07/08/2012
De la Hongrie et de son caractère prétendument « asiatique »
Viktor Orban, le chef d’état hongrois, a expliqué récemment sa conception de la démocratie, opposant la notion de volonté qu’il prête aux démocraties scandinaves avec la notion de force qu’il prête au peuple hongrois, qu’il qualifie de peuple « semi-asiatique ». Recyclant le thème classique d’une conception asiatique fondée sur l’autorité, Orban nie dans le même temps le caractère strictement européen de la Hongrie.
Cette erreur d’analyse historique profonde du dirigeant n’est que le reflet d’une conception tordue propre au nationalisme hongrois contemporain. Le mouvement nationaliste Jobbik, qui a pris le relai avec davantage de succès du MIEP, et qui obtiendrait plus de 20% des voix en cas d’élections législatives anticipées, défend ainsi des conceptions pantouraniennes qu’on retrouvera aussi au sein de l’extrême-droite turque, le MHP.
Le Jobbik, dernier né de l’extrême-droite hongroise, a construit une partie de son succès sur la problématique de la criminalité tzigane et sur les nostalgies de la Grande Hongrie d’avant 1918 ou tout au moins sur l’idée d’un regroupement de tous les Hongrois, y compris ceux de Slovaquie et de Roumanie, dans un même état. Cette idéologie est donc totalement incompatible avec l’Union Européenne, dont le Jobbik est un opposant absolu, allant jusqu’à faire brûler le drapeau bleu étoilé.
En outre, paradoxalement, ce parti est favorable à l’adhésion turque à l’UE, par pantouranisme, et soutient la scandaleuse occupation de Chypre par l'armée turque, rêvant même d'une "Union touranienne". En tournant le dos à l'Europe, la Hongrie selon le Jobbik se vend à l'Asie, comme le nationalisme français europhobe implique au final de soutenir la "Françafrique". C'est ainsi que le nationalisme, en rejetant l'Europe, trahit la nation qu'il prétend défendre.
En effet, certaines écoles linguistiques avaient par le passé postulé l’existence d’un groupe linguistique ouralo-altaïque comprenant les langues finno-ougriennes et les langues turques. Cette théorie est désormais totalement abandonnée par l’écrasante majorité des linguistes au profit d’une vision selon laquelle les langues ouraliennes (ou finno-ougriennes) constituent un groupe à part, avec une certaine proximité avec le groupe indo-européen.
En conséquence, les nationalistes hongrois, à l’instar de Gabor Vona déguisé en guerrier hun (voir image), prétendent être parents des Turcs par leur prétendue ascendance hunnique. Vona a même déclaré cette contre-vérité ridicule, "je suis hongrois, petit-fils d'Attila". En réalité, Hongrois et Huns n’ont aucun rapport et ne relèvent pas de la même matrice civilisationnelle. Les Hongrois ne viennent pas d’Asie centrale mais de l’ouest de l’Oural, et sont proches des Finlandais et des Estoniens. Lorsqu’ils sont arrivés en Europe centrale, ils ne différaient en aucune manière des populations européennes présentes, même si leur langue n’était pas indo-européenne. En outre, les envahisseurs ont toujours été peu nombreux, et il est donc permis de considérer les Hongrois modernes comme des Pannoniens magyarisés. Les Pannoniens (Pannonii) étaient un peuple indo-européen dont la langue était proche de l’illyrien et qui ont ensuite perdu leur langue native au profit du latin puis du hongrois. Ils sont les ancêtres des Hongrois, comme les Daces sont ceux des Roumains (de langue latine) et comme les Thraces le sont des Bulgares (même si ces derniers sont de langue slave et que leur nom ethnique est turc).
En outre, la mythologie hongroise, malgré ses spécificités, n’est pas fondamentalement différente des mythologies indo-européennes, avec l’importance accordée au dieu du ciel (Isten) mais aussi à la déesse de la terre, aux divinités astrales (soleil, lune) et surtout au dieu de l’orage et de la guerre, Hadur. La christianisation de la Hongrie, qui a suscité les mêmes révoltes païennes que dans le reste de l’Europe, s’est rajoutée à cette mythologie traditionnelle, faisant qu’en religion les Hongrois ne diffèrent là encore en rien des autres Européens. Quant aux runes hongroises, très en l’honneur chez les nationalistes hongrois se réclamant du paganisme, elles ne différent guère des runes germano-scandinaves ou des runes balto-slaves, et ne matérialisent pas une quelconque ascendance asiatique du peuple hongrois.
