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20/09/2010

Elections suédoises : la droite sortante reconduite !

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sd.jpgA l’issue des élections générales suédoises du 19 septembre 2010, les sondages promettaient une victoire assez nette de la coalition de droite sortante, coalition menée à la bataille par le premier ministre Fredrik Reinfeldt. La Suède ayant plutôt bien résisté à la crise économique actuelle, le bilan étant globalement positif, Reinfeldt s’attendait à une victoire facile mais pouvait craindre, en raison des conséquences de sa politique plutôt libérale, de son choix de rompre avec l’héritage social-démocrate en matière d’interventionnisme de l’état, d’inquiéter la population. En menant une campagne au centre, manifestant une certaine prudence, il est reconduit, sa coalition obtenant 48.3% des voix, et son parti, le Moderata Samlingpartiet (« Parti de rassemblement des modérés »), empoche à lui seul 30% des suffrages, ce qui est une victoire personnelle, même si le parti social-démocrate, l’Arbetarpartiet – Socialdemokraterna, reste le premier parti du pays avec 30.9% des voix. Sa candidate, Mona Sahlin, connaît un désaveu profond de la part de ses électeurs traditionnels, le parti ne cessant de reculer. Déjà, en 2006, le SAP avait connu son plus bas niveau avec 35.2% des voix. Il chute encore de près de 4 points.

Attendu également était le score du parti nationaliste suédois des Sverigedemokraterna, ancien allié du Front National et issu de formations plus radicales, mené au combat par le jeune Jimmie Akesson. Ce dernier avait préalablement épuré ses rangs des militants et représentants les plus durs, ceux-ci étant alors partis notamment chez les Nationaldemokraterna (0.09% des voix en 2006, leur score en 2010 n’étant pas encore connu à l’heure où je rédige cet éditorial, même s'ils obtiennent aux élections locales 0.8% des voix dans le district de Vimmerby), et fait profession d’une défense de la « suéditude » sans connotations trop ethniques. Avec 5.7% des voix, contre 4.6% annoncés par les sondages de sortie d’urnes, le SD augmente son score de près de 100%, puisqu’il n’avait obtenu que 2.9% des voix en 2006 (et 3.2% aux élections européennes de 2009). A l’issue d’une campagne difficile, dans laquelle le spot du parti avait été censuré par les media, et alors même que le premier ministre avait tenté de convaincre les électeurs de ne pas voter pour eux, le SD gagne son pari et fait rentrer 20 députés au parlement (Riksdagen).

Dans un contexte européen où la « gauche » sociale-démocrate peine à convaincre, dans ce bastion suédois qui fut le sien pendant des décennies, elle ne parvient toujours pas à ramener au bercail des électeurs déçus. Incapable de s’opposer au libéralisme économique, incapable également de consolider un modèle social en danger face à la mondialisation, la « gauche » se limite à la défense des minorités, les communautés non-européennes ayant massivement voté pour ses candidats, et du libertarisme moral. Beaucoup d’ouvriers suédois, ceux qui restent de la classe prolétarienne, auront préféré les SD à la SAP, comme on le constate dans les autres pays du continent.

Avec 1.4% des voix, contre 2.7% en 2006, les listes minoritaires sont laminées par un mode de scrutin pourtant favorable aux petits candidats. Mais la barre des 4%, aussi basse soit-elle par comparaison avec ce qui se passe même en Allemagne, a suffi à susciter un vote utile en faveur des partis en place.  Si les modérés progressent de près de 4 points, leurs alliés perdent en cumulé 2.7%, ce qui démontre que le parti sortant n’a pas triomphé de manière décisive. La gauche réunie obtient en effet près de 43.7% des voix, ce qui la place certes derrière la droite, mais ne l’écarte pas pour autant du pouvoir. L’extrême-gauche (Vänsterpartiet) avec 5.6% des voix perd 0.3 points, et seul le parti écologiste s’en sort davantage avec 7.2% des voix (contre 5.2% des voix en 2006), ce qui était là encore prévu par les instituts de sondage. En résumé, la droite progresse de 1.2 points, la gauche perd en revanche -2.7 points, et les démocrates suédois gagnent 2.8 points. On peut penser que l’augmentation de la participation, avec le taux exceptionnel de 82.1% des voix a plutôt profité à la droite, alors que les pertes enregistrées par les sociaux-démocrates sembleraient avoir bénéficié aux démocrates suédois (SD).

