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04/12/2016

Les leçons des primaires de la droite.

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La fin de l’ère Sarkozy.

Sarkozy,Juppé,Fillon,Marine Le Pen,RépublicainsNicolas Sarkozy, ex-chiraquien devenu balladurien en 1995, ce que Chirac ne lui a jamais pardonné, avait su se rendre indispensable à droite. Devenu président en 2007 en asséchant les voix du FN d’un Jean-Marie Le Pen sur le déclin, après avoir suscité un réel espoir de changement, il doucha tous ses partisans par des politiques contradictoires et par un style que beaucoup finirent par considérer comme inadapté à sa fonction. Il remplaça le discours identitaire et sécuritaire sur lequel il avait su convaincre pour ouvrir à gauche, recrutant des ministres parmi le parti adverse, et pour céder aux sirènes du mondialisme dont il n’avait jamais été en réalité opposé. Tout comme Giscard en 1981, il capitalisa contre lui la coalition des déçus et des mécontents, même si son bilan politique en définitive n’était pas mauvais. Sarkozy « l’américain » fut le seul capable de négocier habilement avec Vladimir Poutine. Jamais il n’aurait remis en cause la vente des Mistral à la Russie, une faute que fit François Hollande à peine élu.

Empêtré dans des affaires judiciaires où ses proches tombaient un après l’autre, soumis au diktat idéologique de gauche de sa nouvelle épouse, dont il eut le tort d’écouter les conseils peu judicieux, et dont le livre de Patrick Buisson a montré qu’elle témoignait d’un réel mépris pour les citoyens « de souche », l’électorat de droite de Nicolas Sarkozy, qui était pourtant sensible à sa force de caractère, dans le cadre d’une campagne des primaires où il tint un discours plébéien à des électeurs bourgeois, commettant ainsi une erreur stratégique décisive, a eu le sentiment qu’il ne pouvait pas gagner au second tour des primaires face à Alain Juppé.

Alors que les derniers sondages témoignaient d’une progression significative de  François Fillon, un phénomène de vote utile s’est enclenché en sa défaveur. Le duel attendu Juppé/Sarkozy pouvant amener à l’élection du « meilleur d’entre nous » (surnom donné à Alain Juppé par Jacques Chirac), les électeurs de droite n’ont pas pris le risque. Ils ont donc voté massivement pour François Fillon, Sarkozy perdant du même coup un bon tiers de ses électeurs, les petits candidats étant quant à eux littéralement laminés.

La « menace Juppé » étant forte, Sarkozy tomba à 20,7% des voix alors qu’une semaine avant encore il était crédité de 29%. Bruno Le Maire s’effondra à 2,4%. La ligne bobo-gaucho de Kosciusko-Morizet, très implantée à Paris, résista avec 2,6% des voix. Poisson ne fit qu’1,4% des voix, alors qu’il avait su capitaliser sur son nom la droite catholique qui venait de le découvrir dans les media. Et Copé réalisa le score dérisoire de 0,3% des voix.

Il n’est pas exact que Sarkozy fut victime d’un rejet de sa personne à droite, malgré ses erreurs de campagne, s’adressant à un électorat populaire qui resta chez lui. Il fut victime de l’idée qu’il ne pouvait pas gagner, une idée en soi irrationnelle mais qui fit son œuvre. En réalité, le candidat chouchou des media était très surestimé. Plus il parlait, plus il baissait. Les 15% d’électeurs de gauche venus voter à la primaire de droite ne firent que limiter la casse. Avec un peu plus de jugement de la part des électeurs, Fillon et Sarkozy éliminaient Juppé dès le premier tour.

A l’issue d’un discours digne, Nicolas Sarkozy a pour la seconde fois quitté la politique. Il est peu vraisemblable qu’il y revienne parce que l’humiliation est forte. Mais tout comme Giscard avant lui, il ne disparaîtra pas. Il a en tout cas démontré une fois de plus qu’il était impossible à un ancien président battu de le redevenir. Son départ a certainement anticipé celui de François Hollande, qui a finalement renoncé cette semaine à être candidat à sa propre succession. Une ère s’achève.

La bulle crevée de Juppé.