Enfin, rappelons que les Huns, peuple eurasiate nomade de langue turque, mais dont l’essentiel des troupes était constitué de peuples soumis, essentiellement germaniques et sarmatiques, ne se sont pas implantés durablement dans l’ancienne Pannonie romaine puisque, vaincus par les légions romaines d’Aetius, et à la suite de la mort d’Attila, elles sont retournées vers l’Asie. Les Bulgares slaves, radicalement turcophobes, sont les seuls qui pourraient éventuellement se réclamer d’une parenté extrêmement mineure d’avec les nomades turcs d’Asie Centrale. Mais ils sont au contraire fiers d’affirmer leur européanité, comme d’ailleurs la majorité des Hongrois.
Par ailleurs, l’extrême-droite hongroise prend en la matière des positions contraires au mouvement hungariste d’avant-guerre, qui se réclamait au contraire de l’ « aryanité », même si déjà une petite tendance associait, contre les évidences et tout bon sens, les Hongrois à des peuples asiatiques… et même aux Japonais. Il est vrai que « nos ancêtres les Pannoniens » n’a pas été le mantra éducatif de la Hongrie historique.
Le Jobbik, qui par ailleurs a pris des positions plutôt pro-turcs et même pro-islam, a enfin une autre caractéristique détestable, un antisémitisme sous-jacent. Il est vrai que ce parti se réclame d’un christianisme plutôt dur, même s’il contient en son sein une tendance néo-païenne, mais aussi de cet hungarisme qui dès les années 20 s’était coloré de cette haine. Mais le récent scandale Szegedi a démontré à quel point ce positionnement était grotesque. Csanad Szegedi est ce jeune député européen du Jobbik qui a découvert récemment qu’il avait aussi des origines juives, un point problématique pour quelqu’un qui avait défendu auparavant les thèses du Jobbik à ce sujet. Désormais en rupture de ban de son parti, il a retourné sa veste à 180 degrés et vient même de présenter ses excuses à la communauté juive de Budapest.
L’europhobie, dont le nationalisme du Jobbik témoigne de manière systématique, montre bien qu’elle ne peut amener au final qu’à tourner le dos aux intérêts des Européens dans leur ensemble et de son propre peuple en particulier. Et voilà que le chef du gouvernement, l’eurosceptique Viktor Orban, prend la suite.
Il convient donc de rappeler le caractère strictement européen du peuple hongrois, sa plus longue mémoire, son identité profonde, qu’elle soit pannonienne, romaine ou magyare, contre ces prétendus nationalistes qui font le jeu de l’islamisme et remettent en cause les frontières en Europe centrale, ranimant des haines endormies. En promettant la nationalité hongroise à tous les citoyens slovaques d’origine hongroise, le gouvernement hongrois avait déjà créé des tensions avec son voisin, et de même le soutien aux Hongrois de Roumanie n’est pas un facteur de paix, à l’heure où la classe politique roumaine se déchire entre les partisans du président Basescu d’un côté et la majorité gouvernementale de l’autre. Entre le mondialisme qui livre l’Europe pieds et mains liés aux flux migratoires et à la concurrence déloyale des pays émergents, et le nationalisme rétrograde qui menace, la crise de l’€ et de l’Union Européenne aidant, de relancer les conflits du XIXème siècle, seul un européisme pur et dur permettra de renouer avec la paix, la prospérité et un avenir à nouveau rayonnant.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
16:33 Publié dans Analyses, Elections en Europe, Histoire, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (36) | Tags : nationalisme hongrois, gabor vona, jobbik, viktor orban, eurasisme, csanad szegedi, runes hongroises, pantouranisme, mouvement hungariste |
Commentaires
Écrit par : Anton Cusa | 18/12/2013
Quant aux apports iraniens, indiscutables, ils ne sont pas un apport "asiatique". Les Sarmates de l'Ukraine ancien de même que les Scythes ne se distinguaient pas des autres populations alentours (Daces, Thraces, Slaves... etc). On sait que les Scythes peuplaient même... une partie de la Sibérie.
