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08/05/2011

Faire face à l'europhobie de "gauche" et de droite !

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Qu’est-ce que l’europhobie ? Il s’agit au sens strict de la peur irrationnelle de l’Europe, de l’unité politique du continent européen, ou simplement des Européens en général. Le réflexe europhobe peut arriver à des personnalités publiques qui par la suite feront promotion de l’union politique. Ainsi François Mitterrand a-t’il été atteint par deux fois d’un tel réflexe, en 1954 lorsqu’il vota contre le traité de la Communauté Européenne de Défense et en 1989 lorsqu’il manifesta publiquement ses réticences à l’idée d’une réunification allemande, blessant profondément l’opinion de beaucoup d’allemands. Mitterrand avait connu la seconde guerre mondiale et malgré cette empoignade célèbre avec Helmut Kohl, la réconciliation n’était pas si facile. Dans un discours à Strasbourg, quelques années après, célébrant le courage des soldats, quel que soit leur uniforme, Mitterrand a démontré qu’il était tout autant capable de manifester une europhilie sincère.

Il existe une europhobie de « gauche » et une europhobie de droite, qu’on ne saurait confondre avec l’euroscepticisme, même si la frontière entre les deux est parfois fragile. Il est difficile de dire si Chevènement par exemple est europhobe, sachant qu’il s’efforce toujours malgré des a priori très défavorables d’élaborer une critique qui se veut constructive et optimiste. De la même façon, le diplomate Hubert Védrine est très réservé sur le processus unitaire européen, de même que le géopoliticien « de droite », Aymeric Chauprade, hostile à ce qu’il appelle les pan-ismes selon sa grille d’analyse. On ne saurait les qualifier selon moi d’europhobes.

L’europhobe de « gauche » ne se contente pas de dénoncer le libéralisme de l’Union Européenne, les menaces sur les acquis sociaux ou sur le service public, et a cessé de revendiquer une « Europe sociale ». Le Parti des Travailleurs réclame ainsi que la France quitte l’Union Européenne. En vérité, l’essentiel de l’europhobie de « gauche », et des banlieues, est avant tout un racisme anti-blancs, et par extension une hostilité à la culture européenne et à la spiritualité pagano-chrétienne. C’est le rejet de l’européen en tant qu’européen au profit d’une diversité mondialiste et d’une « citoyenneté » planétarisée. L’extrême-« gauche » rejette aussi l’Union Européenne pour sa potentialité anti-mondialiste, parce qu’elle pourrait échapper à ses maîtres et devenir l’embryon d’une Europe régénérée, resourcée en elle-même, et à nouveau européenne. Bien que les flux migratoires vers l’Union Européenne soient intenses, et que le refoulement migratoire demeure marginal, l’extrême-« gauche » dénonce une Europe de l’exclusion, une « forteresse Europe » (expression rappelant la Festung Europa de la propagande nationale-socialiste), alors que c’est une « Europe passoire ».

L’europhobe de droite, souverainiste ou nationaliste, dénonce dans l’Union Européenne une entité politique qui attaque la nation, une nation fétichisée et redéfinie au mépris des faits historiques. L’européisme y est dénoncé comme un mondialisme, même si les européistes en question définissent l’Europe sur des bases anthropologiques et civilisationnelles objectives, comme un complot contre la nation, comme un viol du peuple. L’europhobe de droite ne cherche pas à fonder son refus sur une démarche critique, à la différence de l’eurosceptique, même s’il peut utiliser les arguments de ce dernier pour alimenter sa phobie ou la communiquer.