En nombre de sièges, la coalition de droite a obtenu 172 sièges sur 349, ce qui indique qu'il lui manque cinq sièges pour disposer d'une majorité au parlement. La gauche n'aurait quant à elle que 157 sièges. Avec 20 sièges, les Sverigedemokraterna ont réussi à empêcher la droite sortant d'être majoritaire. Alors que Reinfeldt voulait relancer le nucléaire dans son pays, il est possible que celui-ci, pour éviter de diriger un gouvernement minoritaire potentiellement menacé par les nationalistes (SD), doive y renoncer en élargissant sa coalition aux écologistes (25 sièges).

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

19/09/2010

Païens !

16/09/2010

Du pain béni pour les europhobes !

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eu-burning-flag.gifLa critique, par le commissaire européen compétent avec l’appui de la commission et de son président, de la politique française de démantèlement des camps de Roms et de rapatriement de leurs occupants dans leur pays d’origine est particulièrement mal venue pour redorer le blason de l’Union européenne.

Ce ne sont pas seulement les allusions à la seconde guerre mondiale et à la déportation des Juifs qui sont scandaleuses. Certes la commission européenne a pour mission de veiller au respect, par chaque pays membre, des accords signés. Cependant cette mission s’arrête, par exemple, à l’évaluation de la politique de la France dans le domaine concerné. Elle ne va pas jusqu’à la correction orthographique des circulaires de bas niveau émanant de son administration.

Les partisans de la République européenne ne doivent pas avoir peur de comparer les instances dirigeantes de l’Union européenne à l’ancien régime en France. Les commissaires d’aujourd’hui sont les fermiers généraux de jadis. Comme ces derniers, ils ont reçu une délégation. Dans le cas des premiers, c’est la délégation accordée par les Etats membres pour contrôler le respect du politiquement correct, en l’affermissant au besoin comme cela vient d’être fait. Pour les derniers, c’était, rappelons-le, la délégation accordée par le Monarque pour percevoir l’impôt, en l’affermissant à leur profit. Ni les uns ni les autres n’ont la moindre légitimité. La désignation des commissaires résulte de tractations souterraines entre dirigeants, pour lesquelles les petits états comptent autant que les grands. L’inégalité devant la représentation populaire dans le choix de la commission est de l’ordre de celle qui existait entre la noblesse et le tiers-état sous l’ancien régime.

De même que les fermiers généraux incarnaient ce qu’il y avait de pire dans la monarchie française, de même les commissaires européens incarnent ce qu’il y a de pire dans l’actuelle Union. Sans aller jusqu’à la guillotine qu’avait appliquée la Révolution française à tous les gens de cet acabit, c’est un grand coup de balai qui devrait les chasser tous ensemble.

Les partisans de la République européenne ne seront jamais assez durs pour dénoncer les instances de l’actuelle Union. Il faut éviter, en effet, que la vindicte populaire ne se retourne contre l’idée européenne. En 1789 on détestait la monarchie, mais on n’a pas remis en question la France. Au contraire on a fait de ceux qui constituaient un groupe de sujets d’un monarque dont l’influence était le résultat de guerres avec d’autres monarques les citoyens libres d’une République spontanément constituée. Aujourd’hui, la réunion disparate des habitants d’un groupe d’états associés au gré de discussions entre oligarques, doit laisser la place à un ensemble cohérent de citoyens d’une Nation Europe installée dans ses frontières naturelles, géographiques et civilisationnelles.

