Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/02/2016

De l’impasse souverainiste au défilé des Européens ? (2/2)

http://thomasferrier.hautetfort.com/media/00/01/3571613594.png

Europe,révolution,Européens,putsch,StrasbourgSi le souverainisme français ne propose qu’une impasse, on l’a vu, et la situation est d’ailleurs assez comparable chez nos voisins européens, à quelques nuances institutionnelles près, il pourrait en revanche exister une solution européenne, continentale, audacieuse, qui consisterait à une rupture politique au niveau de Strasbourg et non plus au niveau de Paris ou de Berlin et ce par la voie démocratique.

Des conditions préalables à cette rupture sont impérativement requises. Il s’agit en premier lieu de disposer d’un parti politique unitaire de rassemblement des Européens sur une ligne révolutionnaire. Il s’agit ensuite de faire émerger ledit parti, bénéficiant alors de ralliements populaires significatifs et d’une médiatisation suffisante, afin qu’il soit en mesure d’obtenir au moins 30% des voix au niveau de l’actuelle Union Européenne et donc de faire entrer au sein du parlement de Strasbourg un nombre très important de députés.

Dans ce contexte favorable, ledit parti bénéficierait d’un groupe conséquent au parlement et serait en mesure de bloquer le fonctionnement de ses institutions, d’empêcher le petit jeu droite/gauche de répartition d’un pouvoir certes symbolique (présidence du parlement, présidence des commissions), de refuser par principe le candidat à la présidence de la commission présenté par les Etats, en proposant éventuellement son propre candidat issu de ses rangs.

Avec une forte minorité de l’opinion publique derrière soi, nombreux députés de la droite et du centre seront sans doute tentés d’un rapprochement avec ledit parti européen, lui permettant alors de disposer d’une majorité de basculement. Dans ce cadre, le Parlement Européen s’auto-proclamerait assemblée européenne constituante. Ce schéma rappelle fortement les bases de ce qui allait devenir la révolution française entre mai et juillet 1789. A l’époque, le Tiers-Etat, confronté à un pouvoir vacillant et à un roi pusillanime, avait obtenu le doublement de sa représentation, avant de rompre finalement avec les institutions monarchiques lors du célèbre serment du jeu de paume en fondant l’assemblée nationale constituante.

Il s’agirait donc ni plus ni moins de ce que Helmut Schmidt, qui était partisan de cette solution pour faire avancer l’Europe, a appelé un « putsch démocratique » contre les Etats, contre les gouvernements et donc contre la Commission dont les membres sont mis en place par lesdits gouvernements.

En 1789, le roi de France, après avoir cédé à plusieurs reprises, et on imagine aisément nos gouvernements actuels, démissionnaires dans la crise des migrants par exemple, agir de même, voulut reprendre la main en attirant des troupes mercenaires à Paris, de manière à mâter les « insurgés institutionnels », déclenchant alors l’ire populaire des Parisiens, ces derniers s’emparant violemment de la si insignifiante prison de la Bastille et amenant le roi à céder sur toute la ligne. Louis XVI chercha par la suite secrètement à étouffer la révolution en encourageant une intervention étrangère, ce qui amena à sa fuite et son arrestation à Varennes, et à la victoire contre toute attente de Valmy face à la coalition « internationale ».

De la même manière, les gouvernements nationaux chercheront à étouffer cette révolution européenne naissante en faisant appel à l’armée. Mais ceux-ci, impuissants et lâches, céderont probablement très rapidement. L’idée même de faire tirer sur des Européens amassés autour de Strasbourg afin de défendre les « acquis de la révolution » leur sera odieuse, alors même qu’ils sont incapables de toute façon de faire tirer sur qui que ce soit. En outre, un parti capable d’obtenir 30% des voix aura de nombreux relais de fait dans les armées nationales. L’exemple de l’empire romain rappelle que nombreux furent les empereurs à finir sous le glaive de leurs propres troupes.

