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23/05/2016

Elections parlementaires à Chypre. Les sortants sanctionnés

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élections législatives,Chypre,2016Ce 22 mai se déroulaient dans une totale occultation de la part des media français des élections parlementaires dans la partie grecque, et seule membre de l’Union Européenne, de l’île de Chypre.

A l’image des autres élections chez leurs voisins européens, les Chypriotes ont exprimé dans les urnes leur lassitude face aux partis institutionnels, et notamment la droite démocrate-chrétienne et la gauche marxiste (« communiste »).

Avec 30.69% des voix et 18 sièges, le Rassemblement Démocratique (démocrate chrétien et libéral) au pouvoir s’érode, perdant 3.7 points et 2 sièges. Il est donc loin de constituer une majorité au sein d’un parlement de 59 sièges. Les communistes du AKEL avec 25.67% des voix et 15 sièges sont également sanctionnés et plus durement que le parti au pouvoir. Ils perdent 7.1 points et 4 sièges. On peut encore se demander comment un parti se réclamant du léninisme peut encore exister au sein d’un état membre de l’UE mais en tout cas il recule.

Les modérés du Parti Démocrate ne sont pas mieux lotis. Avec 14.49% (-1.3) et 8 sièges (-1), ils ne profitent pas du recul des deux principaux partis et s’associent au contraire à leur désaveu. Même chose pour les sociaux-démocrates et écologistes du KSD, avec 6.18% des voix (-2.8) et quatre sièges (-1).

De nouveaux partis en revanche récupèrent ces électeurs. L’alliance des citoyens (SYROL), représentant un populisme de gauche, obtient 6.01% et 3 sièges, de même que le mouvement écologiste (KOSP) avec 4.81% des voix et 3 sièges. Ces partis ont bénéficié du recul de la gauche communiste et socialiste.

C’est à droite que le renouveau se fait également. Avec 5.24% des voix et 3 sièges, le Mouvement Solidarité, dont le nom cache un parti eurosceptique et national-conservateur, rentre au parlement. Mais la surprise vient aussi du petit parti ultra-nationaliste ELAM (Front National Populaire), version chypriote de l’Aube Dorée grecque, qui obtient 3.71% des voix (+2.6) et deux députés, entrant pour la première fois à la Chambre des Représentants.

Enfin d’autres petits partis, donc le Parti des Animaux de Chypre, avec 1.16%, se répartissent le restant.

Le parti de droite au pouvoir va devoir composer afin de se doter d’une majorité de 30 députés, ce qui implique une alliance avec les centristes mais aussi avec les souverainistes. Cette coalition serait très difficile toutefois à établir. La gauche aura de son côté beaucoup de mal à proposer un gouvernement d’alternance autour des communistes. Chypre risque donc de devenir ingouvernable ou dirigée par une coalition hétéroclite d’intérêts centrifuges. Là encore, les électeurs de Chypre ont voulu sanctionner les sortants sans se doter d’une opposition crédible afin de les remplacer. C’est un phénomène européen.

Défaite sur le fil du candidat FPÖ Norbert Hofer. Les raisons d’un échec

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Les résultats.

Avec 49.7% des voix contre 50.3% pour l’écologiste Alexander Van der Bellen, Norbert Hofer (FPÖ) a échoué de peu aux élections présidentielles autrichiennes, alors que tout indiquait qu’il serait élu avec une certaine avance. Il est victime notamment du vote des électeurs par correspondance, ceux-ci ayant donné 61.7% des voix à Van der Bellen contre 38.3% à Hofer. Par ailleurs, 40% seulement des femmes autrichiennes ont donné leur voix au candidat FPÖ.

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La victoire de Van der Bellen s’explique par un excellent report de voix venus de tous les partis, et notamment de près de 50% des électeurs de droite (ÖVP) et une plus grande mobilisation des abstentionnistes. Dans ces conditions, malgré une progression de 14.6 points entre les deux tours, Hofer échoue, certes de peu.

