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03/03/2015

Elections législatives en Estonie : un statu quo bouleversé par deux nouveaux partis

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estonie,élections législatives,roivas,savisaar,populismeCe dimanche 1er mars se déroulaient en Estonie des élections parlementaires pour renouveler les 101 sièges du parlement. Avec 27.7% des voix et 30 sièges, le Parti Estonien de la Réforme (ER), de centre-droit, dirigé par Taari Roivas (34 ans, photo), a remporté le scrutin, même s’il lui faudra organiser autour de lui une coalition solide. Il est néanmoins en recul, perdant un point environ et trois sièges. Ce résultat s’explique par un contexte géopolitique complexe, avec les tensions actuelles entre l’Union Européenne et la Russie au sujet du conflit ukrainien. La lassitude des électeurs a ainsi été limitée.

Les sociaux-démocrates (SDE), allié principal de la coalition sortante, avec 15.2% des voix et 15 sièges subissent également une contre-performance, perdant deux points et quatre sièges. A eux deux, ils n’ont plus la majorité absolue, 52 sièges en 2011 contre 45 sièges en 2015.

Le troisième allié pourrait être le parti démocrate chrétien, assez conservateur, à savoir le mouvement Pro Patria et Res Publica (EIRPL). Lui aussi a connu un camouflet électoral. Avec 13.7% des voix, contre 20.5% en 2011, il perd sept points et neuf sièges. En revanche, s’il apportait son soutien à la coalition, celle-ci obtiendrait 59 sièges. Mais voudra-t-il rejoindre une alliance avec des sociaux-démocrates ?

Plus modéré, plus libéral que conservateur, un nouveau venu fait son entrée au parlement, à savoir la formation « Parti Libre » (EV). Avec 8.7% des voix et 8 sièges, il peut servir de faiseur de roi. Il pourrait alors choisir de former une coalition de droite, qui serait majoritaire. Reste à savoir si Raivas va vouloir rompre avec la coalition précédente. La droite réunie obtiendrait ainsi 52 sièges soit la majorité absolue.

Un autre mouvement fait son entrée à Tallinn, à savoir le parti EKR, « Parti Conservateur du Peuple ». C’est une formation de type populiste, au programme assez comparable à celui du FN français. Il est nationaliste, eurosceptique, favorable en revanche à la démocratie suisse, et hostile à l’immigration extra-européenne. Ce dernier point est une différence avec le parti de Marine Le Pen qui dénonce l’immigration en général et qui ne remet pas (plus ?) en cause les flux post-coloniaux ayant abouti à des naturalisations pourtant complaisantes. Avec 8.1% des voix et 7 sièges, il sera certainement écarté de toute coalition, même s’il n’est pas a priori l’objet d’une diabolisation.

A leur droite, le Parti pour l’Indépendance (EIP), qui avait obtenu 1.3% des voix aux élections européennes, est écrasé avec seulement 0.2% des voix. De même les Verts estoniens échouent nettement avec seulement 0.9% des voix et aucun siège.

Le Parti Estonien du Centre (EK), qui représente notamment la minorité russophone (25.2% de la population), représenté par Edgar Savisaar, demeure le second parti du pays, avec 24.8% (+1.5%) des voix et 27 sièges (+1). Il est désormais ostracisé par les grands partis, qui refusent toute coalition avec lui. Ce mouvement a choisi une ligne pro-russe, souhaitent que l’Estonie serve de liant entre l’UE et la Russie voisine. Dans un contexte de propagande russophobe exacerbée, sa position l’isole. La minorité russe a néanmoins maintenu son soutien en faveur du dit parti, d’où son score plus qu’honorable.

On peut retenir de ces élections deux enseignements :

1.    La situation en Ukraine attise les tensions entre les deux principaux partis, qui s’opposent à ce sujet. Les sociaux-démocrates semblent par ailleurs avoir choisi une ligne atlantiste.

2.    Le populisme continue d’émerger dans chaque pays européen. L’Estonie, auparavant préservée, connaît désormais cette situation, avec un EKR à 8% des voix.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

Les trois visages du mondialisme politique

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mondialisation.jpgEn politique, le mondialisme est la traduction d’une pensée universaliste, qui s’attache à nier tous les particularismes. Cependant cette pensée est déguisée, la plupart du temps, sous des dénominations qui semblent s’y opposer. Nous en décrirons trois versions. Il se trouve qu’en France, plus encore qu’ailleurs, ces trois versions recouvrent la totalité des formations politiques ayant pignon sur rue, qu’elles soient représentées ou non dans les assemblées. Ainsi toute la politique accueillie dans les médias est-elle d’inspiration mondialiste.