En premier lieu, l’europhobe de droite, souvent primaire, assimile l’Union Européenne à différents régimes totalitaires ou non. Certains qualifient à l’instar du libéral atlantiste russe Vladimir Boukovski, qui n’hésite jamais à exprimer son hostilité à Poutine et Medvedev par ailleurs, et qui ne vit pas en Russie, l’Union Européenne de nouvelle Union Soviétique. Marine Le Pen évoque ainsi une « UERSS » totalitaire. On cherche en vain goulags ou asiles pour dissidents politiques. En même temps, elle dénonce le libéralisme économique qui règne à Bruxelles. Une URSS libérale et atlantiste, voilà bien un étrange objet. D’autres considèrent que l’Union Européenne est un quatrième Reich, à l’instar de Pierre Hillard, qui voit dans les projets d’Europe des régions la réminiscence d’un fédéralisme SS. Il est vrai que la IXème symphonie de Beethoven par Von Karajan a pu être joué au moins d’avril 1945 dans les rues de la capitale allemande et que l’expression « communauté économique européenne » a pu être employé par Funk (Europäische Wirtschaftgemeinschaft). Mais en vérité, la comparaison est tellement caricaturale qu’elle n’en est que plus pathétique. Pan-Europe n’était pas la NSDAP, l’Union Européenne ne persécute pas les juifs. Enfin, certains comparent l’Union Européenne aux USA. Mais il y a plus fort encore. Certains réussissent l’exploit d’associer les trois comparaisons en même temps. Voilà donc une Union Européenne communiste mais libérale, fasciste mais mondialiste, totalitaire mais qui permet aux mouvements nationalistes d’avoir des députés à Strasbourg. Etonnant, non ?

En revanche, le drapeau français est paré de toutes les vertus. Pour des souverainistes ou nationalistes comme Dupont-Aignan ou Marine Le Pen, c’est assez logique. C’est plus surprenant chez une Ségolène Royal qui revendique ce drapeau à son tour, refusant de le laisser à l’extrême-droite. Mais la réponse au nationalisme n’est pas dans le nationalisme, de type universaliste qui plus est, de Ségolène Royal, qui est le même en fait que celui de Marine Le Pen. Mais dans le drapeau bleu étoilé.

UERSS.jpgeunaz2.gifPour symboliser leur « conception », différentes caricatures du drapeau européen sont proposées. J’en présente ici trois. Les deux premières considèrent l’UE comme nouvelle URSS. Le premier drapeau ajoute la faucille et le marteau ainsi que la mention « UERSS ». Le second drapeau, que je ne présente pas, représente l’actuel drapeau de l’UE repeint en rouge. Fortuitement, c’est aussi la couleur du drapeau du PSUNE et de l’euro-socialisme qu’il entend représenter. Le troisième drapeau témoigne de la volonté de nazifier l’Union Européenne, avec la couleur rouge, le cercle blanc et les étoiles noires. L’absurdité de cette caricature n’empêche pas des associations, des partis politiques et des groupuscules à les utiliser.

Que reproche-t’on à l’Union Européenne lorsqu’on est un europhobe de type nationaliste ? De détruire une nation qui existerait depuis deux millénaires ? Bien évidemment, tout historien sérieux sait que Vercingétorix, Clovis ou Charlemagne ne sont en rien des rois de France, même en gestation, et que le sentiment national français émerge au XVème siècle pour exploser à partir de la fin du XVIIIème siècle, comme dans les autres pays d’Europe. En fait, la nation française, comme la nation italienne ou la nation allemande, est beaucoup plus récente. Et l’unification capétienne doit tout à des contingences historiques, au hasard des traités et des mariages, et rien à une volonté nationale populaire. On pourrait même affirmer que Sieyès est le premier à théoriser véritablement la France comme nation, en 1789, dans son « Qu’est-ce que le tiers-état ? ».

Au nom d’une France universelle, on refuse une Europe unitaire. On refuse d’imaginer un devenir commun avec les autres européens, l’idée d’un peuple européen au singulier amènera l’europhobe de droite à nier la parenté entre européens, à la relativiser, selon le principe du « on est trop différents », alors même qu’on considérera les migrants francophones venant d’Afrique par exemple comme des compatriotes. En clair, la différence marginale est fétichisée et devient un obstacle absolu, alors que des différences beaucoup plus significatives sont niées au nom d’un universalisme français, qui a été responsable notamment de la colonisation, ce qui indique à quel point il est tout sauf une idéologie de progrès.

