15/02/2011
Justice, enseignement, pourquoi faire ?
Ce jeudi 10 février 2011, les enseignants se mettent en grève alors que juges et magistrats le sont depuis quelques jours.
Il y a des points communs dans le divorce qui se manifeste entre les gouvernements de droite d’une part et les personnels de la justice et de l’éducation de l’autre, corporations qui sont tenues par la gauche ou tout au moins par une idéologie fortement marquée à gauche.
Dans les deux cas, les gouvernants de droite laissent faire, autant que ceux de gauche, mais en réagissant parfois vertement en paroles, comme hier avec Gilles de Robien pour les méthodes de lecture ou aujourd’hui avec Nicolas Sarkozy à propos de la libération des condamnés dangereux. Evidemment l’opinion est davantage frappée par l’épouvantable meurtre d’une jeune personne que par la montée de l’analphabétisme. La réaction politique est alors plus violente. La réaction en retour des juges l’est naturellement en proportion.
L’excuse et la revendication sont toujours les mêmes. Ce sont les manques de moyens qui empêchent les juges d’application des peines de faire leur travail. Or une récente émission d’Yves Calvi sur la chaîne Arte a montré que le problème était ailleurs. Un juge nous a parlé de la pile des dossiers roses demandant un suivi et de celle des dossiers verts pouvant en être dispensés. Le dossier du meurtrier présumé était dans la seconde pile. Simplement parce qu’il apparaissait comme coupable d’une simple insulte envers un magistrat. Alors peu importe le nombre des juges si le problème est de nature idéologique. La justice veut totalement blanchir ceux qui ont fait leur peine. Alors que les dossiers croulent sous les pages des actes, elle s’interdit de disposer de cette petite fiche qui mentionnerait les faits graves commis dans le passé, les alertes des experts.
« La justice fait la charité avec le sang des autres », comme l’a rappelé Didier Gallot, vice-président du tribunal de grande instance des Sables d’Olonne. Ce n’est pas la protection des victimes potentielles qui l’intéresse. Elle poursuit l’illusion de la « réinsertion obligatoire », laquelle n’a pourtant jamais fonctionné.
Elle agit ainsi, avec le sentiment de travailler correctement, parce qu’elle s’efforce de « traiter tous les dossiers », parce que ne veut surtout pas distinguer « l’essentiel de l’accessoire », parce qu’elle voudrait rattraper tous les méfaits de la société.. Elle ne s’intéresse plus à ces « fauves », qu’il y a encore quinze ans le juge le plus laxiste n’aurait jamais laissé sortir. Elle s’intéresse au moins autant à des « délinquants routiers » qui sont 6800 à encombrer nos prisons.
C’est une erreur fondamentale sur le rôle de la justice que l’on commet avec une idéologie de cette nature. Il faut une justice non pas pour donner à des fautifs un certificat de rédemption, mais pour permettre à la société de vivre pacifiquement, pour protéger les gens honnêtes, pour éviter autant qu’il est possible les crimes dont ils pourraient être victimes et la vengeance incontrôlée qui pourrait les animer.
On retrouve le même genre d’erreurs en matière d’éducation. Il ne s’agit plus de former des citoyens libres parce qu’éduqués. Il ne s’agit plus que de donner confiance en eux-mêmes à des illettrés. Avec ce genre d’objectif, c’est l’inverse qu’on obtient.
On ne s’intéresse pas au plus grand nombre, seulement à ceux à qui la scolarité ne conviendrait pas. En évitant par tous les moyens de peiner, fût-ce légèrement, ces derniers, on en vient à dégoûter tous les autres. C’est ainsi qu’on a supprimé les redoublements, l’orientation sélective et peu à peu les notes.
Pourtant la machine tourne à plein. Les enseignants sont les premiers à souffrir. D’année en année, on accumule les matières nouvelles dans les programmes de la scolarité obligatoire et, dans chaque matière, sous couvert de modernité, on diversifie jusqu’à l’infini les approches et les contenus. Le résultat est qu’on n’apprend presque plus rien à personne. Surtout, faute de distinguer « l’essentiel de l’accessoire », on ne s’intéresse plus à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Et, quand on prétend malgré tout le faire, on s’interdit toute efficacité presque par principe.
L’école aussi est censée corriger tous les problèmes de la société. Le résultat est qu’elle ne s’acquitte plus de sa fonction fondamentale, celle d’instruire.
De même qu’on pourrait à la limite se passer d’une justice laissant sortir des fauves, on pourrait se passer d’un enseignement qui n’enseigne plus.
Peter Eisner (PSUNE/LBTF)
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