Alain Juppé a été artificiellement encensé par les media. Ce technocrate méprisant, prématurément vieilli, au discours inconsistant sur un « vivre ensemble » imaginaire et une « identité heureuse » digne de la « France apaisée » d’une Marine Le Pen en campagne à contre temps, n’a jamais représenté le peuple de droite. L’idole est donc naturellement tombée de son piédestal. Cela démontre une fois de plus le caractère inopérant des sondages de popularité. On s’imaginait à lire la presse Alain Juppé élu dès le premier tour avec 51% des voix. Il n’obtint en réalité que 28,6% des voix et ce encore grâce au concours de la gauche.

Au second tour évidemment, Alain Juppé reçut le soutien de tous ceux qui insupportent l’électeur de droite. Il capitalisa sur son nom les vieux couteaux du centrisme et des loges. Bien sûr, « NKM » lui apporta son soutien et de manière plus surprenante Copé. Raffarin se mit en avant pour défendre son poulain. La gauche médiatique commença à diaboliser l’ultra-libéral Fillon, inquiétant les minorités communautarisées, ethniques ou sexuelles. Dans cette primaire de la droite et du centre, Juppé était devenu le candidat du PS. Seul Macron avait intérêt à la chute de Juppé, alors que Bayrou de manière très discrète laissait entendre qu’il se présenterait en 2017 si Juppé n’était pas choisi comme candidat.

La punition du second tour fut sévère. Il faut dire que le soutien apporté par Nicolas Sarkozy à son ancien premier ministre François Fillon fut décisif autant que surprenant. Valérie Pécresse, fort peu inspirée, se rangea dans le camp de Juppé. Elle s’en est mordu les doigts. Comme un oiseau de mauvais augure, elle annonça le temps sombre de la défaite en rase campagne. Juppé obtint donc 33,5% contre 66,5% pour François Fillon (1/3 vs 2/3). Toute la droite affairiste n’y put rien. Elle était battue. Le centre fut déserté. Sa légère progression s’explique uniquement par un léger report de voix (NKM) et parce que certains électeurs sarkozystes ont refusé de se mobiliser pour Fillon.

Exit Sarkozy. Exit Juppé. François Fillon est devenu le candidat de la droite et du centre.

Ce que la victoire de Fillon veut dire.

Sarkozy,Juppé,Fillon,Marine Le Pen,RépublicainsLe programme de Fillon n’a aucune importance. Nous sommes en France et il est un homme politique. Il ne le respectera donc pas. Son ultra-libéralisme sera rapidement nuancé puis affaibli par ses nouveaux alliés. Il a bien sûr procédé à l’ouverture à ses anciens adversaires, créant un comité de campagne où on retrouve des sarkozystes et des juppéistes, dont l’arrogante NKM visiblement insubmersible. Cette idée de remettre en selle, pour mieux les surveiller et les neutraliser, ceux que l’on vient de battre, se retrouve dans la stratégie de Trump. Mieux vaut les avoir à côté de soi que contre soi.

Il a désormais un boulevard en se plaçant sur un positionnement bien ancré à droite, mais ni radicalisé comme Sarkozy en donnait l’impression, ni ramolli selon la ligne Juppé. Il a été identifié par la droite classique comme un candidat à son image donc son score de premier tour de 44,1% puis de second tour de 66,5% est finalement assez naturel.

Sa victoire est-elle une bonne nouvelle pour ses adversaires ? Macron a déjà lancé un appel aux électeurs de Juppé pour qu’ils viennent le soutenir. Montebourg souhaite que la droite aille voter aux primaires de gauche en sa faveur. L’éviction d’Hollande, probablement remplacé dans ce rôle par Manuel Valls, rend cette hypothèse difficile. Seul le « Hollande Bashing » pouvait amener des électeurs de droite à voter à une primaire de gauche.

C’est surtout Marine Le Pen qui est la grande perdante pour le moment de la victoire de François Fillon aux primaires. Sa mauvaise campagne, décalée à gauche sous l’influence de l’ex-chevènementiste Florian Philippot, éloignée des thèmes identitaires et de la « manif pour tous », la rend très fragile face à Fillon. Celui-ci n’a pas hésité à tenir un discours aux accents identitaires prononcés et à envoyer un message aux milieux catholiques que Marine Le Pen dédaigne depuis des mois. Les sondages d’après primaires montrent un net tassement et une progression très significative de Fillon. Le siphonage « Sarkozy » de 2007 pourrait se reproduire.

