06/09/2014
L’Europe et la Russie
J’ai volontairement repris, dans le titre, la façon de s’exprimer de la plupart des journalistes et des dirigeants de l’UE et de l’OTAN, lesquels décrivent le conflit actuel comme opposant d’un côté « Kiev et les Européens » et de l’autre « Moscou ». Or rien n’est plus absurde ; la Russie fait partie de l’Europe et le conflit n’est qu’un conflit interne à l’Europe. En réalité, c’est un peu plus que cela, mais pas dans le sens que l’on croit, comme on le verra.
Revenons d’abord très brièvement sur l’enclenchement du conflit et sur les vraies responsabilités, pour lesquels quelques commentateurs, minoritaires hélas, ont apporté malgré tout une vision éclairée. Tout a commencé quand l’UE a fait miroiter à l’Ukraine une certaine forme d’association sans englober la Russie dans sa démarche. Je passe sur la propagande et sur l’organisation de l’agitation, sur le non-respect des accords négociés à Kiev. Je passe aussi sur le rôle des USA et sur leur doctrine Brzezinski. C’est l’UE qui a commis la faute originelle et qui n’a rien fait pour corriger son erreur en maintenant toujours la Russie à l’écart. C’est elle et elle seule qui porte la responsabilité des morts d’aujourd’hui. Ce ne sont pas les USA, qui sont libres de leurs choix, les dirigeants européens n’ayant pas mission d’appliquer la stratégie d’un état qui n’est pas européen. Ce n’est pas l’Ukraine, qui est en décomposition. Ce n’est pas non plus la Russie.
La Russie pouvait-elle faire autre chose que réagir ? Chaque fois qu’elle s’est montrée conciliante, elle a été écrasée, humiliée. L’OTAN avait promis de ne pas s’étendre aux anciennes républiques soviétiques en échange de la réunification allemande ; la Russie n’a pas réagi quand cela s’est fait et maintenant l’OTAN envisage de s’étendre à l’Ukraine. Poutine a bien compris le message. Il a réagi en Géorgie et a fini par s’y faire respecter, même s’il est dommage que cela ait abouti à une situation bancale, avec des états non reconnus. Il a réagi de façon remarquable en reprenant une Crimée qui est russe et dont le rattachement à l’Ukraine par Khrouchtchev était justifié par la continuité géographique. Il devait réagir au Donbass. Là, on ne sait pas comment cela se terminera, mais il est peu probable que l’issue soit satisfaisante.
Que faut-il faire du côté de l’UE ? Il ne s’agit pas non plus de laisser entendre à la Russie qu’elle peut se permettre n’importe quoi : certains nostalgiques de l’URSS voudraient l’invasion de l’Ukraine. Mais il y a des dirigeants sérieux à Moscou alors qu’il n’y a que des pantins à Kiev. Il faut donc négocier comme Nicolas Sarkozy l’a fait pour la Géorgie, en reconnaissant à la Russie une part de bon droit et en indiquant ce qu’on exigeait d’elle par ailleurs. En Ukraine, il faudrait exiger de la Russie le respect de l’Ukraine et exiger d’elle de ne plus intervenir au Donbass dès lors que l’Ukraine aurait conféré un statut d’autonomie à cette province. En même temps, il faudrait faire comprendre aux dirigeants de Kiev qu’ils ne peuvent espérer aucun soutien s’ils n’acceptent pas cette autonomie. Partant de là, la Russie prendrait à sa charge le redressement économique de l’Est et l’UE celui du reste de l’Ukraine, dans le cadre d’une formule d’association UE-Ukraine-Russie.
Maintenant, si l’on replace le conflit dans une perspective européiste plus ambitieuse, en pensant à la future république à instaurer sur notre continent, le conflit prend une tout autre dimension. Bien sûr, on doit regretter cette guerre interne à l’Europe, qui fait des victimes dont on aurait pu se passer et qui va installer un fossé entre des Européens frères. Pourtant, étant donnée l’attitude des dirigeants de l’UE qui sont à la solde d’une puissance alliée mais étrangère, il fallait qu’elle ait lieu. Quelles que soient les réticences que l’on puisse avoir à propos des dirigeants russes, il faut reconnaître que la Russie d’aujourd’hui est le principal point d’ancrage de l’européanité sur le continent. Ainsi le conflit est-il une guerre entre l’Europe, représentée par la Russie, d’une part, et les mauvais démons de cette Europe, représentés par l’UE d’autre part. Il est donc essentiel que la Russie ne se couche pas dans cette affaire. C’est la survie d’une Europe européenne qui est en jeu.
