27/04/2015
Union Européenne/Ukraine/Russie. Pour une réconciliation européenne
La guerre est à nouveau au cœur de l’Europe, vingt ans après la guerre civile en ex-Yougoslavie. C’est en Ukraine que meurent des Européens, divisés entre partisans d’un bloc occidental soumis implicitement aux USA et partisans d’une union plus étroite avec la Russie voisine, à l’identité si proche.
La Russie n’a pas d’hostilité de principe à l’égard de l’Union Européenne mais lui reproche, et à raison, de s’aligner sur les intérêts américains au lieu de défendre des intérêts strictement européens. Ceux-ci impliquent de tendre une main fraternelle aux Russes, nos frères en européanité, de bâtir avec eux cette « maison commune » qu’évoquait Gorbatchev mais aussi Poutine en personne en 2005.
L’Ukraine est européenne, et ce n’est pas un objet de débat, mais la Russie l’est tout autant, et cela ne devrait pas l’être non plus.
Cette Russie est sensible à ce qui se passe à ses frontières. Elle craint une stratégie américaine développée par Brzezinski et consistant à étrangler, à « endiguer » (endiguement) la Russie, en l’entourant d’états hostiles, hier la Géorgie et aujourd’hui l’Ukraine. Les USA veulent en effet repousser la Russie en Asie, exactement comme le souhaitait le régime hitlérien, et les doctrinaires russes de l’eurasisme font de ce point de vue leur jeu. Au contraire, nous devons affirmer le caractère européen plein et entier du peuple russe et sa vocation à construire avec nous l’Europe politique de demain.
Nous devons comprendre que la Russie a raison de ne pas vouloir que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et qu’elle a dû défendre ses intérêts en Crimée car sa base navale était menacée par un nouveau pouvoir qui a réussi la maladresse de blesser les Ukrainiens de l’est, russophones, en remettant en cause le statut de la langue russe, avant de revenir en arrière piteusement. L’Union Européenne a encouragé la dérive occidentaliste du nouveau gouvernement, au lieu de prôner une approche mesurée. L’Ukraine devait servir de pont entre l’Union Européenne et la Russie et donc conserver une certaine neutralité, garantissant aux russophones sa protection sans ambigüité.
Même si le mal est fait, il est toujours possible d’y remédier. L’Union Européenne doit refuser les injonctions de Washington et négocier directement avec la Russie afin d’imposer la paix en Ukraine. Elle doit mettre fin aux sanctions provocatrices qu’elle a mises en œuvre contre les intérêts russes, et contre ses propres intérêts par retour de boomerang, et notamment dans le domaine économique. La France doit respecter sa parole donnée en fournissant à la Russie les fameuses frégates que celle-ci a commandées.
En clair, l’Union Européenne doit enfin prendre son destin en main, de manière indépendante, et agir dans le sens d’une Europe plus solidaire, plus puissante, et surtout réconciliée, une Europe unie de Reykjavik à Vladivostok, et non de Washington à Bruxelles.
Thomas FERRIER (PSUNE)
22:11 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : ukraine, union européenne, russie, réconciliation, paix, unité |
Lexique du partisan européen - "Europhobie"
EUROPHOBIE
1. L’europhobie est en premier lieu l’expression de la haine à l’égard des Européens (toutes confessions confondues) popularisée de manière maladroite sous le terme de « racisme anti-blancs ». Cette hostilité de principe est notamment répandue dans les banlieues allogénisées de nombreuses villes d'Europe mais aussi dans les pays d’Afrique et d’Asie, voire même d’Amérique centrale et méridionale. Certains européens expriment également une forme d’auto-racisme à l’encontre de leur propre ethnie, notamment sous l’effet d’une repentance excessive, les amenant à l’adoption de coutumes extra-européennes et jusqu’à la conversion à l’islam. Le soutien de certains hommes politiques, notamment à l’extrême-gauche, à une immigration sans restriction ou à l’apologie du métissage relève également d’une démarche europhobe.
2. L’europhobie est en second lieu la négation de la profonde parenté entre Européens ou en tout cas une relativisation excessive. Cette idéologie est dominante chez les souverainistes, notamment français, allant de Jean-Pierre Chevènement à Marine Le Pen, de François Asselineau à Florian Philippot. Selon eux, les Européens sont trop différents entre eux, l’Europe n’existe simplement pas, et nous serions plus proches de populations aneuropéennes, notamment celles de nos anciennes colonies, que de nos voisins européens. Ils font preuve de réductionnisme linguistique, défendant une francophonie qui dans la plupart des pays africains est en outre totalement superficielle. Ils oublient en revanche que 96% au moins des Européens parlent une langue indo-européenne. Ils défendent les « confetti de l’empire », c'est-à-dire les territoires d’outre-mer conservés par la France à l’issue du processus de décolonisation, y compris une île comme Mayotte, à 99% afro-musulmane, mais refusent en revanche l’idée que les Européens aient un destin commun.
