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08/05/2012

Bilan des élections présidentielles 2012 (2ère partie).

sarko.jpgLes raisons profondes de l’échec de Sarkozy.

Nicolas Sarkozy paye dans cette défaite les nombreuses erreurs commises pendant sa présidence de cinq années, et on pourra noter en premier lieu qu’il est le premier président du quinquennat, car Jacques Chirac a été douze années aux affaires. Or ce format ne semble pas permettre, du moins en France, de prendre la pleine mesure du poste présidentiel. C’est au moment où Sarkozy semblait dominer sa fonction qu’il en est privé par la volonté du peuple. Et la raison principale ne tient pas tant à la politique qu’il a menée, dont par comparaison avec les voisins européens, on peut affirmer qu’elle n’a pas été si calamiteuse, qu’aux symboles envoyés, ceux là même qui ont coûté cher à Giscard d’Estaing en 1981.

A tort ou à raison, Nicolas Sarkozy est apparu comme le représentant des riches et des puissants. La soirée au Fouquet’s, que l’électorat pardonnait aisément à Mitterrand par exemple, et le yacht de Bolloré, ont confirmé cette image. Ce que l’opinion bien pensante accepte de représentants de la gauche (Tapie, Strauss-Kahn… etc), alors qu’elle est bien plus choquante de leur part, ne passe pas lorsque ce sont des représentants de la droite qui font de même. L’affaire Bettencourt a renforcé ce sentiment irrationnel, que la « gauche » a su exploiter en dénonçant un président « bling bling », passant sous silence la fameuse « gauche caviar ». La hausse de la TVA dite sociale, et bien d’autres mesures, comme l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, sont apparues comme punitives pour le peuple alors que les riches en auraient été prétendument exonérés. Or Nicolas Sarkozy a agi d’abord par pragmatisme, car surtaxer les riches est le meilleur moyen d’encourager leur expatriation, et le fait qu’alors ils ne paieront plus d’impôts du tout en France, ce qui nécessiterait qu’on augmente les impôts pour les classes moyennes, et dans un contexte économique de rigueur budgétaire.

Aucun patron n’a soutenu François Hollande ? Les stars du showbiz français, les riches chanteurs (comme Yannick Noah), les acteurs fortunés, ont-ils soutenu Nicolas Sarkozy ? Ils ont préféré son adversaire. D’ailleurs, dans cette élection, les amis de Sarkozy ont été très discrets, à l’instar de Johnny Hallyday. Mais il avait été répété que Sarkozy était le candidat des riches, et c’est ce qu’il paye aujourd’hui. Son image étant très dépréciée, les sondages d’opinion l’ayant maintenu au plus bas pendant presque tout son mandat, il n’a jamais pu inverser la tendance. Par ailleurs, le pouvoir a semblé l’user prématurément, lui faisant perdre rapidement de sa superbe. Enfin, le choix de sa nouvelle épouse semble avoir contribué négativement à cette image. Comme si, à l’instar de Napoléon, passer de Joséphine à Marie-Louise avait été considérablement défavorable. Or, que dire de DSK, celui qui était pressenti avant l’affaire Diallo comme futur président « socialiste » de la France, qui était marié avec la richissime et médiatique Anne Sinclair. Et que dire de François Hollande, vivant avec une journaliste de presse écrite.

Il est vrai que Nicolas Sarkozy n’a pas eu l’hypocrisie d’un François Mitterrand ou d’un Jacques Chirac, conservant bien sagement leur épouse pour des raisons médiatiques. Et on se souvient de l’acharnement de Mitterrand à taire l’existence de sa fille Mazarine, et de sa double vie. Il a divorcé à peine était-il élu de sa seconde épouse. Auprès d’un électorat du centre et de droite, cette vie personnelle n’était pas forcément un atout, bien au contraire.

Président omniprésent, étouffant son pâle premier ministre, il a pris tous les coups. Il n’a jamais su oser changer son gouvernement en profondeur, remettre à leur place un entourage délétère, et faire aussi le ménage au sein de la droite. Il n’a accepté la mise en place de la « droite populaire » que du bout des lèvres et ne leur a jamais donné la marge suffisante, la liberté nécessaire, pour redonner du sens à son mandat. Il a pactisé avec ses ennemis de l’intérieur de l’UMP, les récompensant par des postes de ministre, au lieu de les marginaliser. Il a enfin mis en avant des figures de la diversité, Rama Yade et Rachida Dati en tête, et les a réintroduites lors de sa campagne alors qu’elles lui avaient tourné le dos. La nomination de gens de « gauche », comme Hirsch ou Amara, n’était pas non plus ce qu’attendait son électorat. D’ailleurs, ces personnalités ont vite retrouvé la maison mère « socialiste ».

Parce qu’il savait qu’il avait terriblement déçu, parce qu’il craignait que la droite se présente divisée devant les électeurs, il a su éliminer la concurrence, ce que n’avait pas su faire Jospin en 2002. Il a su faire renoncer Boutin puis Borloo, Morin et enfin Villepin lui-même, ce dernier n’ayant jamais été réellement en mesure d’obtenir les 500 signatures, et ne le souhaitant probablement pas. Mais c’est comme seul candidat de droite, à l’exception du souverainiste Dupont-Aignan, qui était davantage sur une ligne « ni droite, ni gauche » et tentait maladroitement de concurrencer le FN, qu’il est apparu. Et au second tour, aucun autre candidat ne s’est rallié. Bayrou a apporté son soutien à Hollande, comme tous les candidats de « gauche » et jusqu’à Cheminade. Dupont-Aignan et Le Pen ont appelé au vote blanc, donc à un soutien à 50% dans un tel contexte à Hollande. Il n’avait aucune marge de manœuvre pour le second tour.

