Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/12/2011

Ils jettent le masque !

bandeaubillets2 - eisn.png

443-32.jpgOn savait toute la classe politique française europhobe, certains partis l’étant malgré tout moins que d’autres. Les récents développements de la crise de l’Euro ont eu le mérite de clarifier les positions de chacun.

La réponse à la crise que tentent de proposer Angela Merkel et Nicolas Sarkozy est bien expliquée par l’économiste Marc Fiorentino. Si ces dirigeants sont suivis dans leurs pays respectifs, on s’orienterait vers une petite zone Euro dure à six pays, ceux qui disposent encore du triple A. Des pays comme l’Italie et l’Espagne s’y rattacheront, s’ils parviennent à surmonter leurs difficultés, ce qu’ils essaieront certainement de faire. L’alternative, qui n’en est pas vraiment une, serait de quitter l’Euro. Ce qui pourrait aussi menacer la France.

Le compromis présenté par les dirigeants français et allemand repose sur deux contraintes. D’une part celle, avancée par la France, de mutualiser autant qu’il est possible les moyens de défense entre pays européens. D’autre celle, imposée par l’Allemagne, d’éviter que des mesures de protection se traduisent par la reproduction des erreurs du passé, par un laxisme laissant filer la dette. Autrement dit, les Allemands ne veulent en aucun cas donner de prime aux mauvais élèves ; il est facile de les comprendre.

Il faut parler de la proposition de Merkel et Sarkozy avec beaucoup de prudence. Les prochaines élections en France lui laissent peu de chances. Cela dit, si elle était vraiment mise en place, elle ne serait pas si monstrueuse. On remplacerait la gouvernance technocratique de Bruxelles par des accords intergouvernementaux contraignants.

Evidemment cela n’aurait de comparable avec la solution préconisée par le PSUNE, ni sur le plan du contrôle démocratique par une assemblée nationale élue directement par les citoyens --- comme serait celle de la République européenne --- ni sur le plan de l’efficacité --- car le compromis cité ignore provisoirement deux grands pays, sans y ajouter qu’il se prive de l’apport de la Russie. Mais ce ne serait pas moins démocratique que le cadre de l’actuelle Union, surtout du côté allemand où le Bundestag conserve le contrôle des événements.

Il est inutile de se voiler le visage. La proposition consiste à créer un club piloté par l’Allemagne. Que l’on constate des réactions germanophobes n’est pas très étonnant a priori. Cependant, si l’on creuse un peu, on s’aperçoit que la réaction à la proposition mentionnée ne fait que révéler une germanophobie, qui est en réalité une europhobie, dont l’origine est beaucoup plus profonde.

La réaction la plus significative a été celle de Jean-Marie Le Guen, qui, comme on le sait, a comparé la journée de Nicolas Sarkozy face à Angela Merkel et Mario Monti à « Daladier à Munich », qui a même persisté et signé. Or Le Guen n’est pas un socialiste extrémiste. C’est toujours un soutien de Dominique Strauss-Kahn.

Si comparer Madame Merkel à Hitler a soulevé l’indignation, pour être qualifié de « dérapage », on n’a pas analysé, pour autant, la saillie de Monsieur Le Guen. Car l’image du nazisme et de l’holocauste n’y a pas sa place. Comment faut-il voir les rapports entre la France et l’Allemagne aujourd’hui ?

D’abord l’Allemagne n’a surtout pas intérêt à affaiblir la France, pas plus d’ailleurs que ses autres voisins européens. L’Union et l’Euro ont été une formidable chance pour elle et elle a tout avantage à ce que cela dure. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’elle lutte sérieusement contre ses déficits, qu’elle gère mieux des services publics moins dispendieux, qu’elle écrase moins ses entreprises sous la fiscalité, qu’elle utilise mieux la formation en alternance, qu’elle possède des syndicats défendant réellement les travailleurs, que les socialistes y ont été plus intelligents, qu’elle est moins laxiste en matière d’immigration, qu’en conséquence son taux de chômage est beaucoup plus bas … qu’elle ne connaît pas de problèmes. Son endettement est considérable et ne tient que parce que sa parole a plus de valeur que celle de ses voisins. Elle s’appuie aussi sur de nombreux travailleurs pauvres.

Et elle est aussi capable de n’importe quoi. Renoncer à l’énergie nucléaire pour ressortir le charbon et accroître sa dépendance vis-à-vis du gaz russe est peut-être le tournant qui amorce son déclin. D’ailleurs on ne comprend pas comment les Grünen et nos Verts, qui se prétendent écologistes et mondialistes, ont pu y pousser. L’Allemagne va accroître ses émissions de carbone, contribuant au réchauffement climatique. Elle sacrifie les pays du sud au confort de ses propres habitants, ce qui nous renvoie à une forme de suprématisme colonialiste. En même temps, elle ferait mieux, pour assurer la sécurité de ses habitants d’aider les pays nucléarisés à risque, comme ceux de l’Europe de l’Est, à sécuriser leurs centrales ; voire d’aider l’Italie, qui est sur une zone sismique ; voire d’accepter d’augmenter le nombre de centrales sur son sol ; en tout cas, pour son approvisionnement en énergie, d’aider la France à conserver son parc nucléaire.

Ensuite, comme l’a dit Fiorentino, la France ne cherche pas à se calquer sur l’Allemagne, mais sur le meilleur élève de la classe. Ou tout au moins sur le moins mauvais pour le moment. Et puis, est-il si mauvais d’accepter des leçons des autres. Longtemps la Tchécoslovaquie a été une annexe économique de l’Allemagne. Aujourd’hui les voitures Audi de prestige utilisent des moteurs construits en Tchéquie.

Dans cette affaire, il faut comprendre que ce qui est bon pour l’Allemagne est bon pour l’Europe et inversement. Que, de la même façon, ce qui est bon pour la France est bon pour l’Europe et inversement. Les économies du continent sont tellement interdépendantes que les intérêts des uns et des autres se confondent.

Ainsi la germanophobie actuelle n’est-elle que l’expression d’une europhobie archaïque et fondamentale. Il n’est pas étonnant de la trouver chez Marine Le Pen, dont la formation garde la nostalgie de l’empire colonial. Il n’est pas étonnant de la trouver chez Arnaud Montebourg, qui se vante de racines africaines. La réticence du PS tout entier, et de son candidat François Hollande, à soutenir, sur le principe, l’initiative de Merkel et Sarkozy prouve que cette formation est sur la même ligne que les précédents et que le … FN. La surprise viendrait de Jean-Luc Mélenchon, qui incite pour une fois à la prudence. Peut-être est-il moins europhobe dans son cœur qu’il le laisse croire.

Cette fin de semaine, le sujet a été débattu entre Eric Zemmour et Nicolas Domenach. Le premier assume le patrimoine européen et peut-être son destin, mais il ne sait pas voir les Européens comme un peuple ; cela étant, cet eurosceptique a la critique modérée sur les derniers événements. Le second a l’Europe en permanence dans la bouche, mais il n’en assume ni le patrimoine ni le destin ; sa critique est celle d’un mondialiste, ou d’un franco-mondialiste puisqu’il voudrait qu’on commence par régler les problèmes du monde à partir de la France. Il aurait fallu un troisième interlocuteur, qui puisse dire : oui à la souveraineté populaire, oui à la démocratie, oui à la monnaie nationale, sachant que peuple, démos, nation sont pour nous synonymes d’Europe.

Peter Eisner (LBTF/PSUNE)

Les commentaires sont fermés.