Marine Le Pen peut se ressaisir si elle arrête d’aller parler à des électeurs qui ne voteront jamais pour elles, comme dans les DOM et les banlieues, et qui même risquent par les appels qu’elle leur lance de faire fuir certains électeurs naturels du FN, qui attendent autre chose. Elle le peut si elle cesse son étatisme forcené, à grands coups de démagogies socialisantes et de dépenses publiques. Elle le peut si elle comprend que le thème européen est en réalité porteur et que prôner l’unité de ceux qui ont un destin commun, les Européens, est salutaire. Norbert Hofer (FPÖ) l’a compris. Il dit défendre l’Union Européenne et vouloir conserver l’euro. Il souhaite que l’UE affirme les valeurs européennes que défend le hongrois Orban et qu’elle se dote de vraies frontières pour se protéger contre l’immigration. Il sera probablement le prochain président autrichien ce soir.

Sinon, si elle reste sur sa ligne de gauche, si elle abandonne le seul thème identitaire qui explique le succès de son parti, la « problématique migratoire » au sens large, alors il est possible qu’elle ne passe même pas le premier tour des présidentielles.

Ainsi François Fillon a toutes les chances d’être le prochain président de la république. Mais il sera attendu au tournant. Le peuple n’a plus aucune patience. Les premières semaines à l’Elysée seront décisives. S’il procède comme Sarkozy, en tenant un discours de gauche au pouvoir alors qu’il aura été élu sur un discours de droite, il sera balayé par le vent de l’histoire.

Le contexte international avec le succès de Trump aux USA et son amitié avec Poutine peuvent le préserver de dérives nocives. Mais il sera confronté à une situation périlleuse, la France sortant de cinq ans de Hollande à genoux. Le pays n’a jamais été aussi fracturé. Le nouveau président devra faire preuve d’une audace exceptionnelle et d’une dureté maîtrisée. Il devra tenter d’annuler les mesures prises par la gauche, et notamment le « mariage pour tous ». Il devra envoyer un signal très ferme à l’endroit des migrants qui seraient tentés de venir s’installer chez nous. Je doute qu’il en soit capable.

Il décevra nécessairement. Mais une Marine Le Pen élue décevrait également terriblement puisqu’elle serait élue sur un contre-sens, élue par une vague identitaire avec un programme social-démocrate. Ses électeurs lui prêtent un programme caché (crypto-programme) remigrationniste. Il n’est qu’une vue de l’esprit. En diabolisant le nouveau FN, Philippot ayant été traité de « fasciste » devant Sciences Po, les media maintiennent cette illusion d’une MLP radicalement identitaire. Le masque tomberait dès qu’elle ferait le premier pas à l’Elysée.

En 2017, la France aura un nouveau président, et elle est quasi assurée d’échapper à une nouvelle présidente. Il ne sera pas à la hauteur des enjeux. Mais un tel contexte libérera peut-être des forces cachées qui annonceront une nouvelle aube européenne sur la ruine d’un monde ancien.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

22/08/2015

Qui mène le centre ?

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Logo_udf.pngDans un précédent billet nous avons vu que le FN était mené par la galaxie du PS par l'intermédiaire de la classe médiatique. Nous allons voir qu'il en est de même de ce qu'on appelle le "centre" ou le "centre droit".

De la même façon que le FN d'aujourd'hui, les centres sont caractérisés par l'absence d'idéal politique, fût-ce un idéal perverti. Souvent appelé le « marais », le centre, sous quelque forme qu'il prenne, est le marigot où pataugent tous les arrivistes. Quand François Bayrou prétend voter pour les propositions allant dans le bon sens d'où quelles viennent, comme si choisir ce qui était bon allait de soi, il nie le rôle de la vision politique, laquelle guide précisément le choix. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le centre soit mené de l'extérieur, du PS en l'occurrence.

Comme dans le cas du FN, le centre doit favoriser la "gauche" et nuire à la droite. Il y a cependant de grandes différences. Il convient en effet :

1 - que le centre existe sans prendre de trop de place, pour ne pas empiéter sur la "gauche", tout en lui fournissant un réservoir d'électeurs,

2 - qu'il divise la droite, ou du moins l'influence, pour lui faire perdre les voix des sympathisants de la « droite de la droite » au profit du FN,

3 - que la "gauche" ne lui laisse jamais la place en terme d'alliances.

