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06/06/2010

Comment une ONG islamiste a piégé Israël

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erdogan.jpgQuoi qu'on puisse penser de l'embargo économique mis en place par l'état d'Israël à la suite de la victoire électorale dans la bande de Gaza du Hamas, parti relevant de la mouvance islamiste et opposant résolu à l'idée même d'un état juif à côté d'un état palestinien, les évènements de cette dernière semaine ont démontré les difficultés qu'avait le gouvernement israélien pour assurer la sécurité de ses territoires dans un contexte de franche hostilité d'une partie de plus en plus importante de l'opinion internationale.

La flottille « anti-sioniste » composée de six navires, un septième, le Rachel-Corrie, ayant pris un certain retard par rapport aux autres, n'était pas simplement une expédition humanitaire destinée à fournir à la population gazaouie des éléments vitaux, médicaments et/ou nourriture, mais avait comme but avoué de briser le blocus mis en place par l'Etat hébreu, et donc, au nom du prétendu droit d'ingérence, faire céder un état souverain dont la politique déplaisait. En outre, une association turque, d'obédience islamique, l'IHH (Insani Yardim Vakfi, « fondation pour les droits humains, les libertés et l'action humanitaire »), était du voyage et en vérité, de l'aveu même de son dirigeant, Bülent Yildirim, le principal organisateur, avec une délégation de plus de 350 Turcs. C'est la raison pour laquelle les neuf victimes des commandos israéliens étaient toutes membres de cette organisation et tous turcs ou d'origine turque.

Dans cette affaire, les services de renseignements israéliens et l'armée ont sous-évalué le potentiel de résistance des passagers du Mavi-Marmara, ce qui est logique car il s'agissait de militants radicaux et non de « gentils humanitaires », dont la mission était de provoquer une riposte inadéquate de Tsahal, et donner une fois de plus à Israël le mauvais rôle. Cet objectif a été rempli davantage encore que ne l'auraient souhaité les organisateurs, au prix malheureusement de plusieurs vies humaines. En effet, la condamnation de l'action de l'armée israélienne a été universelle, seuls les Etats-Unis réagissant de manière plus feutrée.

Du point de vue européaniste qui est le nôtre, que peut-on retenir de cet évènement tragique ?


Le premier enseignement c'est que les ONG, groupements partisans d'une gouvernance mondiale ou bien d'un alter-mondialisme, organisations sans légitimité démocratique et qui sont prêtes à remettre en cause la souveraineté des états en fonction de leurs options idéologiques, ont subi un échec, à savoir qu'Israël n'a pas cédé aux injonctions moralisatrices de ces mouvements et a montré que cet état était déterminé à faire respecter ses règles, au risque de subir un tollé général en cas de drame. Cela démontre également que les ONG ne sont pas neutres politiquement, qu'elles peuvent servir de paravents à des organisations radicales, et qu'elles ne devraient pas bénéficier de tant de mansuétude. Par ailleurs, l'idéologie développée par les ONG étant mondialiste, le mouvement européaniste ne peut qu'y être résolument opposé. Leur échec ici les ramènera à davantage d'humilité.

Le second enseignement c'est qu'Israël est un état diplomatiquement très isolé. Dans cette affaire, Barack Obama a maintenu du bout des lèvres le soutien américain, tout en exigeant l'abandon de cet embargo. L'Union Européenne a condamné unanimement l'action militaire israélienne, de même que la Russie et la plupart des autres états dans le monde. Bien sûr, la Turquie et l'Iran, désormais les deux têtes de pont de l'islamisme au Moyen-Orient, l'un de type sunnite et pseudo-démocratique, l'autre de type chiite et totalitaire, ont manifesté l'hostilité la plus maximale possible.

Le dernier enseignement concerne la Turquie elle-même. Recep Erdogan et Abdullah Gül, premier ministre et président de la république, tous deux issus du parti islamiste auto-proclamé modéré AKP, ont condamné Israël avec la plus grande fermeté, remettant en cause différents accords et partenariats militaires. Pour Erdogan, la bavure de Tsahal est l'alibi recherché pour rompre les relations diplomatiques avec Israël, ou les réduire à leur plus simple expression, de manière à ce que lui puisse apparaître comme le protecteur des croyants et le meilleur ami de la rue arabe. Erdogan, partisan résolu de l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, moyen destiné en réalité à mettre en œuvre son agenda caché, à briser en conséquence l'armée et à marginaliser les milieux laïcs, a désormais ôté son masque. L'Union Européenne devra en prendre acte et en conséquence il serait nécessaire qu'elle mette fin au processus d'adhésion d'Ankara, déjà bien mis en difficultés par l'entêtement turc à ne pas reconnaître la Chypre grecque, à nier le génocide arménien, et par les réticences de Merkel et Sarkozy.

La Turquie, considérant que son adhésion à l'Union Européenne est probablement verrouillée pour longtemps, ce qui serait une excellente nouvelle aux yeux des européanistes que nous sommes, ambitionne de réactiver la géopolitique ottomane et d'apparaître comme le principal pôle de résistance du monde islamique face à l'Occident. En ce sens, Erdogan a réussi car il a su, mieux encore qu'Ahmadenijad, apparaître aux yeux des musulmans du monde entier comme l'homme qui aura su résister concrètement à Israël. Erdogan maintient désormais son exigence de l'abandon du blocus de Gaza et n'hésite pas à menacer l'état hébreu de représailles, dont il ne dit pas sous quelle forme elles seraient présentées.

D'un point de vue géopolitique, la Turquie sous l'influence d'Ahmet Davutoglu, ministre des affaires étrangères, retrouve un positionnement asiatique et islamique, ce qui signifie qu'elle tourne le dos à l'occidentalisation kémaliste, à sa laïcité et à sa modernité. Israël en revanche perd son dernier allié dans la région, et met en péril son alliance traditionnelle avec Washington, déjà bien mise à mal par le refus de Netanyahu de suivre le plan d'action américain pour la paix au Proche-Orient. Israël a donc besoin d'un nouvel allié puissant, capable de le soutenir face au monde islamique hostile. Lieberman songe à la Russie et à l'Union Européenne, mais pour le moment ces deux entités ne semblent pas disposées à remplacer les USA comme bouclier.

Ainsi, la Turquie ayant montré pour la première fois son nouveau visage islamique dans le domaine diplomatique, prenant la position exactement contraire à  celle de la coalition CHP/MHP au pouvoir en 1999, Israël étant apparu comme un état isolé, alors qu'il était fondamentalement dans son droit dans cette affaire, les ONG ayant montré également qu'elles servaient d'autres intérêts que l'humanitarisme béat, des intérêts de nature politique, ce drame a eu une grande utilité, permettant d'y voir plus clair dans la région. Une association islamiste, soutenue par une partie de l'extrême-gauche européenne, soutenue également par le gouvernement turc de l'AKP, partant de la Chypre turque, qui a récemment élu un nationaliste intransigeant à sa tête, a organisé une action concertée pour mettre fin à l'embargo décidé par un état souverain, pour sa sécurité intérieure, à l'encontre d'un mouvement islamiste, le Hamas. C'est principalement ce fait qu'il faut retenir, même s'il faut déplorer des pertes humaines dues à une intervention militaire mal préparée.

Thomas Ferrier (SG-PSUNE)

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