En attendant, il faut bien admettre que le nationalisme europhobe sera électoralement plus payant que l’idée européenne. Même si les initiatives de Sarkozy sont de la poudre aux yeux, même si les déclarations du Front National sont des rodomontades, le citoyen français ou allemand comptera davantage sur ses élus nationaux, qu’il sent plus proches de lui, même s’il les sait corrompus. Le Français appréciera qu’on lui parle de protéger son mode de vie, l’Allemand de protéger sa monnaie. Qu’on ne lui parle plus de l’Union européenne ! A-t-elle seulement envisagé l’interdiction du niqab ? Ce sont quelques pays, à commencer par la Belgique, qui l’ont fait. L’Union, de son côté, se félicitait de l’islamisation de la Turquie.

Peter Eisner (LBTF/PSUNE)

05/09/2010

Le Choc des Titans : dieux contre mortels (partie I)

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Clash_of_the_titans_zeus_poster_thumb-thumb-550x296-36182.jpgLa sortie en blu-ray du Choc des Titans, dans une version rallongée de près d’une demi-heure de scènes coupées et dotée d’une fin alternative, permet d’analyser de manière exhaustive le film de Louis Leterrier, déjà réalisateur de « L’incroyable Hulk ».

La représentation des dieux.

L’assemblée des dieux, réunie dans l’une des scènes coupées, permet de retrouver l’ensemble des douze olympiens sous leur forme a priori traditionnelle. Les dieux portent des armures brillantes qui s’inspirent, de l’aveu même du réalisateur, de l’univers du manga japonais Saint Seiya [en français « les Chevaliers du Zodiaque »], qui fut un succès en France mais un échec aux Etats-Unis, en raison de l’opposition vigoureuse des ligues chrétiennes de vertu. Les déesses en revanche présentent des tenues plus conformes à la tradition classique. Parmi les divinités, outre Zeus et Hadès, on retrouve au premier plan Poséidon, en tant que troisième frère, Apollon et Athéna, les autres dieux n’ayant qu’un rôle marginal dans le film.

Le plus surprenant est le rapport établi entre les dieux et les hommes, qui est inversé par rapport à la mythologie classique. L’immortalité des premiers semble conditionnée au respect et à l’amour dont les mortels leur témoignent. Seul Hadès se remplit de force par la peur qu’il suscite. Alors qu’il est affirmé que les humains sont une création de Zeus et que le dieu du ciel semble animé par l’amour qu’il éprouve pour les mortels, ce qui rapproche Zeus du dieu chrétien, il apparaît au final plutôt faible. Cette idée que le salut des dieux passe par le biais d’un mortel, le héros Persée, paraît étrangère à la tradition hellénique. La rivalité entre Zeus et Hadès, présentant ce dernier sous une forme démoniaque, est un thème classique du cinéma et du manga. Dans Percy Jackson, Hadès est également assimilé au diable, de même qu’il est un dieu maléfique dans Saint Seiya. De plus son royaume est particulièrement sombre, ce qui fait oublier Elysion, le paradis païen. Dans ce conflit dans lequel Hadès apparaît comme un dieu abusé par Zeus, alors que les grecs n’hésitaient pas à surnommer Hadès « Zeus Aidoneus » ou « Zeus du monde d’en bas », dieu qu’ils qualifiaient également de riche, « ploutôn », les hommes semblent l’enjeu principal.

Les dieux semblent également plus grands que les mortels, tels qu'ils apparaissent dans la scène alternative finale, ce qui est conforme à la tradition classique, par exemple chez Homère, et disposent bien sûr de pouvoirs spécifiques, bien que la foudre de Zeus apparaît bien tiède. On peut considérer que dans ce film, destiné en particulier à un public américain, donner aux dieux païens une réelle majesté divine semble poser problème. Enfin, Persée ose menacer Zeus lui-même et affirme qu’il le surveillera, ce qui est une inversion complète des valeurs et le triomphe de l’humanité sur la divinité, la victoire de l’hybris tant honnie par les anciens.