Quant à la population hongroise, elle ne se distingue pas des autres populations européennes, ce qui démontre soit qu'ils sont des Pannoniens linguistiquement magyarisés, soit que les Magyars ne différaient pas eux-mêmes des autres Européens, la vérité étant probablement la somme des deux.
Le pantouranisme est une doctrine totalement abandonnée au XXème siècle, sauf par les courants relevant du "hungarisme" dont Gömbös et Szalasi furent les fers de lance, tout en affirmant d'ailleurs le caractère indo-européen des Hongrois... (incohérence).
Écrit par : Thomas FERRIER | 18/12/2013
L'eurasisme, qu'il soit hongrois ou russe, ne tient pas une seconde.
Écrit par : Thomas FERRIER | 18/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 18/12/2013
Les populations ouraliennes que vous évoquez, et qui sont en effet à nette dominante mongoloïde, le sont par la langue, ce qui peut s'expliquer de deux manières, soit par un fort flux génique ayant changé la population soit par l'adoption de la langue d'un autre peuple.
En somme, je ne nie pas les spécificités des peuples finno-ougriens par rapport aux peuples indo-européens mais leurs mythologies sont très proches, leur contact extrêmement ancien, leur origine commune plus que très probable, font qu'ils se sont très bien assimilés à la société européenne, et sans beaucoup d'efforts.
Quant au seul peuple turc slavisé et européanisé, le peuple bulgare, qui a conservé quelques termes spécifiques (comme celui de khan), là encore rien ne le différencie des autres Européens.
Le fait est, et cela vous le niez, qu'il y a une profonde parenté entre Finlandais et Hongrois, que leur langue respective prouve. Et si vous voulez savoir à quoi ressemblaient les Ouraliens à l'origine, ancêtres des Finlandais et des Hongrois, c'est en Laponie que vous les trouverez et pas au Bachkorostan, soumis à des vagues asiatiques.
Écrit par : Thomas FERRIER | 19/12/2013
Les Finlandais ne se réclament pas d'une origine asiatique. Les Hongrois n'ont pas plus à le faire. La seule influence que les Hongrois ont pu connaître à l'ouest de l'Oural, c'est celle des nomades iranophones (indo-européens).
Écrit par : Thomas FERRIER | 19/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 19/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 20/12/2013
Qu'un fort flux génique ait affecté les ouraliens de l'est, comme l'ont été certains berbères, dans les zones frontières de l'espace saharien, au point de leur faire perdre leurs caractères originels, est une explication satisfaisante.
Par ailleurs, m'étant intéressé de bonne heure à la mythologie hongroise, malgré des différences linguistiques considérables, la structure des panthéons est très proche de celle des autres Européens.
Dans un atlas allemand de 1880, non seulement les Hongrois mais aussi les Finlandais sont catégorisés comme "mongoloïdes", au nom de la théorie touranienne. Cette théorie est totalement abandonnée, à l'exception de milieux nationalistes hongrois ou turcs qui veulent à tout prix la maintenir.
Vous passez en outre sous silence l'exemple lapon, et vous postulez une origine nécessairement ouralienne (au sens géographique du terme) des "Ouraliens", alors que le foyer était probablement au Septentrion.
Le fait est que le groupe finno-ougrien comprend des populations europoïdes (Finlandais, Estoniens, Hongrois, Votes, Vepses, Lives) et mongoloïdes (Samoyèdes...), mais aussi des populations présentant des traits mixtes (Maris). La question est donc de savoir si les premiers ont été européanisés, ou si ce sont les seconds qui ont été asiatisés.
La réponse est clair et n'admet pas pour moi de doute, c'est le second cas qui a eu lieu. Cela ne veut pas dire que les Hongrois du IXème siècle ressemblaient à des Finlandais.
