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06/09/2015

Les causes de la déstabilisation durable de l’Irak et de la Syrie.

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islamisme,atlantisme,Occident,déstabilisation,Irak,Syrie,HusseinLe Proche-Orient de l’après-1945, sortant à peine de l’époque coloniale, était partagé entre deux traditions laïques, le modèle kémaliste d’une part et le modèle « baasiste » d’autre part. Ce « socialisme arabe », librement inspiré des fascismes européens, reposait sur l’unité politique des Arabes et sur le refus de l’état israélien, son laïcisme relatif laissant une grande place culturelle à l’islam. Le « baasisme » en Irak et en Syrie finit par mener à l’arrivée au pouvoir de dictatures relativement éclairées et assez peu islamiques, recevant ainsi le soutien des communautés chrétiennes, et dont l’opposition principale justement était islamiste.

Entre des dictatures tenant le pays et un régime inédit de terreur dont EI nous donne un aperçu actuel très significatif, il fallait admettre les premières comme un mal nécessaire. On oublie souvent que la démocratie en Europe a mis presque deux siècles à s’établir, même si la caricature actuelle qu’elle est devenue nous sidère.

La guerre froide a amené les Américains à choisir le pire des deux. Dès 1979, ils promeuvent ainsi face aux soviétiques une rébellion islamique, incarné par le commandant Massoud mais aussi par l’embryon de ce qui allait devenir le mouvement taliban, et bien sûr en utilisant les services de Ben Laden. Après le chaos qui fit suite au départ des troupes soviétiques en 1985, les islamistes allaient pouvoir s’imposer en toute tranquillité, favorisés par leur grand voisin du sud, autre allié des USA d’ailleurs, avant que ce cancer n’émerge médiatiquement à partir du 11 septembre 2001.

En déstabilisant le régime du shah d’Iran et en faisant le jeu de Khomeiny, présenté alors comme un démocrate face à un tyran par une presse occidentale complaisante, les USA se trouvèrent face à un golem , la République Islamique d’Iran. Ils jouèrent alors la carte de l’Irak baasiste de Saddam Hussein, soutenant son pays, ainsi que le firent la France et le Royaume-Uni, face à son ennemi de l’est. Alors même que les baasistes étaient en général honnis en raison de leur rapprochement avec l’URSS et de leur hostilité envers Israël, ce n’était pas le cas en Irak.

C’est donc se pensant autorisé que Saddam Hussein en 1991 décida de s’emparer du Koweït, ayant reçu des signaux contradictoires en provenance d’Occident. Or si le chat irakien avait été implicitement encouragé, en tout cas pas découragé, pour dévorer la souris Koweït, dès qu’il avança sa patte, le chien américain le mordit. La première guerre d’Irak, perdu par Hussein, amena son régime à jouer la carte de l’islam. C’en était fini d’un Hussein se revendiquant de Sargon et du passé pré-islamique de la Mésopotamie. Il y eut donc une réislamisation relative du pays, même si la tolérance à l’égard des chrétiens, mais pas des Kurdes, fut maintenue.

Le 11/09 changea dramatiquement les choses. C’est à ce moment que les USA décidèrent d’écraser les Talibans d’Afghanistan, après les avoir laissés prospérer pendant 16 ans. Leur intervention militaire lourde, puis leur occupation, n’ont rien résolu. L’islamisme radical continue d’y prospérer, un talibanisme « soft » s’étant imposé. Les mini-jupes dans les rues de Kaboul dans les années 70 avaient disparu d’ailleurs depuis bien longtemps.

Profitant de l’effet 11/09, l’administration Bush en profita pour mener une seconde guerre d’Irak, sur des motifs plus ou moins arbitraires. Cette fois, ils eurent la peau de Saddam Hussein, mais sans rien proposer pour le remplacer. La « démocratie » en Irak finit en bain de sang. Si le partie chiite, victime d’attentats de temps en temps, contrôle désormais sa zone, de même que les Kurdes, le pays sunnite est dans un véritable chaos. La réislamisation entamée par Hussein après 1991 amena à un nouveau terrorisme islamique et né de ses entrailles à Daech/EI.

Avec les printemps arabes, que personne en Occident n’avait prévus, les dictatures laïques arabes furent mises à mal. Là encore, les occidentaux jouèrent la carte des islamistes, contre tout bon sens. Les chutes de Kadhafi en Libye, de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte les amenèrent au pouvoir, même s’ils reculent en Tunisie et ont perdu la seconde manche au Caire. Ainsi la Syrie de la dynastie Assad fut-elle à son tour malmenée, alors que nous aurions dû soutenir le régime, malheureusement allié à l’Iran et à la Russie, « malheureusement » car c’est la seule raison pour laquelle les USA et l’Occident prônent la fin de ce régime. Pire, la Turquie mais aussi les Occidentaux ont armé la rébellion dont la composante islamique est essentielle.

De la déstabilisation de l’Irak sunnite et d’une partie de la Syrie est donc née l’EI et son organisation Daech, dont on constate les actions de manière quotidienne, avec la destruction du magnifique site antique de Palmyre, qui avait résisté à 1500 ans de christianisme et d’islam. Et plus récemment, conséquence aussi de tout cela, des centaines de milliers de migrants, motivés par des raisons économiques avant tout, sinon ils iraient dans les pays arabes alentours, sous réserve que ceux-ci fassent preuve du même laxisme que les pays de l’UE, arrivent massivement en Europe.

En clair, les USA et l’Europe occidentale, qui lui est soumise depuis 1945, ont favorisé un islamisme qu’ils prétendent déplorer ensuite, alors qu’ils ont contribué à ses succès. Mais seule l’Europe subit le coût migratoire en retour, et pas les USA. En favorisant Erdogan en Turquie, par le biais d’un absurde processus d’adhésion à laquelle personne ne croyait vraiment, qui a ainsi pu mettre à bas des pans entiers de l’héritage de Mustafa Kemal, en faisant tomber le shah d’Iran pour de bas calculs pétroliers, en favorisant les plus obscurantistes en Afghanistan (et au Pakistan), et aujourd’hui en souhaitant le départ de Bachar El Assad, l’Occident a créé un monstre qui naturellement s’est retourné contre son créateur.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)