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09/04/2018

Hongrie : la leçon européenne de Viktor Orban.

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Hongrie,Viktor Orban,Fidesz,Jobbik,EuropeA l’issue d’une campagne très dure, où Orban a désigné le globalisme comme son ennemi principal, surtout dans le domaine migratoire, faisant de Soros sa « bête noire », et où il s’est présenté comme le défenseur de l’Europe authentique face à ce que lui-même a appelé un « remplacement », alors qu’il est honni par presque toute la presse occidentale, Orban vient de triompher à l’issue des élections législatives.

Avec ses alliés chrétiens-démocrates, il obtient 48,89% des voix et 134 sièges contre 44,87% et 133 sièges en 2014. Si en nombre de sièges la progression du Fidesz d’Orban est dérisoire, en nombre de voix et en pourcentage il est nettement renforcé. La presse occidentale là encore s’attendait à sa réélection mais espérait une domination moins nette.

Le Jobbik, qui a troublé ses électeurs par une campagne décalée où il envisageait même une alliance avec la social-démocratie (le MZSP), devient le second parti du pays avec 19,33% mais recule par rapport à 2014 (où il avait obtenu 20,22% des voix). En se positionnant en gardien de la ligne d’Orban, le Jobbik aurait pu apparaître comme une opposition crédible. En rendant en revanche son message confus, il n’a pas pu accroître son audience initiale. Fort logiquement, son dirigeant Gabor Vona jette l’éponge et quitte la direction du parti et renonce même à sa place de député. A sa droite, le MIEP historique dirigé par Nagy obtient 0,15% des voix.

Les partenaires de 2014 (les sociaux-démocrates du MZSP et des formations libérales et centristes) avaient obtenu 25,57% des voix. Candidats en 2018 sur des formations en ordre dispersé, ils échouent à peser. Le MZSP tombe à 12,25% des voix et 20 sièges (-10), le mouvement Momentum à 2,82% des voix, le LMP (libéraux et écologistes) à 6,88% des voix (8 sièges) et enfin le mouvement démocrate DK, issu d’une scission centriste du MZSP, obtient 5,54% des voix et 9 sièges. Les autres formations sont laminées. Si on regroupe tous ces mouvements, ils obtiennent à peu près le score unitaire de 2014.

Le renforcement du Fidesz s’explique donc avant tout par un vote utile laminant les petites formations et par un léger recul du Jobbik. Sa progression de quatre points est néanmoins une belle réussite. La campagne d’Orban a payé. Les inquiétudes des Hongrois face au chantage migratoire des pays d’Europe occidentale ont été entendues.

Néanmoins cette victoire d’Orban ne saurait être comprise comme celle d’une ligne eurosceptique. Le Jobbik, qui est davantage sur une position de rupture avec l’Union Européenne, n’est pas le Fidesz. Orban s’est bien gardé à chaque fois de dénoncer l’Europe. Au contraire il s’est présenté constamment comme son plus ardent défenseur, tout en affirmant son patriotisme hongrois et chrétien. Robert Ménard ne s’y est pas trompé en vantant un homme qui a su selon lui concilier identité et Europe alors que Marine Le Pen a revendiqué le résultat d’Orban comme la matérialisation de la réussite de sa propre ligne que les Français ont pourtant rejetée en mai 2017.

Le phénomène Orban doit se comprendre avant tout comme la volonté des pays d’Europe centrale et orientale d’éviter de connaître les dérives mortifères de l’Europe occidentale. S’ils veulent logiquement s’en prémunir, ils ne renoncent pas pour autant à vouloir guérir les parties malades du continent car ils ont compris que seule une Europe unie pourrait survivre au XXIème siècle. Néanmoins l’ouest et l’est s’opposent de plus en plus quant aux valeurs que l’un et l’autre veulent promouvoir. La réconciliation européenne passera par l’affirmation de notre identité commune mais aussi par la volonté de préserver cette identité du globalisme et de ses corollaires bien connues.