C’est donc en président honni, malgré un discours de départ qui avait une autre force que le « au revoir » de Giscard d’Estaing, qu’il quitte l’Elysée. Les media, visiblement soulagés, veulent vite l’enterrer pour magnifier le « glorieux vainqueur ». Comme pour VGE, dans quelques années, beaucoup d’électeurs regretteront certainement leur choix de ce dimanche. C’est là où l’on voit que la maturité républicaine du peuple laisse à désirer. Car il n’a pas lu les programmes des candidats, il n’a pas regardé objectivement les résultats et les promesses des uns et des autres. Hollande a fait dans la démagogie absolue, promettant monts et merveilles, alors qu’il savait n’avoir aucun moyen de réaliser cela. On a l’impression que tout va bien, que la France est en forme économiquement, et que la pauvreté résiduelle sera résorbée en imposant les riches. L’Union Européenne ? Le nouveau président français la pliera à sa volonté, alors qu’il reprochait encore récemment à Nicolas Sarkozy de vouloir remettre en cause Schengen.

Et demain, les législatives ?

Même si Guillaume Peltier dans Le Monde.fr semble encore y croire, les législatives seront remportées par la « gauche », non pas parce qu’elle serait devenue subitement majoritaire en France, mais d’abord parce que le PS a un formidable allié, qui réussira peut-être même à offrir au président sortant une majorité écrasante. Si le FN atteint les 17% que lui promettent les sondages actuels, Marine Le Pen annonce déjà qu’elle maintiendra systématiquement ses candidats en cas de triangulaires. Alors que le vote FN est désormais un vote national, le parti ayant nettement progressé dans l’ouest, une telle politique va amener la droite en dehors de Matignon et même en dehors du Palais Bourbon.

Il est inconcevable que dans le contexte actuel, avec le centre-droit à la tête de l’UMP du fait du départ de Sarkozy, une alliance entre l’UMP et le FN puisse avoir lieu. Elle se réalisera peut-être avec certains candidats de droite (comme Christian Vanneste) sans que l’on sache si cela sera payant. Mais Marine Le Pen est visiblement décidée à faire de la droite parlementaire son ennemi principal à abattre, tout en rêvant d’un groupe parlementaire, fantasme total. Si elle réussit déjà à faire entrer un seul député, elle pourra être contente. Quoi qu’on pense du bilan de Sarkozy, ou de l’homme, quelque détestation peut-on avoir pour les « humanistes » de l’UMP, qui n’ont en effet pas grand-chose de différent des dirigeants du PS, il est assez étrange de vouloir faire le jeu du pire tout en espérant voir se rallier ceux là même qu’elle aura contribué à faire battre. Or le FN n’a aucunement les moyens d’apparaître comme l’opposition authentique au nouveau président, manquant de cadres de valeur et de militants. L’UMP reste une énorme machine de guerre politique que son parti n’est pas en mesure d’égaler ni même de concurrencer.

Avec l’effet « président », beaucoup de français voulant lui donner sa chance, avec la stratégie de destruction de la droite jouée par le FN, alors que le meneur de l’UMP raccroche ses gants après sa défaite, l’UMP va vivre une véritable hécatombe. La « gauche » aura désormais tous les pouvoirs de nuisance disponibles, sénat, présidence, assemblée nationale, conseils régionaux et généraux, syndicats, sans pouvoir rien changer à la politique économique à mettre en œuvre.

Ce que fera Hollande les premiers temps…

Le nouveau président ira comme première action en Allemagne rencontrer Angela Merkel. Il y renoncera à tout son programme économique, à toutes ses promesses électorales qui ont séduit un électorat visiblement inconscient de la réalité contemporaine. La paupérisation de l’Europe, du fait de la mondialisation et aussi du fait de l’immigration qui accompagne cette dernière, avec un chômage de masse sur tout le continent, est indiscutable. Les premières mesures qu’ils pourraient prendre, comme le retour à la retraite à soixante ans et la suppression de la TVA sociale, seront très mal appréciées des marchés financiers. Il lui faudra alors, de peur de revenir en arrière, surtaxer les classes moyennes, pesant alors sur la consommation. Et pour sauver l’€, alors que la crise politique grecque va relancer la crise de l’€, il devra se concilier l’Allemagne.

Comme il décevra son électorat par des mesures anti-sociales que la crise lui imposera, une fois les premières semaines passées, il fera passer en force son programme libertaire. Une des premières mesures sera sans doute le mariage gay avec adoption, qui nécessitera une réforme constitutionnelle. Puis viendra la question du vote des étrangers extra-européens qui, crise ou pas crise, vivront toujours mieux en France que dans leur pays d’origine mais pèsent de plus en plus sur les avantages sociaux. Là encore, il faudra bien que quelqu’un paye, et ce seront à nouveau les classes moyennes. La première année de François Hollande sera celle de la désillusion, sauf pour les minorités de la diversité qui auront obtenu gain de cause. Après l’ivresse, on assistera à une sévère gueule de bois.