24/08/2015
Qui mène Les Républicains ?
Dans mes deux précédents billets, nous avons vu que le PS, avec une classe médiatique à sa botte, menait de fait l'évolution du FN comme, peut-être de façon moins marquée, celle des centres. Nous allons maintenant considérer la situation de la droite classique, autrement dit le parti des "républicains". La réponse est assez complexe.
Le PS et la classe médiatique jouent un rôle non négligeable dans le pilotage de la droite française classique. C'est ainsi que l'on parle, à propos de cette dernière, de "la droite la plus bête du monde". Par exemple la droite ne revient pratiquement jamais sur les mesures prises par la "gauche". Elle n'aurait pas voté "le mariage pour tous"; mais elle n'osera pas l'abroger. Elle n'aurait pas voté « les 35 heures »; mais elle n'osera pas revenir directement sur leur application. Pour la retraite à 60 ans, elle a opéré une correction a minima. De son côté le PS au pouvoir se fait une gloire de défaire toutes les lois votées par la droite qui l'a précédé, sans même chercher à savoir si l'une d'elles irait dans son sens.
Il est vrai que la droite a peur de la "rue", de manifestations de masse que le PS peut susciter à propos de n'importe quelle réforme, manifestations bénéficiant d'une couverture médiatique exceptionnelle.
Cependant la droite classique est aussi animée par des orientations qui lui sont propres et qui ne doivent rien aux pressions. Il y a en principalement deux, qui sont tantôt complémentaires, tantôt contradictoires. C'est ce qui explique la diversité et les hésitations dans cette mouvance.
L'une des orientations marquant la droite est un libéralisme économique assumé. Ce dernier va de pair avec la promotion de l'initiative individuelle. Il explique l'importance donnée au mérite individuel. Cette orientation est partagée avec les centres. Surtout elle est partagée avec les droites de tous les pays, voire par certains partis socialistes étrangers. Elle est par ailleurs dominante dans l'Union européenne, jusqu'à s'imposer à la gauche française.
Il y a cependant, comme nous allons le voir, des limites au libéralisme des "Républicains" et c'est cela qui est le plus intéressant.
L'autre orientation marquant la droite est la "tradition". Il ne serait pas exact de parler de conservatisme, car il s'agit souvent d'un retour à la tradition.
C'est bien sûr le respect des valeurs traditionnelles en matière de société, comme l'importance donnée à la famille. C'est notamment le respect d'un mode de vie pas si ancien, qu'est venue bouleverser une immigration incontrôlée suivie d'une naturalisation de masse. Ainsi la droite se demande-t-elle s'il ne conviendrait de revenir au droit du sang.
Il y a davantage dans cette orientation. La tradition à laquelle la droite se réfère inclut un modèle social bâti dans des luttes menées par la classe ouvrière des générations passées. Ainsi, paradoxe s'il en est, la droite s'attache-t-elle à défendre réellement le modèle social français en l'adaptant au besoin, quand la "gauche" ne s'attache qu'aux apparences. S'il reste un peu de socialisme en politique, c'est donc à droite qu'il faut le chercher.
La tradition inclut également un modèle entrepreneurial qui se préoccupe du bien être des ouvriers et n'est pas esclave d'actionnaires à courte vue. En fait la concurrence à laquelle tient la droite est surtout hexagonale, ou alors interne à une Europe qui serait plus intégrée. Elle s'accommode mal du mondialisme et de certaines directives de l'UE.
Prenons l'exemple de l'augmentation de la TVA qui aurait dû être décidée dès 2007 et qui a été timidement proposée en 2012 avant d'être balayée par le nouveau pouvoir. C'était une mesure socialiste. Une réponse libérale au manque de compétitivité des entreprises se serait limitée à la baisse des dépenses publiques. L'augmentation de TVA permet de maintenir le modèle social et le service public. Car la droite est très attachée au service public, à son efficacité et son image. Elle n'a pas usurpée l'étiquette « républicaine », si du moins on la prend dans son vrai sens, celui de l'intérêt commun, pas dans celui de valeurs prétendues universelles qui ont été définies par une oligarchie.
