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24/02/2013

L’europhobie (II), comment la combattre ?

1. Un contexte europhobe mais funeste aux partis régionalistes qui s’y rallient.

europhobie,euroscepticisme,souverainisme,Marine Le Pen,Cambridge,David PujadasAnnoncée à plus de 17% des voix dans les derniers sondages, la surprise électorale de ce week-end de 2013 pourrait bien être le succès du populiste revendiqué, le trublion italien Beppe Grillo, qui prône un référendum sur l’€uro, alors même que Silvio Berlusconi flirte avec les thèmes eurosceptiques sans jamais franchir ce Rubicon que serait l’abandon de la monnaie unique. Toutefois, son éventuel succès, et en tout cas sa capacité de nuisance, est considéré comme une réelle possibilité qui inquiète les responsables de l’Union Européenne.

Certains craignent même une coalition peu probable entre le Parti de la Liberté et le Mouvement Cinq Etoiles. L’un comme l’autre en effet attisent la germanophobie, qui n’est pas seulement la manifestation d’hostilité envers le gouvernement allemand, mais une xénophobie de base. En exonérant le régime fasciste de sa politique antisémite, attribuée à tort à une pression allemande, Berlusconi n’a pas simplement provoqué le « politiquement correct ». Il a aussi implicitement accusé les allemands des maux économiques actuels. Quant à Grillo, ce dernier n’hésite pas à dire tout le bien qu’il pense d’organisations de tendance néo-fasciste comme Casapound.

La Ligue du Nord, en plein effondrement électoral, et qui a finalement accepté de se rallier à la bannière de Berlusconi, a résolument choisi de défendre une ligne anti-€. Il est vrai que le nationalisme europhobe du FN, qui n’est pas le signe d’une guérison prochaine mais un symptôme de la maladie, a réussi à contaminer les mouvements voisins pour leur malheur. Le Vlaams Belang, qui tombe à 6,5% des voix environ dans le dernier sondage (contre 40% pour le NVA non europhobe de Bart De Wever), s’écroule avant tout parce qu’il reprend les antiennes anti-UE du FN. Et de même, le mouvement catalan PxC (Plataforma y Catalunya) a perdu près de 50% de ses électeurs parce qu’il s’est associé aux conservateurs et nationaux-jacobins de la droite espagnole contre les nationalistes catalans de « gauche ». Sa progression s’était faite auparavant en se distançant radicalement des différentes phalanges de nostalgiques de la plus grande España, et en tenant en revanche une ligne dure vis-à-vis de l’immigration non-européenne. Désormais allié du néo-FN, il est obligé de taire ses revendications régionalistes, provoquant ainsi son effondrement dans l’opinion catalane. Alors que les mouvements nationaux écossais, catalans ou flamands sont en pleine expansion, mais sans jamais tomber dans l’europhobie, ceux qui au contraire choisissent une ligne souverainiste s’effondrent. C’est l’effet « Marine ».

Il y a un énorme travail de décontamination idéologique de pans entiers de l’opinion populaire européenne auquel il faudrait procéder. C’est aussi un travail d’explication du pourquoi nous en sommes arrivés là et du comment nous pourrons nous en sortir… ensemble, entre européens unis par un même idéal et conscients d’appartenir au même peuple, d’être détenteurs d’un même héritage civilisationnel. Ce n’est pas en dénonçant l’Allemagne dont nous serions prétendument les obligés, et encore moins en dénonçant le frère polonais ou bulgare (comme le fait UKiP), que nous arriverons à relever notre continent de sa ruine morale et de sa faillite économique.


2. Marine Le Pen à Cambridge ou face à David Pujadas, une europhobie sans véritables opposants.

Mais une fois de plus, c’est Marine Le Pen, l’europhobe en chef, qui fait parler d’elle cette semaine, à l’occasion de deux actualités la concernant, sa conférence à Cambridge de mardi dernier et l’émission présentée par Pujadas et que France 2 lui a consacrée jeudi. Elle en a profité pour dénoncer l’€uro comme le responsable, et seul coupable, de la crise économique et de la rigueur budgétaire. Elle a aussi dénoncé une fois de plus l’ « union soviétique européenne », idée qu’elle a reprise il y a maintenant plusieurs années à l’atlantiste russe Boukovski. Cette accusation est assez paradoxale puisque, dans le même temps, elle dénonce l’UE comme ultra-libérale. Ultra-libérale ou hyper-étatiste à la sauce URSS, il faudrait savoir. Surtout qu’en matière d’étatisme, Marine Le Pen n’a de leçon à donner à personne, reprenant sous l’influence de Florian Philippot les thèmes éculés de l’Etat chevénementiste.