La leçon européenne d’Orban, c’est que l’Europe ne doit plus hésiter à affirmer haut et fort son identité et sa civilisation. Lui n’y a pas renoncé et il a été récompensé dans les urnes de son pays.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

07/04/2014

Hongrie : joueur Orban joue encore !

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orban.jpgLes élections parlementaires de ce dimanche 6 avril 2014 devaient décider de la composition de la nouvelle assemblée hongroise, après quatre ans de gouvernement de droite, mené par Viktor Orban, aux affaires. La presse annonçait une victoire indiscutable du premier ministre sortant, dont l’ampleur n’était pas en revanche très nette. Dans un contexte où le jeu se jouait à quatre partis, les autres faisant de la figuration, sans oublier les partis représentant les minorités, le suspens était limité. Néanmoins, les sondages semblent avoir surestimé le Fidesz d’Orban.

Avec 44.54% des voix, le Fidesz remporte une élection jouée d’avance, mais avec une perte de 8.2 points en quatre ans, ce qui indique une certaine lassitude des électeurs, sans remettre en cause la prépondérance du parti au pouvoir, en raison notamment d’une forte prime dévolue au vainqueur. Dans un parlement désormais à 199 places, le Fidesz dispose de 133 sièges, soit les 2/3 de l’assemblée, un résultat largement suffisant pour voter les lois d’une manière confortable, avec une majorité des plus stables.

La coalition Összefogas (Unité) autour du parti social-démocrate (MSZP) mené par Attila Mesterhazy (et Ferenc Gyurczany en n°2) réussit un score honorable avec 25.99% des voix et obtient ainsi 38 sièges dans la nouvelle assemblée. Ce score, supérieur à celui annoncé par les sondages, reste néanmoins modeste en raison notamment de plusieurs scandales financiers touchant d’anciens dirigeants du parti. Par ailleurs, si la tête de liste est nouvelle, les vieux de la vieille comme Gyurczany sont toujours présents. C’est malgré tout un échec, moins déshonorant toutefois qu’en 2010.

Le Jobbik était annoncé aux alentours de 16% dans les sondages, soit un score proche des 16.67% obtenus en 2010. Par un recentrage tactique, qui aurait pu décontenancer certains électeurs, le Jobbik réussit un score en nette progression, avec 20.54% des voix (+ 3.87), bénéficiant du vote de déçus du Fidesz ou de gens choqués par les scandales, et disposera de 23 sièges.

Loin derrière, la liste libérale et démocrate LMP obtient 5.26% des voix et 5 sièges. C’est un score inespéré dans le contexte électoral actuel. Le LMP sera la dernière formation à entrer au parlement.

C’est un échec pour le Munkaspart (Parti des Travailleurs), néanmoins en progression, avec 0.58% des voix, devant une liste centriste (KTI, 0.22% des voix), la liste autour de Maria Seres (0.45%) ou encore le Parti des Verts (Zöldek Partja) avec 0.37% des voix. Enfin, les listes représentant les minorités (tziganes et roms, allemands, slaves, arméniens, grecs…) ont obtenu en tout environ 0,6% des voix et ne disposeront d’aucune représentation.

Malgré un mode de scrutin très favorable, le Fidesz recule dans l’opinion, une érosion logique car Orban s’use au pouvoir, même s’il reste extrêmement populaire. Il n’a pas réussi à marginaliser le Jobbik qui reste la 3ème force, même s’il n’a pas réussi à passer devant la gauche. Le repositionnement de ce parti, jugé néanmoins trop radical aux yeux de l’extrême-droite occidentale pour se coaliser avec elle à l’issue des élections européennes, semble avoir payé. La gauche, qui tend à imiter ses partis frères de l’ouest, peine à s’imposer alors que le conservatisme à coloration chrétienne de Orban résiste.

