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20/10/2019

Actualités européennes : le refus de l’intégration balkanique

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Récemment, Emmanuel Macron, avec Mark Rutte (Premier Ministre néerlandais) et le premier ministre danois, s'est posé en étendard de la continuité de l’entrisme atlantiste dans l’Union Européenne, et ce en rejetant l’entrée des pays balkaniques, avec la Macédoine du Nord et l’Albanie à l’ordre du jour, provoquant de nombreuses déceptions dans ces deux pays.

Tant chez la chancelière allemande Angela Merkel, que chez le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, ce dernier dénonçant même “une lourde erreur historique” et que “pour être crédible, elle [l’Union européenne] doit respecter ses engagements”, que chez le président du Conseil européen Donald Tusk mentionnant qu’une « écrasante majorité des États membres étaient favorables » à l’ouverture des négociations avec les deux candidats, qui requiert l’unanimité des États membres, tous ont manifesté leur mécontentement.

Alors que le dossier balkanique, comme le Brexit, est encore repoussé aux calendes grecques (au printemps 2020 lors du prochain sommet UE-Balkans organisé à Zagreb, où la Croatie sera la prochaine directrice pendant 6 mois), Zoran Zaev (Premier ministre de Macédoine du Nord) a proposé qu’aient lieu des élections anticipées, dont les dates seront dévoilées le 20 octobre 2019, en réaction à cette décision de rejet de Bruxelles.

Et encore une fois, s’il fallait en douter, l’Union Européenne prouve qu'elle est une « Europe des États », par nature stérile avec toujours le même manichéisme occidental où les « projets européens » sont perpétuellement repoussés à plus tard.

En attendant peut-être un changement, grâce au Parti des Européens (LPE).

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

24/01/2019

A propos du traité d'Aix la chapelle et de la notion de souveraineté

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NX-15519.jpgLa signature du traité dit d’Aix-la-Chapelle entre la France et l’Allemagne a suscité beaucoup de réactions. Sans doute a-t-on attaché trop d’importance à ce qui n’était qu’une opération de communication. Elle a été voulue par Emmanuel Macron pour l’aider à construire une façade de partisan de l’Europe, et concédée par Angela Merkel qui n’a plus de poids politique. Même s’il a fallu flatter le voisin allemand pour y parvenir. Mais tout texte, fût-il mal conçu et peu contraignant, a malgré tout une signification.

Le Rassemblement national (RN), comme une certaine partie de la droite, y a vu une perte de souveraineté, certains parlant de trahison. C’est sur cette perte supposée qu’il nous faut réfléchir. De quelle souveraineté s’agit-il quand on parle de celle de la France ? Est-ce celle du pouvoir de son dirigeant ou est-ce celle du pouvoir de son peuple ?

Le président Emmanuel Macron n’a pas perdu la moindre parcelle de son pouvoir par le fait du traité. Prenons ainsi l’exemple de la politique étrangère et de la défense. La France et l’Allemagne se sont engagées à coordonner leurs actions dans ces domaines, favorisant les échanges de personnel diplomatique et instituant notamment un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité. Si, pour une raison quelconque, les dirigeants français et allemands sont amenés à prendre des décisions contradictoires, comme cela a été souvent la cas dans un passé récent, rien ne pourra les en empêcher. Alors ils se garderont bien de faire jouer les instances communes qu’ils ont instituées. En revanche si l’un ou l’autre, à propos d’une question un peu épineuse et faisant débat, est en phase avec son homologue ou parvient à le convaincre de rejoindre sa position, il pourra expliquer dans son pays qu’il est contraint par l’obligation de trouver une position commune, sollicitant par exemple l’avis d’un Conseil compétent.

En revanche le peuple français, comme le peuple allemand, aura perdu un peu de son pouvoir. On vient d’expliquer le mécanisme qui permet de court-circuiter le peuple lorsque sa position pourrait ne pas être celle attendue par son dirigeant.

