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04/11/2012

Pour une géopolitique (vraiment) européenne !

 
insigne%20Eurocorps;maxh=150,maxw=150.jpgSortie d’une époque troublée, la géopolitique est redevenue une discipline fondamentale de l’analyse des faits contemporains et la base de stratégies d’alliance. Mais elle n’a pas pour autant cessé d’être la manifestation de la « volonté de puissance » des Etats. C’est ainsi qu’elle reste fondamentalement nationale, même si elle se place dans un cadre mondialisé. Le géopoliticien Aymeric Chauprade, qui refuse ce qu’il appelle les « pan-ismes », comme l’est par exemple le paneuropéanisme, reste ainsi dans une démarche nationale. Et un ouvrage récent d’un autre géopolitologue, Pascal Gauchon, s’intitule même « Géopolitique de la France ». En revanche, la « géopolitique de l’Union Européenne » sortie chez Ellipses paraît d’un poids bien modeste, par rapport aux ouvrages de la même collection consacrés à la Russie, à la Chine, à l’Inde et aux Etats-Unis. Enfin, seule exception à la règle, Yves Lacoste a consacré un numéro complet de la revue Hérodote à « l’Europe et ses limites ».

Or, le choix d’une géopolitique nationale n’est pas sans impact quant à l’avenir du continent européen puisqu’il implique des stratégies diplomatiques particulièrement centrifuges, tel pays jouant de ses liens avec tel ou tel ensemble linguistique, tel pays jouant de son positionnement géographique, tel pays conservant des liens avec un ancien empire colonial, tel pays enfin cherchant à maintenir une diplomatie dite « traditionnelle ». Cela amène à des alliances contre-nature dites de « revers », et surtout ces divisions favorisent des puissances extra-européennes qui raisonnent à l’échelle continentale, comme les Etats-Unis par exemple, la Chine ou le monde islamique.

La géopolitique « nationale » est devenue le pire ennemi du peuple européen, puisqu’au nom d’une diplomatie qu’on ne peut pas qualifier de « démocratique », les choix en la matière étant strictement ceux de nos dirigeants, cela amène à « vendre le pays » aux intérêts de telle ou telle puissance amie. Il suffit de songer au renforcement croissant des positions économiques du Qatar en France depuis plusieurs années.

Une géopolitique « nationale » qui trahit les intérêts du peuple.

La géopolitique française est essentiellement afrotrope, arabotrope et islamotrope. Cela tient aux liens conservés avec les anciennes colonies françaises, dont la langue française est bien souvent restée langue officielle, permettant de regrouper tous ces états au sein de la francophonie, et avec notamment les pays du Maghreb, dont l’islam est une composante « identitaire » essentielle. La décolonisation accomplie, on aurait pu penser que la stratégie de De Gaulle d’une réconciliation franco-allemande comme axe de base d’une unification politique du continent européen serait restée seule en piste. Or, même si le thème européen est demeuré fort, les dirigeants français ont maintenu les liens avec les anciennes colonies, encourageant même un fort flux migratoire venant de ces pays, au prix de déstabiliser profondément la société française. Présente encore sur les autres continents, par le biais de colonies redéfinies comme départements et territoires d’outre mer, la France conserve une vocation mondiale, voulant « jouer » dans la cour des grands.

Le danger d’une telle géopolitique, et on l’a vu avec les déclarations néfastes de François Hollande à Dakar il y a quelques semaines, c’est qu’elle amène les gouvernements français à pratiquer l’ingérence dans les affaires africaines, hier en Côte d’Ivoire et aujourd’hui au Mali, et surtout à faire preuve d’un laxisme coupable en matière migratoire. Tout cela éloigne la France de l’Europe alors que la crise de l’€uro devrait au contraire l’en rapprocher, et cela met la France en porte à faux vis-à-vis d’une Allemagne qui, à raison, se désintéresse des affaires africaines.

Enfin, l’islamotropie du gouvernement français amène à la mise en avant d’un discours antisioniste dominant, malgré des déclarations pro-israéliennes hypocrites, comme celles de François Hollande à l’égard de Benyamin Netanyahu, l’Etat cédant toujours davantage à des revendications communautaires islamiques et passant sous silence l’antisémitisme nouveau qui émerge des banlieues concernées. Une géopolitique européenne digne de ce nom aurait au contraire à cœur d’assurer la pérennité de l’Etat hébreu.

De même, le Royaume-Uni est prisonnier de sa diplomatie, qui est doublement coloniale, puisqu’elle entretient à la fois une relation de soumission à l’ancienne colonie de peuplement britannique que sont les Etats-Unis, et une relation de dépendance réciproque avec ses colonies africaines et asiatiques par le biais du Commonwealth. On notera ainsi que Londres a privilégié le soutien aux populations africaines de son ancien empire colonial, au détriment des européens installés en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Comme dans le cas français, cette diplomatie a amené le Royaume-Uni à accepter sur son sol plusieurs millions d’antillais, de pakistanais, d’égyptiens, d’indiens ou d’africains, déstabilisant dès les années 60 la société britannique. Des déclarations tonitruantes du conservateur Enoch Powell à l’émergence du « National Front », et jusqu’aux attentats islamistes de Londres, tout cela illustre le fait que cette diplomatie souveraine ne s’est pas faite au service des intérêts du peuple britannique, bien au contraire.