Dans son discours de Cambridge, elle a également dénoncé la Françafrique, dont elle souhaite la fin, alors même qu’elle a pourtant soutenu l’intervention militaire française décidée par le président « socialiste » au Mali. En outre, elle est férocement attachée à conserver à tout prix les confetti de l’ancien empire colonial, n’ayant par exemple jamais remis en cause le rattachement à la France de l’île de Mayotte, se limitant à dénoncer le problème de l’immigration clandestine, comme si le problème n’était pas qu’un pays afro-musulman à 99%, détaché arbitrairement de l’ensemble des Comores depuis 1974, au mépris du droit international, soit considéré comme français.

François Lenglet aura beau lui opposer tous les graphiques imaginables, il n’aura pourtant pas raison de son adversaire. Alors que le Royaume-Uni, qui est hors zone €uro, vient de perdre son triple A, rejoignant ainsi la France, il était pourtant percutant de prendre l’exemple d’outre-manche pour démontrer que l’€uro est un bouc émissaire facile pour une démagogue professionnelle. On aurait aussi pu évoquer le cas de l’Islande ou a contrario montrer que l’€uro fort n’empêche pas l’Irlande de remonter la pente de manière très impressionnante. Mais lorsque la croyance populaire, attisée par des menteurs, repose sur l’idée que le prix de la baguette de pain aurait explosé à cause de l’€uro entre 2002 et 2013, alors que c’est le prix du blé qui a fortement augmenté en raison de la spéculation internationale, il est difficile d’expliquer de manière docte que le bon sens du citoyen de la rue est dupé, même s’il l’est.

Les chiffres de Marine Le Pen sont certes fantaisistes mais les querelles de chiffres ne permettent jamais à celui qui disposerait de chiffres plus crédibles de gagner. Plus c’est énorme, mieux c’est. Marine Le Pen peut annoncer un chiffre bidon sur le nombre de chômeurs, qui est de toute façon considérable, ou sur le coût de l’inflation. Il ne sert donc à rien de vouloir la démentir sur ces points. Il faut la démasquer, ce qui est à la fois beaucoup plus exigeant, car il est si facile de tenter à bon compte de la diaboliser bêtement, citations paternelles à l’appui, alors même que cette vieille ficelle n’a aucun impact sur un électorat qui n’est pas dupe de la manœuvre, et beaucoup plus exaltant. Faudrait-il encore avoir un contre-projet à lui opposer.

Or si un journaliste, qui devrait s’obliger à rester neutre, est mal armé pour la contrer, un homme politique, qui n’a pas à avoir d’état d’âme, devrait au contraire être apte à la déstabiliser, ce qui n’est pas encore le cas. Bruno Le Maire peut être par certains aspects habile, il n’en est pas moins en position de faiblesse, puisqu’il s’interdit de dénoncer un certain nombre de maux réels que son adversaire, en revanche, pourra lui opposer, et en premier lieu les problématiques migratoires. Nicolas Demorand peut rappeler qu’elle est une « fille à papa », il ne fera pas mouche.

La seule stratégie payante aurait dû être celle de l’étouffement de son adversaire, la contre-attaque systématique avec des arguments massue. Face à un tel discours, les fiches de Monsieur Philippot apprises par cœur par l’héritière du parti familial ne sont pas adaptées. Cela implique de ne pas avoir de tabous, de ne pas fermer les yeux sur l’insécurité importée ou sur le surflux migratoire. Il faut la démasquer et en particulier aux yeux de ses électeurs. Or que veut en priorité l’électeur qui choisit de voter FN ? Indiquer qu’il en a assez de l’islamisation et de l’allogénisation. Lui prouver que le remède passe par plus d'Europe et non par moins d'Europe, et le combat est remporté.