C’est exactement ce qui se passe avec l’actuelle Union européenne. Il est inexact de dire que telle ou telle décision est imposée par Bruxelles. Lorsque l’avis des représentants du peuple français n’est pas sollicité, au prétexte de l’obligation de se conformer à telle règle européenne, c’est parce que son dirigeant s’est arrangé auparavant avec ses homologues pour ladite règle soit instaurée. Il y a bien un cas où la règle européenne est légitime. C’est celui de l’Euro et de la règle des 3% relative au déficits publics. En France au moins, le peuple s’est prononcé par référendum. Le paradoxe est que cette règle a été peu contraignante. On a accepté n’importe quoi de la Grèce pour son admission, comme de la France pour s’y conformer. Si la règle n’est pas respectée en 2019, il est peu probable que cela fasse des vagues.

Il y a bien un transfert de pouvoir, aussi bien à l’occasion de ce traité franco-allemand qu’à l’occasion des traités européens. Mais un transfert du pouvoir populaire au bénéfice du pouvoir discrétionnaire d’un dirigeant. C’est une perte sèche de démocratie, indépendamment de ce qu’on peut mettre comme périmètre pour définir le peuple.

Ce n’est pas comme si une Europe politique était installée, sous la forme d’un état unifié.  Ou comme si la France et l’Allemagne fusionnaient pour donner naissance à un état commun. On pourrait alors parler de transfert de souveraineté démocratique. Aujourd’hui la souveraineté démocratique n’est pas transférée : elle est dissoute au bénéfice d’une techno-structure et in fine des membres d’un club.

Pour revenir au traité franco-allemand ou à toutes les opérations qui y ressemblent, dans l’absence d’une instance politique installée au niveau adéquat, pour produire les rapprochements, les convergences que l’on peut raisonnablement souhaiter, ce ne sont pas des institutions qu’il faut créer pour tenter de les imposer, mais des convergences qu’il faut réaliser, sous le contrôle des citoyens de tous les états concernés.

Évidemment c’est difficile : il faut des dirigeants éclairés et courageux pour cela. Et cela concerne certains sujets comme l’économie, quand la diplomatie a besoin d’une légitimité politique et quand la lutte contre le terrorisme peut se contenter d’une coopération avec une mise en commun de moyens. A l’inverse, les institutions nouvelles, qui se multiplient à l’infini avec un coût incontrôlé, ne sont que des alibis. Chacun le sait : quand on veut évacuer un problème, on crée une commission.

C’est ainsi qu’il faut apprécier le traité d’Aix-la-Chapelle. Beaucoup de bruit pour rien, surtout pour ne rien faire de sérieux. Juste de la poudre aux yeux, mais qui peut aveugler.

Pierre EISNER (Le Parti des Européens)

26/12/2017

Election de Laurent Wauquiez : économie, identité, Europe.

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wauquiez,macron,thomas ferrierAu lendemain de l’élection de Laurent Wauquiez, tous les commentateurs reviennent sur le positionnement du nouveau président comme principal opposant à Emmanuel Macron et comme incarnation du retour de la droite. Le constat est que la politique suivie par le premier ministre Edouard Philippe et le ministre des finances Bruno Lemaire, eux-mêmes issus des républicains, est de droite sur le plan économique et qu’on ne peut alors s’en démarquer que sur le plan identitaire. Or cette division de la politique entre les questions d'économie et celles d’identité relève d’une erreur d’analyse grave.

Il a été dit que Macron favorisait, sur le plan économique, les ultra-riches et les assistés. Les premiers font partie du cercle qui lui a donné les moyens de faire campagne. Les seconds constituent la foule censée permettre sa réélection. C’est ainsi que la base de l’ISF a été réduite au patrimoine immobilier, qui constitue une part importante de la richesse des classes moyennes supérieures alors qu’il est très minoritaire dans la fortune des plus aisés. C’est encore ainsi que l’augmentation de la CSG sur les retraites va frapper dès les classes moyennes inférieures. C’est toujours ainsi que la suppression de la taxe d’habitation concentrera cet impôt sur les revenus moyens dans leur ensemble.

