26/02/2017
Faisons le vrai bilan de la colonisation.
Le débat sur la colonisation française en Algérie a été relancé par Emmanuel Macron qui s’est laissé aller à dire qu’elle était un « crime contre l’humanité », suscitant un tollé logique en France en retour. Nombreux ont souligné l’ineptie de cette accusation contre son propre pays par un candidat aux élections présidentielles en visite en Algérie. La preuve même que la colonisation n’est pas terminée, c’est d'être allé à Alger dans le cadre de sa campagne pour récupérer le vote des binationaux franco-algériens. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les accords d’Evian, validés en 1962 par le peuple français, n’ont pas réglé la question. Par le biais de l’immigration en provenance des anciennes colonies, elle est revenue sous une autre forme.
La droite et l’extrême-droite ont réagi en évoquant « l’œuvre civilisatrice de la France en Algérie », au lieu de faire le vrai bilan de la colonisation, qui ne justifie ni opprobre ni apologie. Car la France, comme les autres nations colonisatrices d’Europe, a commis une grave faute, une erreur majeure qu’elle a payée cher financièrement à l’époque, et qu’elle paie aujourd’hui aussi.
L’ouvrage de Daniel Lefeuvre (« Pour en finir avec la repentance coloniale ») a été en ce sens salutaire mais n’a pas été compris comme il aurait dû l’être. Bernard Lugan également a fait le bilan financier de la colonisation. On se rend compte ainsi des sommes pharamineuses que la France a dû payer pour construire routes, écoles et hôpitaux en Algérie. Le bilan financier de la colonisation est très déficitaire, ce qui signifie que non seulement la France ne s’est pas enrichie en colonisant l’Afrique, mais qu’elle y a perdu, qu’elle s’est même attachée un boulet économique aux pieds, freinant sa propre croissance économique. Les sommes gaspillées en pure perte au profit de l’illusion coloniale auraient pu et dû être utilisées pour renforcer l’armée et pour améliorer les conditions de vie des Français.
La colonisation fut donc du point de vue de l’intérêt des Français une folie. Elle a créé les conditions favorables à l’immigration post-coloniale comme nous la connaissons aujourd’hui, en créant des ponts entre les deux rives de la Méditerranée, et en perturbant gravement le système démographique de ces pays. En faisant artificiellement baisser drastiquement le taux de mortalité des populations colonisées, alors que l’évolution des mentalités est longue, le taux de natalité continuant d’être très élevé, le colonisateur a créé une dynamique démographique anormale, un désordre qui explique pourquoi, notamment en Afrique subsaharienne, la croissance démographique explose littéralement. Et bien sûr cette explosion démographique a un impact migratoire sur l’Europe.
Alors que la France n’a pas hésité à faire venir des travailleurs nord-africains sur son territoire depuis 1946, et continue de les laisser venir, elle a abandonné les colons français à un sort détestable, qui les a amenés dans des conditions extrêmement douloureuses à regagner la métropole après 1962. Un échange de population aurait au moins été logique mais il n’a pas eu lieu, et si De Gaulle a eu raison de vouloir « lourder » le boulet colonial, il a eu le tort de ne pas rompre radicalement avec les anciennes colonies. Car il fallait une séparation totale, qui n’a pas eu lieu, parce que les gouvernements ont remplacé le colonialisme classique par un néo-colonialisme qu’on appelle Françafrique (ou Commonwealth chez les Britanniques) et par l’immigration, réintroduisant ainsi la « question coloniale » au cœur même de l’ancienne métropole.
Ne pas comprendre qu’il y a un lien entre la colonisation, une décolonisation non aboutie et l’immigration, est une erreur majeure d’analyse et de compréhension. Au contraire, le bilan de la colonisation doit nous amener à condamner l’expérience du point de vue de nos intérêts, au lieu de prétendre avoir fait œuvre utile, et avoir ainsi donné des armes qu’on retourne désormais contre nous. Le cynisme aurait été plus excusable que l’humanitarisme derrière lequel on s’est caché. Il n’y a jamais eu de « fardeau de l’homme blanc » autre qu’imaginaire, aucun « devoir » au sens de Jules Ferry. C’est le Parti Radical qui est le seul responsable, au nom d’une conception universaliste du monde, paravent d’une logique purement affairiste, de la colonisation, donc la « gauche » de l’époque. Les droites n’ont pas à l’assumer ni à en faire l’éloge.