Mais si les gouvernements nationaux sont défaillants, il est probable qu’une coalition internationale pilotée par l’OTAN, donc par les USA, pourra voir le jour. Une telle ingérence américaine, inévitable, ne pourrait alors qu’amener un autre acteur à rentrer dans le jeu, à savoir la Russie. Cette dernière aurait tout intérêt à neutraliser tout interventionnisme atlantiste et aurait le beau rôle en protégeant de fait l’expression populaire européenne.

Europe,révolution,Européens,putsch,StrasbourgIl est alors possible que l’armée européenne ne naisse pas par décision du politique mais sur le terrain, par le ralliement à la révolution de généraux et de troupes venus de tout le continent, à l’instar de Louis Rossel pour la Commune de Paris. L’armée européenne naîtrait au combat, et l’Europe unie connaîtrait son Valmy.

Mais ce schéma changerait toute la donne. L’Etat Européen naîtrait par un enfantement douloureux, comme tout régime naissant face à un contexte tendu. Mais il serait délié de toute allégeance institutionnelle, ne rendant compte que devant le peuple, c'est-à-dire les Européens. Il ne serait plus tenu par aucun traité, aucune convention internationale, aucune constitution verrouillée, aucun droit « devenu fou ». Il pourrait tout faire une fois les soubresauts de sa naissance rapidement digérés.

En résumé, les souverainistes ne pourront rien faire mais des « européistes » révolutionnaires dans le style de ceux que je décris ici pourraient non seulement arriver au pouvoir à un niveau pertinent pour agir librement, c'est-à-dire au niveau de l’Union Européenne actuelle, mais pourraient radicalement changer les politiques actuelles et passées, et redonner aux Européens, au détriment de leurs anciennes élites nationales dévoyées, leur véritable souveraineté, non pas théorique comme le prônent les souverainistes « nationaux », mais une souveraineté continentale réelle dans le cadre d’une Europe unie solide et puissante.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

De l’impasse souverainiste au défilé des Européens ? (1/2)

http://thomasferrier.hautetfort.com/media/00/01/3571613594.png

ue_mayk_knife_presseurop.jpgLa lecture du dernier ouvrage de Bruno Mégret, ancien haut responsable du Front National dans les années 90, ouvrage intitulé « Le temps du phénix », évoque sous la forme d’un récit l’arrivée hypothétique en 2017 d’un nouveau président élu sur une ligne « nationale » et la politique que ce dernier mènerait pendant cinq ans pour changer les choses. Au final, le bilan serait maigre alors même qu’il aurait fait preuve d’une force de conviction exceptionnelle, d’une fine stratégie et de beaucoup d’audace. Mais ce serait un programme correct pour « Les Républicains » si ceux-ci avaient un chef digne de ce nom à leur tête.

Beaucoup de citoyens d’obédience « souverainiste » imaginent de la même façon l’arrivée du Front National au pouvoir. C’est pourtant une illusion, pas seulement parce qu’il est hautement improbable que le FN gagne un jour les élections présidentielles, encore moins en conservant sa ligne actuelle et sa façon de se gouverner lui-même, et dans la foulée les élections législatives. La cinquième république, calibrée idéalement en apparence pour le seul De Gaulle, ce qui n’a pas empêché le grand homme d’être contraint à une sortie bien peu glorieuse, est verrouillée de telle manière qu’aucun parti révolutionnaire et/ou alternatif qui remettrait en cause le « socle des valeurs » admis par le régime en place ne pourra jamais arriver au pouvoir. C’est la même chose en Allemagne où la « loi fondamentale » est destinée à empêcher que l’histoire ne se répète et qu’un doctrinaire plébéien accède au pouvoir.

S’entêter comme le font les souverainistes et nationalistes eurosceptiques à chercher une solution politique nationale, qui plus est démocratique, est déraisonnable, mais penser à une solution continentale serait franchir un Rubicon mental qui leur semble indépassable.

Voyons donc les conditions requises pour que le FN réussisse hypothétiquement à accéder au pouvoir et surtout à vraiment changer les choses.