La seule surprise est donc ce recul modéré du Fidesz accompagné d’une progression mesurée de l’extrême-droite. Rien ne change vraiment. Sans refondation, on voit mal la gauche en 2018 triompher.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)

07/08/2012

De la Hongrie et de son caractère prétendument « asiatique »

gabor_vona_hun.jpgViktor Orban, le chef d’état hongrois, a expliqué récemment sa conception de la démocratie, opposant la notion de volonté qu’il prête aux démocraties scandinaves avec la notion de force qu’il prête au peuple hongrois, qu’il qualifie de peuple « semi-asiatique ». Recyclant le thème classique d’une conception asiatique fondée sur l’autorité, Orban nie dans le même temps le caractère strictement européen de la Hongrie.

Cette erreur d’analyse historique profonde du dirigeant n’est que le reflet d’une conception tordue propre au nationalisme hongrois contemporain. Le mouvement nationaliste Jobbik, qui a pris le relai avec davantage de succès du MIEP, et qui obtiendrait plus de 20% des voix en cas d’élections législatives anticipées, défend ainsi des conceptions pantouraniennes qu’on retrouvera aussi au sein de l’extrême-droite turque, le MHP.

Le Jobbik, dernier né de l’extrême-droite hongroise, a construit une partie de son succès sur la problématique de la criminalité tzigane et sur les nostalgies de la Grande Hongrie d’avant 1918 ou tout au moins sur l’idée d’un regroupement de tous les Hongrois, y compris ceux de Slovaquie et de Roumanie, dans un même état. Cette idéologie est donc totalement incompatible avec l’Union Européenne, dont le Jobbik est un opposant absolu, allant jusqu’à faire brûler le drapeau bleu étoilé.

En outre, paradoxalement, ce parti est favorable à l’adhésion turque à l’UE, par pantouranisme, et soutient la scandaleuse occupation de Chypre par l'armée turque, rêvant même d'une "Union touranienne". En tournant le dos à l'Europe, la Hongrie selon le Jobbik se vend à l'Asie, comme le nationalisme français europhobe implique au final de soutenir la "Françafrique". C'est ainsi que le nationalisme, en rejetant l'Europe, trahit la nation qu'il prétend défendre. 

En effet, certaines écoles linguistiques avaient par le passé postulé l’existence d’un groupe linguistique ouralo-altaïque comprenant les langues finno-ougriennes et les langues turques. Cette théorie est désormais totalement abandonnée par l’écrasante majorité des linguistes au profit d’une vision selon laquelle les langues ouraliennes (ou finno-ougriennes) constituent un groupe à part, avec une certaine proximité avec le groupe indo-européen.

En conséquence, les nationalistes hongrois, à l’instar de Gabor Vona déguisé en guerrier hun (voir image), prétendent être parents des Turcs par leur prétendue ascendance hunnique. Vona a même déclaré cette contre-vérité ridicule, "je suis hongrois, petit-fils d'Attila". En réalité, Hongrois et Huns n’ont aucun rapport et ne relèvent pas de la même matrice civilisationnelle. Les Hongrois ne viennent pas d’Asie centrale mais de l’ouest de l’Oural, et sont proches des Finlandais et des Estoniens. Lorsqu’ils sont arrivés en Europe centrale, ils ne différaient en aucune manière des populations européennes présentes, même si leur langue n’était pas indo-européenne. En outre, les envahisseurs ont toujours été peu nombreux, et il est donc permis de considérer les Hongrois modernes comme des Pannoniens magyarisés. Les Pannoniens (Pannonii) étaient un peuple indo-européen dont la langue était proche de l’illyrien et qui ont ensuite perdu leur langue native au profit du latin puis du hongrois. Ils sont les ancêtres des Hongrois, comme les Daces sont ceux des Roumains (de langue latine) et comme les Thraces le sont des Bulgares (même si ces derniers sont de langue slave et que leur nom ethnique est turc).