Et par ailleurs, si le caractère très partiellement asiatique des Huns peut correspondre à certaines descriptions d'époque romaine, et à certaines données archéologiques (Y. Lebedynsky) ça ne correspond pas à la perception médiévale des Hongrois par les autres européens comme sensiblement différents des autres.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 20/12/2013
La génétique de l'Europe ne présente pas la Hongrie comme une anomalie, alors soit le nombre de magyars mongoloïdes était si faible qu'ils n'ont eu aucun impact, soit plus vraisemblablement ils n'étaient pas mongoloïdes du tout. Lebedynsky évoque le fait qu'une partie de l'élite magyare au IXème siècle aurait été mongoloïde, le gros des "troupes" ne l'étant pas. C'est donc une composante de toute façon extrêmement marginale du peuple hongrois. Voir "Les Nomades".
Par ailleurs, de la même façon, les peuples finnois ne se distinguent pas non plus des peuples scandinaves voisins, malgré des particularités spécifiques, comme chez les Lapons, sans remettre en cause leur européanité.
Vous affirmez l'origine géographiquement "ouralienne" des Ougriens, sous prétexte que certaines peuples relevant de ce groupe linguistique, et présentant des traits mongoloïdes, auraient maintenu un mode de vie prétendument représentatif des Ouraliens, comme si le métissage ne pouvait avoir eu lieu que dans un seul sens et pas dans l'autre, or à l'époque où la matrice proto-ouralienne est apparue, c'était dans l'espace géographique européen et le peu que l'on reconstitue par la linguistique comparée ne correspond absolument pas à un peuple aux peuples ougriens que vous évoquez.
Si vous avez lu jusqu'au bout ma réponse, je n'exclus pas que les Proto-altaïques eux-mêmes n'aient pas été mongoloïdes. Et de toute façon, la parenté entre langues IE et langues ouraliennes peut très bien exister de manière indépendante.
Enfin, l'existence de runes magyares et turques, de toute évidence apparentées aux runes du monde germanique et balto-slave, montre l'ancienneté et la force des contacts entre les peuples indo-européens et les peuples ouraliens. Et on ne peut pas l'expliquer par des Iraniens nomades, ceux-ci n'utilisant pas de runes.
Par ailleurs, le peu de linguistique comparée des langues ouraliennes dont nous disposons, s'écarte significativement du mode de vie paléo-sibérien que vous évoquez. En outre, votre refus systématique de considérer les populations finno-ougriennes dans leur ensemble, voulant faire des Hongrois une exception, vous interdit de déterminer l'anthropologie des Proto-Ouraliens.
Vous en affirmez la caractérisation mongoloïde alors même que les Ouraliens de ce type sont très minoritaires et uniquement dans un espace géographique fortement impacté par des migrations asiatiques.
Et qu'il y ait eu au sein du conglomérat magyar des populations turcophones et/ou mongoloïdes ne signifie pas que celles-ci aient été représentatives des proto-magyars.
Enfin, la présence des populations ouraliennes en Europe du nord-est apparaît extrêmement ancienne, à une époque où les populations asiatiques étaient beaucoup plus à l'est.
Cela permet d'affirmer que, si la présence dans une proportion très mesurée de populations mongoloïdes au sein du peuple magyar (pris au sens large) arrivé en Pannonie au IXème siècle est indiscutable, ce que j'ai pas nié, cela n'a jamais constitué qu'une partie extrêmement marginale, et vide dissoute par ailleurs.
Ce qui permet d'affirmer le caractère pannonien et européen du peuple hongrois, malgré l'adoption d'une langue finno-ougrienne sous l'influence des Magyars.
Quant au type humain qui était celui des Proto-Ouraliens, je ne crois absolument pas à votre thèse. Le terme "ouralien" est d'ailleurs une convention, comme le terme de "caucasien".
Enfin, vous auriez pu vous dispenser de l'usage d'un vilain terme finissant par "-iste" dans vos réponses, terme qui n'apporte rien dans le débat.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Les arbres et les animaux (du vocabulaire comparé) correspondent aux forêts d'Europe occidentale et centrale. Le vocabulaire de la marine, de l'agriculture, le culte de la terre-mère, tout cela ne correspond pas aux Kourganes. Aucune preuve d'invasion indo-européenne au niveau archéologique. La théorie même de l'invasion IE est idéologique, qu'on présente les IE comme des migrants (version multiculturaliste) ou comme des conquérants (version suprémaciste).
Or, à la base, seul le vocabulaire comparé permet de déterminer le foyer des IE (et aussi de la même façon celui des Afrasiens, des Ouraliens... etc).