On assiste à un renversement des valeurs. Si la droite française avait le courage de présenter sa meilleure face, ce qui impliquerait qu'elle se démarque des centres, alors elle verserait un peu dans le socialisme, dans la proximité avec les classes laborieuses. On aurait pu s'attendre à ce que le PS qui fait la loi dans les médias encourage cette orientation. Or c'est exactement le contraire. Le PS empêche que les résolutions de droite qui iraient dans le sens du socialisme aboutissent. Il interdit le socialisme chez les autres. Comme on le verra, il l'interdit aussi chez lui.
En fait la pression médiatique menée par des sympathisants du PS pousse la droite à montrer sa pire face, celle de l'argent qui règne en maître. Et cette dernière est assez bête pour donner toutes les occasions de se faire piéger. Les médias s'en emparent goulûment, ayant un peu vite oublié les frasques de François Mitterrand et de Roland Dumas.
Pierre EISNER (LBTF/PSUNE)
19:09 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : droite, les républicains, ump, gauche |
22/08/2015
Qui mène le centre ?
Dans un précédent billet nous avons vu que le FN était mené par la galaxie du PS par l'intermédiaire de la classe médiatique. Nous allons voir qu'il en est de même de ce qu'on appelle le "centre" ou le "centre droit".
De la même façon que le FN d'aujourd'hui, les centres sont caractérisés par l'absence d'idéal politique, fût-ce un idéal perverti. Souvent appelé le « marais », le centre, sous quelque forme qu'il prenne, est le marigot où pataugent tous les arrivistes. Quand François Bayrou prétend voter pour les propositions allant dans le bon sens d'où quelles viennent, comme si choisir ce qui était bon allait de soi, il nie le rôle de la vision politique, laquelle guide précisément le choix. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le centre soit mené de l'extérieur, du PS en l'occurrence.
Comme dans le cas du FN, le centre doit favoriser la "gauche" et nuire à la droite. Il y a cependant de grandes différences. Il convient en effet :
1 - que le centre existe sans prendre de trop de place, pour ne pas empiéter sur la "gauche", tout en lui fournissant un réservoir d'électeurs,
2 - qu'il divise la droite, ou du moins l'influence, pour lui faire perdre les voix des sympathisants de la « droite de la droite » au profit du FN,
3 - que la "gauche" ne lui laisse jamais la place en terme d'alliances.
Le point 1 est décisif dans le second tour des élections. L'aide peut venir d'un choix des dirigeants : en 2012 François Hollande a obtenu le soutien de François Bayrou. Mais c'est surtout le choix personnel de certains lecteurs qui décide : en 2017, le PS espère que des électeurs ayant voté Alain Juppé à la primaire de droite répugnent à suivre Nicolas Sarkozy s'il est choisi. Cependant un centre trop fort pourrait marginaliser la "gauche", appliquant plus ou moins sa politique mais lui faisant perdre ses prébendes.
Le point 2 rejoint ce que nous avons vu pour le FN. Fondamentalement, pour que le FN ferme la route à la droite, il faut faire monter le premier et diviser la seconde. Sachant que le premier ne doit pas trop monter non plus.
Le point 3 a toujours été satisfait, le centre ayant en général vocation à s'associer à la droite. C'était vrai pour l'UDF et c'est vrai pour l'UDI. La seule exception a été la parenthèse Bayrou en 2007 et 2012. Cependant, en 2007, Ségolène Royal n'a pas voulu négocier avec Bayrou et, en 2012, Hollande n'a pas voulu non plus.
Comment la classe médiatique doit-elle opérer pour satisfaire les points ci-dessus ? Elle doit ouvrir les ondes au centre, ce qui lui est d'autant plus facile que la ligne politique du centre n'existe pas; si l'on préfère c'est par défaut le même politiquement correct « bobo » qui la caractérise et qui s'applique aussi au PS. Elle doit surtout être sévère avec la droite classique et faire clairement apparaître la fracture qui la sépare du centre. De cette façon le point 2 est rempli et le point 1 en partie aussi.