3. Un discours européiste d’opposition au souverainisme sans concession.

Face à « Marine » et à tous ses équivalents en Europe, le seul discours qui peut les faire vaciller et les amener au précipice, c’est l’européisme authentique, c’est le combat pour une Europe européenne et sociale, sans concession pour les Etats « nationaux » et leurs dirigeants. Il faut ôter à toutes ces formations europhobes le privilège d’être les partis « du réel », lorsque les media et la classe politique refusent de voir la vérité en face. L’UE doit être défendue non pour ce qu’elle est, car elle n’est pas digne d’admiration et encore moins d’enthousiasme, mais pour ce qu’elle pourrait être. A ceux qui dénoncent les insuffisances de l’UE, il ne faut pas jouer les euro-béats. Il faut expliquer qu’on ne peut pas avoir une autre UE à partir du moment où elle n’est que la somme d’Etats nationaux gangrénés, corrompus et dirigés par des incompétents ou des agents de l’idéologie mondialiste. L’UE est à l’image de ses Etats membres. Barroso n’est que la version bruxelloise de Hollande.

C’est donc contre l’Union Européenne telle qu’elle est mais aussi contre les Etats membres, au sens des gouvernements et des élites économiques et médiatiques, qu’il faut s’élever. « Marine » et les autres souverainistes, bien au contraire, n’envisagent leur action que dans le cadre (ex-)national. Ils font croire que le problème c’est l’UE et que l’Etat « national » est le remède à tout. Si l’Union Européenne est prétendument le problème principal, et non la solution, ça signifie que l’allogénisation et l’islamisation seraient de faux problèmes. C’est pourquoi le néo-FN de Marine Le Pen ne parle quasiment plus d’ « immigration », ou alors en la résumant aux clandestins, et privilégie en revanche des thèmes économiques sur lesquels il n’a aucune maîtrise et ne fait que bluffer à grands coups de tirades démagogiques sur la France qui souffre.

Combattre l’europhobie, c’est regarder l’état réel du continent européen, sans concession et sans aveuglement. C’est comprendre que le mal est beaucoup plus enraciné qu’on ne le croirait à première vue. S’imaginer que c’est un problème institutionnel, et non civilisationnel, est d’une naïveté confondante. Imaginer que l’Europe puisse se relever sans une rupture proprement révolutionnaire avec le modèle économique dominant est mensonger. Or, c’est uniquement au niveau européen, au niveau continental de la grande Europe de l’Islande à la Russie, que cette révolution nécessaire est simplement possible. Elle implique un parti pilote et une stratégie de conquête de l’UE. Il ne s’agit pas de vouloir détruire la construction européenne, renonçant à cinquante ans d’efforts pour bâtir un avenir commun, mais de la sauver, de la sauver d’elle-même d’abord, de la sauver de ses dirigeants actuels, et des gouvernements des Etats qui l’empêchent de devenir ce pour quoi elle a été conçue, l’assise d’une Europe unie.

En ce sens, les nationalistes europhobes, les souverainistes en général, sont les meilleurs alliés de fait des gouvernements « nationaux » de « gauche » ou de droite, qui se servent d’eux comme alibis pour freiner des quatre fers tout renforcement de l’Europe au détriment de leurs prérogatives. Quand « Marine » agite le spectre d’une Europe fédérale dont aucun chef de gouvernement ne veut en vérité, elle sert le pouvoir en place. Et elle éloigne de nous le salut qui pourrait venir d’une Europe politique forte, forte parce qu’unie.

C’est bien le « plus d’Europe » qu’il faut opposer aux eurosceptiques. Dès qu’on recule, en espérant que cette concession suffira à affaiblir leur discours, on leur donne raison. C’est au nom de l’Europe qu’on doit s’opposer à la « priorité nationale » et exiger l’exclusivité européenne. C’est au nom de l’Europe qu’on doit défendre l’€uro et cette Union Européenne par ailleurs si imparfaite, lorsqu’elle est mise en cause par des forces rétrogrades qui voudraient nous ramener à la France des années 50, mais avec le plein emploi en moins et l’immigration de masse en plus.

Thomas FERRIER
Secrétaire Général du PSUNE

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