « aryens ».
Autre hasard qui n’en est pas un, le dieu guerrier est associé à la planète qui porte en Europe son nom, Mars, la planète rouge. La tradition veut que ce soit les Babyloniens qui aient associé cette planète à une sorte de dieu de la guerre et de la peste, Erra, dont certains ont voulu faire la base de l’Arès grec. En réalité, l’homologue sumérien de *Maworts n’était autre que le dieu de l’orage Ishkur, qui correspond au dieu amoréen Martu, dont le nom fut peut-être emprunté à des tribus indo-européennes venus s’installer en Orient.
Or la planète Mars est non seulement rouge, comme la couleur du dieu indo-européen de l’orage, mais possède deux satellites, tout comme Arès a deux fils jumeaux, Deimos et Phobos, tout comme Thor a aussi deux fils, Modi et Magni, et tout comme Mars a deux rejetons, Romulus et Rémus. On sait aujourd’hui que la connaissance astronomique dans l’Europe ancienne était loin d’être rudimentaire, et Stonehenge apparaît autant comme un télescope que comme un temple solaire, tout comme le disque de Nebra illustre la recherche de la connaissance du cosmos.
Ce désir de Mars, cette idée typiquement européenne d’une planète terraformée et colonisée par l’homme, se retrouve dans la science-fiction contemporaine. Les « martiens » sont nécessairement belliqueux, ce que découvre John Carter selon les romans d’Edgar Rice Burrough, et souhaitent envahir la terre, comme chez H.G. Wells. On dit que les hommes descendent de Mars, comme les femmes descendraient de Venus. Et Robert Kagan, géopoliticien américain, place l’Amérique sous le signe de Mars, de ce dieu fondateur de Rome, la cité conquérante par excellence, d’un dieu Mars qu’on retrouve sur la porte de Brandebourg à Berlin mais aussi au Capitole de Washington et même tout en haut de la porte Héré sur la place Stanislas à Nancy.
Mars et Christus, « dieu rouge » contre « dieu blanc ».
Lorsque le christianisme voulut s’implanter en Europe, il trouve naturellement le dieu de l’orage et de la guerre sur sa route. Le dieu rouge, comme le Raudhr Thorr de la Scandinavie du Xème siècle, s’oppose au dieu blanc qu’est Christus (Hvati Krist), qui a repris les traits d’Apollon et de Balder. Les valeurs héroïques s’opposent aux valeurs mielleuses d’une religion de l’après-monde.
Face à la croix, ce talisman magique qui enchaîne l’esprit européen, comme l’a expliqué à sa manière le poète Heinrich Heine, les anciens païens décidèrent de porter leur croix, à savoir le marteau de Thor (Þórshamar), l’épée de Mars, parfois remplacée par la massue d’Hercule, ou encore la hache de Perun (Cекира Перуна). Mais de ce conflit entre deux visions du monde si antagonistes, c’est le Christ blanc qui fut (momentanément ?) vainqueur.
Le christianisme n’a pas pu se séparer d’une figure aussi éminente mais à chercher à limer les dents de ce loup guerrier. Martin de Tours, dont le prénom signifie « petit Mars, Martinus, était un soldat de la légion qui déserte, jette sa toge au sol, pour se consacrer à christianiser la population. Le guerrier jette ses armes au sol, comme Vercingétorix vaincu face à César. Martin remplacera Mars lors de la fête guerrière, d’origine germanique mais romanisée, du 11 novembre, fête des Einherjars ou héros morts au combat et siégeant aux côtés de Wotan au Walhalla en l’attente de la bataille céleste décisive. Martin remplacera aussi le dieu letton Martins, tout comme Jean remplacera le dieu balte Jaanis, homologie du Janus romain.
Dans ce XXIème siècle où montent les périls, Mars le « rempart de l’Olympe » (Hymne homérique à Arès) fera son devoir pour protéger l’Europe. Et nous, fidèles au père de Romulus, nous serons présents à ses côtés. Son épée sera le bouclier de notre civilisation.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
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15/08/2012
De la déesse de l’aurore.
En ce 15 août, il me paraissait intéressant de consacrer un article à une déesse fondamentale au sein des mythologies indo-européennes, déité vierge uniquement lorsqu’elle adopte une dimension guerrière, à l’instar de Pallas Athênê en Grèce.
A l’origine, les divinités indo-européennes patronnent les éléments de la nature, et en particulier le ciel, la terre et les astres, mais aussi les phénomènes atmosphériques. Jean Haudry a notamment démontré que le système trifonctionnel indo-européen était appliqué aux cieux, ceux-ci se partageant entre le ciel de nuit, correspondant aux forces telluriques et infernales, le ciel de jour, correspondant à la lumière des divinités souveraines, et enfin le ciel intermédiaire, le *regwos (ou « érèbe »), ciel auroral et crépusculaire, lié à la couleur rouge, mais aussi ciel d’orage. Les trois couleurs sont donc le blanc de la souveraineté, le rouge de la guerre et le noir de la fonction de production. Dans ce schéma, le ciel nocturne, domaine du dieu *Werunos (« le vaste »), qui donnera Ouranos en grec et Varuna en sanskrit, peut être remplacé par la terre, domaine de la déesse *Dhghom (« Dêmêter »), épouse du dieu céleste *Dyeus (« Zeus ») et en ce sens surnommée *Diwona (« celle de Dyeus »), qu’on retrouve dans le nom de la divinité romaine Dea Dia, probablement aussi dans celui de Diane, et dans la grecque Dionè, mère d’Aphrodite, respectant ainsi ce code de couleurs.
Le ciel intermédiaire est patronné par deux divinités fondamentales des panthéons indo-européens, à savoir le dieu de l’orage, *Maworts (génitif *Mawrtos), et la déesse de l’aurore *Ausōs (génitif *Ausosos), l’un et l’autre formant réunis probablement à l’origine un couple divin, couple qui sous la forme de Mars et de Venus inspirera les artistes depuis Homère. *Ausōs portait plusieurs épiclèses importantes, *bherghenti (« celle qui est élevée ») et *Diwos *dhughater (« fille de Zeus »), mais était également liée à la racine *men-, relative à tout ce qui relève de l’intelligence.
La triple aurore grecque.
Le déesse grecque de l’aurore est Eôs, une déesse mineure du panthéon hellénique, qu’Homère qualifie d’ « aux doigts de rose », et pour laquelle peu de mythes sont associés, à savoir celui des amours d’Arès et d’Eôs d’une part et celui de Tithon d’autre part, amant troyen dont elle avait demandé à Zeus de lui accorder l’immortalité, mais en oubliant de lui faire accorder également la jeunesse éternelle, ce qui en fit de fait le premier zombie de la mythologie.