Quant au fait qu'il n'y ait pas eu de remplacement anthropologique intégral concernant l'Afrique, il suffit de prendre l'exemple de l'Ethiopie pour invalider votre remarque.
Cordialement.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Oui. Et où étaient à cette époque les Proto-Ouraliens ? Pas en Asie.
---du mélange entre les Iraniens nord-orientaux indigènes et les populations mongoloïdes altaïques, paléoasiatiques et ougriennes---
Pour les populations altaïques, c'est vraisemblable, pas certain mais plausible. Pour les populations ougriennes, ça ne l'est pas. Ceux-ci étaient très vraisemblablement au nord du pays sarmate, dans l'actuelle Russie, là où les Slaves se sont ensuite installés.
Les Finno-ougriens dans leur ensemble sont des populations d'Europe. Leur mythologie, qu'on peut retrouver dans le folklore magyar comme dans le Kalevala, est également typiquement européenne. Ce n'est pas le cas du tengrisme qui, sans s'en éloigner considérablement, relève d'une autre logique.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 20/12/2013
Tout cela se résume simplement. En Pannonie, et plus que dans d'autres pays européens, plusieurs vagues d'envahisseurs (Huns et Hongrois) comprenaient en nombre minoritaire des personnes de type mongoloïde ou hybride. Il est pour autant excessif de considérer ces éléments comme signifiant un caractère asiatique des Magyars.
Par ailleurs, et je note que vous n'avez pas répondu sur ce point, si les proto-ouraliens étaient mongoloïdes, pourquoi cela n'apparaît pas, non seulement chez les Finlandais mais aussi chez les Lapons. Pourquoi les Lives ne se distinguent en rien des Lettons et des Lituaniens, si ce n'est le groupe linguistique bien sûr ? Et si les Proto-Finnois étaient europoïdes, pourquoi les Proto-Magyars ne l'auraient-ils pas été ?
Les populations afrasiennes d'Afrique de l'Est, proches de ce qui est parfois considéré comme le berceau des Afrasiens, et qui ne se résument pas seulement aux Ethiopiens, ne sont pas spécialement europoïdes. Certains partisans de la théorie afrocentriste prétendent d'ailleurs que les proto-afrasiens étaient africains.
Enfin, les cas ougrien et turc doivent être considérés séparément. Même si le débat sur la Hongrie pourrait trouver son équivalent pour la Bulgarie.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Par ailleurs, le vocabulaire commun indo-européen interdit de voir le foyer des PIE dans un environnement steppique. Il ressemble plutôt à l'Europe occidentale et centrale. Chêne, frêne, hêtre, arbres fruitiers, loutre, castor, loup, renard, ours, animaux marins (dauphin, baleine, requin...), vous avez l'impression que cela correspondrait au vocabulaire d'un peuple semi-nomadisant d'environnement steppique ?
Le vocabulaire agricole (*agros, "le champ"), l'existence d'une terre-mère puissante (*dheghom *mater), voilà deux simples exemples qui démolissent complètement la théorie "kourganienne" dite théorie "invasionniste".
Je suis à peu près persuadé que le progrès dans le comparatisme ouralien permettra de constater la même chose.
Écrit par : Thomas FERRIER | 20/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 21/12/2013
Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas convaincu par votre postulat sur une origine mongoloïde, et en outre je ne défends pas ici la théorie nostratique mais a minima la théorie "indo-ouralienne", qui est dominante aujourd'hui.
Par ailleurs, si une macro-famille du style "nostratique" devait exister, elle correspondrait à une parenté anthropologique, en clair ce serait la reconstitution de la langue de homo sapiens europaeus.
La famille ouralienne comprend les groupes finnois et ougriens, d'où son ancien nom de "finno-ougrien". C'est donc qu'il y a une profonde parenté entre les deux groupes. La chronologie en outre ne va pas dans le sens d'une présence mongoloïde aux portes de l'Europe. Elle est bien postérieure.
Concernant le groupe afrasien, je poussais le raisonnement jusqu'au bout. Si on appliquait votre raisonnement aux Afrasiens, alors cela irait dans le sens de la théorie afrocentriste que je n'ai pas cité favorablement. Bien sûr que les Proto-afrasiens étaient europoïdes, même si les locuteurs afrasiens actuels proches du berceau originel supposé ne le sont pas. Je prétends que les Ouraliens et les Afrasiens ont subi un phénomène comparable.