Le point 1 est décisif dans le second tour des élections. L'aide peut venir d'un choix des dirigeants : en 2012 François Hollande a obtenu le soutien de François Bayrou. Mais c'est surtout le choix personnel de certains lecteurs qui décide : en 2017, le PS espère que des électeurs ayant voté Alain Juppé à la primaire de droite répugnent à suivre Nicolas Sarkozy s'il est choisi. Cependant un centre trop fort pourrait marginaliser la "gauche", appliquant plus ou moins sa politique mais lui faisant perdre ses prébendes.

Le point 2 rejoint ce que nous avons vu pour le FN. Fondamentalement, pour que le FN ferme la route à la droite, il faut faire monter le premier et diviser la seconde. Sachant que le premier ne doit pas trop monter non plus.

Le point 3 a toujours été satisfait, le centre ayant en général vocation à s'associer à la droite. C'était vrai pour l'UDF et c'est vrai pour l'UDI. La seule exception a été la parenthèse Bayrou en 2007 et 2012. Cependant, en 2007, Ségolène Royal n'a pas voulu négocier avec Bayrou et, en 2012, Hollande n'a pas voulu non plus.

Comment la classe médiatique doit-elle opérer pour satisfaire les points ci-dessus ? Elle doit ouvrir les ondes au centre, ce qui lui est d'autant plus facile que la ligne politique du centre n'existe pas; si l'on préfère c'est par défaut le même politiquement correct « bobo » qui la caractérise et qui s'applique aussi au PS. Elle doit surtout être sévère avec la droite classique et faire clairement apparaître la fracture qui la sépare du centre. De cette façon le point 2 est rempli et le point 1 en partie aussi.

Il reste à éviter de promouvoir un centre conquérant et à empêcher l'alliance avec la "gauche" pour satisfaire le point 3 et ce qu'il reste du point 1. Pour cela il convient de "droitiser" médiatiquement le centre, de la même façon qu'on continue de diaboliser le FN. C'est le volet économique qui sert d'appui à l'ancrage à droite du centre. Ici encore c'est très facile. Les positions du PS comme celles du candidat Hollande sur l'économie sont si lamentables qu'il sera difficile à un politicien qui n'est pas rompu aux traditions de la "gauche" de les adopter.

L'inclinaison paresseuse vers le centre est parfaitement illustrée par les positions prises par Alain Juppé depuis qu'il brigue la candidature à la future présidentielle. Il parvient à déborder Bayrou par sa gauche. On l'a vu très politiquement correct à propos du mariage pour tous. On le voit pratiquement sur la ligne du PS en matière d'éducation, ce qui est un comble pour quelqu'un qui sort du moule de l'élitisme républicain. Le seul point sur lequel Najat Belkacem a pu le reprendre, et là les médias l'ont bien relevé, est la valorisation du salaire des instituteurs, ce qui est curieusement une option marquée à droite, qui figurait dans le programme de Sarkozy. Sinon, sur le pédagogisme officiel qui détruit l'acquisition de la lecture et du calcul au primaire, pas un mot de sa part. Sur le "collège unique" qui abaisse tout le monde de peur d'en faire monter quelques uns, il ne touchera qu'au vocabulaire.

Veut-il que l'Ecole forme des citoyens, c'est-à-dire des personnes instruites capables de jugement autonome, bref des hommes ou des femmes libres ? Pas du tout. Il ne faut pas, selon lui, de clivage entre droite et gauche sur l'Ecole.

Bref Juppé se laisse porter par le courant médiatique bien-pensant en donnant des coups de pagaie pour faire bonne mesure. Il est impossible de faire plus centriste que lui. Bayrou doit être vert de rage.

Cela étant le dosage du point 1 est délicat. La primaire à droite complique le jeu du PS. Si Juppé venait à l'emporter, il balaierait Hollande au second tour, à supposer que ce dernier en soit. Même si Juppé avait dû se rapprocher de la droite classique avant le premier tour pour éviter un FN qui y serait trop fort. Ensuite les législatives porteraient au pouvoir une droite assez semblable à ce qu'elle a toujours été. Et les marges de manœuvre du président ne seraient pas si grandes. Les PS aurait tout perdu, y compris un adversaire au pouvoir facile à combattre.

Pierre EISNER (LBTF/PSUNE)