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
12:20 Publié dans Analyses, Editoriaux, Présidentielles 2022 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colonisation, macron, bilan |
12/02/2017
L’Union Européenne, un bouc émissaire un peu trop facile.
A chaque fois qu’une politique européenne réussit, chaque gouvernement national s’attribue tout le mérite. En revanche dès qu’une politique nationale se révèle un échec, ou rencontre de très grandes difficultés alors l’Union Européenne est la seule responsable et bien sûr coupable. Que cela soit l’attitude des gouvernements nationaux au pouvoir est parfaitement logique. Ils fuient leurs responsabilités à chaque fois que c’est possible. Que les partis d’opposition, et notamment ceux de droite nationale, qui font désormais du souverainisme le cœur de leur message, agissent de la même façon, est étrange.
Au lieu en effet d’accuser les dirigeants nationaux de mettre en œuvre des politiques nocives pour les peuples, ils les exonèrent d’une certaine manière en accusant la « toute puissante Union Européenne » de leur dicter des politiques auxquelles sinon ils s’opposeraient. Ces souverainistes fétichisent ainsi l’Etat national qui par définition à leurs yeux ne peut pas faire d’erreur. Avec eux, l’Union Européenne, qui a certes souvent tort ces dernières années, est toujours en faute, quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas d’ailleurs. Elle est accusée de tout et son contraire. On lui reproche son ultra-libéralisme et sa soumission aux dogmes du libre-échange mais elle serait la nouvelle URSS. On l’accuse d’être permissive face aux flux migratoires, mais dans le même temps d’être raciste, en voulant distinguer les Européens et ceux qui ne le sont pas.
Prenons l’exemple de l’immigration, thème qui est à la base du vote populaire croissant dont les partis de droite nationale bénéficient puisque le reste de la classe politique nationale et « européenne » leur laisse ce thème en monopole. Est-ce que l’Union Européenne en est responsable par le biais de l’espace Schengen, dont le Royaume-Uni n’a jamais fait partie, ce que les défenseurs du « brexit » oublient généralement de dire ?
Schengen définit l’absence de frontières à l’intérieur de son espace mais laisse aux Etats limitrophes de l’espace extérieur à l’UE (Grèce, Espagne, Italie notamment) la responsabilité de leur protection. Or il est un fait que ces pays sont dirigés par des gouvernements très permissifs en ce domaine et qui souhaitent simplement que le migrant ne fasse que transiter par leur territoire jusqu’à arriver dans des pays plus laxistes en matière d’accès aux aides sociales, comme la France ou la Belgique, et plus récemment l’Allemagne.
L’Union Européenne est-elle donc responsable d’un appel d’air migratoire ? Notons d’abord que c’est Angela Merkel qui, de son propre chef et sans en informer ses partenaires ou les dirigeants de l’UE, a décidé d’ouvrir ses frontières aux migrants prétendument venus de Syrie, bien que beaucoup viennent de partout sauf de Syrie. C’est donc une dirigeante nationale qui, de manière souveraine, a décidé de cette politique d’un nombre croissant d’Allemands lui reproche. Mais il en a toujours été ainsi.
C’est en effet dans le pays le plus europhobe d’Europe, le Royaume-Uni, dont le vote en faveur d’un « brexit », prôné depuis des années par tous les grands quotidiens britanniques, qui n’ont cessé d’accuser l’UE de tous les maux, illustre le peu de popularité dont jouit l’Union Européenne, à tort ou à raison, dans ce pays, que l’immigration post-coloniale a commencé, de par la volonté de la gauche travailliste, le Labour. Déjà dans les années 50, des émeutes « ethniques » ont commencé à éclater et ceux qui s’en sont émus, à l’instar du conservateur Enoch Powell, ont très vite été diabolisés.