Or le choix fait par Macron n’est pas seulement le résultat d’un calcul électoraliste. C’est la traduction économique d’un modèle de société de type féodal. D’un côté les seigneurs, ceux qui ont réussi, ont droit à tous les avantages pour former une caste fermée où l’on sait se reconnaître entre pairs. De l’autre les manants, ceux qui ne sont rien, peuvent être n’importe qui, venir de n’importe où ; on n’a pas à s’en soucier puisqu’ils n’ont pas vocation à se mêler aux seigneurs ; ce sont l’ouvrière taxée d’illettrisme, le travailleur étranger assimilé à une marchandise, le fauteur de bordel, le fainéant ; ils ne comptent que pour donner leur voix à un chef qui leur offre le spectacle gratifiant de sa parade en toute occasion, tout en leur accordant des aides en tout genre comme ce "pass culture" qui fait penser au "panem et circenses" de l’empire romain. Et il ne faut pas mélanger torchons et serviettes : il y a "eux" et "nous", les "out" et les "in", les "exclus" et les "inclus", comme Ivan Rioufol se plait à le rappeler.

Ce modèle s’oppose au modèle républicain, lequel tient sur les classes dites moyennes. Il s’agit des classes issues des classes populaires par l’effet d’un ascenseur social qui fonctionne réellement, les deux classes constituant le même peuple. L’ensemble doit alors respecter une certaine homogénéité, les classes populaires devant vivre de l’espoir de s’élever par l’ascenseur social. Autrement dit les deux classes réunies doivent mériter leur nom de peuple, et ne plus être un agglomérat informe et non identifiable de populations.

Le choix du modèle républicain finissant par s’imposer sur celui du modèle féodal est un trait de l’identité européenne. Cette identité est niée par Macron. Elle n’est pas davantage acceptée par les syndicats de gauche, lesquels se focalisent sur la défense des "manants" sans se rendre compte qu’ils ne pourront jamais leur offrir autre chose que de rester des manants.

Cette identité sera-t-elle suffisamment mise en avant et de la bonne façon par Wauquiez? C’est un point à suivre.

La politique de baisse des charges sur les entreprises initiée par François Hollande avec le CICE sera reprise par Macron sous une forme sans doute différente. Même si les choses ne sont pas toutes tranchées, il est à craindre que la baisse des charges reste plus ou moins ciblée sur les bas salaires. Évidemment cela aura sans doute pour résultat de faire un peu baisser le chômage dans un premier temps, ce dernier touchant principalement les emplois peu qualifiés.

Or le choix n’est pas seulement ici seulement dicté par une politique à court terme. Il s’inspire également d’un modèle de société de type féodal. D’un côté les seigneurs vivent sur les bons résultats à l’étranger de grandes sociétés éventuellement nationales, leurs profits étant placés de façon telle que la populace ne pourra pas y toucher. De l’autre on rassure les "serfs" en protégeant tant bien que mal leurs emplois peu compétitifs. Ces malheureux ont la garantie d’un SMIC qui est insuffisant pour vivre selon les standards que des européens seraient en droit d’attendre, dans une société où le progrès technique devrait pouvoir leur offrir de meilleures conditions que celles qu’ont connu leurs parents. Et qui est en même temps trop élevé dans la concurrence avec les pays voisins. On le constate avec la dégradation constante de l’équilibre des échanges commerciaux.

Le modèle féodal s’oppose aussi à ce qui pourrait être un modèle républicain dans lequel l’écueil précédent ne se rencontrerait pas. Dans ce dernier modèle, la qualité de la production et la qualification des travailleurs auront monté en gamme. C’est un petit peu ce qui cherche à se faire aujourd’hui en Allemagne, où, par conséquent, le coût du travail est en moyenne supérieur dans l’industrie à ce qu’il est en France, non pas parce que les charges y sont plus lourdes mais parce que le travail y est plus qualifié. Contrairement à ce qu’on lit souvent, ce n’est pas l’usage de machines-outils qui est le moteur de la différence entre les deux pays, mais l’investissement dans le facteur humain. C’est un petit peu aussi ce que soutenait Valéry Giscard d’Estaing quand il se décrivait, assez maladroitement, comme le premier ouvrier de France. Dans ce modèle tout travail doit être qualifié, quelle que soit sa nature. Évidemment il faut pour cela une société tirée vers le haut par une école qui transmet un patrimoine partagé et qui prépare au service d’un dessein commun. Autrement dit une société qui bénéficie d’une identité construite au cours des siècles et ayant vocation à poursuivre sa construction.

