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18/12/2011

De l’europhobie actuelle...

UE.JPGLa crise européenne des dettes souveraines, relevons d’ailleurs ce terme de dettes souveraines, a réveillé les crispations europhobes d’une partie de la classe politique et médiatique française. Cette europhobie transcende par ailleurs les différents partis politiques à l’exception notable de l’UMP, soutenant la défense de la zone euro par le président de la république et la chancelière allemande. Celle-ci a d’ailleurs fort à faire pour maîtriser les europhobes de son camp, une partie de la FDP (libéraux) notamment et la CSU bavaroise. Au Royaume-Uni, une majorité de britanniques, excitée par le veto de Cameron au nouveau traité, souhaitent un référendum sur l’appartenance même à l’Union Européenne. Le libéral-démocrate Clegg a bien du mal à faire entendre une autre musique, tout en veillant à ne pas mettre en danger la coalition actuelle. Son parti est désormais crédité de seulement 14% dans les sondages, attestant d’une démobilisation de son électorat au profit des conservateurs ou des travaillistes. Menacé à sa droite par l’aile la plus eurosceptique des Tories et par la pression de UKip, David Cameron a pris le risque de mettre le Royaume-Uni aux portes de l’Union. Comme l’enjeu européen n’a jamais pu être convenablement expliqué au peuple britannique, alors que les Ecossais sont en revanche très favorables à la construction européenne, il se braque et se fait berner par la mélodie nostalgique d’une « UK First ». Or les intérêts de la City ne sont pas du tout ceux du peuple britannique.

Deux manifestations politiques de l’europhobie émergent. La première est d’ordre politique, à savoir une opposition radicale, obsessionnelle même, vis-à-vis de l’Union Européenne. En 2007, cette ligne était représentée par le candidat du Parti des Travailleurs, Gérard Schivardi prônant le départ de la France hors de l’UE. Aujourd’hui, en 2011, elle est représentée par le souverainiste François Asselineau de l’UPR (Union Populaire Républicaine), désormais candidat aux élections présidentielles sur une ligne 100% anti-européenne. En version douce, le rejet de l’UE s’exprime par la volonté de revenir aux monnaies nationales, sans remettre officiellement en cause la construction européenne dans sa globalité. C’est la ligne choisie par Marine Le Pen et par Nicolas Dupont-Aignan. Un « argument » avancé est de s’opposer à une ligne prétendument fédéraliste du gouvernement français.

Une autre europhobie, qu’on retrouve étrangement à « gauche », c’est de nier la parenté profonde entre les européens, au nom d’options implicitement néo-colonialistes ou simplement d’une méconnaissance du sujet. Arnaud Montebourg, tenant de la démondialisation, s’est ainsi laissé aller à des propos germanophobes comparant Merkel à Bismarck et dénonçant une Allemagne à nouveau nationaliste. Le PS, qui prône le vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales, les mettant ainsi sur le même plan que les citoyens de l’UE, choisit ainsi de nier les spécificités européennes et préfère de fait une France mondialiste à une France européenne. Ainsi Jack Dion, dans Marianne en date du 3 décembre, partisan de cette mesure, déclare ainsi dans un article intitulé « un Marocain vaut bien un Tchèque », au nom de quoi un immigré algérien ou marocain n’aurait-il pas les mêmes droits qu’un Letton ou un Tchèque. Mais c’est la négation même de la construction européenne, qui présuppose que les Européens ont entre eux un destin commun, une vocation à s’unir.

Nicolas Sarkozy, et Henri Guaino a tenu à le rappeler aujourd’hui, se place concrètement dans une définition inter-étatique de l’Europe, et rejette de fait, tout comme son homologue allemand, tout pas décisif en vue d’une Europe fédérale. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales de l’échec des différents sommets dits « de la dernière chance ». Sa défense de l’euro s’inscrit ainsi dans la stricte défense des intérêts nationaux. François Hollande de la même manière voit le problème d’un point de vue francocentré. Il est donc bien clair que nous avons affaire en l’occurrence à des euro-réalistes mais certainement pas à des fédéralistes. Il est donc particulièrement aberrant de lire les déclarations de Marine Le Pen à propos de ses deux adversaires principaux. Hollande est ainsi qualifié d’ « extrémiste du fédéralisme européen », souhaitant « remplacer le super-européisme [de Sarkozy] par l’ultra-européisme ». De la même façon, Marine Le Pen est en croisade contre « l’empire européiste », adepte qu’elle est d’une France seule. Malgré son hostilité permanente à l’Europe, il est des souverainistes comme Laurent de Boissieu qui la trouve encore trop pro-européenne. Sous prétexte qu’elle a affirmé que malgré son hostilité à l’Union Européenne « l’Europe est une civilisation » et affirmé que « nous sommes des européens », il n’en fallait pas plus pour qu’elle soit accusée de racialisme. En termes clairs, s’affirmer en tant qu’européen renverrait aux pages les plus sombres de notre histoire.

Dans le même temps, Nicolas Dupont-Aignan, dont les propos sont rapportés par un article du Monde de ce jour, relayés par Pierre Jaxel-Truer, dénonce un « pétainisme ambiant » avant de prôner l’émergence d’un « droite nationale et sociale». Il se présente par ailleurs comme la synthèse d’Arnaud Montebourg et de Marine Le Pen, tout comme cette dernière se réclame du dirigeant socialiste lorsqu’elle prône à son tour la démondialisation, donc unissant elle aussi le « national » et le « social » dans une synthèse qui n’a rien d’originale.