En attendant, comment faire confiance aux dirigeants des USA et à ceux de l’UE en matière géopolitique ? Les Américains n’ont pas compris que cela fait deux décennies qu’ils ont tout faux quant à leurs alliances. Le 11 septembre ne leur a-t-il pas suffi ? L’exécution ignoble de leurs deux otages par les islamistes d’Irak et de Syrie ne leur a-t-elle pas ouvert les yeux ? Quant aux membres de l’UE, l’exemple de la Libye ne leur dit-il rien ? Ont-ils vraiment pris conscience de ce qui va se passer quand leurs milliers de djihadistes reviendront de Syrie ? Il est vrai que les pays de l’Est de l’UE sentent moins les dangers venant du Sud. Mais comment un dirigeant polonais, par exemple, lequel a nécessairement visité Paris à plusieurs reprises, peut-il se montrer aveugle ?
Peter EISNER (PSUNE/LBTF)
11:05 Publié dans Analyses, Géopolitique continentale, Mes coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : eisner, russie, ukraine, europe |
Commentaires
Écrit par : Benoit | 08/09/2014
Écrit par : Thomas FERRIER | 08/09/2014
Nous ne nous intéressons pas à aux organisations qui relèvent des compétences de la MILVITUDES.
Écrit par : bruno | 08/09/2014
Les partis anti-européens bourgeonnent désormais à travers toute l'Europe et s'organisent en réseaux transfrontalier, je pense que le dogme de l'Europe unie vit sa dernière ligne droite avec estimation de survie de maximum 20 ans; l'économie finit toujours par prendre le dessus sur les idéaux.
Écrit par : Benoit | 16/09/2014
Vous nous rappelez les scores de l'UPR à chaque fois qu'elle s'est présentée à un scrutin, qu'on rigole ?
Ne me forcez pas à mentionner ce score.
je rappelle également que l'UPR est tellement sectaire, qu'elle est marginalisée y compris au sein même de la mouvance souverainiste (DLR, FN...)
Ici vous êtes sur un blog européiste, version identitaire.
L'européanité est une réalité, charnelle, civilisationnelle, historique, culturelle.
Bien loin des délires souverainistes et afrotropes de votre guru.
Alors votre europhobie : STOP
Écrit par : Bruno | 16/09/2014
Il n'y a pas de dogme de l'Europe unie puisque nous sommes les seuls à le défendre. Certainement pas les partis du système qui veulent une Europe divisée ou faussement unie à la botte US.
Les (vrais) européistes, c'est nous, et vous devriez soutenir l'idée d'une Europe européenne unie ET libre de l'Islande à la Russie plutôt que des micro-états pseudo-souverains et "cosmopolitisés" par les flux migratoires post-coloniaux.
Cordialement.
Écrit par : Thomas FERRIER | 17/09/2014
Sachez aussi que des volontaires français combattent actuellement dans les rangs pro-russes avec d'autres nationalités en tant force d'opposition politique à l'Union Européenne, ce serait une erreur de sous-estimer les mouvements anti-UE quand des volontaires franchissent le seuil fatidique de vouloir en découdre militairement.
https://www.youtube.com/watch?v=C8uHLgrC-Bc
J'interviens sur ce blog à titre strictement personnel pour comprendre les motivations européistes et débattre pacifiquement.
Écrit par : Benoit | 17/09/2014
La construction européenne si elle est bien faite peut nuire aux intérêts américains, d'où la volonté de ces derniers de la saboter et ce faisant les souverainistes font le jeu des USA.
Quant à quelques poignées d'écervelés en mal d'aventure, ils ne combattent pas l'Union Européenne mais d'autres européens, même si ces derniers sont plus ou moins manipulés par les faiseurs d'opinion américains.
La seule libération qu'il y a à faire, ce n'est pas de libérer la France de l'UE, l'UE ne la contrôlant en rien, mais de libérer l'UE des USA.
Écrit par : Thomas FERRIER | 17/09/2014
Si cette construction survit elle survit, si elle implose elle implose, de toute façon dans un cas comme dans l'autre viendra le moment de l'addition qui pour le moment n'est pas de trop bonne augure...
Écrit par : Benoit | 17/09/2014
Écrit par : Thomas FERRIER | 18/09/2014
http://www.franceculture.fr/oeuvre-hotel-europe-suivi-de-reflexions-sur-un-nouvel-age-sombre-de-bernard-henri-levy
Écrit par : Anton Cusa | 27/09/2014
En revanche, depuis l'islam des invasion Seldjoukides, il y a eu métissage important en notamment en Anatolie (Kara Türklers vs Beyaz Türklers).
Quant à la Russie elle est européenne depuis l'époque des Rus. 2 siècles de présence tataro-mongole n'en a pas fait une terre asiatique.
Et ce n'est pas vous qui allez décréter le contraire.
Maintenant on se contrefout de ce que dit BHL (américanolâtre et russophobe, "poutinophobe", soit-dit en passant, donc "objectivité" douteuse.). Et d'ailleurs depuis quand il est considéré comme une sommité sur la question ?
Seulement par les media et quelques "bobos".
Écrit par : Bruno | 27/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 27/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 27/09/2014
Les Sarmates et les Scythes étaient des Jaunes mangeant des nems aussi...
Comme d'habitude vous venez sur ce blog user d'un ton doucereux, biaiseux, hypocrite, et après vous essayez de retourner la situation à votre avantage, en dénigrant toute personne qui vous contredit, et qui surtout goûte fort peu de ce procédé, limite trollage.
Écrit par : Bruno | 28/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 28/09/2014
Merci de cesser de me faire perdre mon temps.
Bonjour chez vous mr le troll sentencieux
Écrit par : Bruno | 28/09/2014
Écrit par : anton Cusa | 29/09/2014
Que de verbiage, d'enrubannage...
Pour au final pas grand chose, à part une démonstration bancale, des raccourcis approximatifs pour faire passer les Russes pour des asiates. Les nazis hier comme les Américains aujourd'hui ont essayé avant vous...
Vous nous ressortez les fou-thèses du programme de Douguine sur le sujet...
Les Russes sont européens géographiquement, historiquement, culturellement, ne vous en déplaise monsieur le troll...
Écrit par : Bruno | 29/09/2014
" Les Slaves et la steppe
Un autre débat historique, qui porte à la fois sur les origines de la Rous' kiévienne, son évolution et sa fin, est celui sur les rapports entretenus par les Slaves orientaux avec le monde nomade des steppes. La vision traditionnelle est celle d'une opposition totale de civilisation entre la Rous'européenne, sédentaire et agricole, chrétienne, et de dangereux voisins « asiatiques », nomades et « païens ». Elle se rencontre déjà dans les chroniques kiéviennes et dans le très fameux – quoique controversé – Dit de la campagne d'Igor. Elle a été récemment remise en cause par des spécialistes venus d'horizons divers : turcologues occidentaux, historiens ukrainiens, partisans russes de l'idéologie « eurasienne »… Ce révisionnisme, s'il est parfois trop systématique, ne se fonde pas moins sur des éléments bien réels.
Les nomades – en l'occurrence le puissant empire khazar au nord du Caucase – ont pu être l'une des références politiques de la Rous' primitive et influencer tant les Slaves orientaux – dont certains étaient leurs vassaux – que les groupes varègues qui, semble-t-il, se posèrent au Xe siècle en concurrents des Khazars et « libérateurs » des Slaves. Il est frappant de voir, dès 839, un chef varègue porter le titre de kaghan emprunté à la titulature des peuples nomades turcophones et qui était notamment celui du souverain khazar. Plus tard, les grands-princes de Kiev furent eux aussi qualifiés occasionnellement de kaghan. Sviatoslav, qui régna de 964 à 972, arborait un unique toupet de cheveux sur son crâne rasé – une mode turque et non scandinave – et le détail est révélateur du prestige que pouvait avoir le modèle nomade sur l'élite dirigeante de la Rous'.
Sviatoslav porta en 965 un coup décisif à l'empire khazar et les steppes au sud de la Rous' furent dès lors dominées par les Petchénègues, puis à partir du milieu du XIe siècle par le puissant groupe turcophone des Coumans/Kiptchaks, appelés « Polovtses » par les Slaves orientaux. Ces différents nomades furent tantôt les ennemis, tantôt les mercenaires ou auxiliaires militaires des princes kiéviens, notamment à l'occasion des guerres civiles et la plupart du temps des partenaires commerciaux de premier plan. Les relations furent particulièrement étroites et ambiguës avec les Polovtses. Plusieurs princes épousèrent des filles de khans polovtsiens et ces derniers furent au XIIe et au début du XIIIe siècle un facteur important de la politique intérieure de la Rous'. Des groupes nomades ralliés furent installés comme gardes-frontières à la limite de la steppe et se fondirent ultérieurement dans la population slave d'Ukraine.
On attribue souvent aux Polovtses une part de responsabilité dans l'affaiblissement de la Rous' et le transfert de ses centres vitaux vers des zones périphériques – sud-ouest et nord-est – moins exposées que la région du Dniepr moyen. Mais sans minimiser la nuisance permanente représentée par les raids réguliers des nomades, les attaques de villages et même de villes ou l'enlèvement de captifs destinés à être vendus comme esclaves, la vérité est que l'empire kiévien s'est largement autodétruit dans ses guerres intestines. Lorsque la Rous' était politiquement forte, comme sous le règne de Vladimir Monomaque au début du XIIe siècle, elle était en mesure de contenir facilement les Polovtses et même de venir les attaquer dans la steppe.
Ces rapports de « partenaires-adversaires » n'ont rien à voir avec le cataclysme qui mit un terme à la période kiévienne : les invasions mongoles. Appelés « Tatars » en Europe orientale, du nom de l'une des tribus qu'ils avaient absorbées, les Mongols étaient venus en conquérants et non en simples pillards. N'en déplaise aux intellectuels russes séduits par les paradoxes « eurasiens », le « joug tatar » fut un désastre. Il est d'ailleurs possible que ce souvenir tragique ait été projeté sur les populations nomades antérieures, dont l'image s'en serait trouvée rétroactivement noircie."
https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_empire_medieval_de_kiev_debats_historiques_d_hier_et_d_aujourd_hui.asp
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Écrit par : Thomas FERRIER | 29/09/2014
http://www.eupedia.com/europe/Haplogroup_N1c_Y-DNA.shtml
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Quelques gènes sporadiques ne sont pas suffisants pour démontrer une appartenance commune.
Par contre un Russe ou un Lituanien ont bien plus d'affinités génétiques avec les Européens de "l'ouest" qu'avec un Bantou, ou un Hmong (tableau de Cavalli-Sforza sur les allèles)...
Les types qui mettent l'exception comme règle, et la règle comme exception m'étonnent toujours...
Surtout qu'ils le font avec un aplomb qui frise le ridicule.
Justement, vous ne faites pas exception à la règle...
Écrit par : Bruno | 29/09/2014
Au lieu de vous ridiculiser toujours et encore (c'est bien trop facile), je me contente de vous rappeler simplement les données brutes :
1. les haplotypes paléo-asiatiques en question sont inexistants chez les Européens n'ayant point eu de contacts historiques prolongés avec les Ouraliens, les Turcs ou les Mongols.
2. Ils sont très massivement attestés chez les populations ouraliennes et turques mongoloïdes du Grand Nord (jusqu'à 95 %).
3. Ils s’élèvent à un degré de présence important (de 30 à 50 %)chez les Européens locuteurs d'ouralien et chez leur voisins traditionnels (surtout Grands Russes et Lituaniens)
Chacun est libre de se faire son opinion...
Je suis impardonnable, j'avais pourtant promis que ne me reprendrait plus à répondre à pseudo-répliques.
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Écrit par : Anton Cusa | 29/09/2014
Il fallait commencer par là. :)
Écrit par : Thomas FERRIER | 29/09/2014
Si j'ai procédé à quelques suppressions de messages, c'est pour mettre fin à cette querelle. Merci de bien vouloir donc ne pas la relancer...
Écrit par : Thomas FERRIER | 30/09/2014
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