En outre, la mythologie hongroise, malgré ses spécificités, n’est pas fondamentalement différente des mythologies indo-européennes, avec l’importance accordée au dieu du ciel (Isten) mais aussi à la déesse de la terre, aux divinités astrales (soleil, lune) et surtout au dieu de l’orage et de la guerre, Hadur. La christianisation de la Hongrie, qui a suscité les mêmes révoltes païennes que dans le reste de l’Europe, s’est rajoutée à cette mythologie traditionnelle, faisant qu’en religion les Hongrois ne diffèrent là encore en rien des autres Européens. Quant aux runes hongroises, très en l’honneur chez les nationalistes hongrois se réclamant du paganisme, elles ne différent guère des runes germano-scandinaves ou des runes balto-slaves, et ne matérialisent pas une quelconque ascendance asiatique du peuple hongrois.

Enfin, rappelons que les Huns, peuple eurasiate nomade de langue turque, mais dont l’essentiel des troupes était constitué de peuples soumis, essentiellement germaniques et sarmatiques, ne se sont pas implantés durablement dans l’ancienne Pannonie romaine puisque, vaincus par les légions romaines d’Aetius, et à la suite de la mort d’Attila, elles sont retournées vers l’Asie. Les Bulgares slaves, radicalement turcophobes, sont les seuls qui pourraient éventuellement se réclamer d’une parenté extrêmement mineure d’avec les nomades turcs d’Asie Centrale. Mais ils sont au contraire fiers d’affirmer leur européanité, comme d’ailleurs la majorité des Hongrois.

Par ailleurs, l’extrême-droite hongroise prend en la matière des positions contraires au mouvement hungariste d’avant-guerre, qui se réclamait au contraire de l’ « aryanité », même si déjà une petite tendance associait, contre les évidences et tout bon sens, les Hongrois à des peuples asiatiques… et même aux Japonais. Il est vrai que « nos ancêtres les Pannoniens » n’a pas été le mantra éducatif de la Hongrie historique.

Le Jobbik, qui par ailleurs a pris des positions plutôt pro-turcs et même pro-islam, a enfin une autre caractéristique détestable, un antisémitisme sous-jacent. Il est vrai que ce parti se réclame d’un christianisme plutôt dur, même s’il contient en son sein une tendance néo-païenne, mais aussi de cet hungarisme qui dès les années 20 s’était coloré de cette haine. Mais le récent scandale Szegedi a démontré à quel point ce positionnement était grotesque. Csanad Szegedi est ce jeune député européen du Jobbik qui a découvert récemment qu’il avait aussi des origines juives, un point problématique pour quelqu’un qui avait défendu auparavant les thèses du Jobbik à ce sujet. Désormais en rupture de ban de son parti, il a retourné sa veste à 180 degrés et vient même de présenter ses excuses à la communauté juive de Budapest.

L’europhobie, dont le nationalisme du Jobbik témoigne de manière systématique, montre bien qu’elle ne peut amener au final qu’à tourner le dos aux intérêts des Européens dans leur ensemble et de son propre peuple en particulier. Et voilà que le chef du gouvernement, l’eurosceptique Viktor Orban, prend la suite.

Il convient donc de rappeler le caractère strictement européen du peuple hongrois, sa plus longue mémoire, son identité profonde, qu’elle soit pannonienne, romaine ou magyare, contre ces prétendus nationalistes qui font le jeu de l’islamisme et remettent en cause les frontières en Europe centrale, ranimant des haines endormies. En promettant la nationalité hongroise à tous les citoyens slovaques d’origine hongroise, le gouvernement hongrois avait déjà créé des tensions avec son voisin, et de même le soutien aux Hongrois de Roumanie n’est pas un facteur de paix, à l’heure où la classe politique roumaine se déchire entre les partisans du président Basescu d’un côté et la majorité gouvernementale de l’autre. Entre le mondialisme qui livre l’Europe pieds et mains liés aux flux migratoires et à la concurrence déloyale des pays émergents, et le nationalisme rétrograde qui menace, la crise de l’€ et de l’Union Européenne aidant, de relancer les conflits du XIXème siècle, seul un européisme pur et dur permettra de renouer avec la paix, la prospérité et un avenir à nouveau rayonnant.

Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)