En France, dès la Libération, le patronat, dans une alliance surprenante avec les communistes, a commencé à prôner une immigration post-coloniale pour « reconstruire la pays ». De Gaulle, avant sa démission en 1946, prônait au contraire une immigration strictement européenne. De même, c’est en 1963 que le gouvernement allemand a signé un accord avec la Turquie pour faire venir des centaines de milliers de travailleurs turcs en Allemagne, à une époque où régnait à Berlin le principe du « droit du sang » jusqu’à ce que Schröder en 2000 y ajoute un droit du sol.
Ce sont donc bien les Etats « nationaux » qui sont responsables de cette politique migratoire, ayant amorcé le processus et créé les pompes aspirantes qui n’ont désormais jamais cessé de fonctionner. Notons aussi que les pays d’Europe non membres de l’UE sont confrontés au même phénomène, et le cas de la Norvège est emblématique, ce qui démontre bien que l’UE n’en est pas spécialement responsable, même si elle ne fait rien, et structurellement ne peut rien faire, contre.
L’Union Européenne est une « Europe des Etats » (cf. Jean-Paul Jacqué) donc elle est à l’image des Etats qui la composent et qui sont liés entre eux par des traités. Elle n’est donc aucunement une entité politique et n’est représentée en tant que telle ni à l’ONU ni à l’OTAN. Même si le traité prétendument « constitutionnel » de 2005 avait été voté, elle serait restée la même organisation.
Qui dirige l’Union Européenne ? Trois structures principales peuvent être évoquées. Il y a le Conseil Européen, composé des chefs d’état et de gouvernement des 28. Il y a ensuite le Conseil de l’Union Européenne qui réunit tous les ministres des 28 en chargé d’un domaine précis, par exemple l’agriculture. Ces deux organisations sont donc supranationales certes, mais surtout composées des élus des nations. Il y a enfin la Commission Européenne, dont le président est choisi par consensus par les chefs d’état et de gouvernement, qui choisissent aussi les commissaires, chaque commissaire représentant un état membre. C’est ainsi que François Hollande a imposé Pierre Moscovici à Bruxelles.
Certes le parlement européen dispose désormais de la possibilité de rejeter le président de la commission européenne proposé par les Etats et de refuser également les commissaires. Il n’a jamais vraiment utilisé ce droit de veto sauf pour barrer la route à un commissaire italien potentiel qui avait tenu des propos hostiles à l'homosexualité, Rocco Buttiglione. Si c’était un vrai parlement, c’est-à-dire composé de députés courageux, et non de recalés des élections nationales, dédommagés par leur parti en les envoyant à Strasbourg toucher des émoluments intéressants, ou des députés anti-européens incapables d’être élus aux élections législatives en raison d’un mode de scrutin défavorable, il rejetterait par principe le candidat des Etats. Il ne l’est pas mais pourrait le devenir.
Espérer de l’Union Européenne qu’elle mette en place la politique que les gouvernements nationaux exigent est en l’état illusoire. Elle n’est qu’une courroie de transmission. Contrairement à ce que prétendent les souverainistes, l’UE ne commande à personne. Elle obéit au contraire aux injonctions des gouvernements. C’est dans le rapport de force entre Etats que tout se joue. Il est sûr qu’Angela Merkel a aujourd’hui du poids mais celui-ci s’exprime en dehors de l’UE.
Or si les Etats sont les principaux responsables des politiques que les citoyens refusent, à quoi servirait donc de quitter l’Union Européenne ? A quoi cela servirait-il de suivre la ligne d’un Royaume-Uni qui ne résoudra aucun de ses problèmes de fond par son « brexit » ? En quoi l’euro est-il responsable du déficit français qui est essentiellement lié à l’effondrement de son modèle social, grevé par le coût immense d’une immigration post-coloniale qui pèse de plus en plus sur son économie, sur sa politique de sécurité, et génère structurellement un chômage de masse ?
Si la France et l’Allemagne sont dans la situation actuelle, ce n’est pas de la faute de l’Union Européenne, qui n’en est pas coupable même si elle n’est en aucune manière salvatrice non plus, c’est d’abord de la responsabilité de leur gouvernement respectif. Or peut-on « sortir de son Etat national » ? Car selon cette logique, c’est ce qu’il faudrait donc faire. Si le pouvoir réel était à Bruxelles, les media ne donneraient pas autant d’importance aux élections présidentielles en France ou législatives en Allemagne en 2017. Or les dirigeants des partis nationaux n’aspirent pas à devenir président de l’Union Européenne ou président de la commission, mais chancelier allemand ou président français. C’est donc que pour eux le véritable pouvoir est bel et bien resté au niveau national.