Il reste à éviter de promouvoir un centre conquérant et à empêcher l'alliance avec la "gauche" pour satisfaire le point 3 et ce qu'il reste du point 1. Pour cela il convient de "droitiser" médiatiquement le centre, de la même façon qu'on continue de diaboliser le FN. C'est le volet économique qui sert d'appui à l'ancrage à droite du centre. Ici encore c'est très facile. Les positions du PS comme celles du candidat Hollande sur l'économie sont si lamentables qu'il sera difficile à un politicien qui n'est pas rompu aux traditions de la "gauche" de les adopter.
L'inclinaison paresseuse vers le centre est parfaitement illustrée par les positions prises par Alain Juppé depuis qu'il brigue la candidature à la future présidentielle. Il parvient à déborder Bayrou par sa gauche. On l'a vu très politiquement correct à propos du mariage pour tous. On le voit pratiquement sur la ligne du PS en matière d'éducation, ce qui est un comble pour quelqu'un qui sort du moule de l'élitisme républicain. Le seul point sur lequel Najat Belkacem a pu le reprendre, et là les médias l'ont bien relevé, est la valorisation du salaire des instituteurs, ce qui est curieusement une option marquée à droite, qui figurait dans le programme de Sarkozy. Sinon, sur le pédagogisme officiel qui détruit l'acquisition de la lecture et du calcul au primaire, pas un mot de sa part. Sur le "collège unique" qui abaisse tout le monde de peur d'en faire monter quelques uns, il ne touchera qu'au vocabulaire.
Veut-il que l'Ecole forme des citoyens, c'est-à-dire des personnes instruites capables de jugement autonome, bref des hommes ou des femmes libres ? Pas du tout. Il ne faut pas, selon lui, de clivage entre droite et gauche sur l'Ecole.
Bref Juppé se laisse porter par le courant médiatique bien-pensant en donnant des coups de pagaie pour faire bonne mesure. Il est impossible de faire plus centriste que lui. Bayrou doit être vert de rage.
Cela étant le dosage du point 1 est délicat. La primaire à droite complique le jeu du PS. Si Juppé venait à l'emporter, il balaierait Hollande au second tour, à supposer que ce dernier en soit. Même si Juppé avait dû se rapprocher de la droite classique avant le premier tour pour éviter un FN qui y serait trop fort. Ensuite les législatives porteraient au pouvoir une droite assez semblable à ce qu'elle a toujours été. Et les marges de manœuvre du président ne seraient pas si grandes. Les PS aurait tout perdu, y compris un adversaire au pouvoir facile à combattre.
Pierre EISNER (LBTF/PSUNE)
20:15 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : centristes, centre, udf, modem, udi, juppé |
Qui mène le FN ?
Il y a plusieurs façons d'analyser les évolutions du FN : de l'intérieur, en considérant les actions de ses dirigeants, ou de l'extérieur, en considérant les pressions qui s'exercent sur lui et les ouvertures qu'on lui offre. C'est la seconde façon qui nous en apprend le plus. Regardons comment l'eau qui sort de terre se répand en surface. On a l''impression qu'elle en fait à sa guise. En réalité c'est la pente du sol, ce sont les obstacles divers qui guident son trajet. Il en est de même pour le FN, du moins tant que ce parti n'aura pas de vision politique claire et assumée.
Bien sûr, le détail du parcours de ce parti est-il ponctué par l'intransigeance de son fondateur, par la médiocrité de sa présidente ou par la personnalité de tel ou tel. Mais les grandes lignes de son évolution lui échappent. C'est la classe médiatique, c'est-à-dire fondamentalement le PS, qui les dessine. Elle le fait en accordant l'antenne à tel dirigeant à tel moment, en lançant une campagne de dénigrement à tel autre. Bref tout se passe comme si c'étaient des gens comme Laurent Joffrin qui tenaient la tête du FN.
Quelles sont donc les parois de la vallée que le PS et son bras armé de la classe médiatique ont mis en place pour le FN ? Très simplement il s'agit de faire gagner la "gauche". Pour cela il convient
1 - que le FN soit assez fort pour peser,
2 - qu'il prenne des voix à droite sans trop en prendre à gauche,
3 - qu'il ne puisse pas s'allier avec la droite.