Il y a d’abord l’universalisme assumé. Par exception celui-ci n’a pas besoin de déguisement. Mais il n’est représenté qu’à la marge et rarement identifié. Son modèle serait celui d’un état mondial. Jusqu’ici aucun projet précis n’a été élaboré dans ce sens. Comme des pays tels que l’Inde ou la Chine, à la fois homogènes et très peuplés, n’ont aucune chance d’entrer dans un tel schéma, un état mondial ne peut être envisagé qu’autour d’une sorte d’Eurafrique, laquelle pourrait voir le jour quand l’Europe serait suffisamment africanisée. Le choix d’une religion universelle se porterait évidemment vers l’Islam.

Les tenants de cet universalisme assumé sont à chercher du côté d’une certaine extrême gauche antisioniste, celle qui se cache, par exemple, derrière le bouffon Dieudonné. Ils ont deux pays principaux comme bêtes noires, qui sont la Russie et Israël. Ce dernier s’oppose, par nature, au projet universaliste.

S’il n’existe ni projet cohérent, ni formation explicite pour le porter, cet universalisme imprègne, malgré tout, le monde occidental. On retrouve sa philosophie dans les organisations non gouvernementales, ou dans l’alter mondialisme. Surtout le monde politique et médiatique ne peut s’y opposer, puisqu’en en partageant les principes. Par exemple, on a institué un devoir de repentance envers les peuples ayant subi la colonisation ou souffert de l’esclavage, lequel doit moins à la recherche de la vérité quant aux responsabilités qu’à la soumission au poids démographique de ces peuples dans cet état mondial virtuel.

Il y a, à l’opposé, l’universalisme impérialiste. Ce dernier est paradoxal puisqu’il se définit dans le cadre d’un état tel qu’il en existe aujourd’hui, de la France par exemple. C’est autrement qu’on le dénomme, parlant de nationalisme ou de souverainisme. Des partis comme le Front national ou UKip en sont des exemples.

Le paradoxe vient de la cohabitation entre une vision universaliste d’une part et la prétendue défense d’un état-nation de l’autre. Cela ne semble pas gêner ses défenseurs. C’est ainsi qu’on « définit » la France par des valeurs universelles, absurdité s’il en est pourtant.

Le fait que la France et le Royaume Uni soient deux pays concernés par cette version du mondialisme ne doit rien au hasard. Ce sont deux pays ayant eu un empire colonial, qui se sont senti une vocation à diriger le monde comme leur propre empire, et qui en conservent la nostalgie.

De nos jours, l’universalisme mondialiste est porté par un autre pays, les Etats-Unis d’Amérique. Ces derniers veulent toujours régenter le monde, y faire notamment régner une « démocratie » conforme à leur modèle, comme Jules Ferry parlait de la responsabilité des races supérieures envers les races inférieures. Le racisme suprématiste n’est pas absent de cette vision, mais celui-là personne ne le dénonce.

Entre les deux, il y a l’universalisme prétendument européen. Cette version est née de la volonté d’en finir avec les états-nations identitaires de la vieille Europe, accusés d’être responsables des guerres que le continent a connues. On a donc saisi l’occasion de la « construction européenne », dont la conséquence la plus visible a été de retirer aux démocraties nationales une partie de leur pouvoir, au bénéfice d’une superstructure non étatique, l’actuelle Union "Européenne".

Certains, peut-être plus lucides que d’autres, ont compris que l’Europe était le cadre naturel d’une véritable nation, ce dont, précisément, ils ne voulaient pas. Aussi ont-ils réussi à empêcher que la construction ne parvienne à son terme, qui serait la création d’un Etat européen souverain.

A part quelques symboles, comme l’hymne et le drapeau, et quelques réalisations utiles, comme la monnaie unique et l’union bancaire, l’actuelle Union "Européenne" est tout sauf européenne. Dans le conflit en Ukraine, ceux que l'on appelle "pro-européens" prennent directement leurs ordres de Washington. De façon générale, les dirigeants de l’Union s’appuient sur l’organisation militaire de l’OTAN, sur le FMI et sur la banque mondiale. Ils s’apprêtent à instaurer une zone de libre échange avec les Etats-Unis.

Il y a, entre les trois versions, quelque chose de remarquable. C’est leur parfaite complémentarité. Les impérialistes peuvent critiquer, à juste titre, l’échec de l’Europe des prétendus "européistes", lesquels peuvent leur renvoyer à la figure ces valeurs universelles que tous partagent. Et les universalistes assumés n’ont qu’à se féliciter de voir les autres travailler pour eux.

Rares sont ceux qui, comme Eric Zemmour ou Alain Finkelkraut, ne tombent pas dans le piège mondialiste. Malheureusement ceux-là n’ont pas vu que la seule façon de s’en protéger était d’assumer le cadre européen, en oubliant le cadre dit national. Si l’Union européenne peut être critiquée avec autant de pertinence, c’est bien parce que l’Europe est le cadre où la vision universaliste est la plus déplacée.

Peter EISNER (PSUNE/LBTF)