Haro sur l’€. De l’économiste Jacques Sapir à Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, l’euro est devenu le mal économique absolu. La dévaluation, ruinant les petits épargnants, devient en revanche une vache sacrée à honorer. Bien sûr, l’euro a des difficultés, essentiellement exogènes (la crise américaine des subprimes), comme le dollar d’ailleurs, difficultés principalement dues à l’indépendance de la Banque Centrale Européenne et à la volonté du gouvernement allemand de maintenir un euro fort, plus favorable à l’économie du pays. C’est ainsi qu’on peut considérer à sa manière Angela Merkel comme europhobe. Il faudrait, et le PSUNE le prône, que la BCE soit contrôlée par un véritable gouvernement européen, démocratiquement élu et légitime, et dans un premier temps, par une commission parlementaire européenne. C’est la seule réponse crédible à opposer aux adversaires de l’€. Marine Le Pen, toujours elle, prétend avoir toujours su que l’€ allait échouer et joue les Madame Irma en pronostiquant la disparition de l’euro. Méthode Coué.

L’€ est attaqué d’abord parce que c’est un des rares symboles européens qui parlent aux gens. C’est une preuve concrète et quotidienne de la réalité de l’Europe. Bien sûr, les europhobes dénoncent l’€ comme responsable d’une hausse des prix, ce qui est partiellement exact, mais le phénomène est compensé dans d’autres domaines, comme le coût de l’énergie. Et de toutes façons les opposants à l’euro fort sont bien souvent des anciens partisans du franc fort. Par ailleurs, si l’idée de revenir à une monnaie nationale n’est pas en soi choquante, pourquoi les opposants français à l’euro veulent ils appeler cette monnaie « franc » ? On voit bien ici que l’euro n’est un problème que parce qu’il blesse le fétichisme cocardier de certains. Les considérations économiques de « gauche » ou de droite contre l’€ ne sont en vérité qu’un cache-sexe pour des considérations bassement europhobes.

On fétichise la nation, tout en refusant l’idée de l’Europe comme nation. On fétichise le service public tout en refusant d’imaginer un service public européen qui en serait le meilleur rempart. On dénonce l’euro comme ruineux alors que son abandon appauvrirait considérablement le pays. On souhaite le retour aux frontières nationales au lieu d’exiger de vraies frontières européennes. Schengen n’est en rien un problème si les clandestins extra-communautaires sont systématiquement réimplantés dans leur pays. On dénonce une Europe vassale des USA alors que la France seule le serait bien davantage encore, pour de simples raisons de moyens. On récupère De Gaulle dans un sens europhobe alors que le général, bien que sceptique face à la construction européenne qu’il voyait en son temps, avait compris l’Europe politique unitaire comme une nécessité absolue.

Face à l’europhobie, ce n’est pas en parlant d’identité nationale, mal définie d’ailleurs puisque rendu compatible avec la diversité, selon un contre-sens absolu, comme le fait Nicolas Sarkozy, ce n’est pas en voulant imposer le drapeau bleu-blanc-rouge à chaque foyer comme le voulait Ségolène Royal en 2007, ce n’est pas en cessant de parler d’Europe comme le fait François Bayrou depuis plusieurs années, qu’on s’oppose à l’europhobie. On s’y oppose d’abord en prenant en compte les critiques des euro-sceptiques et en faisant de l’Union Européenne une véritable Europe politique puissante ! C'est-à-dire en opposant à la souveraineté française imaginaire (on n’est souverain que si on est assez fort pour l’être) une souveraineté européenne bien réelle. On s’y oppose ensuite en montrant que la « francité authentique » c’est l’européanité. On ne s’y oppose pas en imitant les europhobes, imaginant faussement que leurs électeurs le sont aussi, alors que généralement ils ne votent pour la droite « populiste » qu’à cause de l’immigration extra-européenne et pour la gauche « populiste » qu’à cause du chômage et des outrances de l’hyper-classe, et pas par rejet de l’UE. Tout au plus par déception de cette dernière, déception justifiée, et déception qu’on résorbera en faisant de l’Europe une nation au sens fort, une nation souveraine, puissante et vraiment européenne !

Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE

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