Enfin, François Bayrou, dans son tropisme présidentiel, ne se réclame plus du tout de l’Europe. Le voilà qui, comme un communiste du début des années 80, prône le « achetez français ». On pourrait lui faire remarquer que dans beaucoup de domaines, il est difficile d’acheter français, qu’en outre beaucoup d’entreprises dites françaises réunissent des capitaux et des actionnaires du monde entier. Nicolas Sarkozy a repris au vol cette remarque mais en la nuançant en « acheter ce qui est produit en France ». Personne n’a eu l’idée, malheureusement, de leur opposer un « achetons européen ». Les sondages favorables à Marine Le Pen, certains la plaçant à 20% des voix, attisent les déclarations eurosceptiques de toutes natures, même chez ceux qu’on croyait être pro-européens et qui désormais cachent à peine leur europhobie.

Or cette dialectique est profondément malhonnête et une politique de cette nature ne permettrait nullement de résoudre les problèmes dont souffrent désormais de nombreux compatriotes européens, en Grèce, en Irlande, en Espagne en Italie, au Portugal mais aussi en France, au Royaume-Uni et aussi, on l’oublie trop souvent, en Allemagne. Ce n’est pas un problème de fédéralisme européen mais bien de son absence. On constate d’ailleurs amèrement que Sarkozy et Merkel ne sont pas les responsables politiques adaptés à la situation.

Il est vrai que le libéralisme économique affiché par les institutions européennes contribue grandement à l’image délétère dont jouit l’Union Européenne au sein de l’électorat le plus populaire. Certains libéraux pourraient toutefois à juste titre dénoncer les blocages étatistes excessifs, l’imposition abusive dont sont victimes les citoyens européens. J’aurais tendance à penser que nous sommes à la fois confrontés aux mauvais aspects conjugués du libéralisme et de l’étatisme.

Le mythe de la monnaie salvatrice a encore la vie dure alors que l’€ n’a jamais été présenté comme une panacée. Certes, la démarche allemande d’une BCE indépendante et de la lutte contre l’inflation, n’est pas adaptée et il est évident que la Banque Centrale devrait prendre ses responsabilités en la matière. La situation ne doit donc pas être si désespérée pour que nos dirigeants puissent perdre leur temps en palabres au lieu d’agir. Face au libéralisme outrancier et au souverainisme exacerbé, il y a place pour un socialisme européen responsable. Mais ce n’est ni le PS ni la SPD, pas plus que le Labour d’ailleurs, qui peuvent en être les moteurs, en raison de leur dérive libertaire associée à leur ralliement de fait au mondialisme économique. Face à la droite nationaliste, qui n’hésite plus à se prétendre « socialiste », mais qui enferme les européens dans des cellules nationales improductives, au lieu de les protéger, face à la « gauche » mondialiste et à la droite impuissante, la synthèse d’un sain européisme et d’un socialisme moderne est plus que jamais nécessaire. Si on veut éviter des synthèses « sociales-nationales » qui ne feront qu’accentuer le déclin dramatique de l’Europe, il faut leur opposer un euro-socialisme de renaissance.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

Commentaires

@Thomas Ferrier
Pour résumer ce que j'ai compris, vous êtes un fonctionnaire français, partisan de plus d'europe.
Autrement dit, sur un aspect financier, vous faites partie de cette catégorie de travailleurs qui coûte très cher à la France et qui milite pour une extension encore plus importante de cette catégorie de travailleurs au niveau européen.

Je vous suggère de créer une Europe de fonctionnaires et de laisser le secteur privé livré à la libre concurrence dans une Europe des nations.

Écrit par : Gilles Hector | 31/03/2012

@ Gilles Hector

"L'Europe des nations" est un oxymoron et donc n'existe simplement pas. C'est l'Anti-Europe. Les millions d'européens morts dans des guerres inutiles entre membres d'une même civilisation (14-18, 39-45), frères nés d'un même sang, vous répondent qu'une Europe divisée, c'est une Europe vassalisée, c'est une Europe d'esclaves, "libérale" ou "(pseudo-)socialiste".

Après l'effondrement du modèle soviétique, nous assistons aujourd'hui à l'effondrement du modèle libéral. La paupérisation des sociétés occidentales, qui est une réalité, et la crise des dettes souveraines, dont les USA sont aussi pleinement victimes, ne peuvent amener qu'à la fin de ce modèle. D'ailleurs, tous les avantages réels de la libre concurrence sont en train de disparaître les uns avec les autres. Après tout, Marx ne disait-il pas que le communisme était le stade suprême du capitalisme.

Si on ne veut ni du libéralisme, ni du communisme, alors il faut simplement rejeter les deux. Seul un socialisme européen, débarrassé de tout marxisme, opposant une démarche identitaire à l'idéologie mondialiste, pourrait représenter une alternative au chaos d'hier et au chaos de demain.

Par ailleurs, je n'ai jamais nié la nécessité de réformer la fonction publique, nationale ou européenne, mais ce n'est de toutes pas elle qui coûte le plus cher, loin de là d'ailleurs. La gabegie financière de l'Etat profite à d'autres. En outre, un "service public" par définition a un coût que chaque citoyen est prêt à assumer. Le discours anti-fonctionnaires est simpliste et sert les intérêts de ceux qui ne veulent pas voir ce qui réellement nous ruine.

Et sinon, je ne suis pas partisan de "plus d'Europe", je suis partisan de l'Europe, l'authentique, ce qui implique un état européen au sens fort, un état continental souverain. Le démosthénisme, qui correspond à la sacralisation fétichiste de l'état-nation du XIXème siècle, ne mènera l'Europe qu'à la ruine et à la soumission à des puissances extra-européennes, tout comme l'incapacité des cités-grecs à dépasser leurs querelles pour forger une nation grecque a amené à la domination macédonienne, puis romaine et enfin ottomane...

Écrit par : Thomas FERRIER | 31/03/2012

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