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Il ne faudrait néanmoins pas confondre sous le même terme le refus de principe de toute Europe politique et le scepticisme vis-à-vis de l’idée d’une Europe unie. Est eurosceptique celui qui reconnaît la parenté entre Européens mais considère que bâtir une Europe politique n’est pas possible ou n’est plus possible. Lorsque Jean-Marie Le Pen parle d’ « Europe boréale » tout en refusant l’idée d’une Europe politique unitaire au nom d’une « Europe des nations », il fait preuve d’euroscepticisme. Il reconnaît la réalité européenne mais ne croit pas en une organisation politique prenant appui sur cette réalité. Là est une vraie différence entre le père et la fille. Cette dernière fait de la lutte contre l’euro et du refus de toute Europe politique son principal cheval de bataille, accusant la construction européenne de tous les maux et notamment d’un déclin français que son père attribuait au contraire principalement à l’immigration aneuropéenne. De la même façon, lorsqu’un mouvement comme l’UKip britannique s’oppose à l’immigration issue de l’Europe centrale et orientale alors qu’il ne dit rien contre celle issue du Commonwealth, ce dernier fait preuve d’europhobie et non d’euroscepticisme. Les eurosceptiques peuvent se rallier à l’idée européenne si celle-ci émerge sur une base identitaire crédible. Les europhobes la combattront en revanche sous toutes ses formes, mêmes les plus heureuses et salvatrices.
En conclusion, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, les souverainistes, aussi bien à Debout la France qu’au Front National, et les populations issues des flux migratoires post-coloniaux, partagent le même rejet de l’Europe, les uns en raison de leur origine, les autres en raison de leur idéologie. Quant au PS, il unit en lui ces deux formes d’europhobie, en soutenant simultanément la culpabilisation collective des Européens et une forme de chauvinisme universalisé, à savoir la défense d’une expression française irréductible et en même temps sa négation au nom de valeurs universelles. C’est un « mondialisme à la française ».
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
21:31 Publié dans Analyses, Institutions européennes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : europhobie, haine, euroscepticisme, souverainisme |
19/04/2015
Elections législatives en Finlande : victoire du centre sur la droite
En 2011, les conservateurs du KOK (« Parti de la coalition nationale ») étaient le premier parti du pays. Même s’ils ne reculent au final que de 3% en 2015, ils perdent néanmoins six députés et surtout ne sont plus premier. C’est désormais le mouvement centriste KESK (Suomen Keskusta ou « Centre ») qui remporte le titre et devrait composer le prochain gouvernement. Avec 21% des voix environ et 49 sièges, même s’ils devront trouver des alliés, qui pourraient être les populistes du Perussuomalaiset (« Parti des Finlandais »), ils s’imposent. Les « Vrais Finlandais » du PS, le mouvement de Timo Soini donc, régressent toutefois, perdant 1.5 points et 1 siège. Avec 17.6% des voix, contre 19.1% en 2011, ils demeurent néanmoins le troisième parti du pays, mais réalisent aussi une contre-performance par rapport aux élections européennes.
Les sociaux-démocrates (SDP) avec 16.54% des voix et 34 sièges sont également les grands perdants de ces élections. Un phénomène de vote utile en faveur des centristes a pu jouer contre eux. Ils perdent 2.4 points et 8 sièges. Les Verts (Vihreä Liitta) n’en profitent pas. Avec 7.6% des voix et 14 sièges (+4), ils conservent presque le même niveau qu’en 2011 (+0.3 pts). De même, l’Alliance de Gauche (VAS) est aussi en recul avec 7.3% (-0.8 pts) et 12 sièges (-2). La gauche stricto sensu représente néanmoins 60 sièges. Sa division est donc mortifère.
A droite, les chrétiens-démocrates stagnent à 3.5% (-0.6 pts) et 5 sièges (-1) tandis que les formations eurosceptiques ou nationalistes, en dehors des Perussuomalaiset, sont au plus bas, 0.5% pour le Parti de l’Indépendance (+0.4 pts toutefois) et 0.2% pour le mouvement anti-immigration Muutos 2011 (M11). Les Pirates obtiennent 0.8% des voix (+0.2) et sous la rubrique « autre » (Muut) on trouve 0.6% des voix et 1 siège.
Mouvement très minoritaire représentant les Suédois, le RKP (Parti populaire suédois) obtient 4.9% (+0.6 pts) et 11 sièges (+2). Difficile pour ce parti de faire mieux, compte tenu de son créneau « identitaire ». Mais il réussit à rassembler son camp dans une écrasante proportion.
Au final, on peut constater que les sondages étaient à peu près exacts, même si les Perussuomalaiset ont obtenu un résultat un peu meilleur que ce qu’ils pouvaient espérer, minimisant leur recul. A la différence des « Démocrates Suédois », ils sont néanmoins bien moins diabolisés et pourraient être associés au pouvoir, même si la presse leur reproche d’exprimer des manifestations de nette hostilité à l’égard notamment de plusieurs milliers de réfugiés somaliens musulmans, dans un pays qui reste encore très massivement indigène (européen). Et ils s’inscrivent désormais durablement dans le paysage politique finlandais.
