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28/05/2016

Loi El Khomri. Gouvernement et syndicats dans l'erreur

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El Khomri,CGT,Hollande,article 2A propos du bras de fer entre l'exécutif et les syndicats radicaux, on entend dire que la responsabilité des troubles est partagée. François Hollande joue le peu de crédibilité qu'il lui reste, lui qui prétend "réformer jusqu'au bout". Et la CGT joue sa place de première centrale syndicale, et même son influence future dans la mesure où elle est moins à l'aise dans le dialogue dans l'entreprise.

Nous allons commencer d'une façon qui va à l'encontre des commentaires du monde médiatique, de la position d'un économiste comme Nicolas Bouzou et de ce qu'on entend dire à droite. Il faut donner raison à la CGT et à FO sur un point : il est normal de défendre ce qu'on appelle la règle dite de "faveur" en matière de normes, à savoir le loisir pour une branche de négocier seulement un accord plus favorable aux salariés que la norme nationale, puis pour une entreprise de négocier seulement un accord plus favorable que celui de sa branche.

La norme nationale, dont on espère qu'elle sera une norme européenne, fixe une protection de base pour les salariés, quant aux horaires maximaux, quant aux rémunérations minimales ou quant aux garanties diverses. Ensuite les branches professionnelles d'un côté ou les régions de l'autre peuvent négocier de meilleures protections. En effet toutes les professions n'ont pas les mêmes contraintes et toutes les régions la même histoire. Enfin les entreprises peuvent en négocier de meilleures encore. C'est un peu comme avec la sécurité sociale et les mutuelles. Un minimum local ne peut pas être inférieur au minimum général.

Les deux syndicats ont raison de dénoncer les conséquences de l'inversion des normes, qui fait l'objet de l'article 2 de la loi El Khomri, surtout dans le rapport entre l'entreprise et la branche professionnelle. En effet, par l'effet de la concurrence que feront jouer les donneurs d'ordre, si une entreprise d'un secteur commence à revoir la protection de ses salariés pour baisser ses coûts de production, les autres entreprises du même secteur devront s'aligner pour conserver leurs parts de marché. C'est ce qu'on appelle le dumping social.

Maintenant cet argument fort défendable contre la loi El Khomri sert surtout de prétexte aux syndicats radicaux pour refuser tout changement par principe. Comme on le verra, cela cache quelque chose de plus grave.

Dans une situation difficile, comme beaucoup de pays en ont connue à la suite du scandale des subprimes, il peut arriver que l'on doive abaisser le niveau général des protections. En Irlande les salaires ont perdu 15 % de leur valeur, mais les loyers ont fait de même, et la population l'a supporté. La différence entre ce qu'on peut appeler une purge et l'inversion des normes est que la première est a priori temporaire, liée à une situation supposée passagère, alors que la seconde est définitive, parce que résultant d'un changement de paradigme.

Ainsi, devant le désastre du chômage de masse, il faudra se poser la question de l'adéquation du niveau de protection sociale. Ce n'est pas forcément pour se précipiter dans l'abaissement de ce niveau, mais pour l'envisager. Auparavant, on aura dû se poser une question plus fondamentale : quelles sont les raisons pour lesquelles une telle hypothèse est à considérer?

Et l'on aura dû intégrer dans le raisonnement l'afflux massif et incontrôlé de migrants auxquels on entend offrir les mêmes protections qu'aux autres. On a le droit de prôner toute forme possible de générosité, mais pas d'en ignorer le coût.

On notera que la droite a mis en avant dans son programme la seule arme efficace pour défendre la compétitivité française : c'est l'augmentation du taux de TVA pour tout ce qui peut être produit ailleurs. C'est ce qu'on appelle une dépréciation fiscale de notre monnaie : un euro vaudra moins en France qu'en Allemagne pour acheter un produit chinois. Qu'on le veuille ou non, cela se traduira dans un premier temps par un abaissement réel des salaires, du moins si l'on veut que la mesure soit efficace. Autrement dit, ce sera une petite purge.

Dans ces conditions, pourquoi vouloir infliger en plus aux salariés le principe définitif de l'inversion des normes?

Si l'on relit de près ce qui vient d'être écrit, on s'apercevra qu'on a quitté le domaine du syndicalisme pour gagner celui de la politique. Ce que veut interdire la CGT est tout simplement un changement politique. Le problème n'est pas tant que la CGT, plus que FO, soit d'une raideur insupportable. Le problème est qu'elle se mêle de politique. Elle a fait voter Hollande contre Sarkozy. Elle ferait bien tomber Hollande qui a trahi … ses électeurs. Si la droite revient au pouvoir en gagnant les présidentielles et les législatives, elle entend bien faire un troisième round social. La première règle que la France aujourd'hui, et l'Europe demain, devra se fixer est l'interdiction pour les syndicats de faire de la politique.

Le plus choquant, dans le cas des syndicats mentionnés, est qu'il se permettent de déborder de leur rôle, alors même qu'ils pas de légitimité. Ils ne représentent, au mieux, qu'une petite minorité de salariés, essentiellement dans la fonction publique qui plus est.  

Regardons maintenant du côté de l'exécutif et de François Hollande. Pourquoi a-t-il défendu cet indéfendable article 2 ? Parce qu'il n'a pas eu le courage d'avouer l'échec d'une politique d'assistanat coûteux projeté jusqu'au-delà de nos frontières, et d'annoncer cette petite purge dont le pays ne peut plus se passer. Il veut tout simplement confier le sale boulot aux entreprises. La guerre autour de la loi El Khomri est le résultat d'une hypocrisie, d'une couardise, d'une malhonnêteté de l'exécutif.