L’Espagne joue la carte de l’Amérique centrale et méridionale, par ces liens que sont la langue espagnole et l’ancienne sujétion coloniale, et enfin la carte géographique en entretenant une relation ambigüe avec le Maroc. Elle subit en retour ces dernières années une forte immigration en provenance de ces deux ensembles. Il ne s’agit pas de sud-américains d’origine espagnole souhaitant retourner au pays des pères, puisque généralement ceux-ci constituent l’élite politique et économique de leur pays de substitution, mais au contraire des anciennes populations soumises issues des civilisations précolombiennes. Et de même, alors que l’histoire de l’Espagne est celle d’une reconquista de huit siècles, suivie de l’expulsion des « Maures » en 1609, la question musulmane est revenue par le biais de l’immigration, au point où certaines organisations radicales se revendiquent d’Al-Andalus, mythe d’un âge d’or islamique, d’une « Espagne » tolérante, vue de l’esprit de doctrinaires mondialistes du XXIème siècle.

L’Allemagne a conservé sa diplomatie traditionnelle, celle déjà en vigueur sous Guillaume II. Elle a cultivé ses liens avec la Mitteleuropa, selon la théorie de Franz Neumann voulant que l’Allemagne ait vocation à unir autour d’elle l’Europe centrale et orientale. Elle a cultivé sous Schröder son amitié avec la Russie voisine, comme du temps de Bismarck. L’amitié française a malgré tout pu subsister, malgré les méfiances d’un Mitterrand face à la réunification allemande. Mais elle a aussi maintenu son turcotropisme, ce qui a amené dès les années 60 plusieurs millions de Turcs et de Kurdes musulmans à s’installer en Allemagne même, avec les conséquences identiques à celles que j’ai évoquées pour la France et le Royaume-Uni. Néanmoins, il faut reconnaître que la géopolitique allemande est pour le moment la plus européenne, parce que sa géopolitique traditionnelle a été considérablement fragilisée par l’usage qui en a été fait sous le régime national-socialiste.

La Russie quant à elle a toujours oscillé entre occidentalisme et slavophilie, entre l’Europe et l’Asie. La géopolitique « nationale » est eurasiatique, à l’instar des théories de Douguine, c'est-à-dire qu’elle présente la Russie comme un espace intermédiaire entre les deux continents et non comme un pays strictement européen. En réalité, l’occidentalisation comme l’affirmation du caractère slave de la Russie sont toutes deux pleinement compatibles avec l’européisme. Le fait que la Russie se soit rattachée la Sibérie à partir de 1589 ne change rien à sa nature européenne. Mais la géopolitique « nationale » nie ce fait, et amène un Poutine à s’allier à la Chine ou à l’Iran, mais aussi à tourner le dos à l’Union Européenne.

Le cas ukrainien l’illustre remarquablement, puisque le pays est tiraillé entre le Parti des Régions, russotrope, et le mouvement « Patrie » de Timochenko, américanotrope. On notera que le parti nationaliste « Svoboda » est à la fois hostile à l’Union Européenne et à la Russie, mais souhaite l’intégration de l’Ukraine à l’OTAN. La Russie, par crainte de l’Occident, au lieu de dissocier le reste de l’Europe des Etats-Unis, soutient des régimes rétrogrades comme celui de Loukachenko au Belarus, comme du semi-autocrate ukrainien Yanoukovitch. L’Ukraine, pays européen par excellence, pourrait au contraire servir de pont entre l’UE et la Russie, et ne remplit pas sa vocation naturelle. Elle est victime de deux géopolitiques contradictoires.

Ces exemples se retrouvent chez les autres pays européens, même si le poids de ces derniers rend leur géopolitique moins nocive. La Hongrie, sous l’influence des nationalistes du Jobbik, pratique ainsi une diplomatique nostalgique et parfois même fondée sur une histoire fantaisiste. Le lien forcé entre la Hongrie et les Huns amène Budapest à soutenir l’adhésion de la Turquie à l’UE, au nom d’une parenté imaginaire. En outre, elle reprend la vocation impériale d’une Hongrie amputée de son empire, du temps de la double monarchie austro-hongroise, et attise les revendications identitaires des Hongrois de Slovaquie et de Roumanie.

La Belgique maintient ses liens avec l’ancien Congo belge, les Pays-Bas avec le Surinam et l’Indonésie, le Portugal avec le Brésil, la Chine (via Macao), l’Angola et le Mozambique, l’Italie joue à nouveau la carte africaine comme sous Mussolini, et cela amène là encore à une immigration indésirable aux yeux de beaucoup de citoyens.

