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26/03/2011

Mythe n°7 : l’écriture est née à Sumer

« L’histoire est née à Sumer », tel était le titre du remarquable ouvrage du sumérologue Samuel Kramer, et il est vrai que les premiers documents de nature historiographique remontent à l’époque des cités-états de l’ancienne Mésopotamie asianique [ce terme désignant les populations non-sémitiques et non-indo-européennes de l’Asie mineure et par extension du Proche-Orient]. En revanche, il convient de s’interroger sur le fait de considérer les Sumériens comme les inventeurs de l’écriture puisqu’il est établi que l’écriture est apparue en Egypte postérieurement, probablement sous leur influence, l’apparition de l’écriture, plus tardive, en Chine, étant probablement indépendante. Notons par ailleurs que la langue sumérienne, agglutinante, n’est apparentée à notre connaissance à aucun des grands groupes linguistiques connus, et qu’il est probable que les Sumériens ne soient pas autochtones en Mésopotamie mais proviennent du nord du Caucase.

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Toutefois des inscriptions bien énigmatiques datées d’au moins le VIème millénaire et retrouvées dans la région balkanique de Vinca ont mis en doute la naissance de l’écriture chez les Mésopotamiens. Cette écriture dite de « Vinca », et qui n’a pu être déchiffrée de manière satisfaisante, présente toutes les caractéristiques de la retranscription écrite d’un langage. L’écriture à Sumer a été introduite pour des raisons économiques alors que l’écriture de Vinca, décrivant l’environnement naturel et les activités humaines, pourrait avoir une dimension davantage spirituelle.

Parmi les symboles en usage, on retrouve le soleil et la lune, dessinés de manière assez comparable avec ce qu’ont pu faire par la suite nos ancêtres, et des caractères qui pourraient s’apparenter à des nombres (au moins de 1 à 5 et probablement jusqu’à 100). On trouve en outre à de nombreuses reprises différentes formes de svastika et de sauvastika, y compris une qui rappelle les représentations baltes de ce symbole très ancien. Certains pictogrammes pourraient indiquer la maison, le village, le fleuve, la chasse, le ciel, la terre, le feu, certains animaux (cheval, cerf, chien, oiseau… etc) ou encore l’homme et la femme. On retrouve là les éléments de base des religions polythéistes et des sociétés villageoises.

Bien que cette langue ne soit pas déchiffrée par les spécialistes, ces différents éléments pourraient indiquer qu’il s’agit d’une écriture sacrée, ce qui expliquerait pourquoi elle n’a pas eu de descendance, à la différence de l’écriture cunéiforme ou de l’écriture linéaire. L’idée que cette écriture ait pu retranscrire une langue indo-européenne voire le proto-indo-européen lui-même n’est pas du tout à exclure. En allant plus loin, cette écriture était peut-être celle des prêtres indo-européens, les *bhlagmenês, honorant les divinités par l’utilisation de symboles sacrés.

Ce qui est évident à la vue des caractères composant l’écriture de Vinca, c’est qu’il s’agissait bien de la première forme d’écriture, bien avant les Sumériens, et qu’elle est née en Europe. Le mythe tenace selon lequel l’Europe, y compris néolithique, ne devrait son développement qu’à l’orient, le lux ex oriente, semble donc prendre du plomb dans l’aile. L’image d’Epinal selon laquelle l’agriculture viendrait de Mésopotamie et aurait été apportée par des migrants en Europe pourrait être la prochaine à s’effondrer.

Thomas Ferrier