Si Eôs, déesse pourtant fondamentale des panthéons indo-européens, est si mineure, c’est en fait parce que son rôle a été repris par deux nouvelles divinités, qui étaient probablement à l’origine de simples épiclèses de l’Aurore, à savoir Athéna et Aphrodite. Même si leur étymologie est obscure, on peut émettre quelques hypothèses sérieuses. Athéna est formée de la racine *-nos/a qui désigne une divinité (exemple : Neptu-nus à Rome, Ðiro-na chez les Celtes) et de la base athê[- qui pourrait être liée à l’idée de hauteur. Athéna serait ainsi la déesse protectrice des citadelles, comme l’acropole d’Athènes. Elle incarne l’Aurore guerrière, casquée et armée. Quant à Aphrodite, son nom a été rapproché de celui de la déesse ouest-sémitique Ashtoreth (« Astarté »), déesse tout comme elle honorée à Chypre. S’il est probable que les deux déesses ont été associées dans l’esprit des chypriotes grecs, cela ne signifie pas pour autant qu’Aphrodite serait d’origine sémitique. En fait, son étymologie classique de « née de l’écume des mers » pourrait bien être la bonne, car on peut la comparer avec le nom de petites divinités féminines indiennes, les Apsaras, nymphes érotiques peuplant le Svarga (« paradis indien ») du dieu Indra dans la tradition védique, et elles aussi nées sorties des eaux. Elle incarne l’Aurore amoureuse, symbolisée par la rose.
Enfin, Athéna est la fille de la déesse de la sagesse, Mêtis (p.i.e *Men-tis) dont le nom rappelle très précisément celui de la déesse Minerve, son équivalente latine.
Cela nous amène à constater l’existence de trois déesses de l’aurore, celle du phénomène atmosphérique (Eôs), celle de la guerre défensive (Athêna) et celle du désir amoureux (Aphrodite), déesses par ailleurs toutes liées au dieu de la guerre Arês. Eôs et Aphrodite ont en effet été l’une et l’autre la maîtresse du dieu, alors qu’Athéna est présentée comme sa rivale sur les champs de bataille par Homère mais était souvent honorée aux côtés du dieu, comme dans le temple d’Arès à Athènes. En outre, même s’il existe par ailleurs un Zeus Areios, une version guerrière du dieu suprême, parmi toutes les déesses, seules Athéna et Aphrodite sont qualifiées d’Areia. Arês joue ici son rôle originel, celui de dieu de l’orage et de la guerre, même si, sous l’influence crétoise, les Grecs ont préféré conférer désormais à Zeus cette fonction de dieu foudroyant, qu’en revanche son homologue germano-scandinave Thor conservera.
Déesse de l’amour et de la guerre.
*Ausōs est donc une déesse plutôt complexe, liant deux aspects qui peuvent paraître contradictoires. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène propre aux divinités indo-européennes, puisque la déesse proto-sémitique *Ațtartu associait ces deux rôles, tout comme la déesse sumérienne Inanna, même si en revanche elle n’était pas aurorale. Par ailleurs, comme dans le cas grec, la déesse de l’aurore sous son nom propre a bien souvent perdu de sa superbe au profit de divinités nouvelles. Ce n’est toutefois pas le cas partout.
Dans le monde indo-iranien, la déesse Ushas (sanskrit) ou Ushah (vieux-perse) a conservé ses traits originels, même si elle partage désormais son rôle de déesse de l’amour avec la Venus indienne, la déesse Rati, « le Désir », mère du dieu de l’amour Kama comme Aphrodite est celle d’Erôs. Chez les Lituaniens, la déesse lituanienne Aushrinè reste au premier plan, alors que chez les Lettons, pour une raison inexpliquée, elle a changé de sexe et est devenu le dieu Auseklis et personnifie par ailleurs la planète Venus.
En revanche, chez les Romains, même si Aurora a conservé des éléments de culte plus solides, elle connaîtra une évolution parallèle à celle qu’elle a connue chez les Grecs. Si Aurora est Mater Matuta, « la déesse des matins », attestant de son rôle atmosphérique, elle n’est plus une déesse guerrière, son rôle étant repris par Minerve, et plus non plus déesse de l’amour, car Venus a pris le relai.
Dans le rôle de déesse aurorale guerrière, on trouve les Zoryas slaves (au nombre de trois), les Valkyries germano-scandinaves, toutes casquées et armées comme Athéna. Dans le rôle de déesse aurorale de l’amour, c’est en revanche Lada chez les Slaves et Freya chez les Germano-scandinaves. Cela explique pourquoi une partie des guerriers morts ne va pas au Valhalla pour rejoindre Odin mais au paradis de la déesse Freya, illustrant à l’état de vestige un rôle guerrier plus ancien. Freya, dont le nom signifie sans doute « chérie » (p.i.e *priya), est la Venus scandinave, alors qu’Ostara, déesse de l’aurore fêtée au moment de la Pâques germanique, est restreinte aux questions de fécondité de la nature.
La déesse albanaise Premtë, épouse du dieu de l’orage Perëndi, remplace Agim, « l’aurore », de même que la celte Epona, « celle du cheval », car une des représentations les plus anciennes est celle d’une Aurore cavalière. La Brighid celte, déesse vierge comme Athéna, et qui était appelée Brigantia par les Gaulois, patronnait les affaires guerrières, et apparaissait sous son aspect le plus cruel sous les traits de Morrigain.
Déesse de la planète Venus.
Indo-européens et Sémites ont, pour une raison mystérieuse, sans doute liée à la couleur de l’astre, associé l’Aurore et la planète Venus. En revanche, les Sumériens avaient lié la planète Venus à la déesse Inanna, aucune déesse spécifique de l’aurore n’apparaissant dans leur mythologie. Si les Akkadiens ont simplement remplacé Inanna par leur Ishtar, les peuples ouest-sémitiques ont en revanche associé l’astre à leur propre dieu de l’aurore, Shahar.
Une des particularités du dieu Shahar c’est d’avoir engendré deux frères jumeaux, qui sont Helel, dieu de l’étoile du matin, et Shalem, dieu de l’étoile du soir. On retrouve un phénomène comparable chez Aphrodite, Venus et le dieu letton Auseklis. Il est difficile de savoir si c’est un emprunt des Indo-Européens aux Sémites, ou bien des Sémites aux Indo-Européens, et à quelle époque. Chez les Arabes païens également, deux dieux jumeaux patronnent le matin et le soir, à savoir Aziz et Ruda.
Aphrodite est la mère de Phosphoros, également appelé Eosphoros, « porteur d’aurore », ce qui est significatif, et de son frère Hesperos. De la même façon, probablement par imitation de la déesse grecque, Venus est la mère de Lucifer et de Vesper, l’un et l’autre pouvant s’expliquer par le proto-indo-européen (*leuks-bher, « porteur de lumière » et *wesperos, « soir »). Enfin, les jumeaux divins de la mythologie lettone, fils du dieu du ciel Dievs, à savoir Usins (« Aurore ») et Martins (« Mars ») sont également associés au matin et au soir.
Si la planète Venus semble associée dès l’époque proto-indo-européenne à la déesse *Ausōs, l’introduction de deux fils patronnant le matin et le soir, un dieu du matin et un dieu du soir, semblent résulter d’une influence extérieure, sumérienne ou sémitique. Ainsi, chez les Celtes, les Germains, les Slaves par exemple, mais aussi en Inde et en Lituanie, on ne retrouve pas de « fils de l’aurore » patronnant le matin et le soir. Ce n’est le cas concrètement qu’en Grèce et à Rome, cette dernière ayant été en outre considérablement influencée par son aînée en Méditerranée. En outre, les jumeaux divins ne sont pas non plus « fils de l’Aurore », mais fils du dieu du ciel (Zeus en Grèce, Dievas en Lituanie, Dyaus en Inde), rôle repris à Rome par le dieu de la guerre (Romulus et Rémus sont fils de Mars et non de Jupiter).