Le choix féodal est celui de Macron et de tous ceux qui, venant de droite, l’ont rejoint ou tentent de prospérer dans son sillage. La critique adressée par les syndicats de gauche manque la cible, quand elle propose d’augmenter le SMIC sans changer le paradigme du travail, ce qui ne peut que conduire à la catastrophe. Le résultat est qu’ils restent les bras croisés face à la menace de délocalisation. La gauche, qui a été dans le passé l’initiatrice du modèle républicain, s’inscrit aujourd’hui dans un modèle féodal qu’elle imagine pouvoir adapter. C’est ainsi que la politique économique de Macron est conforme à la nouvelle matrice de gauche, contrairement à ce que l’on entend partout dire, même si des mesures comme la dérégulation du travail ou la baisse des APL donnent une image contraire. Sachant, par ailleurs, que le choix judicieux de son ministre de l’éducation vient comme l’exception qui confirme la règle. Brice Couturier, dans un dialogue avec Ivan Rioufol pour le journal Le figaro en décembre, oppose très bien ce qui est « combattre les inégalités en amont, assurer l’égalité des chances en équipant les individus de compétences qui leur permettront de faire valoir leur valeur sur un marché du travail réanimé » et ce qui est « réparer les maux sociaux en aval ». Mais il se trompe doublement. En attribuant la seconde à la « vision classique de la gauche » alors qu’il s’agit de celle d’une gauche ayant perdu ces idéaux, une gauche réduite aux symboles ou une « gauche libérale » comme celle de Terra Nova. Et en attribuant la première à Macron, alors que toute son action et ses paroles prouvent le contraire. Notre débatteur serait-il prêt de reprendre la formule du « cancer de l’assistanat », qui soulève tant de critiques de la part d’une droite se prétendant « humaniste », en rangeant Macron sous cette bannière ?

Maintenant le choix républicain sera-t-il celui de Wauquiez ? On le verra.

Évidemment on notera que la situation actuelle de France n’est pas calée sur l’un des modèles. Si la certains cherchent à la faire évoluer vers un modèle féodal, elle conserve encore des acquis de son passé républicain. Par ailleurs, dans le modèle féodal du moyen-âge, les manants n’avaient pas le pouvoir. Or personne ne cherche à remplacer le suffrage universel, qui donne en principe aux manants le loisir de désigner leurs dirigeants. Mais si l’on regarde de près, on s’apercevra que la politique est organisée de façon telle que ce pouvoir est plus théorique que réel. Cela met en jeu un tas de mécanismes subtils. Ainsi le pouvoir médiatique est-il aux mains d’une caste ; c’est elle qui décide qui est respectable et qui ne l’est pas. Le pouvoir judiciaire est lui-même très politisé à gauche, à savoir du côté des bien-pensants. On a vu, avec l’affaire Fillon, comment il pouvait décider d’une élection. Par ailleurs il faut rassembler des fonds importants pour faire campagne. On les trouvera auprès des seigneurs, ce qui n’est pas spécifique à la France : Barack Obama a reçu beaucoup d’argent des électeurs afro-américains, mais sans le soutien de la haute finance il n’aurait pas existé ; si Donald Trump a pu s’en passer, c’est parce qu’il disposait d’une fortune personnelle. Dans les démocraties occidentales, les débats télévisés font que les électeurs se décident sur une personne plus que sur une ligne. Ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron ont-ils retenu du programme de leur candidat autre chose que des formules comme « en même temps » ou « de droite et de gauche » ? Ils ont voté pour l’homme providentiel. Quand il a fallu élire un président pour le mouvement de La république en marche, les "manants" qui avaient milité au moment de l’élection ont tôt appris qu’ils n’étaient que des manants. On a tiré au sort une poignée d’entre eux, pour imposer à ceux-là d’approuver à main levée le choix du monarque.

Ceux qui critiquent le plus fort la ligne de Wauquiez lui reprochent son euro-scepticisme, qu’ils associent à une ligne identitaire. Dans la pure confusion entre identitaires et souverainistes. Quel contresens ! La vision souverainiste est indissociable d’une enfermement nostalgique de la France dans son empire colonial. C’est le contraire de la vision identitaire qui fait de l’Europe la référence pour la définition d’un peuple, d’un peuple qui partage sur le même continent le même patrimoine et le même dessein.