En premier lieu, il faudrait que son parti gonfle considérablement, attire et conserve des autorités morales, intellectuels ou hauts fonctionnaires, en dehors de l’énarque en chef qui sert à sa dirigeante de second. Or ce dernier « coupe » toute tête qui dépasse afin de conserver son emprise sur le parti. Il faudrait aussi que le FN soit dirigé par une personnalité remarquable, qui dispose à la fois des qualités du fondateur et de la modernité de l’héritière. Deux conditions non réunies aujourd’hui.

Ensuite, il faudrait que ce parti obtienne au premier tour un score quasiment de plus de 40%. On a vu qu’aux régionales même un tel score n’était pas suffisant face à une grande coalition de tous contre le FN. Or rien n’indique que le jeu de propagande de 2002, même atténué, ne reprenne pas en 2017 (par exemple). Et enfin il devrait arriver à dépasser la barre de 50% sur une ligne non centriste, alors que le second tour implique de mettre de l’eau dans son vin et de proposer un consensus acceptable. Or le succès du FN tient justement à sa ligne hétérodoxe et aux persécutions dont il est victime par le système politico-médiatique pour cette raison.

Rappelons en outre que la ligne anti-UE et anti-€ est anxiogène pour de nombreux électeurs, une ligne que Marine Le Pen ne veut pas remettre en question, pensant y voir la seule façon de se distinguer de la droite classique, sachant qu’elle ne veut pas mettre trop en avant le thème migratoire, surtout sur une ligne « ethniciste » qu’attendent pourtant ses électeurs, car il est diabolisant.

Mais allons au bout de l’équation. Le FN devra donc, sans alliés et sans coalition, gagner les présidentielles et les législatives qui suivent. Car toute coalition impliquera compromission et donc des renoncements sur des éléments clé du projet qu’on prête à ce parti. Mais cela ne suffira pas. Le Sénat sera verrouillé et il faudra alors au moins sept ans de victoires locales ininterrompues pour s’en emparer. Actuellement, le FN ne dispose que de deux sénateurs et un seul député stricto sensu, en plus d’un apparenté. Qui peut imaginer un parti impuissant pendant cinq ans à cause du Sénat gagner toutes les élections intermédiaires, municipales et départementales.

Or, sans le Sénat de son côté, impossible de se débarrasser du Conseil Constitutionnel, de modifier les traités internationaux, d’amender la constitution en supprimant des  principes délétères repris ensuite dans la DUDH de 1948.

Moralité ? Même si le FN gagnait toutes les élections nationales, présidentielles et législatives, et cette hypothèse paraît invraisemblable en l’état, il ne pourrait rien changer à la situation de la France et serait balayé aux élections suivantes. En rester à cette stratégie en liant l’avenir à ce seul parti, à la personnalité qui en est à sa tête et à ce seul cadre politique, serait suicidaire. Cette ligne du FN est d’ailleurs la même à DLF, où Nicolas Dupont-Aignan n’envisage que l’élection présidentielle, la « mère des batailles » comme disait Jean-Marie Le Pen.

Et il ne faudrait pas oublier les pressions internationales, diplomatiques et surtout économiques, tant de la part de l’Union Européenne, même si elle est assez impuissante, que de nos partenaires européens. Même l’abandon de l’euro et la rupture avec l’UE n’auraient pas lieu. D’ailleurs, dans son ouvrage, le président version Bruno Mégret conserve l’euro et maintient l’adhésion à l’Union Européenne, même s’il tente avec plus ou moins de succès de la réformer.

Le souverainisme ne propose donc qu’une impasse politique, au nom de postulats de principe qu’il refuse de remettre en question, et notamment le rejet de l’idée européenne, s’entêtant à imaginer un président idéal libéré des entraves d’institutions dont les souverainistes souhaitent la pérennité voire le renforcement au détriment de l’actuelle Union Européenne, pourtant impuissante.