En conséquence, la géopolitique en Europe a deux résultats :

1. l’encouragement à une immigration extra-européenne non désirée par les Européens, que ce soit l’immigration centre-asiatique en Russie, l’immigration afro-musulmane en France, l’immigration sud-américaine en Espagne, l’immigration indo-pakistanaise au Royaume-Uni. Cela crée un flux que subissent les autres pays européens, même ceux qui n’ont jamais eu de colonies, comme la Grèce, l’Irlande ou le Danemark.
2. l’influence politique oppressante des Etats-Unis sur l’Europe occidentale et centrale, un regain nationaliste en Russie comme réponse politique à cette influence, et en conséquence la division de l’Europe, incapable d’opposer un front commun, politique comme économique, à ses ennemis. La géopolitique « nationale » éloignant la Russie du reste de l’Europe, mais aussi le reste de l’Europe de la Russie, à cause des USA, nuit à l’Europe. C’est logique car par sa nature « nationale », elle sert les stratégies souverainistes et est donc un facteur d’europhobie.

Vers une géopolitique européenne ?

De tous les partis politiques en France et en Europe, seul le PSUNE est déterminé à rompre avec ces géopolitiques « nationales » suicidaires, avec ces diplomaties obsolètes et contraires aux intérêts populaires. Il s’agit ni plus ni moins que d’élaborer une diplomatie européenne fondée sur une géopolitique européenne.

Cela implique un certain nombre de grands principes qu’il conviendrait de mettre en place rapidement, à savoir :

- le refus explicite de toute tutelle américaine, la relation bilatérale entre l’Europe et les USA devant être fondée sur un principe d’égalité, d’amitié et de totale indépendance. Il s’agit de mettre en œuvre une forme de politique Monroe à l’européenne. Si l’objectif n’est pas une rupture totale avec les USA, il s’agit de se faire respecter par ces derniers, ce qui peut passer par une phase de dureté. La première mesure essentielle c’est de dénoncer le traité de l’Atlantique Nord et d’exiger le départ des bases américaines hors d’Europe.
- une décolonisation assumée et menée à son terme. Cela implique un détachement total de l’Europe des questions africaines, la fin de la Françafrique et du Commonwealth, l’indépendance des dernières colonies (« DOM-TOM » et équivalents).
- une ouverture très forte de l’Union Européenne en faveur de la Russie, avec à terme la reconnaissance de la vocation de cette dernière à rejoindre l’UE. Dans le même temps, la diplomatie européenne doit changer de ton vis-à-vis de la Turquie d’Erdogan, mettre fin au processus d’élargissement qui l’associe, et exiger le départ des troupes turques hors de Chypre. En ce sens, l’UE doit oser prôner l’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, mais aussi du Belarus et de l’Arménie, et bien sûr, je l’ai dit, celle de la Russie.
- une politique remigrationniste afin de s’opposer au retour de la question coloniale, cette fois introduite au cœur même des anciennes métropoles. La « question (néo-)coloniale » est ce qui empêche la France et le Royaume-Uni notamment de jouer clairement la carte de l’Europe unie.

Enfin, en matière diplomatique et stratégique, l’euro-centrisme doit être la doctrine de base de toute politique européenne en la matière, et correspond à ce que fut l’isolationnisme en Amérique. Néanmoins, même si le refus de toute ingérence est affirmé, l’Europe aura besoin de fait d’alliés de revers face à certaines puissances qui peuvent menacer ses intérêts vitaux. Si elle parvient à établir une relation équilibrée avec les USA, tout en défendant âprement ses intérêts, elle doit vis-à-vis du monde islamique et de la Chine mettre en œuvre une diplomatie ambitieuse, et conforme à ses traditions les plus ancestrales. Quatre alliés se dégagent en Asie, à savoir l’Inde et l’Iran, et accessoirement l’Afghanistan et le Tadjikistan. Il s’agit pour l’Europe de maîtriser les ambitions turques, la Turquie étant alors coincée entre la Grande Europe et l’Iran, et de se protéger aussi du Pakistan, coincé entre l’Iran et l’Inde, mais facteur de déstabilisation de l’Asie Centrale et au-delà de la Russie.

Enfin, la frontière de l’Amour entre la Russie et la Chine va devenir la frontière entre l’Europe (élargie) et l’Asie. La géopolitique russe de Nicolas II doit devenir la géopolitique européenne de demain. On sait que la Chine cherche à développer ses relations avec l’Afghanistan, de même que l’Inde et la Russie. Il faut soutenir les secondes contre la première.

Le principal problème de cette alliance c’est que l’Iran et l’Afghanistan sont pour le moment soumis à des régimes islamistes, europhobes par nature. Il est bien évident que, pour des raisons totalement différentes de celles des Etats-Unis, l’Europe a intérêt à la chute de ces régimes et à la remise en avant des shahrs, c'est-à-dire des empires, traditionnels. Mohammed Reza Pahlavi et Zaher Shah étaient des europhiles patentés. Ils se souvenaient l’un comme l’autre des traditions ancestrales communes, indo-européennes, de cette parenté civilisationnelle pré-islamique si importante par ailleurs. Leur diplomatie aurait convergé naturellement avec celle d’une Europe européenne unie. C’est en ce sens qu’il faut encourager les populations iranophones notamment à reprendre leur destin en main et à revaloriser leur héritage ancestral au détriment d’un islam qui reste la religion d’un conquérant exogène.
 
Thomas FERRIER
Secrétaire général du PSUNE

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