Pour autant le rejet de l’actuelle union européenne est aujourd’hui une évidence. Dans son livre sur "Le destin de l’Europe" qu’analyse un article de Frédéric Lemaître pour le journal Le monde paru en octobre, Ivan Krasnev explique le scepticisme des pays de l’Est : « ce que craignent les gens, c’est que les méritocrates, en cas de grandes difficultés, choisissent de partir plutôt que de rester et d’assumer les conséquences de certains choix ». Ce faisant, commente le journaliste, il n’oppose pas l’Europe « d’en haut » et celle « d’en bas », mais « les gens » de « quelque part » et ceux qui sont partout chez eux.

Voilà une bonne définition de la nouvelle féodalité ! Les nouveaux seigneurs, ceux qui ont réussi, ne sont plus attachés à une terre. Ils forment une caste internationale, comme les familles régnantes de l’ancien régime. Les nouveaux manants, en revanche, restent enracinés. A l’Ouest, s’ils ne font pas l’affaire, les seigneurs les remplacent. A l’Est ces mêmes manants ne veulent pas connaître cette forme d’abandon. Or c’est ce que leur propose une Europe qui n’est jamais qu’un club de seigneurs. On est très loin d’une Europe portée par un peuple européen.

Se trouvera-t-il, en soutien de Wauquiez, quelques européistes convaincus, porteurs d’un projet ambitieux, à même de dénoncer tous ces euro-béats qui détestent en profondeur l’Europe ? C’est l’avenir qui le dira.

Pierre EISNER (Le Parti des Européens)

25/04/2017

Elections présidentielles françaises : un échec collectif.

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Sans titre.PNGA l’issue d’une campagne pénible, polluée par les interventions de la justice, où onze candidats, dont quatre étaient réduits au simple témoignage, se sont affrontés, le premier tour a abouti au duel Macron / Le Pen, celui-là même que tous les sondages indiquaient depuis plusieurs semaines, mais l’ordre prévu a été inversé. Aucun candidat, même les deux finalistes, ne peut s’estimer être sorti vraiment vainqueur de cette confrontation.

Avec 24,01% des voix, Emmanuel Macron est sorti finalement en tête, en ayant bénéficié d’un report de voix favorable à la fois de la droite du PS, du centre et de la gauche de LR, mais aussi d’un soutien médiatique sans faille et de l’action des réseaux Hollande. Candidat créé artificiellement par le système politico-médiatique, sans assise populaire, n’ayant jamais été candidat à la moindre élection même locale, représentant par excellence de la bobocratie, il a su donner l’illusion d’être un homme neuf, libre de tout appareil politicien comme des fameuses « Primaires » qui ne survivront sans doute pas à 2017. En réalité, il a été soutenu par les plus démonétisés et « has been » de la classe politique française, de Robert Hue à Alain Madelin, et par tous les « philosophes » du conformisme le plus béat.

Avec 21,3% des voix, Marine Le Pen réussit à accéder pour la première fois au second tour d’une élection présidentielle. Sa présence était prévue par tous les instituts de sondage depuis plus d’un an, mais en tête et plus près des 27% que des 20%. Or elle a bien failli être éliminée, François Fillon obtenant 20,01% des voix et Jean-Luc Mélenchon 19,58%. Les sondages montraient en effet cette dernière semaine un tassement des intentions de vote en faveur de Marine Le Pen. Les raisons de cette contre-performance sont multiples.

Elle a été concurrencée sur le terrain du vote protestataire par Jean-Luc Mélenchon, sur le terrain de l’Europe, où Nicolas Dupont Aignan a proposé un souverainisme modéré, renonçant à tout départ de l’UE ou de tout abandon de l’euro, et enfin sur le terrain des valeurs conservatrices par François Fillon. Ce dernier a repris à droite ce qu’il a perdu au centre, mais de manière insuffisante. Son pari insensé, alors que l’affaire « Pénélope » l’avait plombé, a bien failli réussir. Il était néanmoins difficile de penser qu’il pourrait vaincre Macron. Certains ont ainsi proposé un vote stratégique, en cherchant à opposer Marine Le Pen et Fillon au second tour, garantissant ainsi l’élimination de la gauche et du candidat médiatique Macron.