Les altérations du mythe grec.

Bien que fils du dieu le plus puissant, le Persée du film entend du début jusqu’à la fin s’élever contre sa condition de mortel tout en rejetant la part divine qui est en lui. Pourtant, il est amené à accepter un certain nombre de présents offerts par les dieux, comme une épée de lumière ou encore une pièce d’or destinée à payer le nocher Charon. Il bénéficie également de l’assistance du cheval Pégase, don des dieux là encore, et outil essentiel de sa victoire finale sur une bête de la mythologie scandinave, le Kraken, élément repris du premier film de 1981.

Pour des raisons mystérieuses, la mythologie grecque est maltraitée par une série de petits détails, comme la couleur noire attribuée à Pégase, habituellement blanc, ou comme le fait qu’à la fin il n’épouse pas Andromède mais obtient de Zeus que son amie Io lui soit restituée. Dans la version alternative en revanche, il embrasse Andromède, ce qui tend à indiquer qu’il s’inscrit à nouveau dans le mythe originel. Comme autres exemples, on peut penser à l’aigle de Zeus, qui est un gypaède américain et non un aigle royal européen, à une représentation très peu hellénique de l’Olympe, très différente de celle donnée dans Percy Jackson, avec ses temples de type parfaitement classique. En revanche, la représentation de la ville d’Argos est classique, même si le héros Persée date de la période mycénienne et n’est pas de la génération des combattants de la guerre de Troie. On aurait pu s’attendre à une Argos plus proche de la Mycènes du film Troie. Le réalisateur a choisi de représenter une ville beaucoup plus somptueuse, placée ceci dit au bord de la mer, ce qui n’était a priori pas le cas de l’Argos historique.

Eurobaromètre 2010 : l’Union Européenne en berne

logo-eurobarometre_fr.jpgAu mois d’août sont sortis les résultats du dernier sondage Eurobaromètre sur l’état de l’Union. La première question, désormais classique, posée aux citoyens européens choisis parmi un panel représentatif, est de savoir si ces derniers pensent que l’adhésion de leur pays à l’Union Européenne avait été une bonne ou une mauvaise chose ou éventuellement ni l’une ni l’autre. A cette question, 49% des personnes interrogées estiment qu’elle a été une bonne chose, ce qui est un score assez faible, mais conforme aux résultats enregistrés depuis une dizaine d’années. C’est en 1990, à la suite de la réunification allemande que les résultats ont été les plus positifs avec 72% d’avis positifs contre seulement 7% d’avis négatifs. En 2010, ils sont en revanche 18% à émettre des avis hostiles, alors que l’année dernière ils étaient 53% d’ « euro-optimistes » contre 15% d’eurosceptiques. Mais c’était avant la crise de l’euro et avant l’effondrement de l’économie grecque.

Cette crise de confiance de l’Union Européenne n’est pas propre aux pays membres puisque, jeune prétendante à l’adhésion, l’Islande connaît depuis quelques mois un désenchantement très fort. Fin juillet 2010, ils étaient 60% des Islandais à désormais regretter leur demande d’adhésion et si un référendum avait lieu, l’Islande ne rejoindrait pas l’UE. Moins d’un tiers des Suisses voteraient favorablement à une adhésion, en raison notamment des craintes d’un affaiblissement démocratique du pays, lorsque l’on sait que, suite au référendum suisse sur les minarets, les institutions communautaires ont désavoué les choix souverains de ce peuple. A savoir si, malgré tout, son pays avait été plutôt bénéficiaire de l’adhésion, ils sont 53% à estimer que oui contre 35% à estimer le contraire. Il fallait remonter à l’automne 2005 pour trouver un résultat aussi médiocre.