Le mythe de la déesse-vierge guerrière.
On a pu constater que lorsqu’une déesse a remplacé l’Aurore dans son rôle guerrier, elle y a pris les traits d’une déesse virginale. C’est notamment le cas d’Athéna et de Minerve, comme si une sexualité accomplie était incompatible avec ce rôle plutôt masculin. Et c’est en raison d’une histoire d’amour que la valkyrie Brynhildr, amoureuse de Siegfried, connaîtra bien des tourments. Cette virginité est aussi l’apanage d’Artémis, déesse de la chasse et de la nature sauvage inviolée.
La déesse-vierge a été remplacée dans la mythologie européenne par la Vierge Marie, privée pourtant de tout rôle militaire. L’ « amazone » est devenue une sorcière, promise à la mort, et d’ailleurs Diane est considérée au moyen-âge comme la déesse par excellence du sabbat. La femme européenne pouvait apparaître comme une guerrière, ou en tout cas avait un rôle pour galvaniser les guerriers, même si elle ne participait pas directement au combat. Ce mythe se retrouve pleinement dans celui de Jeanne d’Arc, mais aussi dans les différentes incarnations patriotiques de la nation. Britannia est totalement calquée sur la Minerve romaine, et Germania ressemble à une valkyrie. La république française, incapable de rompre totalement avec le christianisme, a préféré une déesse-mère, Marianne, « petite Marie ». Elle a aussi choisi toutefois de se représenter en Cérès, déesse du blé, la fameuse semeuse, et non en divinité guerrière. On notera enfin que les Sans Culottes, et notamment Hébert, préféraient la déesse Raison, qui n’était autre que Minerve elle-même.
Venus sans Mars, Mars sans Venus.
De l’Athêna Potnia mycénienne à la déesse Raison, on retrouve une filiation que le christianisme même n’a pas réussi à rompre. Et face au puritanisme, la déesse Aphrodite a vaincu elle aussi. C’est dire si la déesse de l’aurore, en tant qu’Athéna comme en tant qu’Aphrodite, a joué et joue un rôle fondamental dans la psychê européenne. C’est elle qui raisonne Mars lorsqu’il est courroucé et l’occupe aux jeux de l’amour, délaissant alors le champ de bataille. Si Rome connut douze siècles de puissance, c’est parce qu’elle était la cité de Mars et de Venus, l’un et l’autre s’équilibrant, comme le souligna le poète Rutilius Namatianus. Et lorsque le politologue américain Robert Kagan définit l’Europe comme le continent de Venus, il nous rappelle que la puissance résulte de l’union des deux divinités, mais le dieu Mars est mal vu depuis un peu plus d’un demi-siècle en Europe. Lorsque Mars triompha, Venus était encore prisonnière des geôles vaticanes. Lorsque Venus triomphe, aujourd’hui, c’est Mars qui est sous les chaînes. Le déchaîner sauvera l’Europe. Car il n’y a pas de paix sans conflit (Venus sans Mars), et pas de science sans puissance (Minerve sans Mars).
Thomas Ferrier (LBTF/PSUNE)
17:05 Publié dans Anti-mythes, Culture, Histoire, Religion | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : aurore, eos, athena, aphrodite, déesse-vierge, 15 août |
01/01/2012
Du proto-indo-européen à l’*eurōpaiom
Le commerçant et humaniste italien du XVIème siècle Filippo Sassetti, qui avait voyagé jusqu’en Inde, avait constaté une parenté linguistique entre le sanscrit et l’italien, notamment concernant le nom du mot « dieu » [devas en sanscrit, dio en italien], la parenté et les nombres. Ce qui n’était qu’une intuition fut par la suite théorisée par plusieurs philologues et notamment par Leibniz, qui évoquera une théorie scythique pour expliquer la parenté constatée entre le persan, le sanscrit et les grandes langues européennes, antiques et modernes. Cette origine scythique sera ensuite qualifiée au début du XIXème siècle d’indo-européenne, d’indo-germanique ou d’aryenne.
Selon les linguistes et philologues du XIXème siècle, en effet, il aurait existé à l’époque préhistorique une langue ancestrale, qui sera ensuite appelée proto-indo-européen, d’où proviennent le grec, le latin, les langues de l’Inde du nord et de l’Iran, les langues celtiques, germaniques, baltes et slaves, ainsi que notamment l’albanais et l’arménien. En comparant les différents vocables dans les différentes langues-filles ainsi que les noms et mythes des divinités anciennes, les linguistes ont pu reconstituer la grammaire de cette langue originelle et un nombre important de noms, d’adjectifs et de verbes.
En 2006, des chercheurs espagnols au sein d’une université ont proposé cette langue-mère qu’est le proto-indo-européen comme base pour construire la langue nationale de l’Union Européenne, d’une manière analogue à la modernisation de l’hébreu afin d’en faire la langue nationale d’Israël. Cette langue européenne a été appelée par eux eurōpaiom, c'est-à-dire « européen », tout simplement.
L’eurōpaiom est une version plus lisible du proto-indo-européen tel que reconstitué par les linguistes. Ainsi , le nom proto-indo-européen du loup a été reconstitué sous la forme *wlkwos mais a été simplifié en europaiōm en wlqos. L’ eurōpaiom conserve en outre ses cas (nominatif, vocatif, accusatif, génitif, datif, ablatif, instrumental et locatif) et désinences associées (trois déclinaisons), ses modes verbaux (indicatif, subjonctif, optatif, participe et éventuellement infinitif), ses voix (active et médio-passive). La désinence masculine classique est en –os, comme en grec [-as en sanscrit, -us en latin] , la désinence féminine en –a, comme en grec, en latin et dans les langues slaves, la désinence neutre étant en –om.
A titre d’illustration, prenons par exemple le nom d’un dieu, deiwos au nominatif [latin deus, sanscrit devas], qui appartient à la deuxième déclinaison indo-européenne, et le nom d’une déesse, deiwa [latin dea]au nominatif, qui appartient à la première déclinaison, ces deux termes se déclinant d’une manière assez comparable au grec classique.
NOMINATIF SING. deiwos (m.), deiwā (f.)