D’autres raisons ont pu amener à décourager certains électeurs en sachant que 80% de ceux-ci ont voté Marine Le Pen pour signifier leur opposition à l’immigration sous-entendue extra-européenne. Les prises de position en faveur d’une coopération avec l’Afrique, les aides annoncées aux DOM-TOM, message qui a été fort bien entendu par les domiens par ailleurs, sa modération sur l’islam, devenu compatible avec la république selon elle, auront déstabilisé certains électeurs. Elle aura aussi subi les effets pervers de la dédiabolisation, faisant apparaître Jean-Luc Mélenchon comme davantage contestataire du système en place qu’elle-même. Ses positions sur l’Union Européenne et l’euro ont maintenu entre elle et l’électorat de droite un cordon sanitaire naturel.

La surprise est venue du vote des DOM en sa faveur. 23,5% à la Réunion, 27,3% à Mayotte (île à 99% bantoue et musulmane), 32,5% en Polynésie Française ou encore plus de 25% en Guyane. Une façon de marquer leur sentiment d’appartenance à la France ? Ou bien plutôt la marque des « vertus » de la démagogie socialisante sauce mariniste dans ces territoires ? A Paris, elle ne fait que 5% des voix, score lamentable, pour 12,6% en moyenne en Ile de France. L’ouest reste rétif (15,3% en Bretagne seulement), l’Est,le Nord et le sud-est sont forts. La Corse voit le FN atteindre presque 28% des voix, les nationalistes n’hésitant pas à la soutenir au niveau national alors qu’ils la rejettent au niveau régional.

Fillon échoue de peu, n’ayant néanmoins jamais réussi à remonter la pente. Mélenchon absorbe la gauche du PS sur une ligne plébéienne où il incarne un côté robespierrien, évoquant sa « patrie bien aimée » dans un étrange discours de défaite.

Avec 6,36% des voix, le candidat du Parti Socialiste, Benoît Hamon, prend une correction dans les urnes. Pris en tenailles entre un Mélenchon qui pouvait espérer le second tour et un Macron rejoint par plusieurs ténors du PS, il était contraint à faire de la figuration. Le score du PS laisse augurer d'une future extinction.

Nicolas Dupont-Aignan, avec 4,7% des voix, échoue de peu à voir sa campagne remboursée. Cette perte financière va certainement limiter ses ambitions qu’il annonçait immenses au moment des résultats. Il n’a pas apporté de soutien à Marine Le Pen dimanche soir. Il est douteux qu’il le fasse car cela signifierait un ralliement implicite, dans un contexte où la dédiabolisation du FN a échoué, même si l’anti-fascisme de bazar semble adouci par rapport à 2002, car aucun dirigeant politique, aucune personnalité, n’a annoncé son soutien à la candidate du FN.

Le sympathique quoique peu audible Lassalle sort premier des petits candidats avec 1.2% des voix. Les gauchistes Poutou (1,09%) et Arthaud (0,64%) montrent la réalité électorale de leur activisme de rue, à savoir qu’ils ne représentent personne. Avec 0,92% des voix, Asselineau réalise une performance pour quelqu’un de parfaitement inconnu du plus grand nombre en dehors des réseaux sociaux, même si son score reste très modeste. L’européiste identitaire que je suis ne va pas pleurer sur son sort.  Cheminade, n’ayant obtenu que 0,18% des voix seulement, la colonisation de Mars prend du plomb dans l’aile.

Au second tour, Marine Le Pen peut espérer un report favorable des électeurs de Dupont-Aignan, d'au moins la moitié des électeurs de François Fillon du premier tour, d'une petite part de mélenchonistes. Elle devrait pouvoir dans un contexte gauche/droite réunir 40% des voix, si comme tout le laisse penser, beaucoup de gens de gauche répugnent à voter pour Macron et restent chez eux. Ses chances réelles de victoire sont néanmoins très faibles.

Enfin un troisième tour, avec les élections législatives, peut laisser espérer à la droite classique de prendre sa revanche. Il est douteux que le mouvement "En marche", très composite et sans colonne vertébrale, puisse réunir autour de lui une majorité, à moins d'une "grande coalition" très hypothétique au centre.

Thomas Ferrier (Le Parti des Européens)

26/02/2017

Faisons le vrai bilan de la colonisation.

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Boulet.JPGLe débat sur la colonisation française en Algérie a été relancé par Emmanuel Macron qui s’est laissé aller à dire qu’elle était un « crime contre l’humanité », suscitant un tollé logique en France en retour. Nombreux ont souligné l’ineptie de cette accusation contre son propre pays par un candidat aux élections présidentielles en visite en Algérie. La preuve même que la colonisation n’est pas terminée, c’est d'être allé à Alger dans le cadre de sa campagne pour récupérer le vote des binationaux franco-algériens. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les accords d’Evian, validés en 1962 par le peuple français, n’ont pas réglé la question. Par le biais de l’immigration en provenance des anciennes colonies, elle est revenue sous une autre forme.

La droite et l’extrême-droite ont réagi en évoquant « l’œuvre civilisatrice de la France en Algérie », au lieu de faire le vrai bilan de la colonisation, qui ne justifie ni opprobre ni apologie. Car la France, comme les autres nations colonisatrices d’Europe, a commis une grave faute, une erreur majeure qu’elle a payée cher financièrement à l’époque, et qu’elle paie aujourd’hui aussi.

L’ouvrage de Daniel Lefeuvre (« Pour en finir avec la repentance coloniale ») a été en ce sens salutaire mais n’a pas été compris comme il aurait dû l’être. Bernard Lugan également a fait le bilan financier de la colonisation. On se rend compte ainsi des sommes pharamineuses que la France a dû payer pour construire routes, écoles et hôpitaux en Algérie. Le bilan financier de la colonisation est très déficitaire, ce qui signifie que non seulement la France ne s’est pas enrichie en colonisant l’Afrique, mais qu’elle y a perdu, qu’elle s’est même attachée un boulet économique aux pieds, freinant sa propre croissance économique. Les sommes gaspillées en pure perte au profit de l’illusion coloniale auraient pu et dû être utilisées pour renforcer l’armée et pour améliorer les conditions de vie des Français.

La colonisation fut donc du point de vue de l’intérêt des Français une folie. Elle a créé les conditions favorables à l’immigration post-coloniale comme nous la connaissons aujourd’hui, en créant des ponts entre les deux rives de la Méditerranée, et en perturbant gravement le système démographique de ces pays. En faisant artificiellement baisser drastiquement le taux de mortalité des populations colonisées, alors que l’évolution des mentalités est longue, le taux de natalité continuant d’être très élevé, le colonisateur a créé une dynamique démographique anormale, un désordre qui explique pourquoi, notamment en Afrique subsaharienne, la croissance démographique explose littéralement. Et bien sûr cette explosion démographique a un impact migratoire sur l’Europe.

Alors que la France n’a pas hésité à faire venir des travailleurs nord-africains sur son territoire depuis 1946, et continue de les laisser venir, elle a abandonné les colons français à un sort détestable, qui les a amenés dans des conditions extrêmement douloureuses à regagner la métropole après 1962. Un échange de population aurait au moins été logique mais il n’a pas eu lieu, et si De Gaulle a eu raison de vouloir « lourder » le boulet colonial, il a eu le tort de ne pas rompre radicalement avec les anciennes colonies. Car il fallait une séparation totale, qui n’a pas eu lieu, parce que les gouvernements ont remplacé le colonialisme classique par un néo-colonialisme qu’on appelle Françafrique (ou Commonwealth chez les Britanniques) et par l’immigration, réintroduisant ainsi la « question coloniale » au cœur même de l’ancienne métropole.

Ne pas comprendre qu’il y a un lien entre la colonisation, une décolonisation non aboutie et l’immigration, est une erreur majeure d’analyse et de compréhension. Au contraire, le bilan de la colonisation doit nous amener à condamner l’expérience du point de vue de nos intérêts, au lieu de prétendre avoir fait œuvre utile, et avoir ainsi donné des armes qu’on retourne désormais contre nous. Le cynisme aurait été plus excusable que l’humanitarisme derrière lequel on s’est caché. Il n’y a jamais eu de « fardeau de l’homme blanc » autre qu’imaginaire, aucun « devoir » au sens de Jules Ferry. C’est le Parti Radical qui est le seul responsable, au nom d’une conception universaliste du monde, paravent d’une logique purement affairiste, de la colonisation, donc la « gauche » de l’époque. Les droites n’ont pas à l’assumer ni à en faire l’éloge.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)