Nous verrons dans une seconde partie qu’il existe un défilé des Européens, un passage étroit et arpenté, qui pourrait permettre aux Français et aux autres Européens, au prix d’une certaine audace, de s’en sortir et d’assurer au niveau continental le relèvement civilisationnel de l’Europe entière.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

La tribu des *Aryōs. Nos ancêtres indo-européens.

http://thomasferrier.hautetfort.com/media/00/01/3571613594.png

IE.gifA l’origine des Européens, il y avait un peuple préhistorique. Il n’a laissé aucune trace tangible, aucune écriture aisément reconnaissable, à part quelques symboles solaires abandonnés sur quelques pierres, depuis l’Irlande jusqu’à la Russie. Les linguistes du XIXème siècle, qui en ont découvert l’existence en comparant entre elles les langues de l’Europe moderne avec celles de plusieurs peuples d’Asie, ont appelé ce peuple les Indo-Européens car leurs héritiers ont peuplé un espace allant de l’Europe entière jusqu’à l’Iran et au nord de l’Inde.

Max Müller, père de la mythologie comparée, tout comme Friedrich Schlegel, pensa avoir retrouvé le nom de ce peuple en se basant sur celui que se donnaient Perses et Indiens. Les premiers se nommaient Airya, et le nom même d’Iran désignait leur pays (farsi Erenvaj), et les seconds Arya. Ce terme signifiait « noble ». Pensant le retrouvant chez les Irlandais où on retrouvait le terme de Aire, Müller et plusieurs autres décidèrent de nommer ce peuple à partir de ce nom ancestral, et les Indo-Européens devinrent les « Aryens ». Ce nom finit par devenir odieux lorsqu’il fut instrumentalisé jusqu’à l’extrême par un régime de sinistre mémoire. Après 1945, le terme de « aryen » devint tabou, réservé à l’usage de nostalgiques du dit régime. Et « Indo-Européens » réapparut. Georges Dumézil, le brillant savant et spécialiste de nos vieilles mythologies d’Europe de l’époque d’avant Constantin, donna à ce dernier terme ses lettres de noblesse.

Mais cela ne nous éclairait pas davantage sur le nom originel, sur l’auto-ethnonyme, pour user d’un terme plus savant, de ce peuple. C’est alors qu’on se rendit compte que la comparaison entre l’Inde et l’Irlande n’était pas si incongrue. Si l’irlandais « aire » et le sanscrit « arya » n’avaient aucun rapport, tel n’était pas le cas de deux figures marquantes de leur mythologie respective. Le dieu indien Aryaman, garant des valeurs « arya », qu’on retrouve aussi sous le nom de l’ange zoroastrien Airyaman (Erman), existait en Irlande. Il s’y nommait Eremon. Et le si mystérieux dieu germanique Irmin était sans doute son homologue. Le lien était fait. Si un dieu *Aryomen avait existé à l’époque indo-européenne indivis, alors c’est que les Indo-Européens se nommaient tout simplement les *Aryōs, leur nom provenant sans doute d’une racine *ar- signifiant « être en forme ». Ils étaient donc les « bien formés », les « bien nés », les « nobles ».

Et c’est ainsi qu’une hypothèse de travail dans l’esprit de quelques brillants cerveaux de l’Europe du XIXème siècle devait se révéler féconde, un siècle et demi après. La tribu des *Aryōs était sortie de la préhistoire d’où elle avait disparu pour retrouver une étonnante place au cœur de l’Europe moderne. Une fois écartés les faussaires qui en avaient fait un si odieux usage, leur nom pouvait réapparaître. Ainsi en a-t’il été de ce peuple ancestral.

Une fois que ces *Aryōs furent redécouverts, la comparaison du vocabulaire commun et de la mythologie entre les langues-filles de leur langue-mère permit de reconstituer leur société, leurs valeurs, leurs coutumes et traditions, leur niveau de technologie, leurs institutions.

Les *Aryōs avaient inventé une forme de proto-démocratie, l’assemblée du peuple *sebhos (voir la Seimas lituanienne) se réunissait régulièrement et décidait des choses de la tribu. Ce n’est donc pas Sparte qui était la plus fidèle à cette tradition mais bien Athènes. C’était l’Ecclesia avant l’Ecclesia. Bien sûr il existait ce qu’on nommera un roi, le *regs, qui était le président élu de cette assemblée, le garant du droit, le prêtre suprême et le chef des armées. Ce *regs n’était pas un monarque oriental, mais une sorte de président. Le traduire par « roi », même si ce terme vient du sien, est une traduction inappropriée. Il existait peut-être un second chef, le *deuks ou « meneur », lui aussi élu. Cette idée aurait été conservée par Rome avec ses deux consuls et par Sparte avec ses deux rois, l’un devant rester à Sparte et l’autre menant son armée.

Le citoyen (*keiwos) participait donc dès le départ à la vie de la tribu, puis de la cité, et était l’égal de son voisin. Il n’existait probablement pas des castes comme en Inde, contrairement à une idée souvent reçue. Le schéma trifonctionnel indo-européen démontré par Dumézil (souveraineté, guerre, production) n’avait pas de transposition réelle. L’existence d’un clergé ou collège sacerdotal de « très sachant » (le sens du mot celtique « druide ») est controversée, même si le prêtre indo-européen ou *bhlagmen (latin flamen, sanscrit brahman) existait bel et bien. Difficile de savoir si cette fonction était sacerdotale comme chez les Celtes et les Slaves, ou élective comme les godar germaniques et les prêtres du Latium et de Grèce.

Ce citoyen était un soldat et un paysan. Il alternait l’épée et la charrue selon les périodes de l’année. Le vieux romain du temps de la république se serait certainement reconnu dans son ancêtre indo-européen. Les Indo-Européens avaient domestiqué le cheval, qui leur donnait l’ascendant au combat, et tous les animaux d’élevage traditionnel. Le porc (*sus) avait notamment un rôle important, et sa possession était un signe de richesse. Des troupeaux de bœufs (*gwous) ou d’ovins (*owis) étaient conduits de pâturage en pâturage par les ancêtres indo-européens des cow-boys, les *poymenês ou « bergers ».

Les *Aryōs étaient probablement installés en cités (*wastu) autour d’une colline où était établie une citadelle (*pelis). Ils n’étaient pas des nomades, encore moins une aristocratie guerrière imposant sa domination à des peuples étrangers. Sans la technologie moderne, sans l’écriture certes, ils ne différaient pourtant guère de nous. Européens avant que le mot même n’existe.

Leur religion était celle d’hommes libres. Les dieux étaient honorés autour de sanctuaires de bois,  avec des « idoles » de bois pour les personnifier et servant d’objet intermédiaire pour les contacter. Tous savaient que les dieux vivaient au ciel (*akmon, un « ciel de pierre ») et pas dans des sculptures. Ils possédaient sans doute des temples de bois (*temenom) réservés aux prêtres. Les figures divines étaient aussi bien masculines que féminines, sans que les unes aient un ascendant sur les autres, à l’exception du ciel-père (*dyeus) et de la terre-mère (*dhghōm), son épouse. Le rapport entre l’homme et le dieu n’était pas celui entre un esclave et son maître, mais entre amis, même si l’un était mortel et l’autre immortel. Les dieux se mêlaient aux mortels et parfois s’unissaient à certains d’entre eux, faisant naître des héros et des protecteurs. Ils n’avaient pas besoin de créer un mot comme « laïcité » car ils l’étaient par nature.