Pour remplir le point 3 et un peu le point 2, il faut que le FN soit diabolisé. En effet il faut pouvoir empêcher les partis de droite de conclure des accords, ne serait-ce que des alliances électorales comme la "gauche" en conclut avec l'extrême gauche. Mais il faut aussi que les électeurs de gauche résistent à l'envie de voter pour ce parti dont on a décidé qu'il serait infréquentable. Cependant, pour remplir le point 1 et un peu le point 2, il ne faut pas que le FN soit trop diabolisé non plus. Bien sûr la diabolisation permet au FN de recueillir la contestation au pouvoir. Mais il faut aussi permettre à certains électeurs de droite de s'y retrouver.
Par conséquent, quelles que puissent être les déclarations et démonstrations des dirigeants du FN, jamais leur parti ne sera normalisé, considéré comme un autre. En revanche l'inscription du FN dans la stratégie de dédiabolisation de sa présidente n'est que celle dans la ligne de plus grande pente instituée de l'extérieur. Elle permet au parti d'être plus fort, de prendre plus à droite, mais sans excès cependant, sans espoir d'accéder au pouvoir contre la "gauche", parce que la diabolisation restera là, prête à être activée à tout moment.
Ces derniers jours, à l'occasion de l'exclusion du FN de son fondateur, on a parlé de l'évolution de la ligne politique du parti. On peut la mesurer à la lumière du poids respectif de deux orientations : l'allophobie et l'europhobie.
Au départ le FN s'est construit sur le rejet des allogènes, représentés notamment par certains immigrés, de la part d'une frange importante de la population. C'est cette orientation que les partis au pouvoir jugent insupportable, probablement parce qu'ils se sont montrés incapables de traiter le problème de l'immigration de masse. C'est exclusivement cette orientation que la classe bien pensante retient pour définir le fonds de commerce du FN, comme pour parler de la lepenisation des esprits. C'est bien parce que cette orientation trouve un écho majoritaire dans le pays qu'il fallait la combattre avec force.
Avec Marine, le FN a glissé du rejet des allogènes vers le rejet de l'idée européenne, idée abusivement confondue avec la technocratie de l'UE actuelle. Curieusement, alors que les médias occultent tout ce qui pourrait renforcer la première orientation, évitant le plus possible de donner les noms ou prénoms des suspects dans les crimes, ces mêmes médias ouvrent largement l'antenne à Florian Philippot pour dire du mal de l'Europe. Le risque est moindre car le sentiment européen reste majoritaire, quand l'UE elle-même est peu appréciée. En plus l'europhobie interdit toute alliance politique avec la droite. Elle n'empêcherait pas celle avec la "gauche", qui s'allie avec un "parti de gauche" aussi europhobe que le FN, sachant que François Hollande n'est pas très net lui-même sur la question européenne, soumis qu'il est aux USA et plombé par des promesses faisant peu de cas de nos voisins.
Ainsi l'évolution de la ligne stratégique était-elle dirigée de l'extérieur. Pour autant le fameux fonds de commerce reste en réserve pour maintenir un niveau de diabolisation quoi qu'il arrive. Il pouvait paraître surprenant que les médias accordent une pareille audience au vieux fondateur. Or ce n'est que très normal; c'est une façon de mettre en place des digues.
Le résultat est que le FN est assuré de faire de bons scores, avec la possibilité de gratifier ses militants. En revanche il n'accèdera pas au pouvoir. Pour cela il aurait fallu qu'il ait une ligne politique forte, en adéquation avec les attentes profondes de l'électorat, aussi bien sur l'immigration que sur l'Europe, quitte à devoir peiner avant de recruter les fruits de son labeur.
Maintenant, comme chacun sait, il peut arriver que le Golem échappe à son créateur.
Pierre EISNER (LBTF/PSUNE)
11:00 Publié dans Analyses, Elections en Europe | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fn, marine le pen, gauche, diabolisation |