Le nouvel élu, particulièrement fade et pourtant sans relais sur le terrain, a bénéficié d’abord d’un vote de rejet (47% de ses électeurs ont voté pour lui par crainte du FPÖ) et ensuite d’un vote systémique, par l’effet anxiogène des pressions internationales et de la propagande médiatique. En effet, aucune célébrité ou presque n’a apporté un soutien public au FPÖ, même s’il n’y a pas eu de campagne diabolisatrice analogue à 2002 en France.

Les raisons profondes.

norbert hofer,défaite,fpÖ,van der bellen,autricheIl y a des raisons plus profondes à cet échec et celles-ci dépassent le cadre national de cette élection et existe dans les autres pays d’Europe. Ce phénomène touche aussi bien le FN que l’AFD. Les femmes, électorat plutôt conservateur par nature, ce pourquoi la France républicaine avait tant rechigné à leur accorder le droit de vote, et les retraités, sont en effet rétifs au discours de « repli » que peut incarner à sa manière le FPÖ. Enfin, il ne faudrait pas oublier le poids croissant des minorités d'importation, le candidat Van der Bellen ayant même proposé des affiches en allemand et turc.

Même si ce dernier sur les questions européennes est beaucoup plus mesuré que son partenaire français de Strasbourg (FN), il suscite une crainte d’ordre irrationnel encouragée par les media. Le discours anti-€ et anti-UE fait peur à ceux qui réussissent socialement ou se sentent protégés par des « acquis sociaux ». Si 86% des ouvriers ont voté FPÖ, très peu de cadres ont en revanche fait ce choix.

Le FPÖ est nazifié dans la presse internationale, alors que rien ne le justifie objectivement. Il n’a pas été plus composé d’anciens nazis que l’ÖVP ou le SPÖ et Kurt Waldheim n’était pas non plus un FPÖ. Si le FDP allemand, qui avait connu au départ une évolution semblable, est sur une ligne très différente, ce n’était pas le cas dans les années 60. Schönhuber lui-même était un ancien membre des sociaux-démocrates (SPD).

Enfin, le programme de Hofer était ambitieux et a froissé les conservateurs de tous poils. Il voulait donner à la fonction de président autrichien la plénitude de ses droits. Il était prêt à s’opposer aux quota de migrants à Bruxelles ou à l’adhésion de la Turquie. Cela a pu aussi alimenter les craintes de nombreux électeurs. Ils ont préféré un président potiche, comme ses prédecesseurs, et ce sera en effet le cas.

norbert hofer,défaite,fpÖ,van der bellen,autricheL’idée d’un président FPÖ avec un chancelier FPÖ (Strache) sponsorisé par lui, représentant un cumul potentiel de pouvoirs, a effrayé certains au moment du vote. Pourtant cette crainte relève du fantasme. Les véritables dangers sont de nature identitaire et à défaut d’y parer efficacement, le FPÖ aurait au moins pu limiter la casse et décourager des réfugiés potentiels de faire halte en Autriche.

Les enseignements de cette élection, comme ceux du second tour des élections régionales en France, c’est qu’un programme anti-européen est anxiogène, que l’idée d’un « repli » crée une peur économique, mais que malgré tout la crise identitaire amène presque un électeur sur deux à soutenir le FPÖ en Autriche.

Une force politique qui associerait résistance identitaire et cadre européen d’action serait invulnérable, sous réserve de réussir à créer les conditions d’émergence requises.

Le FPÖ ne doit donc pas écouter les sirènes du « marinisme » et doit au contraire jouer une partition mesurée associant identité autrichienne et identité européenne. Ce sont là les clés de son éventuel succès futur. Et c’est ainsi qu’il sera aussi utile à tous les autres Européens, afin de lancer le signal de la reconquête, et au lieu d’un repli national sur des conceptions frileuses, bâtir les assises de la Grande Europe.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)