Et François Hollande est mal placé pour contester la politisation des syndicats. Il  l'a voulue et il a bâti son élection là-dessus. Il est également mal placé pour contester la violence qui sévit dans les manifestations. Il a tout permis à l'extrême gauche, comme aux antifas qui ont cassé les vitrines après le décès de Clément Méric. Il a cédé devant les prétendus écolos qui ont fait la loi à Sirven. Il a laissé faire pour l'aéroport de Nantes. Peut-il se montrer intraitable aujourd'hui autrement qu'en paroles ?

Pierre EISNER (Le Parti des Européens)

Robert Ménard confronté à la stratégie du Front National

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Robert Ménard,Oz la droite,Front national,Marion Le PenLors des assises de refondation de la droite organisées à l’initiative de Robert Ménard, le maire de Béziers, réunies sous le slogan « Oz’ la droite », sa déclaration introductive a mis le feu aux poudres. Il a déclaré ainsi ne pas vouloir servir de « marchepied au FN ». Conséquence immédiate, Marion Le Pen a réagi en organisant son départ et en le faisant publiquement savoir. Elle a ajouté que Ménard devait son élection au FN, ce qui est une simplification abusive. Un maire élu dépend avant tout du choix des électeurs et pas des appareils politiques, même si une candidature FN « parasite » aux municipales aurait sans doute nettement compliqué son élection.

Cette petite crise est significative du décalage complet entre la démarche de cette droite élargie, qualifiée d’ailleurs de « droite identitaire » par Le Monde, et celle du Front National. Alors que Marine Le Pen considère que l’opposition est entre « européistes » et « patriotes », cette sphère identitaire au sens large considère que les débats sur la nationalité, l’immigration et le multiculturalisme sont beaucoup plus importants que des débats de nature économique ou sociale. Le libéralisme affiché par Robert Ménard est néanmoins aussi diviseur que l’étatisme forcené qu’il prête non sans raison à Florian Philippot.

Si Robert Ménard a raison de souhaiter que pédale douce soit mise sur les thèmes du rejet de l’UE et de l’euro, ce en quoi j’estime qu’il a pleinement raison, son libéralisme économique, que Philippot a associé malicieusement à celui d’Alain Juppé, n’est pas davantage rassembleur. Car si l’objectif est d’unir l’aile droite des Républicains avec le FN, pour retrouver ces fameux 30% et plus encore de Bruno Mégret en 1998, c’est sur les seules questions identitaires que la jonction pourra se faire.

A l’opposition entre « européistes » et « patriotes » de Marine Le Pen, il faudrait opposer l’opposition entre « européens » et « aneuropéens », qui est beaucoup plus pertinente, car ce que l’on peut reprocher à l’Union Européenne c’est de ne pas être assez européenne, mais sûrement pas de l’être trop. Du point de vue de l’identité, une Europe homogène a beaucoup plus de sens qu’une France hétérogène unie par un « patriotisme » de papier à l’américaine, indifférent aux origines ethniques et confessionnelles de chacun. En outre, il est difficile d’être le patriote d’une patrie qui n’est pas la sienne, alors qu’on a refusé d’être patriote de sa propre patrie, puisqu’on l’a quittée. Pour paraphraser quelque peu Danton, on n’emporte pas le patriotisme à la semelle de ses souliers.

Outre cette divergence majeure entre le camp « Ménard » au sens large et le camp « Marine », il y a une autre différence, c’est le refus du « ni droite ni gauche ». Or Marine Le Pen a fait le choix, en bon disciple de son ancien beau-frère Samuel Maréchal, de cette seconde ligne. Elle ne croit pas au rassemblement des droites. Dans ces conditions, organiser malgré elle un tel rassemblement reste un vœu pieux.

Ce courant entre les Républicains et le Front National représente environ 2 à 3% des voix, le score de Mégret en 2002 et celui de Villiers en 2007. Il faudrait imaginer un affaiblissement très net du FN pour que ce courant soit en position d’émerger et rien ne l’indique pour le moment. C’est en outre une position très inconfortable que Robert Ménard et bien d’autres avec lui subissent. D’un côté, on leur reproche d’être trop proches d’un FN qui reste diabolisé, comme le FPÖ en Autriche. Cela explique pourquoi Eric Zemmour ou même Philippe de Villiers étaient absents à Béziers. D’un autre côté, le FN leur reproche de vouloir la jouer solo.

Marion Le Pen a ainsi déclaré aujourd’hui qu’elle ne voyait pas l’utilité d’une candidature alternative, qui n’aurait comme seule conséquence que d’empêcher Marine Le Pen d’être au second tour, et qu’une telle candidature ne ferait que servir les intérêts de LR. « Hors du FN, point de salut ». Difficile dans ces conditions de faire entendre une musicalité différente. La culture du compromis démocratique, propre surtout à des assemblées élues à la proportionnelle, n’est pas encore celle du FN.

C’est pourquoi, pris entre deux positions inconciliables, Robert Ménard et ses amis ont peu de chance de pouvoir se faire entendre, et de toute façon le FN, en position de monopole électoral, ne voudra pas les écouter. Si la stratégie du FN est incompatible selon Robert Ménard avec la volonté de victoire en 2017, une victoire hypothétique à laquelle personne sérieusement ne croit, à chacun alors d’en tirer les leçons.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)