De manière plus détaillée, on constate que le recul du soutien à l’UE est particulièrement net dans un certain nombre de pays, et notamment l’Allemagne où le sentiment positif perd 10 points, de même qu’il en perd 11 en Slovénie, 13 à Chypre et jusqu’à 17 points en Grèce, le peuple hellénique n’ayant pas apprécié le peu de solidarité européenne dont il a pu bénéficier, alors qu’en sens contraire le peuple allemand n’a pas aimé devoir aider les grecs. Le sentiment positif augmente toutefois dans un certain nombre de pays, essentiellement parmi les nouveaux entrants de 2004. A la question du bénéfice obtenu par le statut de membre de l’UE, là encore le positif régresse fortement en Allemagne et en Grèce mais aussi au Portugal.

A la lecture de ces résultats, on se rend bien compte que l’Union Européenne n’a actuellement pas la cote mais, contrairement à ce qu’affirment les souverainistes, cela ne signifie pas que les citoyens aient davantage confiance en leurs institutions nationales. En effet, 42% des citoyens de l’UE ont confiance dans l’UE (contre 48% à l’automne 2009), 47% n’ayant en revanche aucune confiance en cette dernière (contre 40%). Mais ils sont 66% à ne pas avoir confiance dans leur gouvernement national, et 62% dans leur parlement national. En clair, si le parlement européen inspire moins confiance qu’auparavant aux citoyens, les institutions nationales sont totalement désavouées. Que ce soit la fausse « gauche » ou la vraie droite, l’une alternant avec l’autre par défaut, les citoyens de l’UE ne sont pas dupes. Un « sortons les » européen aurait même tout son sens.

Concernant la confiance générale dans l’Union Européenne, les pays les plus optimistes demeurent ceux d’Europe médiane (68% de confiance en Estonie, 65% en Slovaquie, 56% en Roumanie, 54% en Hongrie… etc.) et certains pays d’Europe occidentale, comme la Belgique bien sûr (61%), comme les plutôt souverainistes Danemark (61% aussi) et Pays-Bas (53%). En revanche, dans les six pays fondateurs, à l’exception de la Belgique, les résultats sont plutôt mauvais voire très mauvais. En effet, seulement 42% des Italiens, 39% des français et 37% des allemands ont confiance dans l’UE. Au Royaume-Uni, ils ne sont plus que 20% (68% n’ayant pas confiance).

La crise de confiance est donc installée au cœur même de l’Europe occidentale, chez les grands pays du continent, comme la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Dans les autres pays, la confiance baisse nettement. L’Europe est en crise, à tous points de vue, et l’UE ne semble pas apparaître aux citoyens comme le remède à cette crise. A vrai dire, les citoyens ne voient aucun remède. Il n’est pas étonnant alors que le vote populiste et/ou nationaliste soit fort.

Lorsque l’on constate que l’UE est de plus en plus rejetée, mais que les Etats (gouvernement + parlement) le sont encore davantage, on comprend qu’il existe la possibilité d’une voie européenne capable de renverser les gouvernements nationaux et de réorienter l’UE dans un sens démocratique et strictement européen. La solution ne sera pas nationale, elle sera européenne !

LBTF

Gauche laïque et « extrême-droite », une confusion malhonnête ?

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__1_742984_1211794407.jpgUn article du 5 septembre 2010 du blog du Monde « Droites extrêmes » consacré au mouvement « Riposte laïque » et à son principal dirigeant, Pierre Cassen, a attiré mon attention. Les journalistes cherchaient à démontrer que cette organisation, qui se revendique « de gauche », et dont le responsable est un ancien du PCF et de la LCR, était passée à l’extrême-droite sous prétexte d’avoir organisé une manifestation commune avec le Bloc Identitaire. Cela m’amène à réfléchir à ce qu’est la gauche authentique en évoquant certains positionnements pris par des membres des structures de gauche en France et en Allemagne ces dernières années.

