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15/08/2012

Vers l'Europe fédérale à la sauce allemande ?

 
sinn_hans_werner_c_bien_at_ifo.jpgJe suis le premier à déplorer vis-à-vis de la situation économique grecque l’intransigeance dont le gouvernement d’Angela Merkel fait preuve, car c’est beaucoup demander, et j’ajoute beaucoup trop demander d’efforts aux Grecs alors que leur nouveau gouvernement ne pourra pas de toutes façons prendre à son échelle les mesures indispensables, car ce n’est pas une simple réforme du fonctionnement du pays qu’il faudrait entreprendre, et parce que je doute que Samaras prendra des mesures de rétorsion vis-à-vis du lobby des armateurs ou bien du lobby orthodoxe.

Le souverainisme à l’heure d’une mondialisation féroce, et alors que les agences américaines de notation matraquent la pauvre Grèce, n’est vraiment pas l’outil adapté. Ce n’est pas en effet l’Union Européenne qui est responsable de cette situation, mais c’est l’appartenance de la Grèce à la zone euro qui oblige les autres états membres à intervenir, et heureusement pour les Grecs d’ailleurs. L’extrême-gauche et l’extrême-droite, en France comme en Grèce, se rejoignent pour affirmer l’indépendance de ce qu’ils appellent encore des « nations ». Bien au contraire, il faudrait mettre la Grèce sous tutelle européenne, étatiser les biens des églises, mettre à contribution les armateurs grecs, sanctionner ceux qui ne paient pas leurs impôts, structurer un véritable service des impôts, réviser le cadastre et modifier de nombreuses lois.

Mais est-il compatible avec la démocratie de mettre un pays européen sous tutelle, le privant ainsi de ses capacités d’action, indépendamment de l’expression populaire des citoyens par leur vote, et même si c’est pour leur bien ? Cela ne l’est pas. La seule façon de pouvoir concilier efficacité, réforme et démocratie, c’est de transférer l’expression du pouvoir du peuple à une autre échelle, à l’échelle européenne, en ce qui concerne des enjeux qui dépassent largement le cadre national classique. La crise des dettes souveraines exige une réponse européenne et non la synthèse médiocre issue de réponses nationales contradictoires. Les Grecs ne voteront plus en tant que citoyens grecs, mais en tant que citoyens européens, au même titre que les Français ou les Allemands. Ils ne voteront plus pour Syriza ou pour la Hrysi Avgi, ni pour la Nouvelle Démocratie ou le PASOK, mais directement pour le PPE, le PSE, l’extrême-gauche européenne ou une coalition de mouvements nationalistes, et nous l’espérons, pour un parti vraiment européiste et social.

La droite européenne (UMP, CDU) insisterait pour que le budget européen, et les budgets des euro-régions, car il ne faut pas mutualiser l’ensemble de la dette afin de ne pas déresponsabiliser les dirigeants politiques locaux, soient rigoureux et les dépenses maîtrisées. La « gauche » européenne (PS, SPD) insistera sans doute pour une meilleure redistribution des gains économiques de la zone euro. Puis, la prise de conscience européenne aidant, les électeurs se tourneront vers une mouvance « européiste identitaire », déterminée à encourager la relance de la natalité européenne et à inverser des flux migratoires inassimilables qui déstabilisent gravement les sociétés européennes (émeutes en France en 2005, émeutes au Royaume-Uni en 2010).

L’Allemagne a compris la nécessité d’une Europe politique de type plus ou moins fédéral. La notion, certes contestable dans la forme, d’Etats-Unis d’Europe, est désormais mise en avant par les formations politiques principales allemandes. La SPD prône un saut fédéral vers une Europe plus unie ; elle souhaite la mutualisation des dettes des 17 états membres de la zone €, ce qui serait à mon sens une erreur en l’état, et son dirigeant, Sigmar Gabriel, prône même un référendum pour modifier la constitution allemande. En Allemagne, le référendum, rappelant trop les plébiscites hitlériens, même si de nombreux allemands approuvent cette pratique référendaire, est généralement mal vu de la classe politique. C’est dire que la prise de position de Gabriel est courageuse, même si cette mutualisation est impopulaire en Allemagne, car les allemands ont le sentiment, à tort ou à raison, de payer le prix du laxisme d’autres états membres.