Les Bulgares se revendiquent des anciens Thraces, les Roumains des anciens Daces et Gètes, les Albanais des anciens Illyriens, les Anglais des anciens Bretons (Britons), les Français des anciens Gaulois, les Espagnols des anciens Ibères et Celtibères, les Allemands des Germains du temps d'Arminius, et certains Ukrainiens se revendiquent des anciens Sarmates.
Il ne serait pas anormal que les Hongrois se revendiquent des Pannoniens, puisqu'ils en sont de manière évidente les héritiers les plus directs, malgré des apports celtes, germaniques, romains, slaves et magyars. Je ne crois absolument pas que non seulement les Proto-Magyars aient été mongoloïdes mais que les Magyars historiques, à leur arrivée, l'étaient autrement qu'à la marge, une marge vite dissoute dans la population. J'ai bien compris que sur ce point vous n'étiez pas d'accord avec moi, mais je n'ai rien lu de déterminant de votre part infirmant mon raisonnement.
Et j'ai bien au contraire précisé que le caractère finno-ougrien n'était pas du tout incompatible avec l'européanité, j'ai même clairement dit le contraire. Les finno-ougriens contemporains sont, à quelques exceptions près, des Européens stricto sensu, de même culture que les autres Européens, et font partie avec les Basques et les Caucasiens des Européens de langue non indo-européenne.
Si je ne nie évidemment pas la parenté entre Indo-Iraniens et Européens, les Finlandais ou les Hongrois sont infiniment plus proches de nous sur tous les autres plans que la linguistique et la mythologie. Par ailleurs, l'hindouisme moderne est très différent des anciens polythéismes d'Europe, y compris de la religion indienne védique. De plus, la mythologie finnoise comme la mythologie hongroise ne se distinguent guère de nos autres mythologies. C'est pareillement le cas de celle des Basques ou encore de la tradition des Vaïnakhs.
Ce que vous appelez en outre "décroissance" peut aussi bien être vu sous la forme d'une "croissance" partie de l'autre côté, en clair d'une proportion de plus en plus forte de caractéristiques mongoloïdes plus on va vers l'est.
Et si certains Ougriens ont eu de forts contacts avec des populations altaïques, ne cherchez pas plus loin que là la raison de l'hétérogénéité entre populations de langue ouralienne.
Par ailleurs, je ne peux que vous inviter à comparer les mythologies hongroise et turque. Si vous retrouvez l'équivalent de la déesse turque Umay ou du dieu turc Erlik Khan, bon courage. Et de même, rien de commun entre Isten et Tanri, encore moins entre Hadur, le dieu hongrois de la guerre, assimilé au Mars romain, et n'importe quel dieu turc.
Cordialement.
Écrit par : Thomas FERRIER | 21/12/2013
Mon article dénonçait les errances grossières du nationalisme hongrois, ce qui amène un Gabor Vona à de biens étranges complaisances avec la Turquie et l'islam, alors que son pays et son peuple ont subi une occupation turco-musulmane de plus d'un siècle et demi.
Enfin, dernier point, l'existence d'une caste de prêtres, les taltos, différencie là encore les Magyars des Turcs et les rapproche en revanche des peuples indo-européens. Et l'histoire de la Hongrie médiévale, et de sa résistance païenne (celle de Vatha par exemple), ne diffère en rien de celle de la Moravie voisine ou du royaume des Polanes.
Écrit par : Thomas FERRIER | 21/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 22/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 22/12/2013
---matrice culturelle originelle paléoasiatique---
Vous postulez un mode de vie proto-ouralien correspondant à celui-là, mais rien ne le prouve et pas le vocabulaire commun ouralien reconstitué (certes beaucoup plus fragmentaire que le vocabulaire commun indo-européen). C'est à partir du postulat de ce foyer originel que vous en déduisez logiquement le caractère mongoloïde des Proto-Ouraliens. Mais si en revanche le foyer des Finno-Ougriens est l'Europe du Nord-Est, alors ça ne tient plus.