Helmut Schmidt, ancien chancelier de la SPD, dans un article du Frankfurter Rundschau du 13 juin 2005 prônait ainsi l’interdiction «  de l’immigration de populations issues de cultures étrangères » après avoir en 2004 affirmé que « la décision de faire venir des travailleurs étrangers aura été une erreur très grave », visant en particulier l’immigration turque et africaine. Schmidt a par ailleurs été opposé à l’abandon du droit du sang que prônait le social-démocrate Schröder, abandon effectué en 2000 par la coalition rouge-verte et n’a jamais caché son refus de toute adhésion de la Turquie dans l’Union Européenne, convergeant avec son ancien collègue et ami, le centriste Valéry Giscard d’Estaing qui dénonçait en 1991 une « immigration-invasion » et qui est lui aussi hostile au processus d’adhésion de la Turquie entamé en 2005. Doit-on considérer par ces déclarations le social-démocrate Schmidt comme un renégat qui devrait prendre sa carte à la NPD, ce qu’a proposé le Consistoire Juif Allemand au social-démocrate Thilo Sarrazin il y a quelques semaines ? Doit-on considérer qu’il a cessé d’être de gauche ?

Oskar Lafontaine, ancien animateur du mouvement de gauche radicale « Die Linke », et désormais retraité de la politique en raison d’une « longue maladie », déclarait il y a quelques années que « l’Etat est obligé de protéger les pères de famille et les femmes du chômage parce que des travailleurs étrangers [Fremdarbeiter] prennent leurs emplois en travaillant à bas coût ». En suivit une campagne vigoureuse contre lui, notamment en raison de son usage du vocable de Fremdarbeiter au lieu du très politiquement correct Gastarbeiter (« travailleurs invités »). L’historien Götz Aly n’a pas hésité à qualifier la doctrine mise en avant par Lafontaine de « nationale-socialiste », rien de moins. Doit-on considérer qu’Oskar Lafontaine a cessé d’être de gauche, de même que jadis Georges Marchais lorsque celui-ci s’opposait à l’immigration de travail ?

Le provocateur Thilo Sarrazin, autre membre de la SPD et membre de la Bundesbank, fait scandale depuis quelques jours en raison de la sortie de son ouvrage dénonçant notamment l’islamisation de l’Allemagne et le fait qu’il ne souhaite pas que ses enfants et petit-enfants vivent dans une Allemagne qui ne serait plus culturellement allemande. Aussitôt, les bien pensants s’élèvent contre ses propos, appelant à ce qu’il soit exclu de la SPD et qu’il perde son emploi à la Bundesbank. Jeudi dernier, ses collègues ont demandé au président allemand, Christian Wulff, de se séparer de leur collaborateur. Le dirigeant de la SPD semble s’étonner que Thilo Sarrazin soit toujours membre de sa formation politique, et ce dernier entend bien rester adhérent. Selon un sondage, une majorité d’allemands soutient Sarrazin, et notamment 30% des électeurs SPD, ce qui n’est pas rien. Sarrazin a-t’il cessé d’être de gauche, d’être social-démocrate, en raison de ses saillies rhétoriques ?

Les idées développées par Pierre Cassen de « Riposte laïque » ou par Christine Tasin de « Résistance républicaine » me sont très étrangères, et notamment leur refus d’une Europe politique au profit d’une « république » française fétichisée ou leur volonté de se présenter essentiellement comme opposés à l’islam. On peut également leur contester le fait de vouloir défiler avec des organisations considérées comme d’extrême-droite. Mais lorsque Pierre Cassen déclare ne pas vouloir laisser à Marine Le Pen le monopole sur ces questions, peut-on l’accuser d’être passé à droite ? Si une majorité d’ouvriers vote pour le FPÖ en Autriche, si le Front National est à nouveau redevenu le premier parti ouvrier en France, c’est que la gauche n’a pas fait son travail, c’est tout simplement que la gauche n’est plus de gauche.