VOCATIF SING. deiwe, deiwā
ACCUSATIF SING. deiwom, deiwām
GENITIF SING. deiwosio, deiwās
DATIF SING. deiwōi, deiwāi
ABLATIF SING. deiwōd, deiwād
INSTRUMENTAL SING. deiwō, deiwā
LOCATIF SING. deiwoi, deiwāi
NOM. PLUR. deiwōs, deiwās
VOC. PLUR. deiwōs, deiwās
ACC. PLUR. deiwōms, deiwāms
GEN. PLUR. deiwōm, deiwās
DAT. PLUR. deiwobhios, deiwābhios
ABL. PLUR. deiwobhios, deiwābhios
INSTR. PLUR. deiwōis, deiwābhis
LOC. PLUR. deiwōisi, deiwāsi
De la même façon, prenons l'exemple d'un verbe indo-européen classique, dont la première personne du singulier du présent finit par -ō comme dans le verbe grec λέγω, "je dis", à savoir bherō, "je porte". Nous avons ainsi:
PRESENT
1ère personne sing. : *bherō
2ème personne sing. : *bheresi
3ème personne sing. : *bhereti
1ère personne plur. : *bheromes
2ème personne plur. : *bherete
3ème personne plur. : *bheronti
L’association espagnole Dnghu (« langue » en eurōpaiom), fondée par Carlos Quiles et Mayte Batalla en 2007, fait actuellement la promotion de l’eurōpaiom comme langue nationale de l’Union Européenne. Vous pouvez obtenir des informations précises sur le site de cette association, dont je vous conseille fortement la consultation :
22:09 Publié dans Analyses, Culture, Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europaiom, dnghu, langue nationale de l'union européenne |
ZEUS/ΖΕΥΣ (et son ancêtre indo-européen *dyeus)
Zeus Patêr, « père des dieux et des hommes », était le dieu suprême du panthéon grec, et il peut être intéressant de retrouver la vision originelle que les anciens Grecs avaient de lui. La méthode comparative a permis de le relier au dieu romain Jupiter, dans sa forme originelle Diespiter, et au dieu indien Dyaus Pitar, reconstituant un ancien *dyeus pəter (*dieŭs pəter), qui est mot à mot « le ciel diurne père ». En tant que dieu du ciel lumineux, il s’oppose en théorie à un dieu du ciel étoilé, qui serait *werunos, et qu’on retrouve sous le nom grec d’Ouranos et sous le nom indien Varuna, dont le sens signifierait « le dieu vaste », même si certains spécialistes pensent que *werunos n’était au final qu’un aspect de *dyeus.
Alors que l’image classique d’un Zeus foudroyant nous vient naturellement à l’esprit, comme pour son homologue latin Jupiter, Zeus était au départ, on l’a vu, un dieu du ciel lumineux, privé ainsi de la fonction orageuse qu’on lui connaîtra. Ainsi, son homologue indien Dyaus, mais aussi le hittite Sius, le lituanien Dievas, et enfin le dieu germano-scandinave Tius/Tyr, sont des dieux purement célestes, alors que la foudre relève du dieu de deuxième fonction, dieu à la fois de l’orage et de la guerre, à l’instar de l’indien Indra, du hittite Tahrunt, du lituanien Perkunas ou encore du dieu germano-scandinave Donar/Thor. En revanche, ni l’Arès grec ni le Mars romain ne semblent disposer d’une telle fonction, même si certains mythes italiques dédiés au second relient bien ce dernier, de manière discrète, à ce rôle.
La religion proto-indo-européenne témoigne ainsi d’une opposition entre le dieu du ciel lumineux et le dieu du ciel orageux, entre *dyeus et *maworts, opposition qui sur un plan symbolique distingue le père et le fils. En tant que dieu d’un ciel intermédiaire, *maworts est lié à la déesse aurorale *ausos et s’il a pour père le maître des cieux, il a pour mère la déesse de la terre, parfois représentée dans ce rôle par l’épouse officielle du dieu souverain, à l’instar d’Héra. Thorr est ainsi le fils d’Odhinn, qui a repris une partie des rôles de Tyr, et de Jörd, la Terre personnifiée. Indra apparaît aussi comme le fils du couple ciel/ terre, c'est-à-dire Dyaus/Pŗthivi.
Une explication possible est de considérer cette évolution de *dyeus par l’influence des populations pré-indo-européennes de la région, et en particulier des Crétois. En effet, il ne semble pas que chez ces derniers le dieu du ciel et le dieu de l’orage aient été deux divinités identiques, et qu’un dieu guerrier ait existé privé de ce rôle. Cela pourrait expliquer pourquoi Zeus possède la foudre mais qu’Arès est cantonné à un rôle strictement militaire. Une autre explication serait qu’Héraclès, dont le nom signifie « gloire d’Héra », peut-être épiclèse à l’origine d’Arès, et dont l’héroïsme et l’usage d’une massue le rapprochent du Thor scandinave, ait fait concurrence au dieu guerrier. Mais, à aucun moment, et dans aucun mythe, Héraclès n’apparaît lançant la foudre.
Dans la mythologie grecque, Zeus a eu plusieurs épouses successives, sans parler de nombreuses maîtresses parmi les déesses et les mortelles. En premier lieu, il a épousé Thémis, la Justice, puis Mêtis, la Sagesse, correspondant ainsi aux principales valeurs incarnées par Zeus, à savoir la sagesse infinie, « Ahura Mazda » en vieil iranien, et la justice divine. Parmi ses maîtresses, Léda et Léto ont eu du dieu des jumeaux, les Dioscures (Castor et Polydeucès) de la première, Apollon et Artémis de la seconde. Léda et Léto semblent correspondre linguistiquement à deux divinités indiennes, à savoir Rati, déesse de l’amour, et Ratri, déesse de la nuit.
Les autres épouses et maîtresses apparaissent comme autant d’incarnations de la déesse-mère par excellence, la Terre. C’est bien sûr le cas de Déméter, de l’indo-européen *dhghōm məter, « terre-mère », mais aussi de Maia (la « Mère »), et probablement d’Héra, si on relie cette dernière à la racine *er(t)a qui désigne également la Terre. Les Indo-Européens pouvaient nommer l’épouse de *dyeus par du nom de *diwnī, « celle de *dyeus », désignant cette déesse dans son rôle de parèdre du dieu. On la retrouve sous les traits de la grecque Dioné, mère d’Aphrodite, alors que Danaé en revanche provient du nom de la déesse indo-européenne des eaux, *Danu.
Dans la tradition grecque, Zeus est bien géniteur de plusieurs dieux de seconde génération (Arès, Héphaistos, Apollon, Hermès, Aphrodite) mais partage le pouvoir avec ses frères (Poséidon et Hadès) et ses sœurs (Héra, Hestia et Dêmêtêr) et par ailleurs n’est pour rien dans l’existence des dieux célestes (Hélios, Séléné et Eôs) qui semblent même préexister à sa naissance.
En fait, la mythologie grecque aime à dédoubler ces trois divinités en autant de versions. Le Soleil est ainsi Hypérion sous sa forme titanienne, Apollon sous sa forme olympienne, et Hélios en général. La Lune est Phébé sous cette première forme, Artémis sous la seconde, et simplement Séléné. Quant à l’Aurore, Eôs, elle apparaît sous une forme olympienne à la fois sous les traits de la déesse guerrière Athéna et de la déesse amoureuse Aphrodite. En effet, la déesse indo-européenne de l’aurore, *ausos, possède ces deux dimensions simultanément. Le lien entre la déesse aurorale et le dieu orageux est assuré par l’existence culturelle d’une Athéna Areia et d’une Aphrodite Areia, toutes deux en relation avec Arès, et par un mythe faisant d’Arès l’amant d’Eôs, comme il l’a été selon cette fameuse version odysséenne, d’Aphrodite elle-même.