Le « Centre » a obtenu environ 7% de plus qu’en 2011, venant de la droite (-3) comme de la gauche (-3) et de manière plus limitée des populistes (-1). Cette victoire, je le précise, est néanmoins celle d’un parti qui a fait 22% des voix. On est très loin d’un succès exceptionnel. C’est l’avantage toutefois du système proportionnel, qui oblige à composer avec des forces parfois assez éloignées idéologiquement. Juha Sipilä, le dirigeant du KESK, devrait devenir le prochain chef du gouvernement, à la tête d’une coalition qui reste encore à créer.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
23:14 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : finlande, législatives, 2015, kesk, kok, perussuomalaiset, juha sipilä, timo soini |
08/04/2015
Face à une « scission » du FN ?
Le père fondateur Jean-Marie Le Pen s’est mis en rupture avec la présidente, sa fille, d’une façon, semble-t-il, totale et définitive. Ce ne serait qu’un problème interne à un parti, voire un pur problème familial, si les réactions des autres partis, en premier lieu de l’UMP, n’en faisaient un problème politique national.
Qu’aurait pu faire la droite devant un tel événement ? Elle aurait pu affirmer que le Front national n’était désormais plus ce parti infréquentable qu’on a connu, qu’il était devenu comme les autres partis ayant vocation à gouverner, et qu’il fallait seulement l’affronter sur le plan de son programme, d’un programme parfaitement incohérent, tantôt inapplicable, tantôt catastrophique.
Or ce n’est pas du tout ce qui a l’air de se passer. Interrogé sur la chaîne i-télé, Eric Woerth affirme que les propos du père sont inadmissibles, mais que le programme lui-même est inadmissible, avec ou sans le père. De son côté, Eric Ciotti voit dans les propos contestés « l’ADN du Front national ». Comment peut-on restaurer l’image des politiques avec des analyses aussi médiocres ?
Les propos du père, issus d’un entretien non encore publié du journal Rivarol, et qui ont déclenché le tollé, ne sont ni nouveaux, ni intéressants. Comment un responsable peut-il tomber dans le panneau posé devant ses pieds à chaque fois ? Pourquoi ne renvoie-t-il pas la question en demandant en quoi elle concernait l’actualité ? Il semble que l’impulsivité de Jean-Marie Le Pen l’emporte chez lui sur toutes autres choses. Ou que sa fureur de ne plus être le premier, comme cela a failli se passer avec Bruno Mégret, l’aveugle. Même s’il doit bien comprendre qu’il ne sera plus le chef du parti qu’il a créé, il lui restait la possibilité de critiquer ce qu’il perçoit comme des dérives, peut-être même des dérives sectaires, et il vient de se priver de ce droit.
Ce n’est pas le plus important. Il apparaît que le hiatus gigantesque qui sépare la classe politique et les citoyens, loin d’être atténué au Front national, y est plus important encore. Les électeurs de ce parti n’ont, pour la plupart, rien en commun avec les dirigeants.
Les dirigeants actuels, les véritables inspirateurs parmi lesquels Florian Philippot figure en première place, n’ont rien à voir avec le père fondateur du parti, lequel a tenu sa réputation de la dénonciation d’un certain nombre de faits que la classe politico-médiatique voulait taire. C’est là que Front national rencontrait son électorat.
Les influences du nouveau parti sont essentiellement doubles. C’est d’une part le courant chevènementiste, qui est à la fois de gauche, europhobe et méditerranéen. C’est d’autre part le lobby « libertaire ». Voilà comment d’un projet reaganien, avec moins d’état, moins d’assistanat, avec, par exemple, une retraite à 65 ans et avec un recentrage sur les traditions, on est passé à un parti étatiste libertaire, avec un SMIC très élevé, la retraite à 60 ans et le « mariage pour tous ». L’électorat n’a pas suivi cette évolution, sauf en ce qui concerne une frange venue de la gauche, Marine Le Pen ayant réalisé l’exploit d’étouffer Jean-Luc Mélenchon.
Le clash provoqué par le père et la réaction de tous les cadres du parti, s’ils avaient été correctement analysés, auraient pu faire apparaître ces problèmes existentiels en pleine lumière et obliger le parti à clarifier sa ligne. Heureusement pour les actuels penseurs de cette formation, les autres partis de l’establishment, en affirmant tout de suite que rien n’a changé depuis les origines du Front, leur sauvent la mise et, une fois de plus, les aident. Quand Robert Ménard rappelle qu’il n’est pas au Front National mais qu’il partage avec lui la défense de traditions, d’une culture et d’une civilisation, et qu’il dit que c’est une chance pour ce parti, il aurait pu montrer la voie à la droite. Or cette dernière préfère répéter le discours qui lui est soufflé par la gauche.
Peter EISNER (LBTF)
15:03 | Lien permanent | Commentaires (3) |