Au lieu de chercher des boucs émissaires dans leur camp, les dirigeants socialistes feraient mieux de se demander pourquoi les classes populaires se détournent d’eux et sont si désespérées qu’elles sont amenées à soutenir des formations droitières et ultra-libérales (comme le PVV de Geert Wilders). Parce que la « gauche » a trahi le peuple et qu’elle a toujours refusé de prendre conscience de l’impossibilité à la fois de préserver les acquis sociaux et de donner du travail à tous ses citoyens et en même temps de prôner l’ouverture maximale des frontières et la régularisation des travailleurs clandestins.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

Une justice indépendante ?

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2003-6-14-justice1.jpgLa libération récente, à Grenoble, d’un suspect par un juge a provoqué les réactions indignées du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux. Ce suspect avait été mis en examen en relation avec des faits graves, non pas délictueux mais criminels, comme la tentative de meurtre à l’encontre des forces de l’ordre. A son tour, la déclaration du ministre a été suivie par l’indignation d’une partie du monde de la justice, parlant d’atteinte grave portée à son indépendance.

Ce fait divers doit nous interroger sur l’indépendance de la justice. N’oublions pas, en effet, que l’on juge « au nom du peuple ». S’il apparaît au peuple que la justice n’est plus rendue en son nom, il a le droit de le faire savoir. Un ministre, qui est en place à la suite d’une élection populaire, peut également donner son opinion dans des conditions semblables. Ces conditions étaient-elles réunies dans le cas considéré ? Aux spécialistes de le dire.

Ces limitations étant posées, de quelle garantie d’indépendance la justice doit-elle donc disposer ? Tout le monde s’accorde probablement sur la nécessité d’une indépendance fonctionnelle : le juge ne doit pas être subordonné en permanence au pouvoir exécutif. Cependant cette indépendance ne doit pas dépasser ce stade. Les juges doivent appliquer les lois, non seulement dans la forme mais aussi dans l’esprit. Ils ont à tenir compte des situations diverses, mais ils n’ont pas à interpréter la loi.

Surtout l’indépendance de la justice ne doit pas ouvrir la porte à une autre dépendance, sans rapport avec le peuple et ses représentants. Pour bénéficier de leur indépendance, les juges ne devraient faire partie d’aucun syndicat, d’aucun mouvement politique, d’aucune fraternité ni, de façon générale, d’aucune instance pouvant être amenée à porter une appréciation sur le rôle de la justice.

Evidemment, on pourrait rendre la fonction de justice au peuple en faisant élire les juges. Cependant une telle disposition déboucherait probablement sur d’autres dérives. Peut-être la solution est-elle à trouver dans un équilibre entre ces deux systèmes. Les jurys d’assises regroupent des magistrats professionnels et des citoyens ordinaires. C’est une direction dans laquelle on peut réfléchir.

On peut aussi chercher à limiter la marge d’interprétation. Il est ainsi une tendance qui s’affirme de plus en plus dans les verdicts aujourd’hui, celle de tenir compte de l’intention de la personne jugée. Cela donne un pouvoir exorbitant et déraisonnable aux juges. Est-ce prévu par la loi ? Est-ce favorisé par certaines lois ? Il serait intéressant de le savoir, pour corriger, s’il le faut, le système législatif à ce sujet. Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de juger en fonction de faits réduits à l’extrême. Par exemple, la préméditation, qui est un facteur aggravant pour un meurtre, ne relève pas de l’intention. Elle fait partie du factuel, reposant sur la préparation de l’acte. De façon générale, les circonstances n’ont pas à être évacuées. En revanche il n’y a pas lieu de chercher l’intention intime, de la même façon que les inquisiteurs cherchaient l’intercession du diable.

Ce qu’on vient de dire vaut au-delà du domaine strictement judiciaire et concerne notamment le journalisme. Cela n’a rien d’étonnant. Par exemple la présomption d’innocence s’applique surtout aux medias. L’attitude des medias, comme de tous ceux qui s’expriment en public, doit donc être prudente pour commenter des actes qui ne sont pas tous susceptibles de relever de la justice. Notamment en ne cherchant pas à excuser ou aggraver les faits au nom de l’intention. 

Peter Eisner (LBTF/PSUNE)