Sous l’influence anatolienne en effet, Zeus lui-même n’est pas le premier dieu, même si la tradition indo-européenne évoque certes un dieu des commencements, qui serait *yanos, d’où viendrait le nom du Janus latin, dieu antérieur à *dyeus mais sans filiation avec ce dernier, et qu’on pourrait retrouver avec Chaos en grec. Le premier dieu du ciel est ainsi Ouranos, suivi de son fils Cronos et enfin de son petit-fils Zeus. Cela ne correspond pas à la tradition indo-européenne où *dyeus est bien *pəter au sens fort, la seule exception étant alors l’existence d’une épouse, parce qu’elle-même *məter, et engendre tous les autres dieux et déesses composant le panthéon. Maître de la lumière, c’est sous la forme de ses trois fils principaux que se partage la chaleur divine, entre le feu céleste (*sawel, « l’astre solaire »), l’éclair ou feu de l’espace intermédiaire (*maworts) et le feu terrestre (*egnis, « le feu »). Ainsi Zeus est-il bien père d’Apollon, d’Arès et d’Héphaistos, qui correspondent à l’origine à ces trois dimensions ignées.
Enfin, de toutes les filles de *dyeus, la plus estimée est celle qui est qualifiée de *dhughətêr *diwos (fille de *dyeus), à savoir la déesse de l’aurore *ausos. On retrouve cette dimension chez les Grecs puisque Athéna, déesse la plus estimée par son père, est qualifiée elle aussi de « Fille de Zeus ».
Thomas Ferrier
Addendum:
Certains affirment que "Dieu" viendrait du nom de Zeus, alors que c'est plus complexe. On l'a vu, Zeus vient du nom indo-européen du dieu du ciel, *Dyeus. Ce dernier nom a servi pour former le terme générique en usage pour désigner un dieu ou une déesse, *deywos et *deywi (ou *deywa). Le *deywos est une émanation de *Dyeus. Alors que le nom de *Dyeus a donné le grec Zeus et le latin Dies (nominatif de Ju-piter), le mot *deywos a donné le latin deus, le celte devos, le sanscrit devas, le mot *deywi/*deywa ayant de son côté abouti au latin dea, au celte deva, au sanscrit devi. Sous l'empire romain, le mot Dieu (avec d majuscule), latin Deus (en grec Theos, bâti sur un autre terme indo-européen pour désigner une divinité, *dhesos), a été employé par les "païens" pour désigner le dieu suprême, Zeus/Jupiter, parfois remplacé par Hélios Anikêtos/Sol Invictus par certains païens de l'antiquité tardive, et a aussi été repris par les chrétiens pour désigner leur dieu unique.
19:28 Publié dans Culture, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zeus, dyeus, dieu du ciel, arès, athéna, paganisme, olympe, hellénisme, thomas ferrier |
27/11/2011
Immortals - retour sur l'Olympe
Avertissement à ceux qui n’ont pas encore été voir ce film, film que je vous recommande. Cet article dévoile des éléments clé de l’intrigue.
Tarsem Singh, producteur indien, ce qui a pu influencer sa vision des olympiens, assisté des réalisateurs de 300, nous propose Immortals, en salle en France depuis le 23 novembre, un nouveau péplum en 3D utilisant les dernières technologies en matière d’effets spéciaux. Le scénario, écrit par deux helléno-américains, Charles et Vlas Parlapanides, est centré sur une Grèce de légende, au XIIIème siècle avant notre ère, à une époque proche de celle retenue par Petersen dans son Troy. A la différence du second, qui tentait de reconstituer une Grèce mycénienne crédible en guerre contre une Troie anatolienne, le film ne cherche pas le réalisme. L’Athènes classique, se retrouve ainsi propulsée sept siècles auparavant, et se voit ainsi située à côté d’un mont Tartare, et y apparaît plus brillante que l’historique.
Dans ce cadre mythologique dans lequel, à la différence de Troy et de 300, les dieux interviennent concrètement, le héros Thésée, réduit à son mythe le plus élémentaire, le combat contre le Minotaure, ce dernier étant incarné par un guerrier à masque taurin, est choisi par Zeus, qui l’a entraîné à son insu, grimé sous les traits d’un vieillard joué par John Hurt, pour s’opposer à un roi crétois dominateur et castrateur, au sens strict, incarné par le remarquable Mickey Rourke, jouant le personnage d’Hypérion (et qui est assimilable à Minos).
Comme dans Clash of the Titans, Zeus a interdit au nom d’une règle obscure aux dieux d’intervenir en faveur des humains, alors même que l’ennemi de Thésée envisage de libérer les Titans, en se servant de l’arc d’Héraclès, pour se venger de dieux inactifs face à son drame personnel. La vision de la religion est d’ailleurs très moderne, même si transposée aux dieux hellènes, opposant une forme d’athéisme d’état à une religiosité populaire méprisée. Pour les dirigeants, les dieux ne sont que des allégories poétiques, alors qu’ils sont authentiques pour les simples mortels. Ceux-ci font le choix de ne pas apparaître aux yeux des mortels, et ne comptant que sur la foi des mortels en eux-mêmes. Pourtant, il ne s’agit pas dieux distants, car ils ont le souci des hommes, mais de dieux contraints à l’impuissance.
Cette règle, toutefois, et malgré les menaces de Zeus de la faire appliquer en condamnant à mort ceux qui y dérogeraient, ce qui est étrange pour des dieux immortels, est contournée par Poséidon, Athéna et Arès. Il est assez surprenant que de tous les dieux, c’est Arès, le dieu de la guerre, très décrié dans la tradition grecque et dans la tradition mythographique moderne, qui prenne ses responsabilités, muni d’un marteau de guerre qui l’assimile ainsi au Thor nordique, en écrasant le crâne des adversaires d’un Thésée enchaîné. Il le paiera de sa vie, car en effet, dans cette fresque mythologique, les dieux apparaissent mortels, mais on comprendra à la fin qu’ils ne le sont que d’apparence.
Au final, les Titans, sortes d’anti-dieux à la peau bleue et lépreuse, se limitant à de sauvages grognements, sont libérés et obligent les dieux à combattre et à mourir pour en préserver l’humanité. Seul Zeus parvient à survivre, alors que ses frères, ses fils et ses filles meurent à ses côtés. Il emporte le corps de sa préférée, Athéna, sur l’Olympe, sans oublier de sauver Thésée, qui accède en récompense de ses actes à l’immortalité. En effet, le principe de l’immortalité de l’âme est explicitement affirmé, et le ciel se conquiert.
La dernière scène du film, vision du futur qui apparaît au jeune Acamas, fils de Thésée, explicite cette réalité, à savoir que le combat des dieux contre les titans, du cosmos contre le chaos, est éternel, et que les héros immortels combattent à côté d’eux pour protéger l’univers. Cette scène, qui rappelle le crépuscule des puissances (Ragnarök) de la mythologie germano-scandinave, évoque le principe cyclique d’éternité du monde. Certains commentateurs ont voulu voir l’affirmation de principes chrétiens, mais le film présente au contraire, même involontairement, même selon une lecture moderne des religions anciennes, une vision assez juste de l’antique paganisme.
