01/11/2010
La gauche et l'extrême-droite, une europhobie convergente
Nous allons examiner le regard posé par la prétendue "gauche", du Modem jusqu'à Jean-Luc Mélenchon en passant par le PS, mais à l'exclusion de l'extrême gauche, sur le problème des retraites. Nous observerons une surprenante convergence avec le FN de Marine Le Pen.
La réforme des retraites a suscité une très large réprobation dans l'opinion des Français. C'était prévisible : travailler un peu plus longtemps, même s'il est inexact de parler de deux ans de plus, ne plaira à personne. Cette réprobation a cependant été reprise par la totalité des partis de la "gauche responsable", celle qui prétend parvenir au pouvoir, avec des arguments hautement discutables.
La réforme serait injuste. Pour certains, cela veut dire que jouer sur les trimestres serait plus juste. Or c'est absolument faux. Prenons l'exemple de quelqu'un, espérant vivre 80 ans, qui a commencé à 20 et prendra sa retraite à 62 : il aura 18 ans de retraite pour 42 ans de travail. A quel âge aurait-il dû commencer pour prendre sa retraite à 60 ans, espérant alors 20 ans de retraite, avec le même rapport retraite/travail? Moins de 13 ans! Les mesures d'âge sont plus de deux fois moins pénalisantes que le calcul par trimestres. Et, compte-tenu de l'exception concédée par le gouvernement pour les carrières commençant à 16, 17 ans, c'est quatre fois moins. L'économiste Elie Cohen reconnaît qu'on a choisi une injustice contre une autre. Il oublie de dire l'autre était quatre fois plus grande. En fait le choix gouvernemental de 2010 corrige même le précédent dans le sens de la justice.
La réforme serait injuste. Pour d'autres, il fallait faire payer le capital. Comment ne pas voir que c'est tout le principe de la retraite par répartition qu'on conteste? La retraite est un salaire différé. On doit la prendre exclusivement sur les salaires. Cela n'empêche pas de taxer le capital par ailleurs, ni de contester l'assiette générale de l'impôt. Cependant mélanger retraite et capital conduit tout droit à la retraite pas capitalisation. Il faut savoir ce que l'on veut.
Il reste qu’en vérité, c’est le système français actuel des retraites qui est injuste : écart public/privé, régimes spéciaux etc. Ne rien faire aurait, par ailleurs, introduit une nouvelle injustice, pénalisant cette fois les jeunes générations, comme l'a justement souligné Dominique Reynié (Fondapol).
La réforme ne résoudrait rien. C'est faux. Elle ne résout qu'une partie des difficultés, laissant le reste à la dette et autres subterfuges. Mais c'est déjà cela.
Ainsi aucun argument sérieux n'a été opposé à la réforme. Si le pays a été si réticent, c'est en réalité parce qu'elle touchait un symbole. C'était l'idée que le progrès social devait se poursuivre indéfiniment, qu'à chaque réforme les syndicats avaient pour rôle d'engranger le positif, vérifiant pour le reste que "le compte y est", comme dirait la CGT. Or, cette fois, on régressait par rapport à la situation acquise, même si l'on progressait (grâce à l'allongement de la vie) par rapport à une situation à peine plus ancienne.
Le soutien de la prétendue "gauche" aux manifestations relevait aussi d'une forme de nostalgie. On voudrait qu'il en soit encore comme précédemment, avec des acquis sociaux s'ajoutant aux acquis sociaux. En tenant toujours le même discours, vieux d'un siècle, alors qu'on avait tout fait pour le rendre obsolète, acceptant notamment sans broncher toutes les formes du mondialisme.
Cette nostalgie génère un aveuglement et une réelle europhobie. On ne veut pas savoir, y compris dans la "gauche" qui a milité pour le traité constitutionnel, ce qui s'est passé dans les autres pays. On ne veut surtout pas prendre l'Allemagne voisine comme modèle. Même les messages du FMI de Dominique Strauss-Kahn, champion potentiel du PS pour les prochaines présidentielles, sont ignorés. La nostalgie du progrès social va de pair avec la nostalgie des frontières hexagonales. Le PS plonge la France dans un rêve qui sera bientôt un cauchemar. En réalité il sait que ce dont il fait rêver est irréalisable. C'est le grand mensonge. Le Modem est d’ailleurs globalement sur la même ligne.
A gauche de la "gauche", Jean-Luc Mélenchon enfonce le clou. Il veut que la France abandonne l'euro pour ainsi dévaluer. Il intègre l'appauvrissement qui en résultera, n'ayant pas peur de prendre des exemples en Amérique latine. Sur ce point il est moins hypocrite : il accepte que la France se tiers-mondise. Il troque les symboles, ceux du pouvoir syndical et du franc, contre le pouvoir d'achat. Il ajoute juste une nostalgie supplémentaire, celle d'une république laïque, non encore communautarisée, alors que le PS n'en a cure. Cependant il ne dit pas comment préserver la république en laissant en même temps les frontières ouvertes à l'immigration. C'est là qu'il triche.
Le FN de Marine Le Pen a sa place dans ce concert. Sa nouvelle égérie intègre toutes les nostalgies propres à Jean-Luc Mélenchon. Elle est juste un peu plus radicale : elle veut rompre avec l'UE, pas seulement avec l'euro. En revanche elle rejoint le PS pour ne pas en chiffrer le prix. Par ailleurs elle s'aligne sur son libertarisme. Elle voudrait fermer les frontières à l'immigration et forcer l'intégration. Mais elle ne dit pas ce qu'elle fera si les communautés veulent conserver leur identité. Finalement on n'est pas bien loin de Mélenchon.
Nous n'avons pas parler de l'extrême-gauche d'Olivier Besancenot, que les medias n'ont pas beaucoup interrogé pendant les grèves. Les slogans sont toujours les mêmes : « prendre l'argent où il est », « faire contribuer selon les moyens pour donner selon les besoins », etc. Les autres partis de gauche, en se montrant irréalistes, lui ont volé son créneau.
Vouloir défendre, voire promouvoir, les acquis sociaux n'est plus de la nostalgie dès lors qu'on se place dans le cadre d'une République européenne, come le fait le PSUNE. Cependant il ne faut pas se tromper. Dans un premier temps il faudra un peu faire comme l'Allemagne après la réunification - se serrer la ceinture pour retrouver assez vite des jours meilleurs. Les mesure d'âge pour la retraite, entre autres, s'imposeront. Il ne sert donc à rien de les contester, comme de critiquer nos voisins.
C'est encore du côté de Sarkozy qu'on trouve le premier balbutiement d'un désir de rapprochement avec l'Allemagne et donc l'incompatibilité la moins grande, en comparaison bien sûr, avec le PSUNE. C'est triste à constater.
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)
11:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eisner, retraites, répartition, gauche |
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