La CDU en la personne de son ministre du travail, Ursula von der Leyen, avait déjà pris position en 2011 en faveur des « Etats-Unis d’Europe », et Angela Merkel en 2012 a évoqué à de nombreuses reprises la nécessité d’une Europe fédérale. Mais la France traîne les pieds et ce même si François Hollande a accepté de mettre en place la règle d’or, au grand dam d’une partie de sa majorité. Le PS se révèle au final beaucoup plus souverainiste que l’UMP à laquelle il succède aux affaires nationales.

Mais c’est l’économiste plutôt conservateur Hans-Werner Sinn (voir photographie) qui, dans un article du Monde du 1er août 2012, tient un discours ouvertement européiste, un discours qui n’est pas bien éloigné de celui que le PSUNE prône depuis sa naissance. Citons les extraits les plus remarquables de son propos, qui valent davantage que de longues analyses.

hans-werner sinn,nation européenne,europe fédérale,souverainisme,de gaulle« Les pays européens devront en premier lieu former une seule et même nation, capable de garantir aujourd’hui aux créditeurs qu’ils pourront les aider s’ils venaient un jour à être dans le besoin. La nation européenne devra se doter d’une Constitution, d’une structure légale, d’un pouvoir unique assurant le respect de la loi et d’une armée commune pour se défendre contre l’étranger. (…) Malheureusement, les conditions préalables à la naissance d’une nation ne se réaliseront pas tant que les pays européens, et en particulier la France, se montreront réticents à l’idée d’abandonner une part de leur souveraineté nationale. »

Sinn met la France face à ses contradictions. Ce n’est pas en effet l’Allemagne qui rejette l’idée européenne, pas du tout même, mais bien le gouvernement « socialiste » de François Hollande. Alors que l’européisme est inscrit dans les fondements de la gauche socialiste européenne historique, la « gauche » française trahit le rêve de Saint-Simon, de Hugo, de Jaurès et de Briand. Et pourquoi donc ? Parce que la « gauche » ne veut surtout pas remettre en cause sa politique suicidaire de laxisme migratoire et sa politique d’assistanat, l’un et l’autre étant d’ailleurs souvent liés. Elle ne veut surtout pas qu’une instance européenne lui dicte une autre politique que de ponctionner les classes moyennes pour payer le coût de l’immigration et de l’insécurité. Peut-être en effet qu’une Europe politique exigerait de donner l’indépendance à Mayotte, de couper le financement des plans « banlieue » et d’appliquer une vraie politique de sécurité publique.

S’il faut que l’Europe mette en place en Grèce une tutelle rigoureuse, qui devra tenter d’épargner le plus de souffrance possible à la population grecque, tout en lui obtenant un taux d’intérêt très réduit, en s’en prenant en revanche aux « profiteurs de crise », qui sont de la même nature morale que les profiteurs de guerre, il faudra aussi que l’Europe mette sous tutelle la France et l’oblige à une politique enfin responsable, bien loin des trahisons de la « gauche » et des lâchetés de la droite depuis plus de trente ans. La France aussi doit être réformée et elle ne pourra pas l’être de l’intérieur.

Les européistes de France n’ont pas le choix. Même si le modèle allemand est par ailleurs tout à fait contestable, il faut reconnaître malgré tout que l’Allemagne va dans le bon sens. Il est vrai qu’elle se sait européenne et a compris depuis longtemps son destin continental, à la différence d’une France devenue folle et qui, dans le sens exactement opposé à celui impulsé par De Gaulle, qui était une France européenne, lorgne vers la Françafrique.

Aujourd’hui, et contrairement à ce que prétendent les souverainistes français, De Gaulle serait allemand !
 