Et si l’Union Européenne demain pouvait au contraire servir de point de bascule pour renverser les politiques des gouvernements « nationaux » ? Et si elle était le bélier qui permettait de renverser le système dont elle est elle-même le fruit ? Cela voudrait dire qu’il faudrait s’emparer de l’Union Européenne, grâce aux élections européennes qui sont la seule porte d’entrée existante, de jouer ainsi Strasbourg contre Bruxelles, et en réalité contre Paris et contre Berlin. Au lieu de sortir de l’Union Européenne, ce qui ne résoudra aucun problème, en prendre le contrôle et la retourner contre ceux qui en furent les promoteurs serait beaucoup plus sage. Car les périls dont tous les Européens souffrent nécessitent une grande politique qui ne sera vraiment efficace qu’au niveau européen, du fait qu’une Europe unie sera capable de tenir tête aux USA et au monde entier, surtout si elle cultive en outre une forte amitié avec la Russie.
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
22:31 Publié dans Analyses, Anti-mythes, Institutions européennes, Programme du Parti des Européens | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bouc émissaire, union européenne, souverainistes, immigration, révolution |
10/02/2017
Gallia ou Francia : le vrai nom de la France.
Me plongeant dans un dictionnaire vieil-islandais/anglais (« A concise dictionary of old icelandic » par Geir T. Zoëga), je tombais sur l’expression suivante : Valir, habitants de la France (autres que les Francs) et plus loin Valland, France. En revanche je trouvais à Frakkar, les Francs, et rien à Frakkland, le nom de la France en islandais contemporain. Nous sommes au XIème siècle et pour les Islandais, notre pays est Valland, c’est-à-dire la Gaule tout simplement, et les Gaulois (Valir) s’opposent encore aux Francs (Frakkar).
Pourquoi est-ce intéressant ? Cela démontre indubitablement, tout comme l’illustre en grec moderne le fait que notre pays soit encore appelé Γαλλία (Gallia), que la légende d’une France née toute armée du baptême de Clovis ne tient pas. Et que l’opposition évoquée par Sieyès en 1789 entre peuple gaulois et noblesse franque, toute artificielle soit-elle à cette époque, remonte à une longue histoire. Il n’y a alors pas de roi de France mais un roi des Francs.
Ce n’est qu’ultérieurement, après Hugues Capet et sans doute pas avant Philippe Auguste que la notion de roi de France émerge réellement, dans la rivalité du capétien avec le « britannique » Richard Cœur de Lion qui était au moins aussi français que son adversaire. C’est ensuite l’unification linguistique du territoire suite aux annexions, mariages et victoires des Capétiens, la guerre de cent ans qui rompt l’unité linguistique entre aristocraties française et anglaise, et crée ainsi un sentiment national, puis au décret de Villers-Cotterêts. Progressivement, mais surtout au XVIIIème et XIXème siècles, et avec l’école publique, les patois vont s’effacer et la révolution française, par jacobinisme, allant beaucoup plus loin que l’ancienne monarchie, s’attaquera même aux langues régionales non affiliées au francien (le français d’oïl) dont le francilien servait de koinê, à savoir les parlers occitans, le breton ou le basque.
Il ne faut pas enseigner un « roman national » c’est-à-dire une légende comprenant de nombreuses approximations et même de pures inventions, mais enseigner la patiente construction nationale de la France au sein d’un processus commun de construction des nations d’Europe voisines, montrer ce qui relie et distingue les Européens entre eux et ainsi permettre à l’Europe de rentrer dans le XXIème siècle armée du sentiment de parenté et d’unité des peuples européens et ainsi capable de vaincre tous les maux qui la menacent. Il ne s’agit pas d’enseigner un « roman européen » en lieu et place d’un « roman national », mais la vérité européenne. La France est une nation celte (« gauloise ») à la langue latine et au nom germanique. Elle est une Europe en miniature. Et son histoire peut aider l’Europe à bâtir la sienne.
15:03 Publié dans Analyses, Histoire | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : gaule, france, gallia, francia, europe |