11/06/2010
Victoire des mouvements libéraux aux Pays-Bas
Huit ans après l'émergence du mouvement de Pim Fortuyn et son assassinat par un déséquilibré, cinq ans après le non au référendum sur le traité « constitutionnel », les néerlandais votaient ce mercredi aux élections législatives, quatre ans après celles de 2006. Si, il y a quelques mois, le leader du parti national-libéral PVV, Geert Wilders, était annoncé comme un possible premier ministre, les derniers sondages l'annonçaient aux alentours de 10% environ des suffrages, ce qui représentait une nette progression par rapport à 2006 mais une baisse sensible par rapport aux 17% qu'il avait obtenus aux élections européennes. Les résultats prouvent que les sondeurs et les journalistes, consciemment ou inconsciemment, ont voulu favoriser un fort vote utile au détriment du PVV.
Analysons en premier lieu les résultats de ce scrutin, par comparaison avec celui de 2006. Le premier enseignement est l'effondrement de l'union démocrate chrétienne (CDA, « Christen-Democratisch Appèl ») de Balkenende, auparavant au pouvoir, avec seulement 13.7% des voix et 21 députés contre 26.5% et 41 députés en 2006. Le parti a perdu près de 50% de ses électeurs, qui se sont rabattus sur le VVD (libéraux) de Rutte, sur de petites listes centristes et dans une moindre mesure sur le PVV de Wilders. Le VVD (« Volkspartij voor Vrijheid en Demokratie ») est en effet le grand gagnant de 2010, avec 20.4% des voix, ce qui en fait le premier parti du pays, et 31 sièges, contre 14.7% et 22 sièges il y a quatre ans.
Les sociaux-démocrates du PvdA (« Partij van de Arbeid »), perdants eux-aussi, passent de 21.2% à 19.6%, de 33 à 30 sièges. Dans un contexte de crise, avec comme candidat le populaire Jeb Cohen, les travaillistes conservent une grande part de leur capital de sympathie aux yeux des électeurs. Tel n'est pas en revanche le cas du Parti Socialiste (« Socialistische Partij »), très à gauche, qui passe de 16.6% à 9.9% et de 25 à 15 sièges. Avec un PvdA en baisse, l'électorat du SP n'est certainement pas allé à gauche mais s'est très probablement reporté sur la liste PVV de Geert Wilders. Ce passage d'un vote populaire de l'extrême-gauche à une sorte d'extrême-droite n'est pas surprenant. Le FPÖ autrichien capitalise de nombreuses voix ouvrières, comme le Jobbik hongrois et même le Front National français dans les régions du Nord. Wilders, dont le discours économique est moins libéral qu'on ne le croit, les classes populaires indigènes lui ont fait confiance.
Le PVV de Wilders est le grand gagnant de ces élections, avec le VVD. Il obtient 15.5% des voix contre 5.9% en 2006, soit 2.5 fois plus d'électeurs en pourcentage, et passe de 9 à 24 sièges, soit une progression de 15. Il a récupéré, on l'a vu, un électorat eurosceptique qui se portait auparavant sur le SP et a gagné des voix à la sociale-démocratie et aux démocrates-chrétiens. Son score écrase la concurrence nationaliste, Rita Verdonk et son Fiers des Pays-Bas (« Trots op Nederland ») n'obtenant que 0.6% des voix et la petite liste Partij Een 0% et seulement 2000 voix dans tout le pays.
Les petites listes sont également gagnantes, avec D66 (« Democraten 66 »), mouvement de centre-droit, passant de 2% à 6.9% et de 3 à 10 sièges, et les Groenlinks (« verts de gauche ») [GL] de 4.6% à 6.6% et de 7 à 10 sièges. En revanche, l'Union chrétienne (« ChristenUnie ») recule de 4% à 3.3%, perdant un siège (contre 6 en 2006). Le parti de défense des animaux maintient son score de 1.3%. Enfin, le SGP (« réformistes) passe de 1.3 à 1.7%.
Les libéraux, ceux du VVD et du PVV, obtiennent donc 55 sièges sur 150, alors que la gauche réunie obtient également 55 sièges (PvdA+SP+Groenlinks). La droite non-libérale, démocrate-chrétienne ou centriste, obtient 38 sièges. Le nouveau parlement sera donc très partagé et la mise en place d'une coalition gouvernementale ne sera pas chose aisée. Une « grande coalition » à l'allemande, VVD/PvdA/CDA, favoriserait le PVV de Wilders et assurerait éventuellement un renouveau du SP.
Geert Wilders quant à lui est la figure montante de la droite nationale néerlandaise. Le personnage est atypique et son idéologie composite peu satisfaisante aux yeux d'un européaniste, et c'est peu de le dire. Wilders est modérément libéral sur le plan économique, n'ayant pas hésité à recourir à une certaine démagogie en la matière, alors qu'il annonce des concessions aux libéraux depuis hier, dans l'optique de faire partie d'une coalition au pouvoir. C'est un adversaire résolu de l'Union Européenne et un opposant à la monnaie unique (€-phobe), bien qu'il ne se définisse pas comme nationaliste. C'est un atlantiste, ouvertement favorable au modèle américain, et un pro-israélien caricatural, ce qui a amené la communauté israélite des Pays-Bas à marquer une nette séparation d'avec le PVV, de peur d'être associée aux diatribes de Wilders envers l'islam. En effet, islamophobe primaire, Wilders prônant l'interdiction de la vente du Coran, il marque toutefois une certaine complaisance à l'égard d'autres populations migrantes, non-musulmanes, comme les antillais des îles Aruba ou les surinamiens. En clair, son opposition à l'immigration se résume à la problématique de la compatibilité entre l'islam et le modèle occidental actuel, que Wilders ne remet aucunement en cause. Partisan du libertarisme moral le plus exacerbé, il ne prône pas le renouveau de la civilisation européenne, n'évoque pas les problèmes de natalité et ne reproche à l'islam que son attitude à l'égard du féminisme, de l'homosexualité et des valeurs marchandes.
Or, l'Occident n'est pas l'Europe, l'islam est arrivé avec les flux migratoires extra-européens, le libéralisme économique les a encouragés, la décadence morale les a facilités. Il ne s'agit pas de rejeter l'islam au nom d'un occidentalisme perverti et immoral mais au nom de l'européanité et des valeurs éternelles de notre civilisation, valeurs qui s'enracinent dans la Grèce classique et non pas dans la bourgeoisie dévoyée de la fin du XXème siècle.
Thomas Ferrier (SG-PSUNE)
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