Dans un style classique et épuré, où le statuaire grec est globalement respecté, même s’il est quelque peu « brekerisé », Tarsem Singh présente une population grecque essentiellement européenne, même si pour des raisons bien connues, il a été contraint d’introduire un petit pourcentage d’acteurs afro-américains dans son casting, mais toujours dans des rôles très secondaires. On imagine les pressions qui peuvent exister outre-atlantique pour imposer un casting cosmopolite, ce qui aboutit à choisir un afro-américain pour jouer le dieu scandinave Heimdall dans Thor ou une afro-américaine pour jouer l’iranienne Roxane dans le médiocre Alexander d’Oliver Stone. Singh semble se venger lorsqu’il aborde la question de la représentation des dieux. Ceux-ci portent des armures lorsqu’ils combattent et des tenues beaucoup plus légères dans les autres cas. Il a insisté de manière évidente sur le caractère nordique des dieux, même si Zeus reste d’un brun classique et a une barbe légère, conformément à la tradition et au statuaire antiques. Le choix d’une actrice indienne, Freida Pinto, pour jouer la prophétesse Phèdre et qu’il unit au héros Thésée, jouée par Henry Cavill, est surprenant mais semble réussi. Cette union symbolique de l’Occident indo-européen d’avec l’Orient indo-européen est une heureuse trouvaille.
Si Tarsem Singh a été plus prudent que Zach Snyder dans 300, afin d’éviter de bien embarrassantes critiques malgré son origine, il a tenté de réduire la « diversité » à son minimum syndical. La vision qu’il donne des dieux de l’Olympe en est d’ailleurs l’antidote. Appréciable également est le début du film où les oracles parlent a priori en grec (moderne).
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
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31/10/2011
Le fondateur de la République !
250 ans environ après la fondation de Rome par Romulus, le roi mythique et fils du dieu Mars en personne, Rome vit sous la tutelle d’un souverain étranger, un prince du nom de Tarquin, Tarchon en étrusque, dont le nom rappelle une ancienne divinité hittite de l’orage, Tahrun[tas], étayant l’hypothèse d’une origine anatolienne du peuple étrusque et base peut-être du mythe des origines troyennes de Rome.
Contrairement à son ancêtre Tarquin l’ancien, qui avait conservé dans le cœur des Romains une image plutôt positive et avait su se faire accepter, ce Tarquin se montre irrespectueux des institutions anciennes de la cité, et la tradition le qualifie de tyran. Il est qualifié tout particulièrement de l’adjectif superbus, qu’il convient de traduire dans son sens strictement latin, « orgueilleux ». La superbia latine correspond très exactement à l’hybris grecque, « la démesure » consistant à se prendre pour un dieu. La religion grecque estimait qu’il n’y avait pas de plus grande impiété, et même les héros n’étaient pas à l’abri d’une sanction divine, à l’instar de Bellérophon qui voulait rejoindre l’Olympe, monté sur le cheval Pégase, ou encore d’Icare qui voulait aller aussi haut que le soleil. La déesse Némésis, la « vengeance divine », se chargeait d’exécuter la sentence contre les fautifs, si ce n’était pas Zeus en personne, foudroyant le mortel imprudent.
Lucius Junius Brutus, frère de la belle Lucrèce, serait donc l’instrument de la colère des dieux. Rappelons les faits qui mirent le feu aux poudres et amenèrent les romains à fonder la première république de l’histoire, à la même époque à peu près où les structures de la démocratie athénienne voyaient le jour. Lucrèce, épouse fidèle et digne, contre-modèle féminin de Tarpeia, est violée par Sextus, fils du roi Tarquin, en l’absence de ce dernier parti guerroyer. Souillée, bien que contrainte, Lucrèce met fin à ses jours en se poignardant.
A la découverte du drame, Brutus s’empare du poignard recouvert de sang avec lequel sa sœur s’est tuée, et levant le poignard vers le ciel, en appelle au dieu Mars, le père des Romains, mais aussi un dieu réputé comme son homologue grec Arès pour sa férocité, afin que ce dernier par son intermédiaire venge son honneur et chasse de Rome les tyrans étrangers. Il s’appuie sur les Comices, l’équivalent de l’assemblée des citoyens, bien davantage que sur le sénat, au sein duquel demeurent des soutiens au souverain déchu. C’est donc bel et bien une révolution populaire afin de rendre à Rome sa liberté mais c’est aussi un choix politique nouveau, en rupture avec la royauté traditionnelle indigène, celle des quatre premiers rois de Rome. Ainsi naît la Res Publica, c'est-à-dire « l’Intérêt Général » incarné, qu’on pourrait traduire en grec par Demokratia, en 509 avant notre ère.
Cette révolution amène les Romains à combattre les Etrusques, alors maîtres du nord de la péninsule italique, que Tarquin ramène avec lui pour reprendre le pouvoir. Cela nous rappelle les royalistes en 1789 partis chercher du secours au sein des monarchies voisines et la tentative avortée de Louis XVI de s’y réfugier. Tarquin ne reverra pas Rome et les Romains sauront conserver leur indépendance les armes à la main. Ses biens seront saisis, et notamment sa propriété foncière, qui sera donnée au peuple romain. Cette dernière deviendra le Champ de Mars (Campus Martius) où se rassemblent les armées citoyennes à l’ouverture de la période militaire, prêtes à conquérir au nom de Rome de nouvelles terres et à soumettre les peuples voisins.
C’est donc au dieu Mars, en remerciement de son secours, et pour avoir permis à Brutus d’accomplir son serment, que ce domaine sera consacré. Mais le blé récolté, frappé d’impureté, sera offert à la divinité du fleuve Tibre et ne sera pas consommé. Le temple de Jupiter sur le Capitole, dont Tarquin avait commencé la réalisation, ne fut pas abandonné mais c’est désormais à un Jupiter Liberator, en plus d’être « très bon et très grand » (optimus et maximus) qu’il sera consacré, correspondant assez bien au Zeus Eleutherios des Grecs.
Comme l’avaient annoncé les augures à Romulus, Rome avait douze siècles devant elle. Deux siècles passés, Rome était libre et prête à conquérir le monde. Elle devrait subir l’humiliation de la victoire gauloise de Brennus, certes vengée immédiatement par Camille, et Hannibal à ses portes, mais au nom de la liberté de ses citoyens, qui avaient cessé d’être des sujets, au nom d’une conception sociale et héroïque de l’homme, tant que ses dieux seraient honorés, Rome rayonnerait. Le poète italien Carducci au début du XXème siècle, se souvenant avec nostalgie de cette Rome virile et païenne, osa déclarer que Rome cessa d’être victorieuse « le jour où un galiléen roux monta les marches du capitole ».
Brutus, dont le nom soulignait son caractère brutal ou son intelligence limitée, portait un nom fondamentalement lié au dieu de la guerre, que la mythologie ne présente pas toujours, comme son cousin du nord Thor, comme un esprit éclairé, à la différence de sa sœur Minerve. Héritier de ce fait du noble lignage de Romulus, son devoir était tout tracé. Il alla même jusqu’à regarder en face deux de ses fils, qui avaient trahi les intérêts de Rome, alors qu’ils étaient exécutés. Symbole du devoir et du dévouement à sa patrie, c’est son image qui dans l’esprit de Brutus le Jeune l’amena à l’irréparable.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que César, héros du peuple, et qui n’aspirait probablement pas à se faire roi, se souvenant de cette haine des tyrans que Brutus avait enseignée, était lui-même protégé par Mars. Le dieu, qui avait apporté son soutien à Brutus l’Ancien et aussi à la fin du IIème siècle à Brutus Callaicus, ce en quoi le dieu en avait été remercié par la construction d’un temple en son honneur, avec une magnifique statue réalisée par le sculpteur Scopas, le représentant apaisé, son fils Cupidon jouant avec ses armes à ses pieds, se mit du côté d’Octavien et d’Antoine, vengeant le conquérant de la Gaule.