Thomas FERRIER (PSUNE)

22/05/2011

De Gaulle contre les souverainistes

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De-Gaulle-et-l-Europe-int%C3%A9gr%C3%A9e.jpgAu sein de l’histoire politique française du XXème siècle, la figure du général De Gaulle conserve une place à part, presque unaniment honorée par toute la classe politique nationale, désormais rejointe par l’extrême-droite, à l’exception peut-être de l’extrême-gauche. Toutefois, ceux qui s’en revendiquent explicitement, s’attribuant le terme de « gaullistes », divergent profondément des options politiques et philosophiques assumées ou défendues dans l’intimité par le général. Dupont-Aignan, à l’instar de Pasqua auparavant, ou encore du souverainiste Couteaux, voit dans De Gaulle une figure souverainiste, presque nationaliste, refusant toute idée d’une Europe unie au-delà d’une très vague « Europe des nations » basée sur une libre coopération. Certains autres au nom de De Gaulle proclament une certaine forme de germanophobie. Chirac ou Villepin se sont également revendiqués du grand homme, sans que cela n’apparaisse spécialement dans leur programme.

Or il apparaît que De Gaulle était un personnage beaucoup plus complexe, et controversé, que ses défenseurs officiels ne veulent bien le croire. Certains s’insurgent contre la revendication, récente, de Marine Le Pen d’être dans la continuité idéologique de De Gaulle. Ils ont raison de s’en insurger mais cette dernière se revendique du même faux « De Gaulle » que celui de ses adversaires de l’UMP. Alors, quel était donc le vrai De Gaulle, selon moi, et qui en est au final l’héritier légitime, s’il en est un.

De Gaulle est d’abord l’homme du 18 juin 1940, celui qui a dit non à la résignation face à la défaite et à l’occupation du territoire national par l’armée allemande. Son geste repose sur un pari selon lequel l’Allemagne ne pourra pas gagner la guerre et qu’il faut offrir à la France la meilleure place au sein de l’Europe future libérée par les alliés. Ce pari est dans l’autre camp le même qu’un Laval qui croit à la victoire de l’Allemagne et cherche de son côté à assurer à la France un sort meilleur. De Gaulle reconnaît explicitement cette parenté inversée, en affirmant dans ses Mémoires de guerre, « si j’ai eu tort, c’est que Laval et Déat ont eu raison ». En fait, c’est la position mi-figue mi-raison d’un Pétain qui insupporte profondément Charles De Gaulle, la position de celui qui ne choisit pas son camp, qui ménage l’occupant sans se rallier à lui, qui ménage aussi l’opposition à ce même occupant mais là encore sans s’y rallier. L’attitude d’un Mitterrand, qui fut son adversaire politique en 1965, était sensiblement la même que celle de Pétain, à savoir un ralliement à l’Etat français, dont il reçut la francisque, puis une évolution progressive vers la résistance.

De Gaulle, premier résistant. De Gaulle, qui réussit à épargner à la France l’AMGOT, une occupation gouvernementale américaine du territoire national, et à permettre à son pays de faire partie des vainqueurs de 1945, au grand étonnement des autorités allemandes présentes pour signer la capitulation. De Gaulle, qui a simplement fait un pari à partir de sa culture stratégique et géopolitique, un pari gagnant. Mais De Gaulle a toujours respecté son ennemi, et c’est tout à son honneur, et n’a jamais cédé aux ficelles grossières de la diabolisation. En Russie, il s’exclame ainsi « quel grand peuple ! ». Ses hôtes russes s’imaginent qu’il parle de leur peuple, alors qu’il évoque les allemands, dont il admire la volonté militaire qui les a amenés au cœur de la Russie d’Europe. Dans ses Mémoires de guerre, il évoque le défunt chancelier comme un « sombre Titan », usant même de l’expression de Nietzsche à propos de Napoléon, « mélange de l’inhumain et du surhumain ». Ce n’est pas une apologie, mais c’est encore moins une opprobre. Il évoque aussi la réconciliation franco-allemande, une nécessité évidente à ses yeux, même lorsqu’elle est prônée par un certain Heinrich H. dans un courrier que ce dernier lui fait parvenir.

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