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07/08/2011

Jules César, né sous le signe de Mars

Mars.jpgCaius Iulius Caesar, membre de la maison des Iulii, descendait selon la tradition romaine d’Iulus, ou Ascagne, fils d’Enée et surtout petit-fils de la déesse Venus elle-même. Ce lignage mythique, que même ses adversaires lui reconnaissaient, n’était pas pour rien dans l’engouement qu’il avait su susciter au sein du peuple. Alexandre lui-même n’avait-il pas laissé la rumeur publique le prétendre fils de Zeus, ce dernier ayant pris les traits d’une couleuvre pour s’unir à sa mère. Il était donc naturel que César rende hommage à cette déesse, qu’il lui construise un temple en tant que Genetrix, « génitrice » de la gens Iuliorum. Mais la piété personnelle de César était-elle entièrement dévouée à la déesse de l’amour, alors qu’il devait sa célébrité à son sens aigu de la stratégie militaire ? On peut certes admettre le caractère vénérien du grand homme lors de sa célèbre romance avec la reine gréco-macédonienne d’Egypte, Cléopâtre.

Mais César n’était pas seulement un membre des Iulii, car il descendait également de manière matrilinéaire du quatrième roi latin de Rome, Ancus Marcius, dont le nom originel «*Mart-cius » contenait le théonyme du dieu de la guerre en personne, Mars, ainsi que l’indique l’historien Robert Etienne. Ainsi César ne descendait-il pas seulement de Venus mais aussi de Mars qui, à Rome du moins, comme dans la tradition grecque mais pas dans sa mythologie, est son époux et non son amant. César ne fut pas le seul à revendiquer cette double origine, puisque son oncle L. Iulius Caesar, plusieurs décennies auparavant, avait fait émettre des monnaies à l’effigie aussi bien de ce dieu que de son épouse en tant que genetrix.

C’est à la veille de la bataille de Pharsale face aux troupes républicaines de Pompée que César va évoquer un autre protecteur officiel que la seule déesse Venus. Selon Appien, «procédant à des sacrifices au milieu de la nuit, il (César) invoqua Arès et son aïeule Aphrodite ». Déjà, lorsque César franchit le Rubicon, lors de la fuite de Pompée et de ses partisans hors de Rome, Dion Cassius évoque deux signes divins spécifiques, la foudre s’abattant sur un casque de Mars au Capitole et la présence massive de loups en ville. Or, bien avant que Jupiter, sous l’influence du grec Zeus, apparaisse comme le dieu de la foudre, le Mars romain, conforme en cela à son ancêtre indo-européen *Maworts, n’était pas seulement dieu de la guerre mais aussi dieu de l’orage. En outre, le loup est l’animal emblématique de Mars chez les peuples latins, les guerriers étant comparés à des loups en raison du caractère belliqueux de ces derniers. Ainsi, les légionnaires de César qui s’apprêtent à pénétrer dans Rome sont-ils assimilés aux loups de Mars, et le conquérant au dieu guerrier en personne.

A peine César à Rome, suite à des rébellions hostiles, il décide de pratiquer un rite particulièrement sauvage, puisqu’il voue à la mort trois contestataires, sacrifiés par le flamine de Mars lui-même au dieu. Ce rite étrange, dans une société romaine qui condamne le sacrifice humain et le reproche aux Celtes, s’apparente certes davantage à une exécution publique à laquelle on fait assister la divinité.

La présence de Mars réapparaît à la fin de la vie du dictateur. N’oublions pas qu’il meure assassiné lors des Ides de Mars, ce qui n’est pas un hasard. En effet, Brutus se revendique du patronage de son ancêtre, Brutus l’Ancien, qui avait établi la république et chassé les rois étrusques au nom du dieu Mars, à qui il avait voué le poignard dont Lucrèce souillée s’était servie pour mettre fin à ses jours. Or, la tradition historique rapporte l’existence de plusieurs signes prémonitoires, des avertissements envoyés par les dieux pour mettre en garde le conquérant. Ainsi, Dion Cassius évoque le fait que les lances du dieu Mars au sein de la Regia se sont animés la nuit précédente, occasionnant un bruit retentissant. Or César, par hybris, choisit de négliger les signes envoyés, considérant que lui, César, ne risque rien. L’erreur se soldera par une vingtaine de coups de poignard sénatorial déchirant sa tunique et mettant fin à sa vie.

Ce lien sacré entre César et Mars apparaît aussi dans l’évocation par Suétone d’un projet de construction d’un temple immense dédié au dieu Mars à Rome, au cœur même de la cité. En effet, César avait comme ambition de réussir là où Crassus avait échoué, à savoir mettre fin aux menaces parthes sur la partie orientale de l’empire. Ce qu’Auguste obtiendra par la paix, lui voulait l’obtenir par la guerre, espérant en triomphant des Iraniens dépasser Alexandre, le héros modèle de sa jeunesse. Il avait donc besoin de l’aide maximale de son protecteur attitré, Mars. Mais c’est pour avoir négligé ses avertissements qu’il perdra la vie un jour consacré à son divin protecteur. Car Brutus se prévalait lui aussi de Mars, mais le dieu le punira pour son geste, en se mettant du côté d’Octavien et d’Antoine lors de la bataille de Philippes en Macédoine. Octavien l’honorera comme Mars Ultor, le vengeur de César assassiné. Répétant la geste de son père adoptif, il mettra à mort les sénateurs responsables du césaricide en l’honneur du dieu guerrier.

Avant la bataille, Ovide rapporte qu’Octavien s’adressa en personne au dieu Mars lors d’une prière publique devant son armée. « Si c’est mon père, si c’est le prêtre de Vesta qui m’appelle au combat, et si je me prépare à venger ces deux divinités, Mars, viens à mon aide et rassasie mon épée d’un sang criminel ; que ta faveur aille à la meilleure cause ! ». Le dieu guerrier répondit à son appel.

Thomas Ferrier