Les *Aryōs se méfiaient en effet de la magie et de toutes les spéculations métaphysiques. Leur bon sens les faisait préférer une religion simple avec de grandes figures divines préposées à des fonctions spécifiques. Il aurait été aberrant d’honorer la déesse de la terre avant d’aller au combat ou le dieu du ciel pendant qu’on ramassait les récoltes. Le rite avait au moins autant d’importance que la foi. Le contrat signé entre les dieux et les hommes devait être renouvelé. Et si les dieux étaient courroucés, comme lorsqu’un protecteur puissant vous fait défaut, il fallait les apaiser en sacrifiant des animaux d’élevage, tout en conservant les bons morceaux pour les hommes. Les dieux devaient se contenter d’humer l’odeur de la viande brûlant sur l’autel du haut de leur royaume céleste. Ils étaient modernes dans une époque qui ne l’était pas. Et c’est ainsi qu’ils purent être à la source de trois grandes civilisations (Europe, Perse, Inde) qui rayonnent encore aujourd’hui. Les mots « démocratie », « république », « laïcité » ou « égalité » leur étaient inconnus. Mais ils les vivaient.

Thomas FERRIER (LBTF, Le Parti des Européens)

Soleil et lune / mâle et femelle.

http://thomasferrier.hautetfort.com/media/00/00/2385045191.png

soleil,lune,masculin,féminin,inversionLes mythologies anciennes évoquent deux figures majeures, deux déités parmi les plus importantes, à savoir le Soleil et la Lune. En français, langue héritière du latin, il n’y a aucun doute. Soleil masculin, Lune féminine. Comme le Sol et la Luna romains. Pourtant ces deux astres, selon les peuples, ne sont pas associés au même sexe et c’est ce que je vais m’efforcer d’analyser dans cet article.

Chez les Indo-Européens indivis, la tribu des *Aryōs que j’évoquerai dans un prochain article, les choses sont assez simples. Le Soleil,*Sawel ou *Sawelyos), comme l’indique la forme finale en –os, est masculin, tandis que la lune, sous ses deux noms, *mens et *louksna (« la lumineuse »), est féminine. Le dieu du soleil est le fils du dieu du ciel et forme avec ses deux frères, le feu du ciel intermédiaire (foudre) et le feu terrestre, une triade. Ainsi en Grèce Apollon (substitut d’Hélios), Arès et Héphaïstos sont les trois fils de Zeus.

En Grèce, le soleil est représenté par au moins trois divinités, toutes masculines, à savoir Hélios lui-même, le Soleil personnifié, mais aussi son père, le titan Hypérion (« le très haut ») et Apollon, seul olympien au sens strict, surnommé Phoebos. De la même façon, la lune est associée à plusieurs déesses comme Selênê (*louksna) ou Mênê (*mens), mais aussi l’olympienne Artémis, déesse-ourse de la chasse, et la sombre magicienne Hécate. La lune est un astre mystérieux et inquiétant pour les anciens Grecs, à la différence du soleil souverain, dont la puissance est généralement bienfaitrice, même si parfois les rayons du soleil, qu’Apollon envoie grâce à son arc, sèment aussi la mort. En revanche, à Rome même, Sol et Luna sont des divinités très marginales, rapidement remplacées dans leur rôle céleste par Apollon et Diane.

Chez les Indo-Européens d’orient, et ce sans doute sous l’influence de la religion mésopotamienne, soleil et lune sont deux divinités masculines, ainsi Hvare et Mah en Iran ou encore Surya et Chandra Mas (*louksna *mens, pour la première fois associée). Les Arméniens par contre respectent bien le schéma indo-européen, avec le viril Arev, selon une variante du nom du soleil qu’on retrouve dans le sanscrit Ravi, et la douce Lusin (*louksna). Enfin, en Albanie aussi, on retrouve un soleil masculin (Dielli) et une lune féminine (Hëna).

En revanche, chez les peuples du nord de l’Europe, étrangement, le sexe de l’un et de l’autre s’est inversé, sauf chez les Celtes où ces deux divinités ont une place de toute façon si marginale qu’il est presque impossible de les identifier, remplacés par le dieu Belenos et sans doute la déesse Đirona. Chez les Germains, si Balder est l’Apollon scandinave, le soleil est une déesse (germanique Sunna, nordique Sol) alors que la lune est son frère (nordique Mani). De même, les Baltes possèdent une déesse solaire puissante (lituanienne Saulè) et un dieu lunaire aux accents guerriers (lituanien Menulis, letton Menuo). Cette étrange inversion s’explique peut-être par l’idée que le soleil du nord était davantage doux pour les hommes, mais on verra par la suite que cette hypothèse est douteuse.