Beaucoup de nos jours se disent « républicains », en particulier en France, mais ne savent pas pourquoi. Alors qu’ils se rangent au service d’intérêts étrangers et d’une domination tarquinienne, celle du capitalisme international et de la finance mondialisée, et qu’ils trahissent le peuple, ils se revendiquent tout comme le jeune Brutus d’une tradition qu’ils méprisent ou simplement ne comprennent plus. Brutus l’Ancien nous rappelle qu’un vrai républicain soumet tout aux intérêts sacrés de sa patrie. Qui seront les « Bruti » qui libéreront les Européens de tous ces jougs ? Ceux qui établiront la République Européenne, forte et prospère, réconciliant Mars et Mercure sous le patronage d’un nouveau Jupiter Libérateur, l’époux taurin d’Europa.
Aux Tarquins du Système, nous répondrons donc « souvenons nous de Lucius Junius Brutus, qui donna jusqu’à sa vie pour sa patrie ». Nous combattrons jusqu’à ce que l’Europe renaisse, jusqu’à ce que, nouveaux romains, les Européens soient à nouveau maîtres chez eux, souverains de leur sol, gardiens de leur lignage. L’Europe souillée, c’est Lucrèce violée. Lucrèce vengée, c’est l’Europe libérée.
Thomas Ferrier
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29/08/2011
Petrobey, un héros européen !
(Article d'octobre 2008)
La Laconie. Province du sud-est du Péloponnèse, elle abrite en son sein la célèbre cité de Lacédémone, là où Ménélas et Hélène ont été inhumés, plus connue sous son nom de Sparte. A côté des ruines de Sparte se trouvent les ruines de la cité des philosophes byzantins, Mistra, dont ne subsistent plus que quelques monastères. Alors qu’Athènes nous a laissé des ruines imposantes, il ne reste plus grand chose de l’ancienne Sparte, si ce n’est la poésie de Tyrtée.
Le peuple laconien a su résister et vaincre les troupes perses de Darius, côté à côte avec le peuple attique, et du temps d’Alexandre est resté le seul peuple indépendant d’Hellade. Lorsque les Romains prirent des siècles après la Grèce aux Macédoniens, Sparte, jugée comme une sorte de Rome plus ancienne, fut protégée par le pouvoir impérial. Ses traditions furent préservées et il n’est pas étonnant que de toutes les provinces de l’empire romain, ce soit elle qui ait le plus longtemps résisté à la christianisation. En effet il faudra attendre la fin du Xème siècle pour que Nikôn l’Arménien, accompagné de troupes byzantines, convertisse de force la Laconie à la nouvelle religion, non sans mal puisqu’il lui faudra plus de trente ans pour y parvenir, de 950 à 988 après J.C.
Par la suite, sept ans après la chute de Constantinople, en 1460, le despote de Morée, autre nom du Péloponnèse, Dimitrios Paleoloyos, doit baisser les bras devant les troupes turco-musulmanes de Mehmed II. Mistra, cité qui a abrité le grand philosophe néo-païen Gémiste Pléthon, celui-là même qui voulait revenir à la conception spartiate de la société pour vaincre l’ennemi ottoman menaçant, tombe. La Grèce est soumise. Elle demeurera aux mains de la Sublime Porte pendant près de trois siècles.
Il n’est dès lors pas étonnant que le cri de la liberté provienne de cette contrée réputée pour le courage de ses combattants. C’est le 17 mars 1821, ce mois consacré au dieu romain de la guerre, que le « bey » du Péloponnèse, le grec Petros Mavromichalis (1765-1848), décide de lever bien haut le drapeau de la révolte. Il le fait au cœur de sa petite ville de Laconie, Areopoli, un nom prédestiné puisque cette « cité d’Arès » honore par son nom le dieu grec de la guerre, Aris. Et le drapeau qu’il lève n’est pas innocent. Il est blanc avec une croix bleue en son sein, ce qui nous rappelle le drapeau de la Grèce contemporaine. Et sur ce drapeau, deux inscriptions en caractère hellénique rayonnent. La première est niki i thanatos, « la victoire ou la mort », et la seconde est tan i epi tas, « reviens avec ton bouclier ou sur lui », célèbre devise de l’antique Sparte. C’est ainsi que la Grèce courageuse leva l’épée face à l’empire ottoman. Le courage des combattants hellènes à Missolonghi, galvanisés par Lord Byron, et le sort tragique qui fut le leur, amena l’Europe occidentale à intervenir et à forcer les Ottomans à accorder à la Grèce son indépendance. Il faudra neuf ans de combat, neuf ans de souffrance, pour qu’Athènes et Sparte soient à nouveau libres.
Petros Mavromichalis était un véritable héros européen qui jamais ne renonça à la liberté de sa patrie. Il mourut le 6 août 1848 à Athènes, après avoir connu une brillante carrière politique. Il avait choisi de ne jamais se coucher devant l’ennemi, fut-il en surnombre, et avait cru à l’impossible. Et l’impossible se réalisa. Ceux qui jettent leur bouclier à terre, ceux qui renoncent au combat, ceux qui « prennent acte » c'est-à-dire subissent le réel au lieu de le dominer, ceux-là sont indignes de se dire européens. Mavromichalis, tout comme Mazzini, Garibaldi ou Blanqui, nous montre la voie. Il n’y a aucune récompense au renoncement. Nous ne renoncerons donc jamais.
Thomas Ferrier
Mise à jour: alors que la Grèce subit un diktat économique terrible du fait de la mondialisation économique et de l'incapacité de l'Europe à s'unir et à opposer un front commun aux spéculateurs, l'exemple de Petros Mavromichalis face à un empire oppresseur, celui des Ottomans, rappelle à quel point il ne faut rien céder face à l'ennemi mais bien au contraire lui prendre tout. Le combat grec pour l'indépendance fut d'ailleurs aussi un combat européen, l'engagement à Missologghi de Lord Byron notamment, qui a été au bout de ses idées, et qui est mort au nom de la Grèce authentique, nous le rappelant. Le combat des travailleurs grecs et de la jeunesse courroucée est aussi le nôtre. Mais il ne pourra s'exprimer que dans le cadre d'une action européiste résolue, intransigeante tant vis à vis des gouvernants en place que des institutions "internationales" et lucide sur ce qui ronge l'Europe de l'intérieur.
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10/05/2011
Romulus, conditor urbis Romae
De souche italique, bien que la tradition ultérieure en ait fait un rejeton lointain d’Iule, le fils du héros troyen Enée, le fondateur de Rome en 751 avant J.C associe en lui l’histoire mythifié du premier roi des Romains avec la tradition mythologique indo-européenne, et italique, dont il est l’héritier.
