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29/07/2017

La religion des Scandinaves.

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thors-hammer-mjolnir-car-sticker-hammer-decal.jpgDisposant désormais en Islande, au Danemark et en Norvège d’un statut légal, le polythéisme germano-scandinave sous la forme du mouvement Asatru (« foi envers les dieux Ases ») ou Forn Siðr (« la coutume ancienne ») est de retour. Mais les sources qui nous permettent de le connaître datent toutes de l’époque chrétienne, à l’exception des inscriptions runiques.

Snorri Sturluson, auteur de l’Edda, était lui-même chrétien et on peut penser notamment que le Ragnarök ou « destin des puissances » était une façon pour le poète de donner une belle mort à ses dieux. La satanisation de Loki et le retour de Balder, assimilé au Hvati Krist ("le blanc Christ"), tout comme le christianisme antique avait récupéré la figure d’Apollon, étaient une façon d’évoquer la victoire de la religion nouvelle. Le combat de Thor contre le serpent de Midgard, lors d’une pêche miraculeuse, est alors répété en fin de cycle, se soldant cette fois par la mort des deux adversaires.

La religion scandinave, analogue à sa version germanique continental dans les grands traits, mais connue sous une forme ultérieure de plusieurs siècles, considérablement enrichie, indique un éloignement des dieux des fonctions élémentaires qui étaient les leurs. Vintr (« le vent »), Vörnir (qui serait la forme scandinave d’Ouranos), Fjorgyn (ancien dieu de l’orage), Logi (« le feu »), Aegir (« l’eau ») tout comme Jörd (« la terre »), mère de Thor, sont devenus des géants et ont cessé d’être des dieux (tivar). De la même façon, le Soleil (Sól) et la Lune (Mani), divinités positives, ne font pas partie des dieux, aussi bien Ases que Vanes. De même, la déesse de l’aurore et du printemps, Ostara ou Eostre, est-elle-même marginale. Enfin, le royaume des morts est confié à la cruelle Hel, fille de Loki.

Le dieu suprême des Germains était Tius (proto-germanique *Tiwaz) dont le nom (ainsi que celui de sa parèdre Zisa, sous forme féminine) était analogue au Zeus grec (et à son épouse primitive Dioné). Sous les traits de Tyr, il n’est plus que le dieu de la guerre juste, un dieu qui a sacrifié son bras, tout comme le dieu celtique Nuada, pour maîtriser le loup-dragon Fenrir. La perte de ce bras indique symboliquement la déchéance dans le panthéon d’un dieu fondamental.

Tius/Tyr a été victime en effet de l’ascension du dieu Wotan/Oðinn (proto-germanique *Woðanaz), dont le nom signifie « le furieux » (norrois oðr, « fureur »), assimilé par les Romains au dieu Mercure, mais qui est devenu le dieu suprême et le roi des Ases (Aesir) ou "dieux célestes". A l’origine, il semble toutefois que ce dieu n’ait été que l’un des aspects du dieu de l’orage en tant que dieu de la fureur guerrière, tout comme Rudra était l’aspect furieux d’Indra dans l’Inde védique.

Le dieu le plus populaire des peuples germano-scandinaves était en effet Donar/Þórr (proto-germanique *Þunraz), dieu porteur du marteau de foudre (Mjóllnir), dieu de l’héroïsme individuel et non des armées. Les Romains l’ont interprété comme équivalent de Jupiter ou d’Hercule. En Germanie, l’arbre sacré Irminsul, que fit abattre Charlemagne, était consacré à Donar. Le nom d’Irmin, divinité indépendante à l’origine, est d’ailleurs à rapprocher du celte Eremon mais aussi de l’iranien Airyaman (moyen-perse Ērmān) et de l’indien Aryaman, ce qui en fait un dieu protecteur du peuple.

Les dieux vanes, divinités des désirs terrestres (le mot vane vient de la racine *wen- « désir » comme dans le nom de Venus), vaincus puis associés aux dieux Ases (les divinités du ciel), étaient Freyr, (Dionysos), Freyja (Aphrodite) et les jumeaux Njordhr et Skadi (Artémis), le premier comme dieu de la navigation et la seconde comme déesse de la chasse.

L’épouse d’Odhinn, Frigg, et la déesse de l’amour Freyja, seraient de même étymologie, à rapprocher du sanscrit priya, « chérie ». Frigg est la déesse de l’amour matrimonial alors que Freyja est la déesse de l’amour libre.

Parmi les autres dieux principaux du panthéon germano-scandinave, il y a Heimdall, gardien du pont Bifrost (arc-en-ciel) qui relie Asgard, le royaume des dieux, au monde des hommes (Midgard). Loki, intermédiaire entre Héphaïstos - il bâtira Asgard comme ce dernier a bâti l’Olympe - et Hermès en tant que dieu manipulateur (« trickster »), est une divinité ambiguë, généralement positive, sauf lors de Ragnarök dans lequel il joue un rôle détestable. Il y a aussi Balder, qui est l’Apollon scandinave, et dont la racine est peut-être la même que celle du dieu celte Belenos, *bel- signifiant alors « le fort ». Balder est aussi un dieu qui selon Snorri Sturluson meure et renaît, mais il faut sans doute y voir une interpolation chrétienne. Il y a aussi Hermod, le dieu messager et conducteur des morts, dont le nom est proche, comme les fonctions d’ailleurs, d’Hermès.

D’autres divinités, qu’on retrouve dans le monde gréco-romain, sont davantage allégoriques, comme la déesse Iðunn (latin Juventas, « la jeunesse »), gardienne des pommes d’or de l’éternelle jeunesse, ou le dieu de l’amour Ing (sanscrit Kama, celte Angus). Le dieu forgeron, distinct de Loki, est Völundr (germanique Wieland), qu’il faut peut-être rapprocher du Vulcain latin. En l’absence de dieu de la médecine, Eir est néanmoins la déesse de la santé.

Il y a enfin de multiples déesses dont le rôle nous échappe, comme Gefjon, qui serait peut-être la déesse du foyer (comme la lituanienne Gabija), ou encore Syn, dont le nom pourrait être rapproché de la Thémis grecque et qui serait alors la déesse scandinave de la justice. Le destin lui-même est incarné par trois déesses, les Nornes, variante scandinave des Moires grecques. Ce destin est appelé Wyrd, de même sens et racine que le latin Fortuna.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)