Les Slaves quant à eux préfèrent maintenir une certaine ambiguïté. Si le soleil est clairement masculin, sous la forme du Khors (Хорс) d’origine sarmatique ou du Dazbog slave, alors que son nom neutre « solntse » ne désigne que l’astre et aucunement une divinité, la lune n’est pas nécessairement féminine. Messiats (Месяц) est une divinité qui peut apparaître aussi bien comme un dieu guerrier que comme une déesse pacifique.

La mythologie indo-européenne, malgré une inversion localisée dans le Nord-est de l’Europe, et une influence mésopotamienne évidente en Orient, a donc conservé l’idée d’un couple de jumeaux, le dieu du soleil et la déesse de la lune, tous deux nés de l’amour du ciel de jour et de la nuit (la Léto grecque, qui est aussi la Ratri indienne, déesse de la nuit).

En Egypte et à Sumer, pays où la chaleur du soleil pouvait être écrasante, le soleil est clairement une divinité mâle, mais la lune n’est pas davantage envisagée comme son opposé. L’Egypte dispose ainsi de plusieurs dieux solaires de première importance, comme Râ et Horus (Heru), et aussi de leurs multiples avatars, comme Ammon, le soleil caché, et Aton, le soleil visible. Le Soleil a même une épouse et parèdre, Rât. Il est le dieu suprême, alors que le ciel est féminin (Nout) et la terre est masculine (Geb), inversion étrange qu’on ne retrouvera pas ailleurs. La Lune est elle aussi masculine. C’est le dieu Chonsu, au rôle religieux des plus limités. De même les Sumériens disposent de deux divinités masculines, en la personne d’Utu, le Soleil comme astre de justice, et Nannar, la Lune.

Lorsque les peuples sémitiques quittèrent leur foyer d’Afrique de l’Est ou de la pointe sud-ouest de l’Arabie, leur mythologie rencontra celle des Mésopotamiens. A l’origine, le Soleil chez les Sémites est une déesse du nom de *Śamšu alors que la Lune est masculine, *Warihu. Chez un peuple qu’on associe à un environnement semi-désertique, c’est assez surprenant. Lorsque les Sémites envahirent Sumer, ils adaptèrent leur panthéon à celui des indigènes. Si la lune resta masculine sous la forme du dieu Sîn, dont l’actuel Sinaï porte le nom, le soleil devint également masculin. A l’Utu sumérien succéda le Shamash babylonien, dans son rôle identique de dieu qui voit tout et juge les hommes. Mais en Canaan et chez les Arabes, « la » Soleil survécut. Shapash était la déesse ouest-sémitique du soleil, présente aussi bien chez les anciens Judéens que dans le reste de Canaan et jusqu’à Ugarit, et Shams la déesse sud-sémitique, présente encore à l’époque de Muhammad dans tout le Yémen.

Un dieu soleil et une déesse lune chez les Indo-Européens, une déesse soleil et un dieu lune chez les Sémites, comme d’ailleurs chez les peuples Turcs et Finno-ougriens, et sans doute chez les peuples nomades en général, un soleil et une lune tous deux masculins en Egypte et à Sumer, voilà une situation bien complexe. Pourquoi attribuer à l’un ou à l’autre un genre en particulier ?

On comprend bien que la lune, liée à des cycles, puisse être associée à la femme, elle-même soumise à un cycle menstruel, terme qui rappelle d’ailleurs justement le nom indo-européen de la lune (*mens). Et de même le soleil, astre ardent qui brûle la peau de celui qui ne s’en protège pas, qui voit tout et qui sait tout, est logiquement masculin. Mais ce raisonnement ne vaut que pour les Indo-Européens. L’idée d’une lune féminine leur est propre, alors qu’elle est masculine partout ailleurs, de l’Egypte jusqu’à l’Inde.

Thomas FERRIER (LBTF/Le Parti des Européens)