La tradition romaine présente Romulus et Rémus comme deux jumeaux divins, nés des amours du dieu Mars avec une princesse vestale du nom de Silvia, recueillis par des animaux, une louve dont les nouveaux nés purent boire le lait et un pivert qui leur amena de quoi manger, puis par un berger et son épouse. Lorsque la volonté divine souhaitera départager les deux frères, après qu’ils aient su qui ils étaient en vérité et qu’ils aient décidé de fonder une nouvelle cité, Romulus mit son frère à mort, à l’issue d’un combat entre eux deux et alors que les signaux envoyés par Jupiter étaient d’interprétation mal aisée, Romulus ayant vu douze vautours alors que Rémus n’en avait vus que six mais avant que son frère ne voit les oiseaux qui lui étaient dédiés. Incapables de décider entre le nombre et l’antériorité, par le biais d’un duel, Romulus se montra supérieur à son frère. La tradition indo-européenne présente d’ailleurs les deux jumeaux comme inégaux, l’un étant mortel et l’autre immortel (Castor et Polydeucès par exemple).
Fondateur d’une cité sur le sang de son frère, Romulus s’associe un peuple de bergers et de maraudeurs de souche latine qu’il place sous le patronage de son propre géniteur, le dieu guerrier. Mars était d’ailleurs d’une manière générale le patron des nouvelles cités et tribus italiques, toutes fondées par le biais d’un rite ancestral, le ver sacrum ou « printemps sacré », consistant en l’expulsion d’une partie de la jeune génération, guidée vers un nouvel emplacement par le dieu Mars sous les traits d’un animal spécifique (loup pour les Hyrcaniens, ours pour les Ursins, cheval pour les Eques, pivert pour les Picéniens… etc).
Cité d’hommes, Rome doit se doter de citoyennes et les premiers romains prirent femmes en s’emparant des filles sabines, retirées de force à leurs familles. A l’issue d’un conflit qui rappelle celui des Ases et des Vanes dans la mythologie germanique, Sabins et Romains ne font désormais plus qu’un, une fois que les mariages forcés ont été validés par les jeunes épouses et purifiés par la déesse Venus Cloacina, et ce malgré la trahison de l’une d’entre elles, Tarpeia, mal récompensée par les dieux pour avoir voulu offrir Rome à son ancien peuple.
Le règne guerrier de Romulus, fidèle en cela à l’esprit de son père, est davantage l’expression de la vengeance du fils abandonné sur sa famille latine qui l’a rejeté et qui a causé la mort de sa mère. A l’issue d’une vie bien remplie, les mythes varient sur le sort donné au héros. A-t’il été assassiné par les premiers sénateurs, ennemis de tout pouvoir personnel, selon cette haine des rois qui a été une des caractéristiques du peuple romain jusqu’à ce qu’il tombe en soumission devant les « nouveaux rois » qu’étaient les empereurs tyranniques qui succédèrent à Auguste ? Ou bien a-t’il été emporté dans un orage et est-il monté au ciel ? Cette seconde tradition paraît davantage conforme au mythe originel et peut s’interpréter de deux manières. Une première lecture est de voir dans cette disparition l’enlèvement du héros par son père Mars, ainsi introduit par les immortels, un Mars orageux qui ressemblerait davantage à ce que son prototype ancestral avait pu être à l’époque indo-européenne. Une seconde serait de voir dans l’orage lui-même l’expression du pouvoir de Romulus lui-même.
En effet, une fois disparu du monde des vivants, Romulus est divinisé sous le nom de Quirinus, qu’on interprète généralement comme Couirinus, « rassembleur des hommes ». Mais une étude récente laisse à penser que Quirinus serait la variante latine du terme indo-européen de *perkwunos, « frappeur », épiclèse du dieu de l’orage. Quirinus est ainsi présenté par Florus comme un Mars tranquille (Mars Tranquillis), donc comme la variante du dieu guerrier sous une forme plus douce. On peut voir ainsi en un Mars Quirinus le dieu dans son rôle de maître de l’orage fécondant la terre (et les champs fertiles), à la différence d’un Mars Gradiuus plus spécifiquement guerrier.
A l’issue du césaricide que les assassins présenteront comme une défense de la république face à un aspirant roi, alors même que César avait donné des gages explicites de sa volonté de ne pas revendiquer un pouvoir de cette nature, mais qu’on pourrait aussi comprendre comme la peur face à un conquérant aventurier qui souhaitait attaquer le royaume parthe, royaume à l’époque considéré comme terrible, contre lequel s’était brisé le triumvir Crassus et face auquel Antoine quelques années après la mort du grand homme se heurta également, Octavien avait songé à prendre le nom de Romulus, pour finalement choisir celui d’Augustus. Le mythe d’un Romulus lui-même mis à mort comme César le dissuada de se revendiquer explicitement de ce glorieux ancêtre.
Octavien était issu d’une famille liée au culte de Mars, dieu dont César se revendiquait le représentant, et c’est au nom de Mars Vengeur (Ultor) qu’Antoine et lui massacrèrent les sénateurs renégats à l’issue de leur victoire commune de Philippes. Devenu princeps, il fit construire au cœur de son forum un temple massif dédié au dieu romain, accompagné de nombreuses statues des pères fondateurs de Rome, Romulus en tête, ainsi qu’Enée ou encore Camille, autre fidèle de Mars à qui il avait dédié un temple à l’entrée de la Porte Capène.
Lorsque l’empereur Maxence voulut redonner en 310 A.D toute sa splendeur à la Rome impériale, et notamment fit rebâtir ou rénover de nombreux temples, il donna à son fils le nom de Romulus. Au nom d’un Mars Propagator, Maxence voulut refonder Rome pour une nouvelle marche en avant. Mais son armée sera écrasée par Constantin l’apostat, alors même que son corps ne sera pas retrouvé. Dernier Romulus, le fils d’Oreste eut un destin à peine plus favorable, si ce n’est qu’il fut empereur. Romulus Augustus, que ses adversaires surnommaient Augustulus, « le petit Auguste », n’eut guère à connaître le sort de son illustre homonyme. Il fut vite déchu de ses fonctions par le tyran germanique du coin, Odoacre, et mourut dans l’anonymat. Il était le dernier empereur romain d’occident, et probablement lui-même était demeuré fidèle aux anciens dieux.
Romulus, condottiere héroïque, chef de guerre, bâtisseur de Rome, se voit chaque 21 avril, même dans la Rome moderne, fêté, ainsi que la louve qui le nourrit et qui désormais désigne le symbole même de la cité éternelle, et de l’une de ses équipes de football. Fils de la guerre, il offrit douze siècles de gloire à Rome, comme les douze vautours qu’il avait vus dans sa jeunesse, et ce fut un autre Romulus qui clôt ce cycle. Vidé de ses habitants, Rome au Vème siècle n’a plus que 50.000 citoyens. Au sein d’une Italie morcelée, Rome cesse d’être la capitale des Césars pour tomber sous le joug de l’évêque de Rome, rebaptisée « souverain pontife » (terme désignant le prêtre suprême dans la Rome païenne), agissant en monarque jusqu’en 1870.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
23:56 Publié dans Analyses, Culture, Religion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : romulus, thomas ferrier, rome, paganisme, mars, auguste, maxence, fondateur, 21 avril |