J'ai évoqué très précisément la mythologie du peuple hongrois, qui n'est pas indo-européenne mais encore moins proche des mythes turcs. J'ai évoqué le cas des runes hongroises et turques, qui sont de toute évidence un emprunt aux runes germaniques et slaves, et ce jusqu'au plus profond de l'espace centre-asiatique.
---l'arbre du monde à trois niveaux, témoin encore, le chamanisme---
L'arbre du monde est un des éléments clé du polythéisme indo-européen. Les trois niveaux rappellent aisément les trois fonctions (avec le ciel supérieur, le ciel intermédiaire et la terre) dans leur lecture cosmogonique (Haudry). Enfin, Mircea Eliade a travaillé sur le chamanisme proto-indo-européen, le *bhlagmen ou "prêtre" ayant eu des fonctions de cette nature. Vous donnez des exemples qui éloigneraient les Ouraliens des Indo-Européens, alors qu'en vérité ils les rapprochent.
Quand on lit le Kalevala, on retrouve un panthéon très semblable à celui des Indo-Européens, des principes généraux très similaires, l'importance du culte de la terre-mère (et de l'enracinement). Ces éléments se retrouvent parfaitement chez les Magyars.
Enfin, le peuple hongrois contemporain est clairement européen à tous points de vue, le fait d'avoir une langue ouralienne ne change rien à ce fait, qu'importe l'origine précise des Proto-Ouraliens.
---Je demeure convaincu pour ma part que vous vous proposez vous-même pour dessein de construire un tel récit à l'échelle européenne---
Je suis un historien engagé et/mais un homme politique avant tout. Je ne le cache pas. Ca ne signifie pas que je dise n'importe quoi pour autant.
Et par ailleurs, je vous le rappelle, l'article de départ auquel vous avez souhaité apporter une réponse dénonce avant tout une utilisation europhobe de travaux scientifiques (obsolètes, relevant de théories du XIXème siècle) par les militants "hungaristes" du Jobbik et jusqu'au chef de l'état qui, sous prétexte d'une origine prétendument asiatique, justifie son pouvoir autoritaire. C'est le même raisonnement chez les eurasistes russes, niant l'européanité des Russes pour prétendre leur faire accepter une "autocratie naturelle", "conforme à leur nature".
Écrit par : Thomas FERRIER | 22/12/2013
Et de cela, à moins de connaître le foyer des Proto-Ouraliens, qui est un débat quasi insoluble, de savoir s'il était en Europe ou en Asie, l'idée d'une "indo-européanisation" profonde des Finno-ougriens sans changement linguistique me paraît totalement invraisemblable.
Écrit par : Thomas FERRIER | 22/12/2013
Je tiens toutefois à vous signifier mes remerciements pour le débat, parfois houleux, que vous avez engagé, et de l'importance que vous avez accordé à mes analyses, que vous contestez fortement quant à leurs motivations, je l'ai bien compris.
Mon article avait comme principal objectif de dénoncer la propagande europhobe des nationalistes hongrois qui vont jusqu'à nier l'européanité de leur peuple en s'appuyant sur des théories scientifiques, comme celles que vous avez exposées, évoquant une origine asiatique de leurs ancêtres. Or, si les Hongrois ont peut-être des ancêtres asiatiques, que ce soit une petite partie des Magyars ou leur majorité, ces derniers ne constitueraient qu'une part très modeste de leur ascendance, qui est essentiellement illyrienne (pannonienne), celtique, romaine, germanique et slave.
Je vous souhaite par ailleurs de bonnes fêtes.
Écrit par : Thomas FERRIER | 22/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 22/12/2013
Écrit par : Thomas FERRIER | 22/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 23/12/2013
Écrit par : Thomas FERRIER | 23/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 23/12/2013
Thrace et non point Bosphore donc, car ces Altaïques islamisés restés totalement étrangers et irréductibles à la civilisation méditerranéenne orientale de la région n'ont point encore été expulsés de la Thrace orientale. Le verrouillage du Bosphore c'est une autre étape, n'anticipons guère.
Écrit par : Anton Cusa | 24/12/2013
Écrit par : Thomas FERRIER | 24/12/2013
Écrit par : Thomas FERRIER | 24/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 24/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 24/12/2013
Écrit par : Anton Cusa | 24/12/2013
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