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20/05/2012

La démocratie et l'€uro en danger

 
A l’issue des dernières élections grecques, où les extrêmes ont considérablement progressé, les citoyens helléniques ont voulu signifier leur colère et leur déception par rapport à une classe politique incapable, le tandem ND/PASOK, mais aussi par rapport à une construction politique européenne qui n’a pas été à la hauteur des enjeux. Incapable de se doter d’un gouvernement, la Grèce va devoir revoter le 17 juin. On s’attend à une nouvelle progression du parti de gauche radicale Syriza, sorte d’homologue du Front de Gauche français, et à une légère baisse des droites radicales, qui pourrait profiter légèrement au LAOS, qui retrouverait ainsi sa représentation nationale, mais au détriment de l’Aube Dorée, dont le leader, Nikolaos Michaloliakos, s’est laissé aller à des propos extrémistes et explicitement néo-nazis, mais qui devrait conserver des députés.

La crise de l’euro et des dettes souveraines ne peut pas être résolue au niveau de la seule Grèce, mais bien au niveau de l’Europe toute entière. Or il n’existe pas réellement de démocratie européenne, malgré l’existence d’un parlement européen élu, mais qui n’ose pas s’emparer d’un pouvoir qu’il tire pourtant de sa légitimité démocratique, préférant laisser la commission et les chefs d’état et de gouvernement décider à la place du peuple et de ses représentants.

Ce désaveu d’une Union Européenne incapable de se prendre en main commence à toucher les états souhaitant la rejoindre. Ce jour, en effet, le candidat ex-nationaliste Tomislav Nikolic a battu, à la surprise générale, le candidat pro-européen Boris Tadic, lors du second tour des présidentielles serbes. Certes Nikolic ne cherche pas à mettre fin au processus d’adhésion, à la différence de son ancien parti, le Parti Radical Serbe, radicalement anti-UE comme son allié français, le FN. Mais sa victoire, alors même qu’il avait entretenu une certaine confusion sur le plan des idées, son positionnement pro-européen nouveau paraissant plutôt opportuniste, est bien la preuve là encore d’une déception. L’adhésion à l’UE de la Serbie paraît trop lointaine et comme c’était l’axe principal de campagne de Tadic, il en a payé le prix.

La crise économique de la zone euro s’accompagne d’une crise politique sur l’ensemble du continent européen. La défaite de Nicolas Sarkozy, les échecs successifs de la CDU aux élections des différents Länder, la déception des citoyens britanniques vis-à-vis de la coalition conservateurs/libéraux, sont différentes manifestations de cette crise profonde. Il est par ailleurs évident que si un référendum avait lieu en ce moment en Islande concernant l’adhésion à l’Union Européenne, les Islandais voteraient massivement non, et ce serait sans doute vrai dans tous les pays européens développés.

Pourtant, personne n’ose réellement montrer du doigt les responsables de cette crise profonde des sociétés européennes. Nous sommes dans un tel état de vassalité vis-à-vis de l’empire outre-atlantique que nous n’osons même plus appeler un chat par son nom. L’intérêt des USA, pour ne pas les nommer, n’est pas la ruine de l’Europe, qui aurait un effet domino dommageable à leur puissance économique, mais l’affaiblissement. Le département d’état dès 1999 craignait l’€uro comme une menace sérieuse à la domination du dollar. Comme un prédateur face à un troupeau d’animaux sans chef de troupe, vingt-sept animaux pour être précis, les agences américaines de notation, qui épargnent largement leur pays mais n’hésitent pas à baisser arbitrairement la note, donc la crédibilité internationale, des pays européens, ont vu dans la Grèce un moyen de déstabiliser la zone euro.

Depuis de nombreuses années, par bien des moyens, les Etats-Unis cherchent à empêcher à tout prix l’émergence d’une Europe politique unie, d’une Europe réconciliée et amie de la Russie, dans l’éventualité où cette dernière rejoindra cet ensemble politique. Par le soutien à l’immigration extra-européenne, et notamment musulmane, qui divise et déstabilise les sociétés européennes, aboutissant en même temps à la montée de mouvements populistes europhobes, incapables de proposer une alternative politique crédible, et facteurs eux aussi d’affaiblissement, par le soutien à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, processus qui n’a abouti qu’à affaiblir les résistances kémalistes à la réislamisation rampante dont l’AKP de Recep Erdogan est le fer de lance, par les attaques économiques contre la Grèce et donc au final contre toute la zone euro, les Etats-Unis maintiennent l’Europe dans une position de sujétion. C’est comme s’il y avait deux coureurs de 100 mètres qui s’affrontaient, l’un sachant que son voisin est plus fort que lui attachant à ce dernier un boulet au pied pour l’empêcher de gagner la course. Il ne faut pas être dupe.

Tant que l’Europe politique authentique n’aura pas vu le jour, à savoir un unique décideur, un unique numéro de téléphone, une adresse précise, c'est-à-dire un gouvernement européen démocratiquement légitime, tant que nous resterons dans l’OTAN, qui ne devrait plus exister depuis l’effondrement du bloc soviétique, tant que nous ferons de l’ingérence politique au service d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, l’Europe sera en crise. Il est facile comme le fait le nouveau président français de prôner la croissance, alors même qu’on rampe devant ceux qui la rendent impossible. De tous les pays européens, seule l’Allemagne semble résister davantage, même si son succès économique doit être nuancé par sa crise morale et démographique profonde.

Alors, Europe année zéro ?

Aux Européens de se réveiller, aux Européens d’enfin s’unir, avant qu’il ne soit trop tard, avant que l’ « acquis communautaire » ne soit perdu parce que nos dirigeants ne sont pas à la hauteur des enjeux, parce qu’ils n’ont pas conscience des menaces, ou n’ont simplement pas le courage de les affronter, parce qu’ils ne sont pas les hommes, et les femmes, de la situation. Parce qu’ils agissent en esclaves et non en hommes libres. Parce qu’ils agissent au nom de l’intérêt des oligarchies financières et pas en républicains au service de l’intérêt général, du bien commun de tous les Européens.

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE